Décembre 2023
La publication ce 20 novembre du rapport délivré par la CIIVISE, après trois ans de travail et 30000 auditions, a constitué un événement majeur et inédit dans la lutte contre les violences structurelles faites aux enfants. Installée le 11 mars 2021, la Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles Faites aux Enfants (CIIVISE) avait pour mission de recueillir les témoignages de personnes ayant subi des violences sexuelles durant l’enfance, leur offrant un espace d’expression, de reconnaissance et de solidarité. Au regard des conclusions extraites, elle devait également préconiser des politiques publiques pour améliorer la réponse des institutions à ce problème. Son mandat, prévu à l’origine pour deux ans, a été prolongé jusqu’au 31 décembre 2023.
L’inceste compte parmi les violences les plus niées et occultées par la société. Pourtant, il s’agit d’un fléau ayant emporté et détruit des milliers de personnes. La création de la CIIVISE a lieu dans le contexte de l’émergence d’un mouvement social de libération de la parole à propos de l’inceste comparable à ceux qui ont concerné d’autres violences systémiques. En France, la publication de deux romans, Le consentement, de Vanessa Springora, en 2020, et La familia grande, de Camille Kouchner, en 2021, a été le point de départ de ce MeToo inceste qui a participé à poser les conditions pour que naisse la CIIVISE.
L’inceste est une violence très profondément structurelle. La configuration de la cellule sociale de base, la famille, favorise qu’elle survienne. Espace fermé et hiérarchisé, la famille permet et induit des interactions qui sont à l’origine même du type de violence qu’est l’inceste. En effet, comme les autres violences systémiques, l’inceste est à la fois le produit et le garant du système de domination de sexe. Les chiffres montrent bien le caractère systémique des violences sexuelles sur les enfants : 160000 enfants en sont victimes chaque année en France, un enfant est agressé toutes les trois minutes. 5,4 millions de personnes ont été victimes de violences sexuelles avant l’âge de 18 ans dans le pays.
Le mode opératoire de l’agresseur, les attitudes de la victime et les conséquences sur elle de l’agression disent bien aussi le caractère systémique de l’inceste, car ils sont similaires dans tous les cas. L’enjeu de la parole, le premier de tous ceux qu’affronte la CIIVISE, est crucial dans la lutte contre une violence comme l’inceste, car le silence en est une composante majeure. Les violences extrêmes nient la personne qui en est la cible. En tant que violence ultime, l’inceste est un déni d’humanité et une trahison, car ce déni vient d’un proche de la victime, supposé la protéger. Il y a un triple silence dans l’inceste. Loin de la folie et de la pathologique dont la représentation la plus courante de l’inceste affuble l’agresseur, son mode opératoire organise minutieusement le silence de sa victime, par un processus toujours identique : il l’isole, la dévalorise, inverse la culpabilité, crée un climat de peur et assure son impunité. L’agresseur impose à sa victime le silence sur ses émotions et sa dignité, mais aussi sur son humanité. Le cercle familial est souvent, consciemment ou inconsciemment, complaisant : c’est le deuxième silence de l’inceste. Les témoins optent pour préserver la représentation de la famille et l’ordre social, en détriment de la victime. Parfois, ils préservent également les liens qu’ils pensent avoir à l’agresseur. Le troisième silence de l’inceste est constitué par l’impunité récurrente des agresseurs, garantie par la justice.
Du chemin a été fait depuis la fin des années 80, moment où la parole à propos de l’inceste commençait à peine à poindre. Eva Thomas, membre de la CIIVISE, témoignait en 1986 pour la première fois à la télévision de l’inceste qu’elle avait subi, elle mentionnait alors trois baillons sur la parole des victimes : l’agresseur ; le psychanalyste, avec la théorie freudienne du fantasme, qui inversait la culpabilité ; le législateur, qui utilisait la prescription. Les circonstances ont beau avoir évolué, la lutte contre le silence bat encore son plein. La reconnaissance de la parole des victimes est encore plus essentielle dans l’inceste, pour assurer leur retour à la vie, que dans les autres violences sexuelles, car elle constitue le pendant de tout ce silence monstrueux et assassin. Dans le même mouvement que la société reconnaît les atteintes subies par la victime, elle reconnaît son humanité, commençant par là à la restituer. Cela explique que la reconnaissance de la parole par la CIIVISE, donc par l’Etat et par la société, ait été à ce point célébrée, avec soulagement et gratitude, par des milliers d’anciennes victimes dans toute la France. La solitude dans laquelle le silence plonge les victimes d’inceste débouche en effet souvent sur le chemin sans retour du suicide.
