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Billet de blog 1 novembre 2025

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Betty Lachgar, Typhaine D, Pinar Selek : à nos sœurs militantes

Il arrive que des militantes féministes paient un prix inadmissible pour leurs convictions, à moindres frais pour le système. Trois militantes à suivre et à aider, chacun.e avec nos moyens…

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Il est bien connu qu’être féministe n’est pas toujours de tout repos. Parfois, cette condition est encore plus éprouvante que d’autres et certaines de nos sœurs donnent vraiment de leurs vies pour nous faire progresser toutes. Récemment, trois militantes féministes ont confronté la répression et l’injustice du patriarcat, qui continue de sévir. Au Maroc, Betty Lachgar ; en France, Typhaine D. ; en Turquie, Pinar Selek.

Ibtissame Lachgar, dite Betty Lachgar, est une militante des droits humains et féministe radicale abolitionniste marocaine. Au long de son parcours, elle défend les libertés individuelles. Née à Rabat, elle étudie à Paris, en psychologie clinique, criminologie et victimologie.

En 2009, elle cofonde avec Zineb El Rhazoui au Maroc le Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (MALI). Féministe universaliste, le mouvement œuvre pour les droits des femmes et des LGBT, l’avortement, la liberté sexuelle et l’instauration d’un État laïc. Avec lui, Betty Lachgar mène plusieurs actions coup de poing. En 2009, c’est un pique-nique durant une journée de Ramadam ; en 2013, un kiss-in de soutien à des adolescents arrêtés pour poster sur Facebook une photo en train de s’embrasser. Causant scandale, elles ont permis d’ouvrir le débat sur les libertés individuelles au Maroc.

Betty Lachgar défend la communauté LGBT. Participant régulièrement aux Marches des fiertés en Europe, elle a pris son parti au Maroc. En France, elle a intégré une action de Femen en défense du mariage homosexuel, devenant la deuxième femme afro-arabe à se dénuder lors d'une manifestation publique. Au Maroc, elle a mis en place la « Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie », célébrée le 17 mai. En 2016, elle co-fonde Shams France, qui protège les droits des jeunes LGBTI d'origine maghrébine.

Depuis 2018, elle milite au sein du Collectif abolition porno prostitution (CAPP), qui combat l'exploitation sexuelle du corps féminin. Contraire à l’emprise de la religion sur l’espace public, Betty Lachgar milite pour la laïcité, s'oppose au port du voile et souhaite que l’avortement soit légalisé au Maroc. Elle assume publiquement son athéisme.

Cet été, après avoir publié sur le réseau social X une photo d’elle portant un tee-shirt avec l’inscription « Allah is lesbian » accompagnée du commentaire « Toutes les religions sont phallocrates et misogynes », elle est placée en garde à vue. Une vague de comptes anonymes, qui seraient rattachés à la mouvance identitaire Moorish, la prend pour cible sur le réseau social et signale le post à la direction générale de la sûreté nationale. Ibtissame Lachgar déclare avoir reçu de nombreuses menaces de viol ou de lynchage.

Condamnée le 3 septembre à 30 mois de prison et 50 000 dirhams (4 750 euros environ) d’amende pour « atteinte à l’islam », la cour d’appel de Rabat confirme la peine. Malgré son état de santé -elle devait être opérée pour remplacer la prothèse qu’elle porte au bras à la suite d’un cancer des os- la justice lui refuse la mise en liberté provisoire. Récemment, sa sœur s’est inquiétée pour ses conditions de détention, qui s’apparentent à l'isolement : seule en cellule, elle fait seule ses promenades et elle n’a pas le droit de parler avec d’autres détenus. Un mouvement international de soutien s’est mis en place depuis l’arrestation.

En France, à peu près au même moment, Typhaine D confronte le procès de 9 hommes qui l’avaient cyberharcelée en 2022, la menaçant de viol et de mort, la poussant au suicide et appelant à l'assassiner. L’épisode fait suite à ses prises de position, dans son activité artistique et militante, qu’elle confirme et défend lors d’un entretien médiatique.

En effet, Typhaine D est dramaturge, metteuse en scène, comédienne et professeure de théâtre. Elle a mis en place divers spectacles de sensibilité féministe. En 2012, elle crée Contes à rebours, qui revisite les contes de fées investissant les personnages féminins d’une valeur forte et positive. La pièce rencontre un succès international. Partisane du langage épicène, qui vise à éliminer les discriminations sexistes, elle en use dans La Pérille Mortelle, qui lui vaut un prix d'éloquence en 2017.

Puis, Typhaine D crée une langue 100% féminine, qu’elle nomme La féminine universelle. Le féminin y remplace le neutre du masculin. Dans son Manifeste de la féminine universelle, elle la décrit comme « l’invention d’une grammaire féministe impertinente, de mots inventés comme ‘Femmage’, (...) ; la détournemente d’expression anciennemente misogynes, spécistes, misopédiques, racistes, classistes, validiste ou oppressives de quelque autre manière ».

