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Billet de blog 1 décembre 2025

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Calvaires et dignité, un autre 25 novembre pour les femmes

L’ONU a fait du 25 novembre la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Si elle porte une image paradoxale des femmes depuis ses origines, à la fois en victimes et combattantes, il se pourrait que cette année elle dépare à la France davantage d’espoir.

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Décembre 2025

Comme chaque année, le 25 novembre a été l’occasion de moments forts de revendications et sororité. Cette année, il a eu la particularité de nous amener une dose supplémentaire d’espoir. De façon très significative, deux propositions de loi-cadre contre les violences faites aux femmes ont été annoncées le 24. La première a été déposée à l’Assemblée nationale par la députée socialiste Céline Thiébault-Martinez : le texte reprend les recommandations formulées par la « coalition féministe pour une loi intégrale », ainsi que les préconisations de la Commission sur les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise). Sur le modèle de la loi-cadre votée en Espagne en 2004, ses 78 mesures abordent le phénomène violent depuis une perspective systémique, couvrant des aspects aussi variés que la justice et la police, la protection des enfants, la sensibilisation, la santé, le travail ou la lutte contre les cyberviolences. Le budget nécessaire est estimé à 3 milliards d’euros par Céline Thiébault-Martinez. La deuxième proposition est portée par Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l’Égalité femmes hommes. Selon ses déclarations, elle porterait aussi un regard englobant sur le phénomène violent, au travers de 53 mesures législatives, fruit d’un travail mené avec l’ensemble des groupes parlementaires.

La loi espagnole avait été pionnière et très commentée, situant le pays à la pointe de la lutte contre les violences faites aux femmes. Vingt ans plus tard, on constate que le nombre de féminicides a diminué de 29% en Espagne. Une efficacité avérée, dans un domaine où les résultats durables semblaient inatteignables… Les militantes féministes demandent une telle mesure depuis longtemps en France. D’ailleurs, la Fondation des femmes n’a pas tardé à s’exprimer sur les initiatives en cours, qui reprennent des recommandations telles que l’accès à l’aide juridictionnelle dès le dépôt de plainte, le socle obligatoire d’actes d’enquêtes, le classement sans suite systématiquement motivé, l’imprescriptibilité du crime d’inceste… Si elle salue les deux, elle regrette que le projet porté par Aurore Bergé ne soit pas budgété, élément qui remet en question la sincérité, ou le sérieux, de la démarche…

En effet, les enjeux sont grands. Non seulement les féminicides étaient en hausse en France en 2024, mais le 20 novembre quatre femmes ont été assassinées dans la journée par leur conjoint ou ex-conjoint. Les manifestations à l’occasion du 25 novembre n’en étaient que plus déterminées, convoquées à l’appel du collectif Nous Toutes dans tout le pays, le jour même ou le samedi précédent. Au-delà de l’annonce des deux propositions de loi, le cadre était donné par le mouvement social induit par les coupes budgétaires du gouvernement et la montée de l’extrême-droite à l’international, comme le rappelait le site de l’association : « Nous serons dans la rue contre les féminicides, les violences patriarcales, sociales et d’État, la destruction des services publics qui impacte plus fortement les femmes et les personnes minorisées, les guerres, les génocides et la montée des fascismes partout dans le monde ».

La mesure adoptée par l’ONU en 1999, instaurer le 25 novembre une journée internationale de lutte contre la violence portée sur les femmes, visait déjà à souligner l’aspect systémique que met en lumière cette revendication de Nous Toutes. Elle devait dénoncer également la violation des droits humains que constitue cette violence : jusqu’à 70% des femmes en subissent au cours de leur vie. Le 25 novembre rappelle chaque année qu’elle n’est pas une fatalité et que la prévenir est possible et nécessaire. La date se situe ainsi, dès son origine, au sein de ce paradoxe : maltraitance et lutte ; dévastation et héroïsme ; constat et espoir.

Les Nations Unies ont fixé cette date en raison de l’assassinat en 1960 des sœurs Mirabal : Minerva, Patria et Maria Teresa. Elle avait été suggérée depuis le milieu militant, pour le double exemple de courage et arbitraire qu’elles incarnent. Nées en République Dominicaine de parents propriétaires terriens, elles reçoivent une éducation soignée. Lorsqu’en 1930 le dictateur Rafael Trujillo prend le pouvoir par un coup d’Etat, elles intègrent l’opposition à son régime. Cependant, en matière de lutte contre les violences faites aux femmes, la figure des Mirabal recouvre une double dimension. Elles s’opposent au pouvoir totalitaire de Trujillo et tiennent tête à son harcèlement sexuel, dirigé vers Minerva. La famille paiera pour avoir soutenu la jeune femme dans son refus aux avances du dirigeant.