Puisque la hiérarchie et l’enfermement constitutifs de la famille permettent l’inceste, il est logique qu’une plus grande proximité de l’agresseur à la victime dans la structure familiale suppose une révélation plus tardive des violences sexuelles. Seule une victime sur 10 a révélé les violences au moment des faits (13%). Pour ce qui est des violences sexuelles subies dans l’enfance, 9% des victimes d’inceste les révèlent au moment des faits ; 12% de celles dont l’agresseur appartient à l’entourage ; 27% s’il est dans le cadre institutionnel et 40% de celles dont il est inconnu et agit dans l’espace public.
Lorsqu’elles révèlent les violences au moment des faits, les victimes s’adressent le plus souvent à des membres de leur famille : à leur mère (66% des victimes de violences sexuelles ; 75% des victimes d’inceste) ; à une sœur ou à un frère (23% dans le premier cas ; 19% dans le deuxième) ; à leur père (19% dans le cas de violences sexuelles ; 15% dans les cas d’inceste).
La tâche de la CIIVISE a été si libératrice que les demandes pour qu’elle soit maintenue au-delà du mandat prévu à l’origine se sont multipliées. La secrétaire d’Etat chargée de l’enfance, Charlotte Caubel, a exprimé le souhait du gouvernement de la voir continuer. De même, le gouvernement souhaite élargir sa mission à la pédocriminalité en ligne, l’accès à la pornographie, l’éducation à la sexualité ou encore la prostitution des mineurs.
Le travail gigantesque effectué par la commission jusqu’à présent sur l’inceste débouche sur 82 recommandations. Parmi elles, elle préconise de systématiser le repérage des victimes (lors d’examens de santé de dépistage et prévention, d’entretiens, à l’occasion d’une IVG ou d’une tentative de suicide) ; déclarer l’imprescriptibilité des viols et violences sexuelles sur les enfants ; créer une « ordonnance sûreté enfant » qui facilite aux juges des affaires familiales de statuer d’urgence sur l’autorité parentale ; étendre la définition pénale d’inceste aux cousins et autres membres de la famille ; garantir des soins spécialisés du psycho traumatisme des violences; garantir une meilleure indemnisation des victimes ; renforcer le contrôle des antécédents grâce au fichier judiciaire des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes ; maintenir la CIIVISE.
L’imprescriptibilité compte parmi les mesures réclamées depuis longtemps, car elle suppose le seul moyen de parer à l’oubli traumatique. En effet, une des défenses que le psychisme peut mettre en place face à cette violence extrême est l’oubli traumatique. L’agression reste dans le subconscient pendant des années, jusqu’à ce qu’elle resurgisse un jour à la conscience, parfois des décennies plus tard. Ce mécanisme de défense étant récurrent, rendre les agressions imprescriptibles constitue la seule possibilité d’offrir une voie de salut aux victimes qui l’ont expérimenté.
La création de la CIIVISE a beau supposer en soi une victoire dans la lutte contre les violences sexuelles subies dans l’enfance, elle n’a fait pourtant que mettre à jour l’amplitude du problème et préconiser des pistes de solution. Il est donc fondamental que la gigantesque tâche à peine entamée par la commission se poursuive.
La publication en 2022 du recueil d’articles intitulé La culture de l’inceste, chez Seuil, sous la direction d’Iris Brey et de J. Drouar, constitue un autre moment fort, plus discret, de la lutte contre l’inceste. Sur le modèle de la désignation féministe « culture du viol », le recueil entreprend de briser la loi du silence qui entoure cette violence en la nommant. Il prend également le contre-pied de l’épistémologie patriarcale en niant le statut de « tabou universel » de l’inceste, établi par l’anthropologie classique, et le désignant comme fait social, perspective qu’étaye le nombre d’affectés. Finalement, il fixe le concept pionnier d’incesté, qui nomme la spécificité de ce que subit la victime. Le groupe de chercheu.r.se.s, dont Iris Brey, Juliet Drouar, Dorothée Dussy ou Tal Piterbraut-Merx, recèle la particularité de posséder un double point de vue sur l’inceste. Tou.te.s possédent la double casquette de cheurche.r.se.s et d’incesté.es, ce qui rend leur point de vue à la fois intérieur et extérieur, à la fois distant et connaisseur de la subjectivité meurtrie de la victime. Outre l’étude attentive du fait social, l’enfer vécu par les victimes est présenté sans concessions par le recueil.
