Mars 2025
Le mois de février s’en va, emportant le lot de festivités associées à ce qui est devenu un rendez-vous commercial : la Saint-Valentin. Cette fête d’origine catholique souligne l’importance de l’amour et des relations affectives.
Elle prend son origine dans la vie de Saint-Valentin de Rome, qui mariait des soldats à leurs promises dans les prisons de l’Empire Romain, alors que le christianisme y était encore interdit. L’empereur Claude II le fit décapiter. Une fois la religion catholique devenue religion officielle, le Pape Gélase I intègre cette célébration de l’amour humain au calendrier grégorien pour combattre les festivités païennes de la fertilité, les lupercales. Avec le temps, le sens des deux se mélange. Au Moyen Age, la fête incorpore les constructions de l’amour courtois.
Pour les féministes, la Saint-Valentin renforce surtout la construction culturelle de « l’amour romantique », potentiellement dangereuse parce qu’elle induit et dissimule des violences structurelles. Pour ce motif, je publie des extraits du chapitre sur le vécu sexuel et le cadre hétéronormatif de mon essai Pour une non-violence politique, qui propose d’éliminer les violences relationnelles structurelles par des transformations sociales.
« Le patriarcat a pris soin de séparer, des siècles durant, le privé du public. On le sait aujourd’hui : cette séparation n’est que l’énième rouage, bien conçu, du mécanisme de domination qu’il met en place. Les foyers sont des boîtes noires où se joue un rapport de force, en conditions faussées dès le départ, sur lequel personne n’a de regard. La sexualité, un rapport paramétré par des données culturelles pour asservir les femmes : tabou du désir féminin, imposition à la femme du rôle d’objet, conditionnement du plaisir féminin par le biais des imaginaires sociaux. A cela s’ajoute, au temps où la pornographie emprunte le chemin des mass média, la diffusion massive d’un imaginaire du plaisir féminin qui se superpose à celui du fantasme masculin et qui est faux : on ne compte plus les alertes lancées par le féminisme concernant la pornographie et le rôle qu’elle joue, tant dans le développement du système prostitueur que dans la mise en place de dynamiques violentes à l’encontre des femmes. […] La sexualité a toujours été politique. Mass média aidant, elle l’est peut-être aujourd’hui un peu plus.
Les procès des affaires de viol disent on ne peut plus à quel point la sexualité est politique : le poids des stéréotypes de la tentatrice et celui de l’irrépressible libido féminine, que la femme se trouverait par la suite dans l’incapacité d’assumer, font des ravages. La victime se retrouve assez systématiquement en position d’accusée, alors même qu’elle a une véritable fracture psychologique à surmonter, scrutée par l’institution et le collectif, suspectée. Sa vie est usuellement passée au peigne fin, on ne cherche même pas un fait, on cherche une nature : celle de la femme dissolue ou de la femme tentatrice. Des femmes ayant subi une effraction corporelle et psychique se retrouvent à subir des effractions à répétition […]
Avec le consentement on touche au premier nœud à explorer pour ce qui est de la question du vécu sexuel. Elle est intimement liée à la question de la représentation des femmes en tant qu’objet ou que sujet. Geneviève Fraisse avait bien exploré la question du consentement dans son essai du même nom (2007). En effet, cette notion est bien plus complexe que ce qu’il est possible d’imaginer à première vue. Acte intime qui engage deux personnes, le consentement implique un rapport. C’est d’abord un rapport à soi, puis un rapport à l’autre (Fraisse, 2007 : 17). Sa nature est cependant comme à double face « s’agit-il de liberté, ou d’inévitable rapport de force ? » (Fraisse, 2007 : 25). Puis, le consentement est sous-tendu par un éventail d’affects, qui oscillent entre le choix et la contrainte. Par ailleurs, la notion même de consentement entretient les imaginaires sociaux qui interviennent dans les procès concernant les viols […] le viol est une question de pouvoir, et la violence un outil de définition identitaire donné par le social.
La notion de consentement est inextricablement liée aux rapports d’objet : alors que le sujet agit, l’objet consent. C’est un peu ce qu’exprime Fraisse lorsqu’elle se demande si le consentement est le signe de la liberté ou d’un inévitable rapport de force. Tout un outillage conceptuel a été mis en place par le patriarcat pour encadrer la sexualité. La notion de conquête, qui sert de métaphore au rapport amoureux des sociétés hétéronormées en fait partie et dit bien, elle aussi, ce rôle d’objet inhérent au rapport amoureux et au rapport sexuel. Non seulement l’homme agit et la femme subit, mais elle doit encore résister à l’action de l’homme. Cela pose bel et bien un rapport de force dans l’imaginaire, qui inverse le rapport de force réel : c’est parce que les hommes dominent les femmes que celles-ci sont tenues au rôle d’objet.