A peine quelques jours après que Minerva ait éconduit le dictateur au cours d’une soirée, Enrique Mirabal, son père, elle-même et plusieurs de ses amies sont emprisonnés et interrogés sur leur relation avec le Parti Socialiste Populaire. Minerva est relâchée, mais son père décède des mauvais traitements reçus.  

La mort de son père renforce Minerva : elle entreprend des études de droit, devenant la première femme du pays à obtenir ce diplôme. Engagée, il lui arrive de prendre position publiquement. Puis, le clan Mirabal fonde le mouvement révolutionnaire du 14 juin, dont le nom commémore une tentative d’insurrection durement réprimée, le 14 juin 1959. Le nom de code de Minerva au sein du mouvement, « mariposa » (papillon), détermine le surnom des sœurs « hermanas mariposa », sœurs papillon.

En janvier 1960, le gouvernement arrête Minerva, Maria Teresa, leurs maris, celui de Patria et un de leurs fils. L’opposition internationale grandit. Minerva et Maria Teresa sont libérées. Bien que conscientes du danger, elles reprennent leurs activités dès la sortie de prison. Cependant, Trujillo leur tend un piège : il fait transférer leurs maris dans une prison proche. Le trajet pour leur rendre visite devient plus court, mais surtout il est connu. Le 25 novembre 1960, alors que Minerva, Maria Teresa et Patria reviennent de leur entretien hebdomadaire, elles tombent dans une embuscade des services secrets. Elles sont assassinées, leurs corps jetés dans la voiture du haut d’une falaise. Leur mort déclenche une vague d’opposition, Trujillo est assassiné six mois plus tard.

Les sœurs Mirabal incarnent la violence politique et sexuelle qu’encaissent les femmes, mais aussi le courage et la dignité de s’en défendre. En ce sens, leur figure illustre bien un devenir répété à foison au cours de l’histoire. A un moment où, comme le signalait Nous Toutes, les vieux démons patriarcaux se réveillent, sans que faiblisse la volonté de les terrasser dans la lutte collective, peut-être pouvons-nous plus que jamais nous inspirer d’elles, pour obtenir avec dignité, détermination, combativité et sororité qu’à l’horizon du 25 novembre 2026 la France se soit dotée d’une loi-cadre contre les violences faites aux femmes.

Illustration 1

Nice, 25 novembre 2025

Suplicios y fortaleza, otro 25 de noviembre para las mujeres

La ONU ha declarado el 25 de noviembre jornada internacional de lucha contra la violencia hacia las mujeres. Desde sus orígenes, da una imagen paradójica de las mujeres: a la vez víctimas y combatientes. Pudiera ser que este año, en Francia, traiga mayor esperanza.

Diciembre de 2025

Como cada año, el 25 de noviembre ha traído momentos intensos de reivindicaciones y sororidad. Este año, ha tenido la particularidad de darnos más esperanza. De forma muy significativa, el 24 se han anunciado dos propuestas de ley-marco contra la violencia hacia las mujeres. La primera la ha presentado a la Asamblea la diputada socialista Céline Thiébault-Martinez: retoma las sugerencias formuladas por la “coalición feminista en favor de una ley integral”, así como las recomendaciones de la Comisión sobre las violencias sexuales hacia l@s niñ@s (Ciivise). Al igual que la ley-marco votada en España en 2004, sus 78 medidas abordan el fenómeno violento con perspectiva sistémica, cubriendo aspectos tan variados como la justicia y la policía, la protección de los niñ@s, la sensibilización, la salud, el trabajo o la lucha contra las ciberviolencias. La diputada estima necesario un presupuesto de 3 mil millones de euros. La segunda propuesta la porta Aurore Bergé, ministra delegada de Igualdad entre mujeres y hombres. Según sus declaraciones, también aborda el fenómeno violento con mirada englobante, a través de sus 53 medidas legislativas, fruto de un trabajo llevado a cabo con todos los grupos parlamentarios.

