La Nouvelle-Calédonie est une des dernières contrées en date à nous rappeler à quel point la décolonisation est inachevée et difficile par le globe. En effet, à la suite du vote courant mai à l’Assemblée d’un projet de loi constitutionnelle défendu par Gérald Darmanin, des émeutes ont éclaté à Nouméa, entraînant à terme une situation insurrectionnelle, qui a gagné toute la ville. Des scènes de pillages et des incendies ont parsemé les rues. Les affrontements ont produit des dizaines de victimes, dont plusieurs mortelles. Une ségrégation de la population s’est même mise en place, les quartiers transformés en ghettos grâce à des barricades et même, dans le cas des quartiers les plus riches, de patrouilles de milices armées.
Le projet de Darmanin aborde un point ultra-sensible, puisqu’il revient sur le gel du corps électoral prévu déjà par les Accords de Nouméa en 1998 et entériné par Chirac dans une loi constitutionnelle de 2007, une des mesures les plus importantes de décolonisation.
Effectivement, la paix n’a pas été facile à obtenir en Nouvelle-Calédonie. Après avoir acquis progressivement le droit de vote dans les années 1945 à 1955, les Kanaks se sont retrouvés majoritaires sur les listes électorales, mais le boom du nickel et les migrations massives auxquelles il donne lieu changent la donne. Dans les années 1970, les électeurs kanaks deviennent minoritaires. Le gel du corps électoral s’installe de façon progressive, depuis le référendum Pons de 1987 jusqu’à sa dernière ratification, dans la loi constitutionnelle de Jacques Chirac. Trois listes électorales -nationales, provinciales et pour les consultations, les plus restrictives- coexistent ainsi depuis les accords de Nouméa. Seuls les habitants installés avant le 31 décembre 1994 sont habilités à voter pour les référendums d’autodétermination.
Le gel du corps électoral est une des mesures qui a accompagné le processus de paix en Nouvelle-Calédonie. Les années 1980 ont été marquées par la violence, mais depuis longtemps les tensions se multipliaient entre les Kanaks (autochtones) et les Caldoches (Européens). Ces derniers avaient la mainmise sur les terres et le nickel, métal dont l’extraction est au cœur de l’économie locale. Le mouvement indépendantiste naît à cette période et la violence culmine en 1988 avec le drame d’Ouvéa, une prise d’otages qui se termine en bain de sang. C’est le panorama que viennent pacifier les accords de Matignon. Ils prévoient la création de provinces et un référendum sur l’indépendance en 1998, que les accords de Nouméa remplacent finalement. Ils proposent un nouveau processus de décolonisation, en accordant un statut particulier à la Nouvelle-Calédonie et repoussant trois référendums d’autodétermination. Les indépendantistes l’acceptent en échange du contrôle d’une partie de l’industrie du nickel, dans le nord de l’archipel.
Depuis, le partage du nickel a permis un rééquilibrage, jugé toutefois insuffisant par la population. Au sud, le métal est exploité par des entreprises privées ; au nord, gouverné par les indépendantistes, l’usine de Koniambo est venue rééquilibrer les forces. Elle a permis de développer la région et de donner accès à la population à des services basiques, pour lesquels elle devait parfois se déplacer à Nouméa : santé, université… Cependant, l’exploitation du nickel a entraîné des problèmes de santé liés à la pollution, surtout dans le sud. Puis, les inégalités demeurent et deviennent même très visibles dans le sud, où les appartements de luxe se trouvent à proximité de quartiers précarisés. Tandis que les loyers de Nouméa sont proches de ceux de Paris, les logements sociaux sont habités en majorité par des Océaniens. L’économie réserve encore une large place au monopole, découle visiblement de la colonisation. Le coût des produits de base est exorbitant et l’écart dans l’accès aux études et aux professions socialement valorisées reste inchangé. Le rééquilibrage apparaît donc mitigé, les inégalités rendant fragile la paix sociale et engendrant une frustration importante chez la jeunesse kanake.
Si la paix règne durant trente-cinq ans, le contexte se dégrade peu à peu. En 2018, Emmanuel Macron se félicite publiquement de l’issue négative du premier référendum, attitude comprise par les Calédoniens comme rupture de l’impartialité attendue du gouvernement en la matière. Puis, la dégradation devient visible en 2021, avec les conflits qu’engendre le troisième référendum. Celui-ci devait avoir lieu en 2022, mais il se tient en décembre 2021 à la demande de Macron, qui souhaitait clore l’accord de Nouméa avant la fin de son premier quinquennat. Il est boycotté par les indépendantistes du FLKNS, qui entendent marquer par ce geste leur rejet de son choix, jugé partial, de ne pas respecter la période de deuil kanak.
