Le déficit de démocratie est un mal répandu et il continuera sans doute à progresser avec les traités commerciaux dits « nouvelle génération ». Il est souvent perceptible dès la campagne électorale avec les différences de moyens pour les campagnes de diffusion et la progression de la politique-spectacle. Partout, le pathos gagne du terrain engageant parfois un secteur de votes qui serait presque de l’ordre du sentimental.
Peut-être du fait de la conjonction entre l’irruption de forces nouvelles et une durée inhabituellement longue causée par la difficulté à parvenir à un accord électoral, les campagnes espagnoles ont été particulièrement intéressantes d’un point de vue discursif. L’émergence de forces nouvelles, on le sait, a été causée par les véritables situations de détresse que l’impact de la crise de 2008, la mauvaise gestion qu’en a fait le gouvernement et sa corruption ont produit dans le pays. Elle a un précédent dans le mouvement citoyen dit du 15M, dont sont issus une partie des membres des nouvelles troupes. Sans doute par la crainte de voir monter ce phénomène non-identifié, surtout dans un pays aussi attaché à ses habitudes que l’Espagne, les stratégies discursives mises en œuvre par l’ancienne garde ont été particulièrement virulentes et il est presque mission impossible de résister à les analyser, ne serait-ce que sommairement. Il me semble que l’on peut regrouper les stratégies de discréditation à l’encontre de ces forces en quatre points :
Ø Liées aux nationalismes : cette question a toujours été sensible dans l’Espagne démocratique, mais cela s’est exacerbé sous le gouvernement de Rajoy. C’est dans un premier temps le refus des leaders d’afficher un discours d’haine envers le nationalisme basque –étant bien entendu que tous ont toujours condamné le terrorisme- puis par la suite la position plutôt favorable à tenir un referendum en Catalogne qui ont surtout été amplifiés par leurs opposants, débouchant dans un cas presque en accusation de terrorisme, dans l’autre d’ indépendentisme.
Il faut ici signaler que, bien que le problème catalan soit indéniable, la droite espagnole en a fait un usage politique au moins depuis 2006, moment où la question d’user ou non du mot « nation » dans la loi d’autonomie de la Catalogne avait pris des proportions incompréhensibles au regard du fait que l’article 2 de la constitution espagnole « garantit le droit à l’autonomie des nationalités et des régions dont elle [l’Espagne] est composée ». Depuis, se superposant au problème réel, le ton est monté dans une démarche discursive semblant viser à unifier l’électorat du PP sur le principe de l’ennemi extérieur, comme cela a pu se voir pour des partis usant d’une communauté expiatoire pour rallier leurs troupes. Les accusations liées à la question nationaliste, l’opposant à une loyauté espagnole, ont donc sévi durant toute la campagne, presque naturellement situées dans ce prolongement.
Ø Liées à une stratégie discursive de genre : il a été intéressant de constater que, peut-être en raison de la nouveauté en Europe du phénomène Podemos, l’ancienne garde a dû, sans doute en désespoir de cause, trouver de nouvelles stratégies discursives. On a ainsi assisté à la première fois à ma connaissance où durant une bonne partie de la campagne un homme politique a été discrédité en suivant les stratégies discursives qu’on applique usuellement aux femmes. En effet, pratiquement pendant toute sa durée il a été question de la coiffure avec la queue de cheval du leader de Podemos, Pablo Iglesias, qui a même fini par être désigné par ce terme. Il est intéressant que cette stratégie discursive ait cessé dès lors qu’il a gagné en légitimité. S’il fallait aventurer une hypothèse, on pourrait se demander si ce n’était pas là une stratégie d’humiliation suprême que de ne même pas l’humilier comme un homme, mais comme une femme.
Ø Sollicitant des ressorts affectifs de l’imaginaire post-franquiste : s’il y a une chose que la campagne à l’encontre d’Unidos Podemos a permis de comprendre, c’est que l’Espagne n’avait toujours pas surmonté son histoire récente. En effet, la Gauche Unie, qui avec Podemos a formé la coalition Unidos Podemos, est elle-même intégrée par différents partis de gauche dont le PC. A la surprise des observateurs extérieurs, le discours de la « subversion communiste » s’est vu remis au goût du jour au moment de la fusion des deux partis avec une virulence digne de la guerre froide.
La question vénézuélienne, amenée par le fait que le Forum de Porto Alegre a été un moment décisif dans la fondation de Podemos, par le voyage dans les pays du « virage à gauche » de certains de leurs leaders ainsi que par le fait que certains des anciens dirigeants aient réalisé des études pour le gouvernement vénézuélien, est apparue au niveau discursif dans la prolongation de cet imaginaire tragique du « rouge ». Présente au moment de la première campagne, elle est réapparue avec force au moment de la crise du gouvernement de Maduro, en insistant sur le supposé danger de pénurie et de collectivisation que courrait l’ensemble de l’Espagne.
