C’est en 2010 que Julie a enfin trouvé le courage de porter plainte pour des faits qui se sont déroulés entre ses 13 et ses 15 ans. Atteinte de lourdes crises de spasmophilie et de tétanie, elle a alors été obligée de faire appel aux pompiers plus de 130 fois entre 2008 et 2010. Elle dénonce avoir subi durant ces années les viols de 22 pompiers de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP). Après une enquête qui s’est étendue près de neuf ans, la justice a décidé de ne poursuivre que trois pompiers -sur les 22- pour des faits qui ont été requalifiés par le parquet de viol aggravé en atteinte sexuelle en réunion, délit jugé devant un tribunal correctionnel et passible d’un maximum de dix ans de prison, soit la moitié moins que la peine encourue aux assises.
La famille de Julie a fait appel de cette décision, mais sa demande a été rejetée, un manque de preuves permettant d’établir le défaut de consentement a été invoqué par l’instruction. Un premier point à établir est l’opacité, souvent dénoncée, de la notion de consentement, puis son aspect biaisé. Le consentement est une notion opaque, car elle ne suppose que la passivité chez la femme concernée. Or, de nombreux processus psychologiques interviennent lors des agressions sexuelles qui poussent la victime à demeurer passive : la dissociation -sorte de paralysie due au choc puis à la peur ressentis lors d’une agression-, puis la subjugation face à un individu incarnant l’autorité -comme c’était le cas des pompiers au moment des faits. Puis, le consentement est une notion biaisée, découlant directement de la façon dont le patriarcat pose la sexualité : le refus de considérer la sexualité féminine est en effet omniprésent dans son organisation sociale, tout un dispositif étant mis en place, destiné à asservir au bon vouloir de l’homme la sexualité féminine. Cette façon de poser les rapports sexuels est idéologique, elle découle de la volonté de subordonner les femmes aux hommes, et il est lamentable que la justice -qui doit être une justice pour tou.te.s les citoyen.ne.s- ne le reconnaisse pas encore, en Europe, en plein XXIe siècle. Peut-être serait-il temps pour la France de se pencher, à l’occasion de cette affaire, sur la nécessité de modifier sa législation afin de parvenir à une loi concernant les violences sexuelles qui, comme cela est déjà le cas en Suède ou au Royaume Uni, considère une négative tout ce qui ne relève pas de l’affirmation explicite -un silence, la passivité. Bien qu’une loi de cette sorte oblige à faire face à un tabou culturel -le désir féminin existe, peut et doit exister-, elle permettrait également d’éliminer une difficulté récurrente des procès pour viol.
Cependant, le cas de Julie est bien plus évident que le simple point d’achoppement récurrent qu’est le consentement. En effet, au moment des faits Julie était âgée d’entre 12 ans et demi et 14 ans. Elle se trouvait par ailleurs non seulement en situation de vulnérabilité -elle subissait de lourds traitements médicamenteux pour faire face à ses crises- mais aussi en situation de dépendance psychologique : ce sont les pompiers venus la « sauver » qui l’ont agressée. Comme l’a depuis signalé sa mère Corinne Leriche lors de différents entretiens, certains de ces pompiers connaissaient « tout d’elle », à la suite de leurs interventions. Il est scandaleux que la responsabilité de ces actes sexuel soit déplacée des personnes majeures -les pompiers avaient tous la vingtaine au moment des faits- à la personne mineure -les fait se sont passés entre les 13 ans et les 15 ans de Julie.
Cela est possible parce que la loi ne prévoit pas encore en France un âge légal de présomption du non consentement, comme cela est le cas dans la plupart d’autres pays européens et comme cela avait d’ailleurs été promis par le gouvernement Macron. En effet, bien que la loi Schiappa sur les violences sexuelles ait entériné des pratiques judiciaires déjà existantes concernant l’autorité de fait dont une différence significative d’âge peut pourvoir une personne sur une autre lors de rapports sexuels, elle ne prévoit pas de seuil d’âge impliquant une présomption explicite de non consentement. Rappelons que si au moins une présomption simple avait été prévue, ce serait à l’adulte d’apporter la preuve du consentement, et non à la victime d’apporter la preuve du non consentement. Cette évolution est nécessaire, et elle suppose un abîme de différence pour une personne dont la tâche est de se reconstruire.