De nombreu.x.ses incesté.e.s ont posé des mots sur le combat à mort que livrent les victimes d’inceste pour surmonter leur traumatisme. Eva Thomas précisait qu’il était une « question de vie ou de mort ». Un des scientifiques sollicités pour La culture de l’inceste, Tal Piterbraut-Merx, a illustré d’ailleurs, malheureusement, par son suicide après la publication de l’ouvrage le sort de bien de victimes. Son écriture navigue, comme celle des autres chercheu.r.se.s, entre la distance analytique et la connaissance profonde de la réalité traitée, source de cette empathie qui manque si cruellement aux victimes de cette violence systémique.
Les données dévoilées par les études sur l’inceste pointent, comme cela a été le cas pour d’autres violences systémiques, la nécessité d’aller, pour le combattre, à la racine des structures sociales, responsables en dernière instance de toutes ces violences. Les structures sociales assurent la constitution des identités sociales, qui participent à la construction identitaire de chaque individu, et déterminent les interactions entre elles. Lutter efficacement contre les violences relationnelles systémiques passe par modifier le réseau même de significations qui modèle la culture. Il ne fait pas de doute que la pérennisation de la CIIVISE constituera un palier salutaire dans cette longue lutte, qui est loin d’être finie.
Références :
Le rapport public de la CIIVISE. « Violences sexuelles faites aux enfants : on vous croit », Le rapport public de la CIIVISE - CIIVISE Commission Inceste
Iris Brey et Juliet Drouar (sous la direction de), La culture de l’inceste, Paris, Seuil, 2022.
Sara Calderon, Pour une non-violence politique. Réflexions autour des violences structurelles relationnelles, éd. Verone (Hachette), 2022.

Gustav Moreau, Le Victorieux Sphinx (détail), 1886.
El mantenimiento de la CIIVISE, una medida faro en la lucha contra el incesto
La creación en 2021 de la CIIVISE, que ha publicado en noviembre su informe, después de tres años de trabajo y 30000 entrevistas, ha supuesto la creación de un espacio de expresión y de reconocimiento de víctimas mucho tiempo amordazadas. En tanto que pieza maestra de la lucha contra el incesto, debe ser mantenida.
Diciembre de 2023
La publicación este 20 de noviembre del informe producido por la CIIVISE, después de tres años de trabajo y 30000 entrevistas, ha constituido un acontecimiento de primer orden e inédito en la lucha contra las violencias estructurales ejercidas hacia los niños. Inaugurada el 11 de marzo de 2021, la Comisión Independiente sobre el Incesto y las Violencias Sexuales hacia los Niños (CIIVISE) debía recoger los testimonios de personas víctimas de violencia sexual durante la infancia, ofreciéndoles un espacio de expresión, de reconocimiento y de solidaridad. Considerando las conclusiones de ello derivadas, debía sugerir políticas públicas que mejoraran la respuesta institucional a este problema. Su mandato, previsto por dos años en origen, ha sido prolongado hasta el 31 de diciembre de 2023.
El incesto es una de las violencias más negadas y ocultadas por la sociedad. Se trata sin embargo de una plaga que se ha llevado a miles de personas y que ha destruido a otras tantas. La creación de la CIIVISE sucede en el contexto del nacimiento de un movimiento social de liberación de la palabra a propósito del incesto comparable a los que se han vinculado a otras violencias sistémicas. En Francia, la publicación de dos novelas, El consentimiento, de Vanessa Springora, en 2020, y La familia grande, de Camille Kouchner, en 2021, ha dado el toque de salida de ese MeToo incesto que ha contribuido a sentar las condiciones para que se creara la CIIVISE.
El incesto es una violencia profundamente estructural. La configuración de la célula social de base, la familia, favorece que se instale. En tanto que espacio cerrado y jerarquizado, la familia permite e induce interacciones que se sitúan en el origen mismo del tipo de violencia que es el incesto ya que, como las otras violencias sistémicas, éste es a la vez el producto y el garante del sistema de dominación de sexo. Las cifras muestran bien el carácter sistémico de las violencias sexuales sobre los niños: 160000 niños las sufren cada año en Francia, un niño es agredido cada tres minutos. 5,4 millones de personas han sido víctima de violencia sexual antes de la edad de 18 años en el país.