Défendant les droits des femmes, l’égalité entre les hommes et les femmes et l’abolition de la prostitution, Typhaine D milite dans Osez le féminisme et le Collectif féministe contre le viol. Souvent, la presse la sollicite pour s’exprimer sur les violences faites aux femmes. En janvier 2018, le Centre Hubertine Auclert intègre Contes à Rebours à l'Égalithèque.

Conséquente, Typhaine D déclare avoir porté plainte autant pour donner du sens à l’épisode douloureux de harcèlement, contribuant à ce que la justice reconnaisse certaines pratiques, que pour sensibiliser sur la réalité de ces violences et leur effet sur la vie et la santé physique et mentale des victimes. Le verdict des inculpés sera connu le 10 novembre.

L’épreuve qu’a confrontée récemment l’intellectuelle et militante turque Pinar Selek intègre un long et douloureux parcours. Sociologue, écrivaine et militante antimilitariste et féministe, elle a obtenu l’asile politique en France, où elle vit depuis 2011. En 2017, elle obtient la nationalité.

Ses recherches sur la question kurde et le droit des minorités aux luttes sociales lui ont valu de devenir la cible du pouvoir turc. Arrêtée en 1998, la police la torture pour lui faire révéler ses sources – militant.e.s, prisonnier.e.s politiques, familles de combattants-, elle refuse. Puis, elle est accusée d’être la responsable d’une explosion au marché aux épices d’Istanbul ayant causé sept morts.

Bien que les expertises aient prouvé qu’il s’agissait d’un accident, la justice turque a continué à la poursuivre durant presque 30 ans. Acquittée quatre fois, sa vie est devenue un procès permanent. Une sixième audience se tenait à Istanbul le 21 octobre, elle encourait la réclusion à perpétuité. Le cauchemar continue et le procès est reporté au 2 avril 2026. A chacun de ses procès des délégations européennes l’ont accompagnée pour lui témoigner son soutien et la protéger par leur présence.

Suivant les conjonctures, les vies des militantes féministes peuvent encore être soumises aux plus grandes arbitrarités, à moindres frais pour le système. Nous les remercions d’autant plus et leur voueront notre reconnaissance éternelle et notre soutien. Continuons à conjuguer nos efforts, pour mettre fin au patriarcat.

Illustration 1

Gustav Moreau, Le victorieux Sphinx (détail), 1886.

Betty Lachgar, Typhaine D, Pinar Selek… A nuestras sororas…

A veces las militantes feministas pagan un precio intolerable por sus convicciones, con mínima repercusión para el sistema. Tres de las que hay que seguir y ayudar, cada un@ a su medida…

Noviembre de 2025

Sabido es que no siempre resulta fácil ser feminista. A veces, esa condición es todavía más dura y algunas sororas pagan con una porción de sus vidas el progreso de todas. Recientemente, tres militantes han confrontado la represión y la injusticia del patriarcado, que se sigue desencadenando. En Marruecos, Betty Lachgar; en Francia, Typhaine D; en Turquía, Pinar Selek.

Ibtissame Lachgar, conocida como Betty Lachgar, es una feminista radical abolicionista marroquí que milita en pro de los derechos humanos. Ha defendido las libertades individuales durante toda su vida. Nacida en Rabat, estudia en París psicología clínica, criminología y victimología.

En 2009, funda junto a Zineb El Rhazoui el Movimiento alternativo por las libertades individuales (MALI) en Marruecos. Feminista universalista, el movimiento opera en favor de los derechos de las mujeres y de la comunidad LGBT, el aborto, la libertad sexual y la instauración de un Estado laico. Con él, Betty Lachgar lleva a cabo acciones contundentes. En 2009, un picnic en un día de Ramadán; en 2013, un kiss-in de apoyo a adolescentes detenidos por subir a Facebook una foto besándose. Causando escándalo, han abierto el debate sobre las libertades individuales en Marruecos.

Betty Lachgar defiende la comunidad LGBT. La apoya en Marruecos y participa con frecuencia en las marchas del orgullo europeas. En Francia, ha integrado una acción de Femen en defensa del matrimonio homosexual, convirtiéndose en la segunda mujer afro-árabe que se desnuda durante una manifestación pública. En Marruecos, ha instaurado el “Dia internacional contra la homofobia y la transfobia”, que se celebra el 17 de mayo. En 2016, cofunda Shams Francia, que protege los derechos de l@s jóvenes LGBTI de origen magrebí.