Car en effet Julie a beaucoup souffert, non seulement lors des agressions, mais encore du déni d’existence dont lui fait affront la justice patriarcale : elle a depuis 2010 fait plusieurs tentatives de suicide dont l’une, par défenestration, a débouché sur une invalidité à 80%. Les mobilisations ont été nombreuses dans tout le pays et, en effet, il urge d’aider Julie ; il urge d’aider les possibles autres Julies, moins connues ou à venir, à retrouver la vie. Mobilisons-nous pour que son cas puisse au moins être l’occasion d’une avancée collective ; mobilisons-nous pour l’aider à donner un sens à son calvaire : celui de l’assurance que plus aucun enfant ne sera traité comme elle l’a été. L’affaire de Julie nous rappelle désagréablement que, pour l’heure, ni la police ni la justice patriarcale ne protègent encore les femmes.
Une pétition en ligne avait été lancée par Corinne Leriche pour faire requalifier les faits en viols et faire inculper les 17 pompiers mis hors de cause :
Nous avions déconstruit la sentence minoritaire du juge qui demandait l’exculpation des accusés lors du premier jugement pour le viol collectif d’une jeune fille aux mains de cinq hommes en Espagne, l’affaire dite « de la meute » :
Sara Calderon, Marc Marti. Violence sexuelle et confrontation épistémique : le jugement de l’affaire de “ la Meute ” en Espagne. La production du savoir : formes, légitimations, enjeux et rapport au monde aura lieu les 19 et 20 septembre 2019, Faculté des Lettres, Arts et Sciences Humaines de Nice, Sep 2019, Nice, France. ffhalshs-02314645
https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-02314645
En France nous soutenons le PPD et le NPA:
Gustav Moreau, Le Victorieux Sphinx (détail), 1886.
Justicia para Julie
Un caso de violencia machista ha saltado estos últimos meses a la escena pública, devolviéndonos a lo que aun es la triste realidad de la justicia patriarcal: de tanto en tanto casos evidentes de violencia machista estallan, para los que sin embargo nos vemos aún obligad@s a movilizarnos, a pesar de su carácter evidente, con el fin de obtener que se haga justicia.
Es en 2010 cuando Julie encontró por fin el valor de presentar una denuncia por hechos que se habían desarrollado entre sus 13 y sus 15 años. Aquejada por pesadas crisis de espasmofilia y de tetania, se vio entonces obligada a solicitar los servicios de los bomberos más de 130 veces entre 2008 y 2010. Denuncia haber sufrido durante esos años las violaciones de 22 bomberos de la brigada de bomberos de Paris (BSPP). Después de una investigación que se prolongó durante unos nueve años, la justicia ha decidido procesar sólo a tres bomberos -de los 22- por hechos que han sido recalificados por el tribunal de violación agravada a abuso sexual en reunión, un delito juzgado ante un tribunal correccional y pasible de un máximo de diez años de cárcel, esto es, la mitad de la pena solicitada en caso de calificarlos de violación.
La familia de Julie ha recurrido esta decisión, pero su recurso ha sido denegado: el tribunal ha invocado la falta de pruebas que habría para establecer la ausencia de consentimiento. Un primer punto a establecer es la opacidad, a menudo denunciada, de la propia noción de consentimiento, y su aspecto orientado. El consentimiento es una noción falta de claridad, pues solo supone la pasividad de la mujer concernida. Sin embargo, son numerosos los procesos psicológicos que intervienen durante una agresión sexual que empujan a la victima a permanecer pasiva: la disociación -suerte de parálisis debida al choque y al miedo que se sienten durante una agresión- y la subyugación frente a un individuo que encarna la autoridad -como era por ejemplo el caso de los bomberos en el momento de los hechos. Además, el consentimiento es una noción orientada, que se desprende directamente de la forma en que el patriarcado enfoca la sexualidad: la negativa a siquiera considerar la sexualidad femenina se encuentra en efecto omnipresente en su organización social, en la que todo un dispositivo aparece, destinado a supeditar a la voluntad del hombre la sexualidad femenina. Esa manera de plantear las relaciones sexuales es ideológica, deriva de la voluntad de subordinar las mujeres a los hombres, resulta por tanto lamentable que la justicia -que debe pensar en tod@s l@s ciudadan@s- siga sin reconocerlo todavía, en Europa, en pleno siglo XXI. El momento ha llegado quizá para Francia de considerar, con motivo del caso de Julie, la necesidad de modificar su legislación para dotarse de una ley relativa a las violencias sexuales que, como sucede ya en Suecia o en Reino Unido, considere una negativa todo lo que no constituya una afirmación explicita -un silencio, la pasividad. Aunque una ley de ese tipo obligue al colectivo a confrontarse a un tabú cultural -el deseo femenino existe, puede y debe existir-, también permitiría eliminar una dificultad recurrente de los juicios por violación.