El modo operativo del agresor, las actitudes de la víctima y las consecuencias sobre ella de la agresión muestran también el carácter sistémico del incesto, pues son siempre parecidos. El desafío que supone la toma de palabra, el primero que confronta la CIIVISE, es crucial en la lucha contra una violencia como el incesto, ya que el silencio desempeña en ella un papel fundamental. Las violencias extremas niegan a la persona que está en su objetivo. En tanto que violencia suprema, el incesto niega la humanidad de su víctima y supone una traición, pues es alguien cercano a ella quien la niega, alguien que debía protegerla. Hay un triple silencio en el incesto. Lejos de la locura y de la patología que su representación mas corriente le atribuye al agresor, su modo operativo organiza minuciosamente el silencio de la víctima, con un proceso siempre idéntico: la aísla, la desvaloriza, invierte la culpabilidad, crea un clima de miedo y asegura su impunidad. El agresor silencia las emociones y la dignidad de la víctima, pero también su humanidad. A menudo el círculo familiar cierra los ojos, consciente o inconscientemente: es el segundo silencio del incesto. Los testigos optan por preservar la representación de la familia y el orden social, en detrimento de la víctima. A veces también preservan los vínculos que creen tener con el agresor. El tercer silencio del incesto lo constituye la impunidad recurrente de los agresores, garantizada por la justicia.
Ha pasado mucho tiempo desde finales de los años 80, momento en que apenas comenzaban a desvelarse testimonios sobre el incesto. Eva Thomas, miembro de la CIIVISE, aportaba el suyo por primera vez en televisión en 1986. Mencionaba entonces tres mordazas que silenciaban a las víctimas: el agresor; el psicoanalista, con la teoría freudiana del fantasma, que invertía la culpa; el legislador, que utilizaba la prescripción. Por más que las circunstancias hayan evolucionada, queda mucho por luchar contra el silencio. Reconocer la palabra de las víctimas, para asegurar su regreso a la vida, resulta todavía más crucial en el incesto que en las otras violencias sexuales, ya que se combate con ello todo ese silencio monstruoso y asesino. A la vez que la sociedad le reconoce a la víctima los daños sufridos, le reconoce también su humanidad, primer paso para restituirla. Ello explica que el reconocimiento de la palabra por la CIIVISE, luego por el Estado y la sociedad, haya sido celebrado con tal alivio y gratitud por miles de antiguas víctimas en toda Francia. Y es que la soledad en la que el silencio sumerge a las víctimas de incesto conduce a menudo al camino sin retorno del suicidio.
Puesto que la jerarquía y el encierro constitutivos de la familia permiten el incesto, es lógico que una mayor proximidad entre el agresor y la víctima en la estructura familiar conlleve que tarden más en denunciarse las violencias sexuales. Sólo una víctima de cada diez revela que está sufriendo violencias en el momento de los hechos (13%). En lo que se refiere a las violencias sexuales sufridas durante la infancia, el 9% de las víctimas de incesto las revelan en el momento de los hechos; el 12% lo hacen cuando el agresor pertenece al entorno; el 27% si el agresor pertenece a marco institucional y el 40% si es un desconocido que actúa en el espacio público.
Cuando denuncian las violencias en el momento de los hechos, las víctimas se dirigen con mayor frecuencia a miembros de su familia: a su madre (el 66% de víctimas de violencias sexuales; el 75% de víctimas de incesto); a una hermana o hermano (el 23% en el primer caso; el 19% en el segundo); a su padre (el 19% en caso de violencias sexuales; el 15% en caso de incesto).
El trabajo efectuado por la CIIVISE ha sido tan liberador que las demandas para que se la mantenga más allá de lo previsto se han multiplicado. La secretaria de Estado a la infancia, Charlotte Caubel, ha dado voz al deseo del gobierno de que continue. Este desea también que su misión se amplie a la pedocriminalidad on line, el acceso a la pornografía, la educación sexual o bien la prostitución de menores.