Ø Liés aux questions d’étiquette : lors de l’entrée des premiers députés des nouvelles formations dans le Parlement on a pu assister à ce que l’on pourrait presque définir comme rencontres du troisième type, entre politiciens costumés et nouveaux élus portant des dread-locks ou des t-shirt à inscriptions politiques. La tenue des nouveaux députés, qui n’ont jamais fait défaut à la bienséance, a été aussi très critiqué, bien que dès l’extérieur cela ait été plus comique que tragique.
Si la démocratie est partout en perte de vitesse, la campagne espagnole m’a semblé inquiétante pour l’Espagne. La peur soulevée en usant des ressorts du fantasme du « rouge » hérités du franquisme constitue de fait un frein à la démocratie. Les choses sont encore à ramener à leur juste niveau : bien évidemment toutes les idéologies peuvent dériver en autoritarisme, aucune n’est à l’abri de cela, mais le discours politique de l’ancienne garde, et en particulier du PP, a vraiment opéré pour que se produise une confusion entre le fond et la forme, alors même que sont passées sous leur gouvernement des lois extrêmement liberticides qu’il n’est pas question de déroger. Même chose pour la peur de la « rupture de l’Espagne », expression s’il en est qui évoque la rhétorique franquiste. Bien que le problème séparatiste soit réel, nous sommes quelques uns à penser que l’ampleur qu’il a prise ces dix dernières années est en partie attribuable à l’usage discursif qu’en a fait la droite. La façon dont il est convoqué, sur le mode de la peur et de la haine viscérale, n’est pas faite pour arranger les choses. L’usage des stratégies discursives de genre, qui est sans doute une nouveauté du moment qu’elles ne s’appliquent pas à une femme, se situe dans la lignée conservatrice de l’ensemble.
Ces stratégies discursives n’ont pas été sans efficacité, suscitant une impulsion irrationnelle qui a parfois conduit une partie du peuple espagnol à ne même pas étudier les propositions concrètes des nouvelles formations. A un moment où l’idée court qu’il serait presque malpoli de parler de politique, la prégnance de ces impulsions a montré à mon sens qu’il faut plus que jamais en parler, car on ne sait que trop bien que le silence ne garantit pas une neutralité et laisse en revanche sans outils intellectuels de défense critique beaucoup de secteurs.
Ceci n’a pas vocation à constituer un plaidoyer pour les « forces du changement », dont je n’ai pour ma part pas encore vu assez pour formuler une opinion tranchée. Tout au plus signaler qu’on a déjà pu détecter chez elles plusieurs incohérences et que la lutte d’egos qu’a déchaîné en son sein le simple succès permet d’établir un doute raisonnable à propos de leurs possibilités de passer « l’épreuve du pouvoir ». Aussi, puisque de distance critique il s’agit, et compte tenue de la récurrence du discours sur le genre et le féminisme dans ces nouvelles formations, peut-être pourra-t-on laisser tomber ici que, comme tant d’autres choses, il semble relever un peu du « tout pour les femmes, mais sans les femmes » évoqué la dernière fois. Il n’est pas question de douter que les femmes, féministes ou non, qui s’y trouvent soient en train de mener un travail acharné, mais simplement de souligner que cela ne se reflète pas dans le comportement des têtes de parti ni dans l’organisation de l’ensemble. L’accaparation de l’espace médiatique et les témoignages qu’on a pu lire laissent penser qu’il y a un pourcentage d’hommes capables de voler leurs idées aux femmes et de les écarter analogue à celui de n’importe quelle autre formation. Un espace politique humaniste et féministe, informé par des valeurs d’horizontalité, solidarité, flexibilité entre structure organisatrice et autonomie reste encore à construire. Il est probable qu’il mette encore un temps à émerger, du fait qu’il irait pratiquement à l’encontre des principes d’organisation des partis politiques tels qu’ils ont été conformés dans les cultures patriarcales et que ce courant de pensée reste encore cible de beaucoup de stigmatisation, mais il ne fait pas doute que des hommes et des femmes le feront émerger un jour. En attendant, sans doute la dream team de sexy leaders que les forces nouvelles ont dégottés continuera-t-elle à captiver les gamines mais, pour le plus âgées, cela fait longtemps que nous pesons la façon dont nous sommes traitées et l’espace qui nous est donné avant de donner notre aval.