Dans une société non violente, les individus seront des égaux différents. Dans sa quête de communication avec l’autre, Octavio Paz avait écrit un magnifique chapitre final au Labyrinthe de la solitude concernant le rapport amoureux (1995). Avec sa précision de poète il y identifiait l’amour comme acte antisocial. Paz disait avant l’heure, par cette seule image, toute la réalité du genre en matière amoureuse. Parce qu’il encadre les identités, le genre rend impossible toute communication. Paz parlait des constructions identitaires de genre comme autant de masques. En effet, impossible si l’on porte un masque de voir le visage de l’autre, et donc, impossible de communiquer avec l’autre. Pour Paz, l’amour est antisocial parce qu’il n’est pas possible dans le social de communiquer avec l’autre : celui-ci n’est que le rôle qu’il revêt.
L’image de Paz est saisissante, et tellement juste. Ni l’amour, ni la sexualité n’engagent dans nos sociétés vraiment les individualités. Ils sont codés. Non pas qu’il n’y ait jamais aucune occurrence d’amour ou de sexualité « vrais », mais que ceux-ci sont si normés que ces occurrences ne sont pas la norme, mais l’exception.
Dans une société non violente amour et sexualité s’établiront entre égaux. Ils concerneront deux sujets. Le plaisir et le désir féminin ne seront pas un tabou parce que tout individu est sujet de plaisir et de désir, ce sont deux des éléments de l’humain. En cela le plaisir sera pensé pour ce qu’il est : comme quelque chose ayant partie liée aussi à la subjectivité et non pas pensé pour universel. Si la pornographie est aujourd’hui un réel fléau pour les femmes c’est parce que la plupart des fictions pornographiques sont, en fait, une incitation à la haine des femmes. Elles font bien plus que normaliser la violence : elles dépeignent la violence comme étant source de plaisir [… ]
Amour et sexualité unissent, dans des sociétés non violentes, deux individus qui tout en étant différents sont, aussi, égaux. Les différentes orientations sexuelles ne constituent, par ailleurs, que des traits distinctifs de chaque individu, de même que la couleur de cheveux ou de peau. Elles ne souffrent pas de hiérarchies.
Amour et sexualité sont pensés, dans des sociétés non violentes, comme rencontre de deux individualités. En tant que rencontre de deux individualités ils sont toujours uniques et à découvrir, puisque chaque individu est unique. Ils sont, avant tout, une des formes de communication qui s’établissent entre deux individus égaux et différents. »
[TRENTE ANS DE PRISON, POUR STERILISATION FORCEE ET SEVICES]

Gustav Moreau, Le Victorieux Sphinx (détail), 1886.
¿Qué alternativa al “amor romántico?
El mes de febrero ha traído su lote de rituales de San Valentín. Reproduzco fragmentos del capítulo dedicado a la vivencia sexual y el marco heteronormativo de mi ensayo Para una no-violencia política (ed. Vérone).
Marzo de 2025
El mes de febrero se va, llevándose el lote de festividades asociadas a lo que se ha convertido en una cita comercial: San Valentín. Esta fiesta de raíz católica subraya la importancia del amor y de las relaciones afectivas.
Se origina en la vida de San Valentín de Roma, que casaba a los soldados con sus prometidas en las cárceles del Imperio Romano, cuando el cristianismo todavía estaba prohibido. El emperador Claudio II lo mandó decapitar. Una vez la religión católica convertida en religión oficial, el Papa Gelasio I integra esa celebración del amor humano al calendario gregoriano para combatir las festividades paganas de la fertilidad, las lupercales. Con el tiempo, el sentido de ambas se mezcla. En la Edad Media, la fiesta incorpora las construcciones del amor cortés.
Para las feministas, San Valentín refuerza sobre todo la construcción cultural del “amor romántico”, potencialmente peligrosa porque induce y disimula violencias estructurales. Por dicho motivo, publico extractos del capítulo sobre la vivencia sexual y el marco heteronormativo de mi ensayo Para una no violencia política, que propone eliminar las violencias relacionales estructurales con transformaciones sociales.
“Durante siglos, el patriarcado se ha cuidado de separar lo privado de lo público. Lo sabemos hoy: dicha separación no es sino el enésimo engranaje, bien pensado, del mecanismo de dominación que contribuye a fundamentar. Los hogares son cajas negras donde se juega una relación de fuerza, en condiciones falseadas desde el principio, que nadie controla. La sexualidad, una relación parametrada por pautas culturales para dominar a las mujeres: tabú del deseo femenino, imposición del papel de objeto a las mujeres, condicionamiento del deseo femenino a través de los imaginarios sociales. A ello se añade, en un momento en que la pornografía se difunde a través de medios de masa, la propagación masiva de un imaginario del placer femenino que se superpone al del deseo masculino y que es falso: ya no se cuentan las alertas lanzadas por el feminismo a propósito de la pornografía y el papel que desempeña, tanto en el desarrollo del sistema prostituyente como en la puesta en marcha de dinámicas violentas hacia las mujeres […] La sexualidad siempre ha sido política. A causa de los medios de masa, quizá hoy lo sea algo más.
