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Billet de blog 5 mars 2023

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Impliquer les hommes dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles

Les violences sexistes et sexuelles constituent un des outils du patriarcat pour instaurer la domination des femmes. Parmi elles, le viol utilisé comme arme de guerre et comme outil de déstructuration du social. Incorporer les hommes à sa mise en échec est d’autant plus important que, dans cette organisation malade du monde, ils sont supposés en être les bénéficiaires.

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Bien que la violence sexuelle ait toujours accompagné les guerres, sa survenue a pu être plus ou moins orchestrée, plus ou moins pensée, suivant les cas. Des exemples que leur ampleur destructrice et sinistre rend notoires sont ceux des viols commis à Berlin après la défaite du nazisme par l’armée russe ou ceux commis en ex-Yougoslavie. Bien que le viol maintienne sa charge symbolique lorsqu’il est utilisé comme arme de guerre, comme geste de souillure qui rehausse le traumatisme, ce qui le distingue du simple viol est son insertion dans un projet politique. Pour l’armée russe à Berlin ce projet semblait encore peu sophistiqué, redevable surtout du désir de vengeance pour les pénibilités endurées pendant la guerre par l’armée russe. La plus grande sophistication du projet politique mis en place dans l’ex-Yougoslavie se trouve largement documentée, car cette guerre marque un tournant pour la prise en compte au plan international de l’utilisation du viol comme arme de guerre. Les travaux de l’anthropologue Véronique Nahoum-Grappe et ceux du rapporteur pour l’ONU Tadeusz Mazowiecki y sont pour beaucoup. Véronique Nahoum-Grappe parcourt les camps de réfugiés pour consigner les récits qu’à ce propos font femmes et vieillards. Elle met ainsi en évidence que violer des femmes, et parfois des femmes âgées, à la vue de tout un village avait fait partie d’un projet. Tadeusz Mazowiecki impose quant à lui dans ses rapports l’idée qu’il n’est plus possible de détourner le regard et que leur caractère massif et systématique, allié à l’impunité sur le terrain, rend nécessaire d’envisager les violences sexuelles comme arme de guerre à part entière. Véronique Nahoum-Grappe racontera plus tard à quel point le tabou existant avait rendu ses recherches difficiles : c’est bien souvent après leur passage en psychiatrie pour avoir commis des tentatives de suicide à répétition, ou en milieu hospitalier, pour les graves hémorragies déclenchées par des avortements tardifs, qu’elle a accès à la parole des victimes. Pourtant, les témoignages recueillis dans le cadre de ces travaux, finissent par rendre visible l’entreprise politique qui met des viols commis à grande échelle à des fins d’une épuration ethnique détectable aussi ailleurs, et qui passe en ce cas par l’instrument de corps souillés à dessein. Non seulement les viols doivent détruire la victime, mais encore la communauté, ils répondent donc à une organisation orchestrée par le commandement. Preuve supplémentaire en est le témoignage de médecins qui rapportent aux experts de l’ONU avoir été appelés dans les camps voués aux viols pour déterminer si les victimes qui ne tombaient pas enceinte portaient ou non un stérilet. L’enfantement qui suit le viol est donc bien envisagé en ex-Yougoslavie comme geste de souillure et projet de négation d’une ethnie. L’on retrouve cette utilisation dans le conflit ukrainien, où des femmes ont déjà témoigné que les soldats russes qui les ont violées leur assenaient en même temps : « Tu n’auras plus d’enfants ukrainiens ».

La guerre de 1994 au Rwanda marque un tournant dans la visibilisation de l’utilisation du viol comme arme de guerre. C’est à la suite des exactions qui y sont commises que pour la première fois, en 1998, un tribunal international reconnaît l’auteur d’un viol coupable de crime contre l’humanité. Puis, à partir des années 2000, l’attention portée par les instances internationales aux violences sexuelles des conflits armés va en grandissant jusqu’à ce que, en 2008, l’ONU qualifie explicitement les crimes sexuels de crimes de guerre, crimes contre l’humanité ou actes constitutifs de génocide. Le viol concerne désormais officiellement la Cour pénale internationale.