La crise du covid-19 a fait ressortir l’héritage colonial dans le monde. Si le Brésil de Bolsonaro avait laissé les autochtones à l’abandon, la Nouvelle-Calédonie a été touchée de plein fouet par le variant Delta, sans recevoir de secours particulier. Au 10 octobre 2021, les autorités faisaient état de 9166 cas confirmés, 55 patients en réanimation et 200 décès. Moins d’un habitant sur deux présentait un schéma vaccinal complet. Le référendum est maintenu malgré le souhait du FLKNS et se déroule en décembre 2021. Il est jugé d’autant plus illégitime et bancal par les indépendantistes que l’abstention a faussé le résultat et que la crise sanitaire a surdimensionné dans les esprits le besoin de soutien de la métropole.
La tension entre l’Etat et le FLNKS empêche la reprise des discussions sur l’avenir institutionnel, alors même qu’un accord sur l’avenir de l’archipel, toujours considéré territoire non autonome par l’ONU, devait être conclu, y compris en cas de résultat négatif aux trois référendums que prévoyait Nouméa. La nomination de la présidente LR de la province Sud Sonia Backès au poste de secrétaire d’Etat chargée à la citoyenneté s’ajoute pour les Kanaks à cette succession d’atteintes au principe d’impartialité de l’Etat. Elle rend d’autant plus inexplicable qu’un dossier si fragile soit confié à Gérald Darmanin, dont le style autoritaire et brutal n’est plus à démontrer, plutôt qu’à Gabriel Attal. Un tel manque de tact dévoile sans détours le substrat colonial qui sous-tend encore les relations du gouvernement au territoire et voue d’emblée à l’échec le processus.
Bien de choses sont en jeu dans l’actuelle réforme d’élargissement du corps électoral. Elle suppose l’inclusion de 25000 nouveaux électeurs, tous arrivés après les accords de Nouméa. Les Kanaks craignent, sans doute à juste titre, un retour à la mainmise coloniale, leur influence diminuant de fait au profit des Caldoches. En effet, sur 271000 habitants, 41,2% sont Kanaks, 24,1% Européens (Caldoches), 27,2% ont d’autres origines et 7,5% se disent « calédoniens » (refusent toute étiquette ethnique). Si le décompte électoral précédent donnait la prééminence aux Kanaks, le renversement prévu par Darmanin les rend minoritaires, avec toutes les conséquences politiques à prévoir sur les choix futurs de l’archipel.
La crainte des Kanaks est d’autant plus compréhensible que le ministre de l’Intérieur a défendu sa réforme lors du vote de l’Assemblée de forme coloniale et raciste. Durant son intervention, plutôt que de prendre la mesure de la gravité des choses, il a attaqué les représentants de LFI, opposée à ces réformes. Puis, il a eu recours à des faux-raisonnements, qui éludent sans vergogne le passé colonial. Ainsi, il a établi un parallèle entre le vote des étrangers sur le sol national et celui en Nouvelle-Calédonie des personnes installées après les accords de Nouméa. Or, cela revient à nier l’abus sans nom que la colonisation a constitué pour ce territoire. S’accrochant pour défendre sa réforme à l’universalisme républicain, Darmanin n’a pas hésité à ignorer l’existence même du pillage colonial.
Rappelons que, dès 1853, les spoliations foncières, les déplacements et le travail forcé ont décimé la population autochtone. Tant et si bien, qu’en 1921 elle avait chuté de 80% par rapport à 1774, réduite à 27100 Kanaks. A la fin du XIXème et début du XXème siècles, alors que la décolonisation prospère, la France affirme sa stratégie de peuplement de la Nouvelle-Calédonie, y déportant bagnards, communards et Algériens. Le régime d’indigénat ne prend fin qu’en 1946. Dans les années 1970, avec le boom du nickel, une nouvelle vague migratoire se met en place, ouvertement assumée comme méthode de peuplement par le premier ministre Pierre Messmer. Malgré les tensions qui débouchent sur les accords de Matignon, les Kanaks accordent une place aux descendants des Blancs déportés, dont ils acceptent le vote.
Car, n’en déplaise à Gérald Darmanin, en Nouvelle-Calédonie, discuter du corps électoral revient à repenser la citoyenneté. Comment la construit-on dans un archipel qui a été colonisé ? Si depuis les années 1980 le processus de décolonisation et pacification s’était construit sur l’idée d’un « destin commun », celui-ci se trouve aujourd’hui remis en question. En effet, le problème du corps électoral est celui de la maîtrise ou non par le peuple colonisé de son propre destin. Une blessure particulièrement douloureuse quand on a subi dans sa propre chair de tels saccages, humains, culturels, spirituels et symboliques.
