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Billet de blog 5 mars 2017

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“Je voulais juste que ça s’arrête”

Mes impressions concernant le livre publié par Jacqueline Sauvage

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J’ai récemment eu l’occasion de lire « Je voulais juste que ça s’arrête », le récit publié par Jacqueline Sauvage à sa sortie de prison. Il s’agit d’un texte d’une grande sobriété, compte tenue de la dureté des faits, qui a pris le parti dans sa structure de rapporter les deux jugements successifs de l’auteure, les alternant avec des fragments plus étendus de récit de vie. Une structure qui, de mon point de vue, présente l’intérêt de mettre en avant la double rupture communicative qui se produit souvent dans les histoires de violence de genre. D’une part, l’un des phénomènes psychologiques qui dérive de la maltraitance est la confusion mentale, que l’on peut imaginer assez grande en ce cas si cette personne a dû vivre 47 ans de constantes dissociations. D’autre part, tant la société que l’institution choisissent souvent de recevoir la parole des victimes au travers du philtre des préjugés machistes qui imprègnent encore tant d’aspects de la société. Ces deux phénomènes aboutissent souvent –on peut espérer que de moins en moins- à une rupture communicative que le récit de Jacqueline Sauvage laisse bien émerger.

Le style, qui adopte le langage du quotidien, permet de visibiliser encore cette rupture avec des phrases aussi éloquentes pour évoquer les déclarations lors du procès que “Ici, je suis la Jacqueline des autres” (p. 91) ou “Je n’ai pas pu raconter tout cela. Les questions n’attendaient pas ces réponses” (p. 157). De son récit se dégage ainsi la problématique du décalage qui s’établit dans le temps de la parole entre un conscience encore comme ankylosée, ce mécanisme de défense naturel mais erroné, et le temps réel d’un monde comme le judiciaire qui continue encore souvent à ne pas prendre assez en compte des problématiques liées au genre. Ce dernier trait apparaît d’ailleurs de façon assez marquée dans le récit de Sauvage, qui insiste sur la façon dont les juges ont pu recevoir les témoignages sans doute au travers du préjugé, remettant à tout moment en question les affirmations tant de Jacqueline Sauvage que de ses filles, l’enfermant elle dans le double blind de lui reprocher tout à la fois la passivité qui la fit rester dans cette situation 47 ans et le « caractère » supposé que dénote son geste (“Mais je ne comprends pas cette insistance à vouloir parler de mon caractère”, p. 117), comme si tout individu épuisé nerveusement par une maltraitance ayant duré des années ne finissait pas par avoir le même type de geste, indépendamment de son sexe, d’ailleurs. Ainsi, c’est de ne pas identifier quelque chose déjà étudié par les médecins, des psychologues, que l’on peut encore reprocher à l’institution.

Le récit de Sauvage montre bien les deux pôles de ce type de spirale, entre un homme qui « nous voulait pour lui tout seul” (p. 156) et une famille qui se laisse peu à peu prendre au piège de l’isolement dans lequel l’homme violent finit par dominer toutes les consciences (“Il n’y avait plus d’autres voix pour contrer la sienne”, p. 103), ainsi que tous les ressorts sociaux, que ce soit par sa capacité de « séduction » ou par sa capacité à inverser la situation, tant pour les autres que pour sa propre victime, dans laquelle il essaiera de semer des doutes à propos de sa « méchanceté » si elle se rebelle, y parvenant parfois.

L’une des choses que l’on peut peut-être regretter dans ce texte c’est justement l’omniprésence de reflets appris de culpabilité, avec une Jacqueline Sauvage qui n’a de cesse de se lamenter de ne pas avoir su trouver les mots justes et qui en arrive même à se demander “pourquoi et comment je nous ai tous entraînés dans cet enfer que sont devenues nos vies” (p. 121). Au delà du fait que les psychologues identifient une « partie active » dans le mécanisme de l’emprise, j’aurais pour ma part préféré une Jacqueline Sauvage qui remette en question avec plus d’assurance le fait que ce serait à elle, la traumatisée, de trouver les mots pour expliquer aux sains, qui par ailleurs continuent de la maltraiter psychiquement prolongeant sa confusion, quelque chose qui est déjà recueilli dans des articles en psychologie. L’on objectera que ce dernier trait peut correspondre tant en effet au reste du mécanisme appris d’autoculpabilisation qu’au simple pragmatisme de ne pas déranger une justice qui ne l’a pas épargné. Bien entendu, et dans tous les cas c’est significatif.

J’aurais aimé que Jacqueline Sauvage se sente en liberté de remettre en question plus clairement ce que la justice affirme et a affirmé d’elle. Au delà du geste indéfendable auquel l’a poussée une situation désespérée, j’aime à penser qu’un jour elle le fera. Même s’il n’est pas bon de laisser éclater sa révolte, quelles que soient les circonstances, il me semble en revanche qu’il faut oser affirmer clairement que pour l’Etat, les médias et la société en général les femmes n’ont toujours pas acquis tout à fait les mêmes droits de citoyenneté que les hommes. Affirmer également que les personnes ayant passé par ce genre d’épreuve ont tout à fait le droit de mettre à l’écart de leurs vies pour toujours ceux et celles qui refusent de comprendre ce qu’elles ont vécu, sans avoir à s’en expliquer ni à demander à qui que ce soit la permission de le faire.