L’usage plus récent du viol comme arme de guerre dans les conflits survenus au Zaïre-République Démocratique du Congo franchit un cap dans la barbarie que les projets politiques qui informent ces guerres sont capables de mettre à leur service. Entre 1996 et 2009 trois conflits successifs sévissent au Congo : la « guerre de libération », qui met fin au règne de Mobutu, au terme de laquelle le Zaïre devient le Congo ; la « grande guerre africaine », qui entraîne le décès d’entre 183.000 et 4,5 millions de personnes ; la guerre du Kivu, où la violence sexuelle présente aussi ailleurs atteindra des pics d’horreur. Plusieurs circonstances accentuent l’instabilité du Congo, et la faiblesse de son Etat, constituant le terreau de tous ces conflits. La chute de Mobutu Sese Seko laisse un Etat déstructuré hérité de la colonisation et des Forces Armées corrompues. La richesse du sous-sol -cuivre, cobalt, zinc, manganèse, or, uranium, germanium- constitue, dans ce contexte mondialisé, autant un atout qu’une malédiction, car les transnationales qui l’exploitent ont intérêt à la faiblesse de l’Etat. Les villes qui font le lien entre les exploitations et le marché mondial se situent ainsi le plus souvent au cœur de territoires contrôlés par des milices, qui y font régner la loi du plus fort. La réalité sociologique du Congo -pour 60 millions d’habitants on peut dénombrer 250 langues, sur un territoire sans infrastructures-, diverse, recèle des tensions ethniques qui éclatent facilement. La chute de Mobutu libère ainsi des haines attisées dans toute la région par les antagonismes ethniques nés de la distinction identitaire opérée entre Hutu et Tutsi par la Belgique coloniale. Finalement, on peut se demander jusqu’où l’exil génocidaire rwandais, qui gagne le Congo après 1994, aura été un facteur pour que se développe à ce point la violence sexuelle dans les conflits survenus par la suite.

En effet, les ONG ont été nombreuses à dénoncer l’usage systématique du viol comme arme de guerre au Congo. Les viols cherchent à détruire la cellule familiale, socle de la société congolaise : les personnes en ayant subi un sont le plus souvent abandonnées par leurs familles et leurs communautés. Des dizaines de milliers de femmes, dont des fillettes et des femmes âgées, ainsi qu’un certain nombre d’hommes et de jeunes garçons, ont ainsi été violés afin de terroriser et de soumettre les populations civiles. Puis, le viol en masse a contribué à répandre le VIH, les études prévoyant que l’infection touche plus de la moitié de la population dans la décennie à venir. Cela peut d’autant plus altérer la capacité de la RDC à surmonter la conjoncture actuelle que les femmes ont trois fois plus de chance que les jeunes hommes d’être infectées et que l’infrastructure sanitaire s’est effondrée, les hôpitaux ayant parfois constitué des cibles délibérées dans le cadre du projet politique porté par la guerre. Pour son étendue, le New York Times du 7 octobre 2007 parlant « d’épidémie de viols au Congo », mais aussi pour son degré de barbarie, la violence sexuelle au Congo se situe parmi les pires du monde. Nombre de femmes souffrent de fistules vaginales, c’est-à-dire, de connexions anormales entre les parois du vagin et du rectum, qui résultent le plus souvent de viols collectifs. Les viols de guerre du Congo cherchent à détruire la cellule familiale et à peser sur la dominance ethnique, mais ils cherchent également à détruire aussi complètement que possible l’appareil génital féminin. L’« épidémie » à laquelle se réfère le New York Times débute ainsi au milieu des années 1990 et se prolonge le long des trois conflits mentionnés. Parfois, les auteurs de viols ont été eux-mêmes sciemment détruits psychologiquement, au moyen de viols ou de actes de torture, pour les pousser à reproduire l’horreur qui devra infléchir le politique. C’est le cas des enfants-soldats.