Ainsi, les Kanaks assimilent le dégel du corps électoral à un « retour à la colonie de peuplement ». L’impression d’atteinte et de brutalité est d’autant plus virulente que les discussions ont été très clivées dans l’hémicycle. Outre l’argumentaire raciste de Darmanin, on peut signaler que le rapporteur du texte, Nicolas Metzdorf, député Renaissance, a fait polémique. René Dosière, ancien rapporteur, estime que son rapport serait un brûlot anti-indépendantiste qui réécrit l’histoire récente. Faisant pendant à cette appréciation, l’intéressé jugeait que ses adversaires « hiérarchisaient les populations » et accusait la Nupes de soutenir les indépendantistes. Puis, si l’absentéisme avait été orchestré lors du troisième référendum, les Kanaks ne sont pas représentés non plus dans ces débats, ce qui donne l’impression que l’histoire se répète. La tenue du processus de décolonisation se résoudrait ainsi de façon assez infantilisante (et coloniale), sans le concours du peuple colonisé.
Adopté par l’Assemblée nationale, le projet de loi doit encore passer au Congrès de Versailles. Il permet aux personnes installées depuis plus de dix ans de voter aux élections provinciales. Si les indépendantistes sont outrés par la façon dont les choses se sont déroulées, les loyalistes estiment que le projet résulte de la victoire du « non » aux trois référendums. Macron a annoncé qu’un Congrès se tiendrait avant fin juin, mais que le gouvernement recevrait avant des représentants des forces politiques régionales. Une mesure bien maigre face à tant d’écarts. D’autant que l’intérêt français est loin d’être clair, la Nouvelle-Calédonie étant le quatrième producteur mondial de nickel, un métal clé pour les industries « vertes ». Puis, Paris a des intérêts liés à sa stratégie indo-pacifique face à la Chine.
Alors que les indépendantistes calédoniens souhaitent trouver un accord d’égal à égal, il ressort du débat politique en France un manque d’intérêt et d’empathie pour la région, chacun s’en emparant pour ses intérêts. Le temps est venu de décider du sort des anciennes colonies d’une manière authentiquement décoloniale, c’est-à-dire, dans le respect et sans forcer le trait. Ce d’autant plus que les civilisations qui ont été écrasées portaient bien souvent des valeurs distinctes des occidentales, mais non moins pertinentes et intéressantes.
Gustav Moreau, Le Victorieux Sphinx (détail), 1886
Nueva Caledonia, una lucha descolonial
Para no cambiar su gestión habitual del conflicto, el gobierno parece querer imponerse en Nueva Caledonia, despertando con ello un enfrentamiento cuyo curso cuesta predecir.
Nueva Caledonia es una de las últimas latitudes que nos recuerda hasta qué punto la descolonización está inacabada y es compleja en el planeta. Han estallado este mes revueltas en Numea, después de que el Parlamento votara un proyecto de ley constitucional presentado por Gérald Darmanin, llevando la ciudad entera a una situación insurreccional. Se han dado escenas en las calles de saqueos e incendios. Los enfrentamientos han producido decenas de víctimas, entre las cuales varias mortales. Incluso se ha puesto en marcha una segregación de la población, con los barrios transformados en guetos gracias a barricadas e incluso, en el caso de los barrios más ricos, de patrullas de milicias armadas.
Y es que el proyecto de Darmanin aborda un punto ultrasensible, ya que anula el bloqueo del cuerpo electoral previsto por los Acuerdos de Numea en 1998 y confirmado por Chirac en una ley constitucional de 2007, una de las medidas más importantes de descolonización.
Efectivamente, la paz no se ha obtenido fácilmente en Nueva Caledonia. Tras haber adquirido de forma progresiva el derecho al voto en los años 1945 a 1955, los canacos resultan mayoritarios en el censo electoral, pero el boom del níquel y las migraciones que causa provocan que eso cambie. En los años 1970, los electores canacos se vuelven minoría. Se instala entonces por etapas el bloqueo del cuerpo electoral, desde el referéndum de Pons de 1987 hasta su última ratificación, en la ley de 2007. Tres listas electorales -nacionales, provinciales y destinadas a las consultas, las más restrictivas- coexisten desde los acuerdos de Numea y sólo los habitantes instalados desde antes del 31 de diciembre de 1994 están habilitados a votar en los referéndums de autodeterminación.