Desde 2018, milita en el Colectivo abolición porno prostitución (CAPP), que combate la explotación sexual del cuerpo femenino. Contrario a la influencia de la religión sobre el espacio público, Betty Lachgar milita en favor de la laicidad, se opone al velo obligatorio y desea que se legalice el aborto en Marruecos. Asume públicamente su ateísmo.

Este verano es arrestada, tras publicar en la red social X una foto en la que llevaba una camiseta con la inscripción “Allah is lesbian”, acompañada con el cometario “Todas las religiones son falócratas y misóginas”. Se convierte en blanco en la red social de una oleada de cuentas anónimas, supuestamente vinculadas al movimiento identitario Moorish, que señala el post a la dirección general de la seguridad nacional. Ibtissame Lachgar declara haber sido profusamente amenazada con ser violada o linchada.

Condenada el 3 de septiembre a 30 meses de cárcel y 50.000 dirhams (más o menos 4.750) de multa por “atentar al islam”, la Corte de Apelación confirma la sentencia. A pesar de su estado de salud -una operación debía remplazar la prótesis que lleva en el brazo tras superar un cáncer de huesos- la justicia le niega la libertad provisional. Recientemente, su hermana ha manifestado su inquietud en cuanto a su detención, que se asemeja a un aislamiento: sola en la celda, pasea sola y no se le permite hablar con los demás reclus@s. Un movimiento internacional de apoyo se ha puesto en marcha desde su arresto.

Más o menos a la vez, Typhaine D confronta en Francia el juicio de 9 ciberacosadores, que en 2022 la habían amenazado con violarla y matarla, empujándola al suicidio y llamando a asesinarla. El episodio es en represión por sus posicionamientos, en las actividades artísticas y militantes. Los confirma durante una entrevista mediatizada.

En efecto, Typhaine D es dramaturga, directora de escena, actriz y profesora de teatro. Ha ideado varios espectáculos de sensibilidad feminista. En 2012, crea Cuentos atrás, que revisita los cuentos de hadas dotando a los personajes femeninos de un valor fuerte y positivo. La obra tiene éxito en el plano internacional. Partidaria del lenguaje epiceno, que elimina las discriminaciones sexistas, lo utiliza en La Peligra Mortal, que le vale un premio de elocuencia en 2017.

Typhaine D ha creado una lengua 100% femenina, a la que llama La femenina universal. El femenino remplaza el neutro masculino. En el Manifiesto de la femenina universal, la describe como “la invención de una gramática feminista impertinente, de palabras inventadas como “Mujerage” (…); la resignificaciona de expresiones antiguamente misóginas, especistas, misopédicas, racistas, clasistas, validistas u opresivas de cualquier otra manera”.

Typhaine D defiende los derechos de las mujeres, la igualdad entre hombres y mujeres y la abolición de la prostitución, milita en Atrévete al feminismo (Osez le féminisme) y el Colectivo feminista contra la violación. Con frecuencia la prensa solicita su opinión sobre las violencias de género. En enero de 2018, el Centro Hubertine Auclert integra Cuentos atrás a su Igualteca.

Consecuente, Typhaine D declara denunciar tanto para dar sentido al doloroso episodio de acoso, contribuyendo a que la justicia reconozca ciertas prácticas, como para sensibilizar a la realidad de esas violencias y su efecto sobre la vida y la salud física y mental de las víctimas. El veredicto de los inculpados será conocido el 10 de noviembre.

La prueba que ha confrontado recientemente la intelectual y militante turca Pinar Selek integra un largo y doloroso recorrido. Socióloga, escritora y militante antimilitarista y feminista, ha obtenido asilo político en Francia, donde vive desde 2011. En 2017, se le concede esa nacionalidad.

Sus investigaciones sobre la cuestión kurda y el derecho de las minorías a las luchas sociales la han convertido en blanco del poder turco. Arrestada en 1998, la policía la tortura para que desvele sus fuentes -militantes, prisioner@s politic@s, familias de l@s combatientes-, se niega. Se la acusa de ser responsable de una explosión en el mercado de especias de Estambul, que causa siete muertos. Aunque los peritajes prueban que se trata de un accidente, la justicia la persigue durante casi 30 años. Se la ha eximido cuatro veces, pero su vida se ha convertido en un juicio interminable. El 21 de octubre tenía lugar una sexta audiencia en Estambul, se arriesgaba a la cadena perpetua. Se ha reportado el juicio al 2 de abril de 2026 y la pesadilla continua. Una delegación europea la ha acompañado cada vez, para manifestarle su apoyo y protegerla con su presencia.

Dependiendo de las coyunturas, las vidas de las militantes feministas todavía pueden verse sometida al mayor arbitrario, con mínimo coste para el sistema. Les agradecemos tanto más que resistan y les profesaremos un eterno reconocimiento y apoyo. Sigamos conjugando los esfuerzos, para terminar con el patriarcado.

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