C’est dans ce contexte ahurissant, où les viols de guerre sont pensés pour détruire le plus complètement possible l’appareil génital féminin, qu’apparaît le travail d’un homme vénéré au Congo comme providentiel, le docteur Denis Mukwege. Fils d’un pasteur évangélique pentecôtiste, le docteur Mukwege obtient son diplôme de médecine en 1983. Il fait ses premiers pas professionnels à l’hôpital de Lemera, situé au sud de Bukavu, puis part en 1984 suivre une spécialisation en gynécologie à l’université d’Angers. En 1989, il retourne au Congo, où il devient directeur de l’hôpital de Lemera. Or, son hôpital est brutalement détruit en 1996, durant la première guerre du Congo. Il échappe à la mort et décide de fonder l’hôpital de Panzi à Bukavu. C’est alors qu’il se voit massivement confronté aux mutilations génitales pratiquées par le biais des viols de guerre sur les femmes. Profondément marqué par cette barbarie, il décide de la faire connaître au monde et de venir en aide aux victimes. Il se spécialise dans leur prise en charge, leur apportant une aide médicale, mais aussi psychologique, économique et juridique. Sa démarche, globale, est ainsi chirurgicale, mais aussi existentielle et sociétale, puisqu’il veille jusqu’à la réinsertion sociale de ces victimes. Outre son indéniable talent chirurgical, car Mukwege est reconnu comme l’un des spécialistes mondiaux du traitement des fistules, c’est sans doute l’attitude de profondes écoute et compréhension qui fait toute sa valeur. Cette attitude apparaît dans la façon dont il a orienté sa pratique, choisissant de coopérer de façon récurrente avec le docteur Guy-Bernard Cadière et de se former auprès de lui. Spécialiste en chirurgie digestive et précurseur dans les techniques de chirurgie minimale invasive, Cadière est à l’origine de la création d’instruments chirurgicaux et de techniques opératoires. Spécialiste de l’opération par laparoscopie, il est le premier chirurgien au monde à réaliser en 1999 une chirurgie par laparoscopie au moyen d’un robot. En contactant Cadière, Mukwege cherchait à mettre en place une technique opératoire susceptible de soigner au mieux en minimisant les risques que comporte une opération, alors que les blessures étaient déjà si terribles. Il ne s’y était pas trompé, leur rencontre sera des plus productives puisque, ensemble, ils vont affiner les techniques d’opération pour donner une deuxième vie aux femmes du Congo. Leur cas est parfois désespéré et, ensemble, ils ont parfois sauvé des victimes de viol de 18 mois, dont il a fallu pratiquement reconstituer l’intégralité de l’appareil génital.

Puis, l’attitude d’écoute et de compréhension à l’égard des femmes de Mukwege transparaît aussi dans la mise en place d’une démarche globale de soin. Confronté dans son hôpital de Panzi à l’état comme inanimé de victimes pourtant médicalement soignées, il met au point sur place un accompagnement psychologique, économique et juridique pour guérir leurs blessures existentielles et les réinsérer socialement. Pour son engagement, Denis Mukwege a fait l’objet de plusieurs tentatives de meurtre, intimidations et menaces constituant son lot quotidien. Il vit aujourd’hui sous surveillance, reclus à l’intérieur de son hôpital. La communauté internationale a reconnu la valeur de son engagement humanitaire à travers le Prix Sakharov, décerné en 2014, et le prix Nobel de la paix, décerné en 2018.

Au moment d’aborder une problématique aussi complexe que l’utilisation du viol comme arme de guerre, et la façon dont celle-ci semble se complexifier à partir de la deuxième moitié du XXème siècle, pour démolir de façon de plus en plus certaine les sociétés attaquées, la figure de Denis Mukwage acquiert un relief particulier. D’une part, sa démarche globale, qui avec le temps se penche même sur la problématique de la reproduction et des leviers des violences sur le terrain, pourrait bien déboucher sur un projet de société. Nombreuses sont ainsi les voix qui, au Congo, souhaitent le voir devenir président. D’autre part, alors que le viol de masse, orchestré par les hiérarchies et mis en place par les soldats, devient une pratique de plus en plus courante dans les conflits, Mukwage apparaît comme le contre-exemple émanant des hommes eux-mêmes. Cela est crucial, car le viol de masse porteur de projet politique implique toujours pour les agresseurs une représentation spécifique des individus et du monde ; une conception des rôles masculin et féminin et une vision du monde. Il devient plus urgent que jamais que des hommes puissent opposer à la vision malade du monde nécessaire pour commettre ce type d’agression un contre discours émanant d’eux, pour freiner notre évolution globale vers un monde dont en réalité beaucoup d’hommes ne veulent pas non plus.