El bloqueo del censo electoral es una de las medidas que ha acompañado la pacificación de Nueva Caledonia. Aunque la violencia es característica de los años 1980, había tensiones desde hacía mucho entre canacos (población autóctona) y caldoches (europeos). Estos últimos poseían las tierras y el níquel, metal cuya extracción ocupa el centro de la economía local. El movimiento independentista nace en esa época y la violencia culmina en 1988 con el drama de Uvea, una toma de rehenes que termina en baño de sangre. Ese es el panorama que vienen a calmar los acuerdos de Matignon. Prevén que se creen provincias y un referéndum sobre la independencia para 1998, que reemplazan los acuerdos Numea. Contienen un nuevo proceso de descolonización, que le otorga un estatus específico a Nueva Caledonia y pospone tres referéndums de autodeterminación. Los independentistas lo aceptan a cambio del control de parte de la industria del níquel, en el norte del archipiélago.
Desde entonces, el reparto del níquel ha permitido que se adquiera un equilibrio, si bien la población ha considerado insuficiente la medida. En el sur explotan el metal empresas privadas; en el norte, gobernado por los independentistas, la fábrica de Koniambo ha igualado las cosas permitiendo que la región se desarrolle y la población acceda a servicios básicos, para los que antes debía desplazarse a Numea: salud, universidad… Sin embargo, la explotación del níquel también ha conllevado problemas de salud vinculados a la contaminación, sobre todo en el sur. Además, persisten las desigualdades, que, en el sur, donde los apartamentos de lujo lindan con barrios en extremo precarizados, se vuelven incluso obvias. Mientras que los alquileres de Numea se aproximan a los de París, en los alojamientos sociales reside sobre todo población local. La economía, heredada de la colonización, reserva mucho espacio al monopolio. El coste de los productos básicos es exorbitante. El acceso a los estudios y a las profesiones socialmente valorizadas no ha cambiado. La compensación es relativa por tanto y las desigualdades fragilizan la paz social, ya que engendran gran frustración en la juventud canaca.
Aunque durante treinta y cinco años reina la paz, el contexto se degrada poco a poco. En 2018, Emmanuel Macron se felicita públicamente por el resultado negativo del primer referéndum de autodeterminación, una actitud que los caledonios entienden como ruptura de la imparcialidad que se espera del gobierno en ese ámbito. La degradación se hace más visible en 2021, con las rencillas que engendra el tercer referéndum. Debía desarrollarse en inicio en 2022, pero tiene lugar en diciembre de 2021 por voluntad de Macron, que desea cerrar el acuerdo de Numea antes de que acabe su primer mandato. Los independentistas del FLKNS lo boicotean, buscando marcar con ese gesto su rechazo a la decisión del presidente de no respetar el período de luto canaco.
La crisis del covid-19 ha puesto de relieve la herencia colonial por todo el planeta. Si el Brasil de Bolsonaro ha dejado a los indígenas a la deriva, Nueva Caledonia ha sufrido de lleno el impacto de la variante Delta sin recibir especial atención. El 10 de octubre de 2021 las autoridades declaraban 9166 casos confirmados, 55 pacientes en reanimación y 200 fallecimientos. Menos de uno de cada dos habitantes estaba vacunado. El referéndum se mantiene pese al deseo del FLKNS y se desarrolla en diciembre de 2021. Los independentistas lo estiman tanto más ilegítimo y parcial por cuanto que la abstención falsea el resultado y la crisis sanitaria hace que parezca mayor la necesidad de apoyo por parte de Francia.
La tensión entre el Estado y el FLNKS impide que se reanude el diálogo sobre el futuro institucional del archipiélago, todavía considerado territorio no autónomo por la ONU, aun cuando ambos debían llegar a un acuerdo, inclusive en el caso de resultado negativo en los tres referéndums. El nombramiento de la presidenta LR de la provincia sur Sonia Backes al puesto de secretaria de Estado a la ciudadanía se añade a esta lista de vulneraciones al principio de imparcialidad del Estado, volviendo más inexplicable que un dossier tan frágil se le haya confiado a Gérald Darmanin, cuyo estilo autoritario y brutal es conocido, en vez de a Gabriel Attal. Semejante falta de tacto desvela sin lugar a duda el substrato colonial que subyace en las relaciones entre el gobierno y las islas y aboca de entrada al fracaso todo el proceso.
Mucho está en juego en la reforma para ampliar el censo electoral. Supone que se incluyan 25000 electores nuevos, llegados todos tras los acuerdos de Numea. Los canacos temen, seguramente con razón, un regreso al control colonial, pues su influencia sigue disminuyendo en beneficio de los europeos. En efecto, de 271000 habitantes, el 41,2% es canaco, el 24,1% europeo y el 7,5% se declara “caledonio”, rechazando toda pertenencia étnica. Si el anterior conteo electoral daba preeminencia a los canacos, el giro previsto por Darmanin los vuelve minoritarios, con todas las consecuencias políticas que eso tendrá sobre las decisiones futuras del archipiélago.
