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Billet de blog 2 septembre 2022

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A un an du retour des talibans…

A un an du retour au pouvoir des talibans, il est possible de faire le bilan sur l’évolution du pays comme sur l’attitude à son égard de l’Occident.

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Depuis août 2021, les talibans sont revenus au pouvoir en Afghanistan. Les forces occidentales ont eu beau occuper le pays pour en assurer la gestion pendant 20 ans, les changements qu’ils y ont apportés restent superficiels. Les forces obscurantistes ont surtout attendu leur moment, réfugiées dans les montagnes ou dans les pays voisins. A vrai dire, les quelques femmes que l’on voit aujourd’hui manifester contre elles, dans un incroyable déploiement de courage à la fois que de désespoir, surtout issues de milieux socioéconomiques privilégiés et urbains, avaient averti depuis longtemps que les talibans restaient inchangés et que les forces occidentales ne devaient pas quitter le pays. Faisant fi de leurs avertissements, et prouvant une fois de plus, si besoin était, que le larmoyant état de lieux dressé en 2001 par les dirigeants occidentaux à propos de la condition de la femme en Afghanistan était bien plus une question de stratégie et de correction politique que de réelle préoccupation, ou même de principes, les forces occidentales sont parties. Alors que nous évoluons, en plein XXIème siècle, dans un monde dont les dimensions ont été réduites tant par la globalisation que par une série de problèmes planétaires qu’il n’est plus possible de considérer du ressort de l’autre, nous ne pouvons plus, nous, Occidentaux et Occidentales, permettre que nos dirigeants bernent de la sorte des peuples entiers et s’en servent pour leurs jeux de guerre comme de simples objets. Car nous voulons un monde de demain réellement égalitaire, où nous pourrions tous et toutes vivre mieux, et nous n’avons plus trop de temps pour l’obtenir.

Le régime que les talibans avaient installé en Afghanistan avant 2001 se caractérisait par un très grand obscurantisme religieux, duquel dérivait l’oppression systématique et brutale des femmes. Le régime qu’ils sont en train de consolider actuellement revient sur ces bases. Un Ministère de la promotion de la vertu et de la prévention du vice a été créé, qui terrorise déjà la population. Il est à l’origine de nombre de restrictions qui façonnent la vie des femmes -et des autres- au quotidien. Durant l’année 2021, de nombreuses femmes ont été progressivement renvoyées de leur travail. Puis, en mars 2022 l’école a été interdite aux filles de plus de six ans et la fréquentation de l’espace public a été réglementée pour y établir une ségrégation des sexes. Depuis mai 2022, les femmes n’ont plus de liberté de se vêtir car le voile intégral a été décrété obligatoire. La mesure ne change d’ailleurs rien au fait qu’elles doivent être accompagnées pour tous leurs déplacements d’un mahram, un homme de la famille, sortir seules étant considéré un délit de « corruption morale » passible d’arrestation. Au-delà des injonctions religieuses stricto sensu, les talibans visent ainsi à obtenir un contrôle de toute la population par le biais du contrôle des femmes : c’est bien à une transformation globale de tout l’ordre social, pourtant actuellement à peine esquissé par l’intromission des forces occidentales, qu’ils souhaitent aboutir. Et les retours au passé sont, en effet, déjà là : avec 97% de la population qui vit au-dessous du seuil de pauvreté, contre 50% en 2020, les stratégies de survie vont déjà jusqu’à la vente de mineures pour des mariages forcés.

Pourtant, malgré ce retour au passé, tout a aussi changé en Afghanistan. La nouvelle génération talibane est une jeunesse connectée, éduquée, passée par les meilleures universités du pays tout aussi bien que par les madrassas du Pakistan, très différente des combattants analphabètes que l’on peut croiser sur les routes. Puis, la population comprend des femmes et des jeunes filles éduquées, désireuses de se projeter dans un futur qu’elles veulent pouvoir imaginer, autonomes, évoluant au-delà du cadre purement domestique. Elle comprend des hommes contents de vivre en mixité et une population LGBT qui commençait enfin à pouvoir penser sans déchirements sa condition. Selon les spécialistes, tous les ingrédients de la guerre civile, plutôt que de l’oppression pure et simple, se trouvent ainsi réunis au vu de l’urgence économique et humanitaire que vit le pays.