Illustration 1

Gustav Moreau, Le Victorieux Sphinx (détail), 1886.

Implicar a los hombres en la lucha contra las violencias sexistas y sexuales

Las violencias sexistas y sexuales son uno de los instrumentos que el patriarcado ha utilizado sin cesa para asentar la dominación de las mujeres. Entre ellas está la violación como arma de guerra y como herramienta de desestructuración de sociedades. Incorporar a los hombres en su erradicación es tanto más importante en cuanto que, en esa organización enferma del mundo, son ellos los supuestos beneficiarios.

Aunque la violencia sexual siempre haya acompañado a las guerras, sus ocurrencias han sido más o menos orquestadas, más o menos pensadas, según los casos. Ejemplos vueltos notorios por su amplitud destructiva y siniestra son los de las violaciones cometidas en el Berlín conquistado por el ejército ruso a la caída del nazismo o los de las cometidas en la ex-Yugoslavia. Aunque, usada como arma de guerra, la violación mantiene su carga simbólica, como gesto que mancilla e incrementa el traumatismo, es su inserción en un proyecto político lo que la distingue de la simple violación. En las agresiones cometidas por el ejército ruso en Berlín ese proyecto parece aun poco sofisticado, vinculado sobre todo al deseo de venganza que provoca el suplicio vivido por él durante la guerra. La mayor sofisticación del proyecto político puesto en marcha en la ex Yugoslavia se encuentra ampliamente documentada, pues esa guerra marca un giro en el reconocimiento en el plano internacional del uso de la violación como arma de guerra. Los trabajos de la antropóloga Verónica Nahoum-Grappe y los del informante de la ONU Tadeusz Mazowiecki han contribuido a que se dé ese giro. Verónica Nahoum-Grappe recorre los campos de refugiados para recoger los testimonios de mujeres y ancianos. Pone así en evidencia que violar mujeres, y a veces mujeres mayores, a la vista de todo un pueblo es algo que había integrado un proyecto. Tadeusz Mazowiecki impone por su parte en sus informes la idea de que ya no es posible cerrar los ojos y que el carácter masivo y sistemático de las violaciones, conjugado a la impunidad, hace necesario considerarlas plenamente como arma de guerra. Verónica Nahou-Grappe referirá más tarde hasta qué punto el tabú existente había dificultado sus investigaciones: a menudo es después de su paso por psiquiatría, por haber cometido varias tentativas de suicidio, o por el hospital, por las graves hemorragias que habían desencadenado abortos tardíos, cuando recoge los testimonios de las víctimas. Y sin embargo esos testimonios terminan por visibilizar una empresa política que pone las violaciones masivas al servicio de una depuración étnica también practicada en otros aspectos, y que instrumentaliza en ese caso cuerpos voluntariamente mancillados. No sólo las violaciones debían destruir a la víctima, sino también a su comunidad, respondiendo por tanto a una organización orquestada por los mandos. Prueba de ello es el testimonio de los médicos que refirieron a los expertos de la ONU cómo habían sido llamados a los campos en que se practicaban las violaciones de masa para determinar si las victimas que no quedaban embarazadas llevaban o no un dispositivo contraceptivo. El embarazo derivado de las violaciones era por tanto enfocado como gesto que mancilla y que niega a una etnia. Se encuentra esa misma utilización en el conflicto ucraniano, donde las mujeres ya han contado que los soldados rusos que las violaban les espetaban a la vez: “No tendrás más niños ucranianos”.

La guerra de 1994 en Ruanda marca un giro en la mayor conciencia del uso de la violación como arma de guerra. Es tras los atropellos que en ella se cometen cuando por primera vez, en 1998, un tribunal internacional reconoce a un violador culpable de crimen contra la humanidad. A partir de los años 2000, irá creciendo la atención que prestan las instancias internacionales a las violencias sexuales cometidas durante los conflictos armados hasta que, en 2008, la ONU califica explícitamente los crímenes sexuales de crímenes de guerra, crímenes contra la humanidad o actos constitutivos de genocidio. Se puede juzgar desde entonces la violación en la Corte penal internacional.