La política “espectáculo”
Dos campañas electorales se han sucedido en España, como consecuencia de la profunda crisis que conoce el sistema actual. Las estrategias discursivas utilizadas contra las nuevas fuerzas, cuyo discurso también debe mirarse con ojo crítico, dicen mucho sobre el estado actual de la democracia española.
El déficit de democracia es un mal extendido y sin duda seguirá progresando con los tratados comerciales “de nueva generación”. A menudo es perceptible ya desde la campaña electoral, con la diferencia de medios de las campañas de difusión y la progresión de la política-espectáculo. Por todas partes el pathos gana terreno llegando a conformar un sector de votos que serían casi del orden de lo sentimental.
Quizá a causa de la confluencia entre la irrupción de fuerzas nuevas y una duración inhabitualmente larga causada por las dificultades para llegar a un acuerdo electoral, las campañas españolas han sido particularmente interesantes desde el punto de vista discursivo. Como se sabe la emergencia de fuerzas nuevas fue causada por las verdaderas situaciones de precariedad que el impacto de la crisis de 2008, la mala gestión que de ella hizo el gobierno y la corrupción de este último produjeron en todo el país. Tiene un precedente en el movimiento ciudadano del 15M, del cual provienen una parte de los integrantes de las nuevas tropas. Sin duda por el temor a ver progresar a ese fenómeno no-identificado, sobre todo en un país tan apegado a sus costumbres como es España, las estrategias discursivas puestas en marcha por la vieja guardia han sido particularmente virulentas y es casi misión imposible resistirse a analizarlas, así sea someramente. Me parece que se pueden agrupar las estrategias discursivas de desacreditación dirigidas hacia las nuevas fuerzas en cuatro puntos :
Ø Vinculadas a los nacionalismos : aunque siempre han sido una cuestión sensible en la España democrática, esto se exacerbó bajo el gobierno de Rajoy. En un primer momento el rechazo de los líderes a avalar un discurso de odio hacia el nacionalismo vasco –quedando claro eso sí que todos condenaron en todo momento el terrorismo- y después su posición más bien favorable a que se celebrase un referéndum en Cataluña fueron ampliados por sus oponentes, desembocando en un caso casi en acusación de filoterrorismo, en el otro de independentismo.
Hay que señalar aquí que, aunque el problema que hay en Cataluña sea innegable, la derecha española ha hecho de él un uso político al menos desde 2006, momento en el que la cuestión de usar o no la palabra “nación” en el estatuto de autonomía de la comunidad tomo proporciones incomprensibles si se considera que el artículo 2 de la Constitución española « garantiza el derecho a la autonomía de las nacionalidades y regiones que la integran [a España]». Desde entonces, superponiéndose al problema real, el tono fue subiendo en un proceder discursivo que parecía encaminado a unificar al electorado del PP bajo el principio del enemigo exterior, como se ha podido ver en partidos que usan a comunidades expiatorias para federar a sus tropas. Las acusaciones vinculadas a la cuestión nacionalista, oponiéndola a una lealtad española, han durado casi toda la campaña, naturalmente situadas en esa prolongación.
Ø Vinculadas a una estrategia discursiva de género : ha sido interesante constatar que, quizá a causa de la novedad en España del fenómeno Podemos, la vieja guardia ha tenido que encontrar, sin duda un poco a la desesperada, nuevas estrategias discursivas. Hemos podido asistir así a la primera vez, a mi conocimiento, en la que durante una buena parte de la campaña un político ha sido desacreditado gracias a las estrategias discursivas que se aplican usualmente a las mujeres. En efecto, durante casi toda su duración salió a colación el tema del peinado con coleta del líder de Podemos, Pablo Iglesias, que terminó incluso siendo designado con ese término. Es interesante que esa estrategia discursiva haya cesado a partir del momento en que ganó en legitimidad. Si hubiese que aventurar una hipótesis, podría una preguntarse si la tentativa de ni siquiera humillarlo como a un hombre, sino como a una mujer, no iba encaminada a constituir una suerte de humillación suprema.
Ø Que solicitan los resortes afectivos de un imaginario post-franquista : si algo ha dejado claro la campaña contra Unidos Podemos es que España sigue sin sobreponerse a su historia reciente. En efecto, Izquierda Unida, que con Podemos ha formado la coalición Unidos Podemos, está integrada por diferentes partidos de izquierda, entre los cuales el PC. Para sorpresa de los observadores externos, el discurso de la “subversión comunista” fue actualizado en el momento de la fusión entre los dos partidos con una virulencia digna de la guerra fría.