Qu’en sera-t-il ? Les talibans ont pu analyser leurs erreurs durant ces vingt dernières années et en tirent, à ce qu’il paraît, les leçons. Plutôt que d’être dans la simple négative, ils posent face aux médias et à l’opinion international un discours prétendument bienveillant, et en réalité débordant de perversion, suivant lequel leur intention est de protéger les femmes des violences sexuelles, pour préserver leur pureté, ce qui ne les empêche nullement de travailler, alors même qu’ils font le contraire. C’est que, plutôt que de refuser les médias, ils ont aussi appris à s’en servir et à se battre avec les armes de l’Occident. La tactique de conquête du terrain a elle aussi changé, la stratégie est plus étudiée et passe par l’encerclement des capitales de province et l’obstruction des axes de circulation. Au plan international, leur volonté de développer des alliances est patente, leurs tentatives visant visiblement à exploiter les clivages établis par le capitalisme dans un monde qui évolue à plusieurs vitesses. Comme naguère Chavez l’avait fait, ils sembleraient vouloir créer une sorte de front anti-occidental. Sans succès perceptible jusqu’à présent ils ont ainsi tenté de discuter avec la Chine, avec laquelle ils auraient pu espérer négocier à propos des matières premières ; avec la Russie, le Pakistan et l’Iran, où le point de négociation se situerait autour du contrôle du flux migratoire, ou du contrôle du trafic d’héroïne pour l’Iran ; avec la Turquie et le Qatar, pour s’assurer un soutien régional. Ils n’ont heureusement pas une grande maîtrise des relations internationales et ils sont par ailleurs freinés par leurs propres dissensions internes. Pour autant, si le retour vers le passé a bien eu lieu sur beaucoup de points, l’empreinte d’un futur que d’autres techniques de domination sous-tendent pour parvenir à un but similaire se trouve bel et bien là elle aussi.

Peut-on encore aujourd’hui se satisfaire de spéculer, comme dans un jeu de stratégie, depuis un relatif confort occidental, sur le sort de populations aux malheurs desquelles nous avons autant participé, sans prendre aucune autre mesure, alors même que leurs dérives contredisent les valeurs les plus élémentaires que, en tant que nations, nous avons validées ? Le discours d’un monde de droits conjugué à de terribles oppressions est revenu dans l’histoire plus souvent qu’on ne voudrait se l’avouer. On peut penser, bien entendu, à la Grèce, incontournable antécesseur de toutes les démocraties et pourtant esclavagiste n’octroyant en outre pas aux femmes le droit de cité. On peut penser aux Lumières, où des brillants théoriciens de l’égalité des hommes, tels que Rousseau, ont aussi posé irrévocablement l’infériorisant des femmes en invoquant la nature. La situation qui gagne aujourd’hui l’Afghanistan tient de cela, elle est donc plus banale qu’il n’y paraît. Seulement, parce que nous sommes au XXIème siècle et que nous avons amorcé la mise en échec de plusieurs systèmes de domination historiques ; parce qu’avec notre développement nous avons rétréci la planète et qu’il n’est plus possible de se dire qu’un problème ne nous concerne pas, il n’est plus possible de concevoir que nous tolérions que ce type de situation se renouvèle. L’hypocrisie de l’Occident à propos de l’Afghanistan a encore été soulignée, comme des esprits avisés se sont empressés de le faire remarquer, par la simultanéité du besoin de secourir l’Ukraine et la différence de traitement donné à ses migrants. Nous sommes nombreux et nombreuses, justement, à souhaiter transmettre ce message à nos dirigeants : plus en notre nom.

Illustration 1

 Gustav Moreau, Le Victorieux Sphinx (détail), 1886.

Un año después del regreso de los talibanes…

Un año después del regreso al poder de los talibanes, puede hacerse un balance sobre la evolución del país y sobre la actitud hacia él de Occidente…

Desde agosto de 2021, los talibanes han vuelto al poder en Afganistán. Aunque las fuerzas occidentales han ocupado el país para gestionarlo durante 20 años, los cambios que han aportado son superficiales. Las fuerzas oscurantistas sólo han tenido que esperar su momento, refugiadas en las montañas o en los países vecinos. A decir verdad, las pocas mujeres que hoy vemos manifestar contra ellas, en un increíble despliegue de valor a la vez que de desesperación, provenientes sobre todo de medios socioeconómicos privilegiados y urbanos, ya habían advertido hace tiempo que los talibanes no habían cambiado y que las fuerzas occidentales no debían irse del país. Ignorando sus advertencias, y demostrando una vez más, si es que era necesario, que los desesperados alegatos desplegados en 2001 por los dirigentes occidentales acerca de la condición de las mujeres en Afganistán eran mucho más cuestión de estrategia y de corrección política que de real preocupación, o incluso de principios, las fuerzas occidentales se han marchado. En pleno siglo XXI, evolucionando como lo hacemos en un mundo cuyas dimensiones han quedado reducidas tanto por la globalización como por una serie de problemas planetarios que ya no es posible considerar de la incumbencia del otro, ya no podemos, nosotr@s, Occidentales, permitir que nuestr@s dirigentes engañen así a pueblos enteros, utilizándolos para sus juegos de guerra como simples objetos. Queremos de veras un mundo de mañana igualitario, en el que tod@s podamos vivir mejor, y no nos queda ya mucho tiempo para obtenerlo.