El uso más reciente de la violación como arma de guerra en los conflictos acaecidos en Zaire-República democrática de Congo da otra vuelta de tuerca a la barbarie que los proyectos políticos que informan las guerra son capaces de poner a su servicio. Entre 1996 y 2009 se dan en el Congo tres conflictos sucesivos: la “guerra de liberación”, que pone fin al reino de Mobutu, tras la cual Zaire se convierte en el Congo; la “gran guerra africana”, que conlleva el fallecimiento de entre 183.000 y 4,5 millones de personas; la guerra de Kivu, en la que la violencia sexual presente también en las otras alcanza extremos de horror. Varias circunstancias acentúan la inestabilidad en el Congo, y la debilidad de su Estado, siendo campo de abono para todos los conflictos. La caída de Mobutu Sese Seko deja un Estado desestructurado heredado de la colonización y un Ejército corrompido. La riqueza del subsuelo -cobre, cobalto, zinc, manganeso, oro, uranio, germanio- constituye, en un contexto mundializado, a la vez una ventaja que una maldición, pues a las compañías transnacionales que lo explotan les interesa que el Estado sea débil. Las ciudades que vinculan las explotaciones y el mercado mundial se sitúan así a menudo en el corazón de territorios controlados por milicias que imponen la ley del talión. La realidad sociológica de Congo -para 60 millones de habitantes se cuentan 250 lenguas, en un territorio sin infraestructuras-, diversa, recela tensiones étnicas que estallan con facilidad. La caída de Mobutu libera así odios atizados en toda la región por los antagonismos nacidos de la distinción identitaria operada entre Hutus y Tutsis por la Bélgica colonial. Finalmente, puede un@ preguntarse hasta dónde el exilio del genocidio ruandés, que gana el Congo después de 1994, habrá sido un factor para que se desarrolle tal violencia sexual durante los conflictos que siguieron.

Numerosas ONG denuncian el uso sistemático en el Congo de la violación como arma de guerra. Las violaciones van encaminadas a destruir la célula familiar, basamento de la sociedad congolesa: las personas que sufren una suelen ser expulsadas de sus familias y de sus comunidades. Decenas de miles de mujeres, entre las cuales niñas y ancianas, así como cierto número de hombres y de niños, han sido violados para aterrorizar y someter a las poblaciones civiles. La violación de masa contribuye a expandir el virus del sida, que se prevé afecte a más de la mitad de la población en la década que viene. Esto puede afectar mucho a la capacidad de la RDC de sobreponerse a la coyuntura actual. Tanto más cuánto que las mujeres tienen el triple de posibilidades que los hombres de quedar contaminadas y que la infraestructura sanitaria se derrumba, ya que los hospitales han sido a menudo blancos deliberados, insertos en el proyecto político portado por la guerra. Debido a su extensión -el New York Times del 7 de octubre de 2007 habla de “epidemia de violaciones en Congo”-, pero también por el grado de barbarie que alcanza, la violencia sexual del país es una de las peores del mundo. Muchas mujeres sufren de fistulas vaginales, es decir, de conexiones anormales entre las paredes de la vagina y del recto, resultado por lo general de violaciones colectivas. Las violaciones de guerra del Congo se orientan a destruir la célula familiar e incidir sobre la dominación étnica, pero también a destruir tan completamente como sea posible el aparato genital femenino. La “epidemia” a que se refiere el New York Times comienza a mediados de los años 1990 y se prolonga a lo largo de los tres conflictos mencionados. A veces los violadores han sido psicológicamente destruidos a su vez por medio de violaciones o de actos de tortura para empujarlos a reproducir el horror que se supone incidirá en la organización política. Es por ejemplo el caso de los niños soldado.