Los juicios por violación dicen hasta más no poder hasta qué punto la sexualidad es política: el peso de los estereotipos de la tentadora y de la irrefrenable libido femenina, que la mujer sería después incapaz de asumir, hacen estragos. De forma sistemática, se sitúa a la víctima en posición de acusada, aun cuando tiene que sobreponerse a una verdadera fractura psicológica, escrutada por la institución y por el colectivo, siendo fuente de sospechas. Su vida suele ser examinada al milímetro, ni siquiera se busca un hecho, se busca una naturaleza: la de la mujer disoluta o la mujer tentadora. Mujeres que han sufrido una efracción corporal y psíquica sufren efracciones en serie […]
Con el consentimiento tocamos el primer nudo a explorar en lo que se refiere a la vivencia sexual. Se encuentra íntimamente vinculado a la cuestión de la representación de las mujeres en tanto que objeto o sujeto. Geneviève Fraisse había explorado la cuestión del consentimiento en su ensayo homónimo (2007). En efecto, dicha noción es más compleja de lo que se puede imaginar a primera vista. Acto íntimo que implica a dos personas, el consentimiento conlleva una relación. Se trata en primer lugar de una relación a sí mismo, y de una relación al otro (Fraisse, 2007: 17). Sin embargo, supone cierta duplicidad “¿se trata de libertad, o de inevitable relación de fuerza?” (Fraisse, 2007: 25). Además, en el consentimiento subyace un abanico de afectos, que oscilan entre la elección y la obligación. Por otra parte, la misma noción de consentimiento alimenta los imaginarios sociales que intervienen en los juicios por violación […] la violación es una cuestión de poder, y la violencia una herramienta de definición identitaria dada por lo social.
La noción de consentimiento se encuentra inextricablemente vinculada a las relaciones de objeto: mientras que el sujeto actúa, el objeto consiente. Es un poco lo que expresa Fraisse cuando se pregunta si el consentimiento es signo de libertad o de inevitable relación de fuerza. El patriarcado ha creado toda una serie de herramientas conceptuales para enmarcar en pautas la sexualidad. La noción de conquista, que sirve de metáfora a la relación amorosa en sociedades heteronormadas es una de ellas, también significa bien el papel de objeto inherente a la relación amorosa y a la relación sexual. No sólo el hombre actúa y la mujer se somete, sino que además debe resistir a la acción del hombre. Ello instala en los imaginarios una relación de fuerza que invierte la de la realidad: es porque los hombres dominan a las mujeres por lo que éstas son relegadas al papel de objeto.
En una sociedad no violenta, los individuos serán iguales diferentes. En su búsqueda de comunicación con el otro, Octavio Paz había escrito un magnífico capítulo final al Laberinto de la soledad, trataba la relación amorosa (1995). Con su precisión de poeta, identificaba el amor como acto antisocial. Paz anticipaba, con esa sola imagen, toda la realidad del género en materia amorosa. El género vuelve imposible la comunicación porque enmarca a las identidades. Paz identificaba las construcciones identitarias de género con máscaras. En efecto, es imposible ver la cara del otro cuando lleva una máscara, y por tanto, imposible comunicar con él. Para Paz, el amor es un acto antisocial porque en sociedad no es posible comunicar con el otro: éste no es sino el papel que reviste.
La imagen es impresionante, y tan acertada. Ni el amor, ni la sexualidad implican realmente en nuestras sociedades a individualidades. Están codificados. No porque nunca se den el amor o la sexualidad “reales”, sino porque éstos se encuentran tan codificados que el que eso suceda no son la norma, sino la excepción.
En una sociedad no violenta el amor y la sexualidad se establecerán entre iguales. Implican a dos sujetos. El placer y el deseo femeninos no serán un tabú, ya que todo individuo es sujeto de placer y de deseo, son dos elementos de lo humano. Por eso, el placer se pensará como lo que es: algo vinculado a la subjetividad y no algo universal. Si la pornografía es hoy una verdadera plaga para las mujeres es porque en realidad la mayoría de las ficciones pornográficas incitan a odiar a las mujeres. Hacen mucho más que normalizar la violencia: la describen como fuente de placer […]
Amor y sexualidad unen, en sociedades no violentas, a dos individuos que, a la vez que son diferentes, también son iguales. Las distintas orientaciones sexuales no constituyen, por lo demás, sino rasgos distintivos de cada individuo, al igual que el color de pelo o de piel. No sufren jerarquías.
Amor y sexualidad se piensan, en sociedades no violentas, como encuentro de dos individualidades. En tanto que encuentro de dos individualidades siempre son únicos y por descubrir, ya que cada individuo es único. Son, ante todo, una de las formas de comunicación que se establecen entre dos individuos iguales y diferentes”.
[Treinta años de cárcel, por esterilización forzada y torturas]