La cuestión venezolana, introducida por el hecho de que el Foro de Puerto Alegre fue un momento decisivo para la formación de Podemos, por el viaje a los países del “giro a la izquierda” de algunos de sus líderes así como por el hecho de que algunos antiguos dirigentes hayan realizado estudios para el gobierno de Venezuela, apareció situada a nivel discursivo en la prolongación del imaginario trágico del “rojo”. Si bien estuvo presente en todo momento en la campaña, reapareció con más fuerza en el momento de la crisis del gobierno de Maduro, con marcada insistencia en el supuesto peligro de penuria y de colectivizaciones que correría España.
Ø Vinculadas a cuestiones de etiqueta : cuando los primeros diputados de las nuevas fuerzas entraron en el Parlamento, el conjunto de España pudo asistir a lo que casi podría calificarse de encuentros en la tercera fase, entre políticos vestidos de traje y nuevos cargos que llevaban rastas o camisetas con inscripciones políticas. El aspecto de los nuevos diputados, que nunca faltaron al decoro, fue también muy criticado, aunque desde el exterior el desfase resultaba más cómico que trágico.
Si bien la democracia pierde terreno en todas partes, la campaña española me ha parecido inquietante para España. El miedo generado usando resortes vinculados a la construcción fantasmática del “rojo” heredados del franquismo constituye de hecho un freno a la democracia. Las cosas aún deben ser llevadas a su justa medida : evidentemente todas las ideologías pueden derivar en autoritarismo, ninguna está exenta de ese peligro, pero el discurso político de la vieja guardia, y en particular del PP, ha operado realmente para que se produjese una confusión entre el fondo y la forma, aún cuando han sido votadas bajo su gobierno leyes extremadamente liberticidas que no está a la orden del día derogar. Lo mismo sucede con el miedo a la “ruptura de España”, expresión si cabe que evoca la retórica franquista. Aunque el problema separatista sea real, ya somos algunos los que pensamos que la envergadura que ha tomado en los últimos diez años es en parte atribuible al uso discursivo que de él ha hecho la derecha. Por otra parte, la manera en que es evocado, bajo el modo del miedo y del odio visceral, no va a arreglar las cosas. El uso de las estrategias discursivas de género, que sin duda es una novedad a partir del momento en que no se le aplican a una mujer, se sitúa en la línea conservadora del conjunto.
Estas estrategias discursivas no han permanecido sin efecto, sino que han suscitado impulsiones irracionales que a veces han llevado al pueblo español a ni siquiera considerar las propuestas concretas de las nuevas formaciones. En un momento en que circula la idea que sería hablar de política casi maleducado, la fuerza de esas impulsiones demuestra, a mi modo de ver, que hay que hablar de ella más que nunca, ya que sabido es que el silencio no garantiza para nada la neutralidad y deja sin embargo sin defensas intelectuales críticas a muchos sectores.
Esto no pretende constituir un alegato a favor de las “fuerzas del cambio”, de las cuales no he visto aún por mi parte bastante como para formular una opinión categórica. Quizá simplemente señalar que ya se detectan incoherencias y que la lucha de egos desatada en su seno con el simple éxito permite establecer una duda razonable a propósito de sus posibilidades de superar la “prueba del poder”. También, puesto que de distancia crítica se trata, y habida cuenta de la recurrencia del discurso sobre género y feminismo en las nuevas formaciones, se pueda dejar quizá caer aquí que, como tantas otras cosas, parece en parte atribuible al “todo para las mujeres, pero sin las mujeres” de que hablé en el anterior post. No se trata de dudar de que las mujeres, feministas o no, que en ellas se integran no estén efectuando un trabajo denodado, sino simplemente de subrayar que eso no se refleja ni en el comportamiento de las cabezas de partido ni en la organización del conjunto. La acaparación del espacio mediático y los testimonios que se han podido leer dejan pensar que hay en ellas un porcentaje de hombres capaces de intentar robarles las ideas a las mujeres y apartarlas análogo al de cualquier otra formación. Un espacio político humanista y feminista, informado por valores de horizontalidad, solidaridad, flexibilidad entre estructura organizativa y autonomía está aún por construir. Es probable que aún tarde en emerger, ya que estaría a contracorriente de los principios de organización de los partidos políticos tal y como se conforman en las culturas patriarcales, y que esa corriente de pensamiento aún es blanco de estigmatizaciones, pero no cabe duda de que hombres y mujeres lo generarán un día. Mientras tanto, la dream team de sexy-líderes que las nuevas fuerzas han encontrado seguirá sin duda cautivando a las muy jóvenes, pero hace mucho que las que somos algo más mayores examinamos la manera en que somos tratadas y el espacio que nos es dado antes de dar un aval.