“Sólo quería que parase”

He tenido la ocasión de leer recientemente “Sólo quería que parase”, el relato testimonial y curativo publicado por Jacqueline Sauvage después de su salida de la cárcel. Se trata de un texto de gran sobriedad, habida cuenta de lo duro de la historia, que ha optado en su estructura por referir los dos juicios sucesivos a que la autora se sometió, intercalando fragmentos más extensos de recuerdos de vida. Una estructura que a mi modo de ver presenta el interés de insistir en la doble ruptura comunicativa que se produce a menudo en las historias de violencia de género. Por una parte uno de los fenómenos psicológicos en que resulta el maltrato es la confusión mental, que puede uno imaginar enorme si en este caso esta persona ha tenido que vivir 47 años de permanentes disociaciones. Por otra parte, tanto la sociedad como la institución escogen a menudo recibir la palabra de las víctimas a través de los filtros de prejuicios machistas que siguen impregnando tantos aspectos de la sociedad. Estos dos fenómenos resultan a menudo –puede esperarse que cada vez menos- en una ruptura comunicativa que se aprecia muy bien en el relato de Sauvage.

El estilo sencillo conformado con el lenguaje del día a día casi permite hacer aún más visible esta ruptura con frases tan contundentes para referir las declaraciones como “Aquí, soy la Jacqueline que dicen los demás” (p. 91) o “No pude contar todo eso. Las preguntas no esperaban esas respuestas” (p. 157). Emerge así bien en su relato la problemática del tiempo de palabra, entre una conciencia empañada aún por la parálisis, ese mecanismo de defensa natural pero equivocado, y el tiempo real de un mundo como el judicial que sigue a menudo sin tener en debida cuenta problemáticas aferentes al género. Este último rasgo aparece de hecho de forma muy marcada en el relato de Sauvage, que insiste en la manera en que los jueces pudieron sin duda recibir los testimonios a través del prejuicio, cuestionando en todo momento las palabras tanto de Sauvage como de sus dos hijas, y encerrándola a ella en el double blind de reprocharle a la vez la pasividad que la hizo permanecer así 47 años y el supuesto “carácter” que denota su gesto (“Pero no entiendo esa insistencia en querer hablar de mi carácter” 117), como si todo individuo nerviosamente agotado por un maltrato de años no acabase por cometer los mismos gestos, independientemente de su sexo, de hecho. Así, es exactamente el no identificar algo ya recogido en análisis formulados por médicos, psicólogos etc lo que aún puede reprochársele a la institución.

El relato de Sauvage muestra bien los dos polos de este tipo de espiral destructora, entre un hombre que “nos quería para él sólo” (p. 156) y una familia que poco a poco se deja encerrar en una trampa de aislamiento en la que el maltratador termina por dominar todas las conciencias (“No había ya otras voces para contrabalancear la suya” p. 103), así como todos los resortes sociales ya sea por la capacidad de “seducción”, ya por la capacidad de invertir la situación, tanto de cara a la galería como en lo que respecta a la propia víctima, a quien intentará y a veces conseguirá hacer dudar de su “maldad” si se rebela.

Quizá una de las cosas que se puedan lamentar en el texto es justamente la omnipresencia aún de reflejos aprendidos de culpabilidad, con una Jacqueline Sauvage que no deja de lamentarse de no haber sabido encontrar las palabras adecuadas y que llega incluso a preguntarse “¿por qué y cómo nos arrastré a todos en ese infierno en que se han convertido nuestras vidas?” (p. 121). Más allá de que algunos psicólogos identifiquen una “parte activa” en el mecanismo de dominio, yo hubiera preferido una Jacqueline Sauvage que afirmase con más seguridad la interrogación de por qué le correspondería a ella, la traumatizada, encontrar las palabras para explicar a los sanos, que por lo demás la siguen maltratando psíquicamente prolongando su confusión, algo que ya está recogido en tantos artículos psicológicos. Se objetará que este rasgo puede corresponder tanto en efecto al resto de ese mecanismo aprendido de autoculpabilización, como al simple pragmatismo de no molestar más a una justicia que no la soltó  por las buenas. Desde luego, y en ambos casos es significativo.

Me hubiera gustado que Jacqueline Sauvage se sintiese con libertad de cuestionar lo que la justicia afirma y ha afirmado de ella. Más allá del gesto indefendible a que la abocó su desesperación, me gusta pensar que algún día lo hará. Aun cuando en ninguna circunstancia de la vida se debe dar rienda suelta a la rabia, sí me parece que se debe decir alto y claro que para el Estado, los medios y la sociedad en general seguimos siendo menos ciudadanas que ellos. Y también que una mujer que haya pasado por eso tiene todo el derecho a sacar luego de su vidas para siempre a quien no quiera entender lo que ha vivido, sin pedir a nadie ni perdón ni permiso para hacerlo.

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