El temor de los canacos se comprende mejor al escuchar la defensa colonial y racista que realiza el ministro del interior de su reforma antes de que se vote. En lugar de reflejar durante su exposición la gravedad de los hechos ataca a representantes de Francia Insumisa, que se oponía al texto. Recurre después a falsos razonamientos, que eluden sin vergüenza el pasado colonial. Establece un paralelo entre el voto en Francia de extranjeros y el de personas instaladas después de los acuerdos de Numea en Nueva Caledonia. Ello implica negar el incalificable abuso que ha supuesto la colonización para las islas. A la vez que se aferra al universalismo republicano para defender su reforma, Darmanin no ha dudado en ignorar la existencia misma del saqueo colonial.
Recordemos que, ya desde 1853, el expolio de propiedades, los desplazamientos y el trabajo forzados deciman a la población autóctona. Tanto es así que en 1921 ésta había disminuido en un 80% con relación a 1774, quedando reducida a 27100 canacos. A finales del siglo XIX y principios del XX, mientras avanza la descolonización, Francia afirma al contrario su estrategia de poblar Nueva Caledonia, deportando presos, comuneros y argelinos. El régimen jurídico propio a los indígenas no se abandona hasta 1946. En los años 1970, con el boom del níquel, comienza una nueva oleada migratoria, que el primer ministro Pierre Messmer asume abiertamente como método de población. Pese a las tensiones que llevan a los acuerdos de Matignon, los canacos aceptan el derecho al voto de los descendientes de blancos deportados.
Pues, por mucho que le disguste a Darmanin, cuestionar el censo electoral en Nueva Caledonia equivale a repensar la ciudadanía. ¿Cómo construirla en un archipiélago que ha sido colonizado? Si desde los años 1980 el proceso de descolonización y pacificación se había construido sobre la idea de un “destino común”, su existencia es puesta hoy en tela de juicio. En efecto, la cuestión del censo electoral es la de que el pueblo colonizado vuelva a ser o no amo de su destino. Una herida particularmente dolorosa cuando se ha sufrido en propia carne tales saqueos, humanos, culturales, espirituales y simbólicos.
Los canacos asimilan el fin del bloqueo electoral a un “regreso a la colonia de poblamiento”. Los antagonismos del debate aguzan la impresión que tienen de ser vulnerad@s y sufrir un perjuicio. Además de la argumentación racista de Darmanin, se puede mencionar que el relator del texto, Nicolas Metzdorf, diputado de Renacimiento, ha causado polémica. René Dosière, antiguo relator, estima que su informe es propaganda anti independentista que reescribe la historia. Actuando cual espejo, el interesado estima que sus adversarios “jerarquizan la población” y acusa a la Nupes de ser favorable a la independencia. Finalmente, si durante el tercer referéndum se había orquestado la abstención, los canacos tampoco están representados durante el debate, dando ello la impresión que la historia se repite. El proceso de descolonización por lo visto debía resolverse de forma bastante colonial, infantilizando al pueblo colonizado para excluirlo de él.
La Asamblea nacional ha adoptado el proyecto, pero todavía debe ser aprobado en el Congreso de Versalles. Permite que las personas instaladas desde hace más de diez años voten en las elecciones provinciales. Si la manera en que las cosas se han desarrollado indigna a los independentistas, los que son leales a Francia estiman que el proyecto resulta de la victoria del “no” en los tres referéndums. Macron ha anunciado que un Congreso tendría lugar antes de finales de junio, pero que antes el gobierno recibiría a representantes de las fuerzas políticas regionales. Una débil medida que poco compensa tantos abusos. A mayor razón porque lo que le interesa a Francia dista de estar claro. No sólo Nueva Caledonia es el cuarto productor mundial de níquel, un metal clave para desarrollar las industrias “verdes”, sino que tiene intereses en la zona ligados a la estrategia para confrontar a China que desarrolla en el Pacífico.
Cuando en Nueva Caledonia los partidarios de la independencia pretenden llegar a un acuerdo entre iguales, el debate político de Francia denota una completa falta de interés y de empatía por la zona, ya que cada un@ se lo apropia en su interés. Ha llegado la hora de decidir la suerte de las antiguas colonias de forma realmente descolonial, esto es, respetándolas y sin exagerar. Tanto más por cuanto que las civilizaciones aplastadas a menudo eran portadoras de valores distintos de los occidentales, pero no menos pertinentes e interesantes.