El gigantesco trabajo efectuado hasta ahora por la comisión sobre el incesto desemboca en 82 recomendaciones. Entre ellas, aconseja sistematizar la detección de las víctimas (durante exámenes médicos de control, entrevistas, con motivo de un aborto o de una tentativa de suicidio); declarar imprescriptibles las violaciones y las violencias sexuales sobre niños; crear una “ordenanza de seguridad de menor” que permita a los jueces de asuntos familiares decidir de forma urgente sobre la autoridad parental; extender la definición penal de incesto a los primos y otros miembros de la familia; garantizar cuidados especializados para el psico trauma inducido por las violencias; garantizar una mejor indemnización a las víctimas, reforzar el control de antecedentes gracias al fichero de infracciones sexuales o violentas; mantener la CIIVISE.
La imprescriptibilidad es una de las medidas que se venían reclamando desde hacía tiempo, ya que es el único medio para luchar contra el olvido traumático. Una de las defensas del psiquismo frente a esa violencia extrema es el olvido traumático. La agresión permanece en el subconsciente durante años hasta que resurge un día a nivel consciente, a veces décadas mas tarde. Puesto que es un mecanismo de defensa recurrente, volver imprescriptibles las agresiones constituye el único modo de ofrecer una reparación a las víctimas que lo han experimentado.
Por más que la creación de la CIIVISE suponga en sí una victoria en la lucha contra las violencias sexuales sufridas en la infancia, ésta no ha hecho sino sacar a la luz la amplitud del problema y recomendar medidas para combatirlo. Es pues fundamental que la gigantesca tarea apenas empezada por esa comisión prosiga.
La publicación en 2022 del compendio de artículos titulado La cultura del incesto, editorial Seuil, bajo la dirección de Iris Brey y Juliet Drouar, constituye otro momento fuerte, más discreto, de la lucha contra el incesto. Sobre el modelo de la designación feminista “cultura de la violación”, el compendio se esfuerza por romper el silencio que rodea al incesto, nombrándolo. También se opone a la epistemología patriarcal negándole el estatus de “tabú universal”, establecido por la antropología clásica, y designándolo como hecho social, perspectiva que apoya el número de afectad@s. Finalmente, crea el concepto pionero de “incestado”, que explicita lo que vive la víctima. El grupo de investigadores, entre los cuales están Iris Brey, Juliet Drouar, Dorothée Dussy o Tal Piterbraut-Merx, tiene la particularidad de poseer un doble punto de vista sobre el incesto. Tod@s son investigadores e incestad@s, lo que hace su punto de vista a la vez interior y exterior, a la vez distante y conocedor de la subjetividad adolorida de la víctima. Además de ser un estudio atento al hecho social, el compendio presenta sin concesiones el infierno que viven las víctimas.
Much@s incestad@s han dado visibilidad al combate a muerte que libran las víctimas de incesto para sobreponerse al trauma. Eva Thomas precisa que es una “cuestión de vida o muerte”. Uno de los investigadores que participaron en La cultura del incesto, Tal Piterbraut-Merx, ha ilustrado por desgracia suicidándose a la salida del libro la suerte que corren muchas víctimas. Su escritura navega, como la de l@s otr@s investigadores, entre la distancia analítica y el profundo conocimiento de la realidad que estudia, fuente de esa empatía que tanto se les niega a las victimas de esa violencia sistémica.
Como ha sucedido con otras violencias sistémicas, los datos que desvelan los estudios sobre el incesto ponen de relieve la necesidad de combatirlo actuando de raíz, sobre las estructuras sociales, responsables en última instancia de todas esas violencias. Las estructuras sociales aseguran la constitución de las identidades sociales, que participan en la construcción identitaria de cada individuo, y determinan las interacciones entre ellas. Luchar con eficacia contra las violencias relacionales sistémicas implica modificar la red misma de significados que modela la cultura. No cabe duda de que mantener la CIIVISE marcará una etapa en esa larga lucha, que está lejos de haber terminado.
Référencias :
Le rapport public de la CIIVISE. « Violences sexuelles faites aux enfants : on vous croit », Le rapport public de la CIIVISE - CIIVISE Commission Inceste
Iris Brey et Juliet Drouar (sous la direction de), La culture de l’inceste, Paris, Seuil, 2022.
Sara Calderon, Pour une non-violence politique. Réflexions autour des violences structurelles relationnelles, éd. Verone (Hachette), 2022.