El régimen que los talibanes habían instalado en Afganistán antes de 2001 se caracterizaba por un gran oscurantismo religioso, del cual derivaba una opresión brutal y sistemática de las mujeres. El régimen que ahora están consolidando reposa sobre las mismas bases. Han creado un Ministerio de la promoción de la virtud y de la prevención del vicio que ya aterroriza a la población y que ha originado numerosas restricciones que modelan la vida de las mujeres -y de los demás- en el día a día. En el año 2021 muchas mujeres fueron progresivamente despedidas de sus trabajaos. En marzo de 2022, se ha prohibido ir a la escuela a las niñas de más de seis años y la frecuentación del espacio público ha sido reglamentada para poder segregar los sexos. En mayo de 2022 las mujeres se les ha impuesto llevar la burka a las mujeres. Dicha medida no ha cambiado por lo demás el hecho de que deban ser acompañadas en todos sus desplazamientos por un mahram, un hombre de la familia, puesto que salir solas es considerado un delito de “corrupción moral” por el que la persona puede ser arrestada. Más allá de las meras asignaciones religiosas, los talibanes tratan de obtener el control de toda la población a través del control de las mujeres: es la transformación global de todo el orden social, de momento tan solo esbozado con la intromisión de las fuerzas occidentales, lo que desean lograr. Y el regreso al pasado, en efecto, ya está aquí: con un 97% de la población viviendo bajo el umbral de la pobreza, contra el 50% en 2020, las estrategias de supervivencia ya comprenden la venta de menores destinadas a matrimonios forzados.

Pero, pese a ese regreso al pasado, todo ha cambiado también en Afganistán. La nueva generación talibana es una juventud conectada, educada, que ha pasado por las mejores universidades del país tanto como por las madrassas de Pakistán, muy diferente de los combatientes analfabetos que pueden verse al borde de las carreteras. La población comprende mujeres y jóvenes educadas, deseosas de proyectarse en un futuro que quieren poder imaginarse, autónomas, evolucionando más allá del marco estrictamente doméstico. Comprende hombres que están contentos de vivir en una sociedad mixta y una población LGBT que por fin empezaba a poder pensarse a sí misma sin desgarros emocionales. Según los especialistas todos los ingredientes de una guerra civil, más que de una opresión pura y simple, se encuentran así reunidos, vista la urgencia económica y humanitaria que hoy vive el país.

¿ Qué sucederá ? En estos últimos veinte años, los talibanes han podido analizar sus errores y sacar conclusiones, por lo que parece. Más que una simple negativa, presentan ante los medios y la opinión internacional un discurso que pretende ser amable, y que en realidad exuda perversión, según el cual su intención es proteger a las mujeres de las violencias sexuales, para preservar su pureza, lo que para nada les impide a ellas trabajar, mientras hacen justo lo contrario. Es que, más que rechazar los medios de comunicación, han aprendido a utilizarlos, luchando ahora con las mismas armas que Occidente. La táctica de conquista del territorio también ha cambiado, estudian más la estrategia, que es la de rodear las capitales de provincia y bloquear las vías de circulación. En el plano internacional queda patente su voluntad de desarrollar alianzas. Visiblemente sus tentativas se encaminan a explotar las oposiciones creadas por el capitalismo en un mundo que evoluciona a varias velocidades. Sin éxito perceptible hasta ahora, parecen querer crear una suerte de frente antioccidental, como anteriormente lo había hecho Chávez. De este modo, han intentado llegar a acuerdos con China, con quien habrían podido esperar negociar a propósito de las materias primas; con Rusia, Pakistán e Irán, con los que el punto de negociación habría sido el control del flujo migratorio, o el control del tráfico de heroína, en el caso de Irán; con Turquía y Qatar, para asegurarse un apoyo regional. Por suerte no se les dan bien las relaciones internacionales y les frenan además sus propias disensiones internas. Todo ello no impide que, si el regreso al pasado desde luego ha tenido lugar en muchos puntos, la huella de un futuro en el que subyacen otras técnicas de dominación, destinadas a conducir al mismo punto, también está ahí.

¿Podemos todavía hoy contentarnos con especular, como si de un juego de estrategia se tratara, desde un relativo confort occidental, sobre el destino de poblaciones en cuyas desgracias hemos contribuido tanto, sin tomar ninguna otra medida, aún cuando sus derivas contradicen los valores más elementales que, en tanto que naciones, hemos validado? El discurso de un mundo de derechos conjugado con terribles opresiones ha sido más recurrente en la historia de lo que nos gustaría admitir. Puede un@ pensar, por supuesto, en la Grecia clásica, ineludible antepasado de todas las democracias, en la que sin embargo existían los esclavos y las mujeres no tenían derecho de ciudad. Puede un@ pensar en la Ilustración, durante la cual brillantes teóricos de la igualdad entre los hombres, como Rousseau, también dejaron irrevocablemente sentada la inferioridad de las mujeres, invocando para ello la naturaleza. La situación que en la actualidad se da en Afganistán presenta afinidades con ese tipo de situación y es por tanto más banal de lo que parece. Simplemente, por estar en el siglo XXI y haber iniciado la deconstrucción de varios sistemas de dominación históricos, por haber reducido el planeta con nuestro desarrollo, ya no es posible pensar que un problema no nos incumbe, no es posible ya concebir que toleremos que ese tipo de situación se renueve. La hipocresía de Occidente hacia lo que sucede en Afganistán ha sido puesta todavía más de relieve con la simultaneidad de la necesidad de socorrer a Ucrania y la diferencia de trato dada a sus migrantes, como muchos espíritus clarividentes lo han señalado. Justamente, somos numeros@s los que deseamos transmitir este mensaje a nuestros dirigentes: nunca más en nuestro nombre.

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