La ley española había sido pionera y muy comentada, situando el país a la punta de la lucha contra la violencia hacia las mujeres. Veinte años después, el número de feminicidios ha disminuido en un 29% en España. Una eficacia confirmada, en un ámbito en el que los resultados duraderos parecían inalcanzables… Las militantes feministas exigen desde hace tiempo que se adopte en Francia una medida similar. De hecho, la Fundación de las mujeres no ha tardado en pronunciarse sobre las iniciativas en curso, que integran recomendaciones como el acceso a la ayuda jurisdiccional ya desde la denuncia, un umbral obligatorio de actas de investigaciones, justificar por sistema que se archiven las denuncias, volver imprescriptible el crimen de incesto… Si celebra ambas, lamenta que el proyecto dirigido por Aurore Bergé no incluya presupuesto, cosa que hace dudar de la sinceridad, o de la seriedad, de la iniciativa…

En efecto, hay mucho en juego. No sólo los feminicidios aumentaron en 2024, sino que el 20 de noviembre cuatro mujeres fueron asesinadas por su compañero o excompañero. Las manifestaciones del 25 de noviembre, convocadas por el colectivo Nous Toutes en todo el país, el día mismo o el sábado anterior, han resultado todavía más decididas. Más allá de que se anunciasen de las dos propuestas de ley, el marco lo proporcionaban el movimiento social inducido por los recortes presupuestarios y la progresión de la extrema derecha en el plano internacional, como lo recordaba la página web de la asociación: “Bajaremos a la calle contra los feminicidios, las violencias patriarcales, sociales y de Estado; la destrucción de los servicios públicos, que tiene mayor impacto en las mujeres y personas minoradas; las guerras; los genocidios y el desarrollo de los fascismos en todo el mundo”.

La medida adoptada por la ONU en 1999, instaurar el 25 de noviembre una jornada internacional de lucha contra la violencia dirigida hacia las mujeres, se encaminaba a subrayar el aspecto sistémico que señala Nous Toutes. También debía denunciar la violación de los derechos humanos que constituye esa violencia: hasta un 70% de las mujeres la sufren a lo largo de su vida. Así, cada año, el 25 de noviembre recuerda que no es una fatalidad y que prevenirla es posible y necesario. La fecha se sitúa, desde su origen, dentro de esa paradoja: maltrato y lucha; devastación y heroísmo; comprobación y esperanza.

Las Naciones Unidas fijaron esa fecha en referencia al asesinato en 1960 de las hermanas Mirabal: Minerva, Patria y María Teresa. Se sugirió desde el medio militante, por el doble ejemplo de valor y arbitrario que encarnan. Nacidas de padres terratenientes en República Dominicana, reciben una educación esmerada. Cuando en 1930 el dictador Rafael Trujillo toma el poder con un golpe de Estado, se unen a la oposición a su régimen.  Sin embargo, en materia de lucha contra la violencia de género, la figura de las Mirabal tiene doble dimensión. Se oponen al poder totalitario de Trujillo y resisten a su acoso sexual hacia Minerva. La familia paga por haber apoyado a la joven en su negativa ante las insinuaciones del dirigente.

Apenas unos días después de que Minerva lo rechace durante una velada, Enrique Mirabal, su padre, ella misma y varias amigas son encarcelados e interrogados sobre su relación con el Partido Socialista Popular. Minerva es liberada, pero su padre fallece por el maltrato recibido.

Con la muerte de su padre, aumenta la determinación de Minerva: inicia estudios de derecho, convirtiéndose en la primera mujer del país que obtiene ese diploma. Comprometida, sucede incluso que se posicione públicamente. Y el clan Mirabal funda el movimiento revolucionario del 14 de junio, cuyo nombre conmemora una tentativa de insurrección duramente reprimida, el 14 de junio de 1959. El nombre en clave de Minera dentro del movimiento, “mariposa”, determina el sobrenombre que reciben las hermanas, “hermanas mariposa”.

En enero de 1960, el gobierno detiene a Minerva, María Teresa, sus maridos, el de Patria y uno de sus hijos. Crece la oposición internacional. Minerva y María Teresa son liberadas. Aunque conscientes del peligro, retoman sus actividades en cuanto salen de la cárcel. Sin embargo, Trujillo les tiende una trampa: traslada a sus maridos a una cárcel cercana. El trayecto para ir a verlos se hace más corto y sobre todo es conocido. El 25 de noviembre de 1960, cuando Minerva, María Teresa y Patria vuelven de su entrevista semanal, caen en una emboscada de los servicios secretos. Son asesinadas y sus cuerpos arrojados dentro del coche desde lo alto de un acantilado. Su muerte desencadena una oleada de protestas, Trujillo es asesinado seis meses más tarde.

Las hermanas Mirabal encarnan la violencia política y sexual que encajan las mujeres, pero también el valor y la dignidad de hacerles frente. En ese sentido, su figura ilustra bien un devenir que se ha repetido a menudo a lo largo de la historia. En un momento en que, como lo señalaba Nous Toutes, se despiertan los viejos demonios patriarcales, sin que disminuya la voluntad de terminar con ellos con la lucha colectiva, quizá podamos tomar ejemplo sobre ellas más que nunca, para obtener con dignidad, determinación, combatividad y sororidad que para el 25 de noviembre de 2026 Francia disponga de una ley-marco contra la violencia hacia las mujeres.

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