Sin embargo, el caso de Julie es bastante más evidente que el simple obstáculo recurrente que constituye la cuestión del consentimiento. En efecto, en el momento de los hechos Julie tenía entre 12 años y medio y 14 años. Se encontraba además no sólo en situación de vulnerabilidad -tenia pesados tratamientos médicos para permitirle confrontar sus crisis- sino que también estaba en situación de dependencia psicológica: son los bomberos que venían regularmente a “salvarla” los que la han agredido. Como lo ha señalado desde entonces su madre Corinne Leriche en diferentes entrevistas, algunos de ellos lo “sabían todo de ella” a causa de sus intervenciones. Es escandaloso que la responsabilidad de esos actos sexuales se desplace de las personas mayores de edad -los bomberos tenían todos más de veinte años en el momento de los hechos- a la persona menor de edad -los hechos sucedieron cuando Julie tenía entre 13 y 15 años.
Esto es posible porque la ley sigue sin contemplar en Francia una edad legal para la presunción de no consentimiento, como ya es el caso en la mayoría de los países europeos y como por otra parte lo había prometido el gobierno de Macron. En efecto, aunque la ley Schiappa sobre las violencias sexuales le haya otorgado un carácter oficial a prácticas judiciales ya establecidas, referidas a la autoridad que una diferencia significativa de edad le puede conferir a un individuo sobre otro en caso de que se haya mantenido una relación sexual, no prevé un umbral de edad que implique la presunción explicita de una ausencia de consentimiento. Recordemos que si al menos una presunción simple de no consentimiento hubiese sido prevista, le correspondería al adulto aportar la prueba del consentimiento, y no a la victima aportarla de no consentimiento. Esa evolución es necesaria, y supone un abismo de diferencia para una persona abocada a reconstruirse.
Pues Julie ha sufrido muchísimo, en efecto: no sólo durante las agresiones, sino también por la afrenta que la justicia patriarcal le hace al negar en los hechos su existencia: desde 2010 ha intentado varias veces suicidarse y debido a una de esas tentativas -la defenestración- sufre hoy un grado de 80% de invalidez. Las movilizaciones han sido numerosas por todo el país y es en efecto urgente ayudar a Julie; urgente ayudar a todas las posibles Julies, menos conocidas o por venir, a volver a la vida. Movilicémonos para que su caso pueda ser al menos ocasión para el avance colectivo; movilicémonos para ayudarla a darle un sentido a su calvario: el de la seguridad de que ningún otro niño será tratado como ella lo ha sido. El caso de Julie nos recuerda desagradablemente que, de momento, ni la policía ni la justicia patriarcal protegen todavía a las mujeres.
Una petición on line había sido lanzada por Corinne Leriche para que los hechos sean recalificados como violación y para que se juzgue por ellos también a los 17 bomberos exculpados:
Habíamos deconstruido la sentencia minoritaria del juez que pedía la absolución de los acusados durante el primer juicio por la violación colectiva de una joven a manos de cinco hombres en España, el llamado “caso de la manada”:
Sara Calderon, Marc Marti. Violence sexuelle et confrontation épistémique : le jugement de l’affaire de “ la Meute ” en Espagne. La production du savoir : formes, légitimations, enjeux et rapport au monde aura lieu les 19 et 20 septembre 2019, Faculté des Lettres, Arts et Sciences Humaines de Nice, Sep 2019, Nice, France. ffhalshs-02314645
https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-02314645
Versión española:
https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-02314645/file/SentenciaEsp.pdf
En Espania apoyamos a Iniciativa Feminista y a PACMA:
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