En este contexto aberrante, en el que las violaciones se piensan para destrozar tanto como se pueda el aparato genital femenino, aparece el trabajo de un hombre venerado en el Congo como providencial, el doctor Denis Mukwege. El doctor Mukwege es hijo de un pastor evangélico pentecostal y obtiene el diploma de medicina en 1983. Ejerce por primera vez en el hospital de Lemera, al sur de Bukavu, y se marcha en 1984 a especializarse en ginecología en la universidad de Angers. En 1989 regresa a Congo, donde es nombrado director del hospital de Lemera, que es brutalmente destruido en 1996, durante la primera guerra de Congo. Escapa a la muerte y decide fundar el hospital de Panzi en Bukavu. Es entonces cuando se ve masivamente confrontado a las mutilaciones genitales practicadas a través de las violaciones sobre las mujeres. El espectáculo de tal barbarie lo marca profundamente, por lo que decide darla a conocer al mundo y ayudar a las víctimas. Se especializa en ello, aportándoles ayuda médica, pero también psicológica, económica y jurídica. Su enfoque, global, es por tanto quirúrgico, pero también existencial y societal, puesto que cuida hasta de su reinserción social. Más allá del innegable talento de Mukwege como cirujano -es uno de los especialistas mundiales del tratamiento de las fistulas-, es sin duda su actitud de profunda escucha y comprensión la que hace todo su valor. Dicha actitud aparece en la forma en que orienta su práctica, escogiendo cooperar de forma recurrente con el doctor Guy-Bernard Cadière y formarse a su lado. Cadière, especializado en la cirugía digestiva y precursor de las técnicas de cirugía mínima invasiva, es el creador de instrumentos quirúrgicos y de técnicas operatorias. Se especializa en operar por laparoscopia y es el primer cirujano del mundo en realizar en 1999 una operación con esta técnica por medio de un robot. Al contactar a Cadière, Mukwege busca encontrar una técnica operatoria que pueda curar minimizando los riesgos que conlleva una operación cuando además las heridas a curar son ya tan terribles. No se equivocaba, su encuentro será de los más productivos puesto que, juntos, afinan las técnicas de operación para darles a las mujeres del Congo una segunda vida. Sus casos llegan a ser desesperados, como sucede con la niña de 18 meses a la que prácticamente tuvieron que reconstituirle íntegramente el aparato genital.

La actitud de escucha y comprensión de Mukwege hacia las mujeres también determina su elección de darle al cuidado un enfoque global. Confrontado en el hospital de Panzi al estado catatónico, como inanimado, de victimas que sin embargo habían sido físicamente curadas, pone a punto allí mismo un acompañamiento psicológico, económico y jurídico que cure las heridas existenciales y las reinserte socialmente. Su compromiso convierte a Mukwege en blanco de varias tentativas de asesinato, siendo intimidaciones y amenazas su pan cotidiano. Vive en la actualidad bajo vigilancia, recluso en su hospital. La comunidad internacional ha reconocido el valor de su compromiso humanitario a través del Premio Sakharov, otorgado en 2014, y del Premio Nobel de la paz, otorgado en 2018.

En el momento de abordar una problemática tan compleja como el uso de la violación como arma de guerra, y la manera en que éste parece haber ganado en complejidad durante la segunda mitad del siglo XX, para destrozar de forma cada vez más certera las sociedades atacadas, la figura de Denis Mukwege adquiere particular relieve. Por una parte, su enfoque global, que con el tiempo se orienta incluso, sobre el terreno, hacia el estudio de la reproducción y de los resortes de las violencias, bien podría desembocar en un proyecto de sociedad. Numerosas son así las voces que en el Congo desean verlo en la presidencia. Por otra parte, cuando las violaciones de masa, orquestadas por la jerarquía y llevadas a cabo por los soldados, se están convirtiendo en una práctica cada vez más frecuente de los conflictos, Mukwege aparece como contraejemplo emanado de los propios hombres. Esto es crucial, pues la violación de masa responde a proyectos políticos que implican en los agresores una representación determinada de los individuos y del mundo, una concepción de los roles masculino y femenino y una visión del mundo. Es más urgente que nunca que los hombres puedan oponer a la visión enferma del mundo necesaria para llevar a cabo ese tipo de agresiones un contradiscurso que emane de ellos, para frenar nuestra evolución global hacia un mundo que muchos hombres en realidad tampoco quieren.

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