Le combat du féminisme suppose une chaîne de solidarité et de sororité de par le monde. Nous sommes ainsi toutes reliées par des liens invisibles faits de vécus, de principes, de cohérence, d’espoirs et d’affects qui se tissent entre nous. Cela nous permet de ressentir très fort et très près nos sœurs de lutte qui se trouvent au loin, avec leur force, leur courage, leur rayonnement, leur vitalité, leur beauté. Les féministes des pays situés dans ce qui a été désigné comme périphérie en ce monde globalisé ont souvent de plus durs combats à mener, dans lesquels il est de notre devoir de les soutenir et de les accompagner autant que nous le pouvons.
Une féministe exemplaire, vitale, cohérente et dynamique se trouve dernièrement en difficulté, malgré le combat d’années qu’elle mène contre l’injustice. Il s’agit de la sociologue turque Pinar Selek, enseignante-chercheuse à l’université Côte d’Azur. Cela fait 24 ans qu’elle se débat dans un imbroglio politico-judiciaire, créé de toutes pièces par l’Etat turc pour réprimer l’expression de sa recherche, et dont le volet final vient de tomber, en juin 2022.
Pinar Selek est une personnalité féministe, pacifiste et anti-militariste. Sociologue, elle a aussi écrit de nombreux romans. En recherche elle a beaucoup travaillé sur les minorités. Elle plaide pour une approche de la sociologie qui repose sur une immersion de longue durée dans les milieux et les collectifs étudiés, ce qui l’a menée à beaucoup les côtoyer. Pour un travail sur la vie de la rue à Istanbul elle a ainsi partagé la vie des enfants de rue, parfois enfants de prostitués, des jeunes homosexuels puis partagé la vie des personnes trans objet d’exclusions. Elle a aussi travaillé sur la diaspora politique kurde au Kurdistan, en Allemagne et en France. Ce sont ces dernières recherches qui lui valent d’être arrêtée et placée en prison préventive par la police turque le 11 juillet 1998. Celle-ci la somme de livrer les noms des combattant.es kurdes rencontré.e.s dans le cadre de ses recherches, ce qu’elle refuse de faire, même sous la torture. Puis, on l’accuse, alors qu’elle est incarcérée, d’un supposé attentat à la bombe mené par les partisans du PKK et correspondant à une explosion qui a lieu le 9 juillet 1998 au bazar aux épices d’Istanbul et qui fait 7 morts et 121 blessés. Le dossier est monté de toutes pièces et regorge d’invraisemblances : tous les rapports officiels d’expertise concluent à l’explosion accidentelle d’une bonbonne de gaz ; le seul témoin qui l’avait accusée d’avoir commis un attentat avec lui, un jeune homme kurde, avait produit ces accusations sous la torture et se rétracte par la suite, quand il est acquitté définitivement. Pinar Selek est, elle aussi, acquittée à 4 reprises, mais à chaque fois l’Etat fait appel. La poursuite des accusations est de toute évidence politique, motivée par son idéologie et par ses travaux. C’est afin de réprimer toute contestation par la terreur que l’Etat turc la condamne plusieurs fois à la prison à perpétuité dans des procès ubuesques reposant sur l’accusation de ce pseudo-attentat. Elle a même fait objet d’un mandat d’arrêt d’Interpol en 2014.
Nous devons beaucoup à Pinar Selek. Pour ma part un de ses ouvrages m’a beaucoup éclairée dans l’écriture du premier essai intégrant le travail que je mène depuis six ans sur les violences sociales structurelles relationnelles, Le symbolique est politique. Il s’agit de son œuvre Service militaire en Turquie et construction de la classe de sexe dominante. Devenir un homme en rampant, publié en France en 2014 chez L’Harmattan. À travers cinquante-huit entretiens, l’ouvrage s’inscrit dans une démarche d’histoire orale qui vise à saisir les souvenirs que le service militaire a laissés aux anciennes recrues et les discours qui l’accompagnent. Premier arrachement au milieu familial pour beaucoup, le service militaire implique aussi un brassage ethnique et de classe, et la création, par le biais de l’instruction, de valeurs, de perceptions et d’aspirations identitaires communes qui vont alimenter par la suite la construction de la masculinité au niveau national, insérée dans un schéma hiérarchique et de domination qui se trouve renforcé par cette expérience. Il ne fait pas de doute que cette étude courageuse n’a pas participé à rendre Pinar Selek sympathique à un pouvoir politique turc qui, quelques années plus tard, assume tellement son machisme qu’il en est venu à se retirer de la Convention d’Istanbul, avancée fondamentale, même si elle reste insuffisante, dans la lutte contre les violences structurelles faites aux femmes.
A la suite de la persécution qu’elle subit par l’intermédiaire de l’outil judiciaire, Pinar Selek s’exile en Allemagne, puis en France en 2009. La nationalité française lui est accordée en 2017. Elle continue en France son parcours intellectuel et académique, recevant entre autres les insignes de docteur honoris causa à l’Ecole normale supérieure de Lyon puis devenant finalement maîtresse de conférence associée à l’université de Nice, adossée au laboratoire de recherche URMIS. C’est donc à Nice qu’elle reçoit la nouvelle du verdict de la Cour Suprême de Turquie, tombé le 21 juin 2022 après une délibération à huis clos, sans plaidoirie : elle est condamnée à la prison à perpétuité. Face à cet acharnement, Pinar Selek continue de résister : elle va poser des recours devant la Cour constitutionnelle de Turquie, ainsi que devant la Cour européenne des droits de l’homme. Elle continue également à publier des livres, enseigner, prendre la parole et agir avec d’autres pour les droits des femmes et les droits des minorités. Il est important pour qu’elle puisse continuer à agir, à parler et à nous éclairer par ses analyses perspicaces, courageuses et sans concession, que nous l’aidions dans la mesure de nos possibilités.
Il est possible, bien sûr, de soutenir Pinar Selek financièrement, les recours en justice étant onéreux, à travers une caisse ouverte sur Hello Asso, au nom de l’association Karinca, « Solidarité avec Pinar ». On peut y participer par chèque à l’ordre et à l’adresse de Silence, 9 rue Dumenge, BP 4215, 69241 Lyon Cedex 04, en mentionnant au dos « Solidarité avec Pinar Selek ». Il est également possible de contacter les différents collectifs de solidarité avec Pinar Selek qui existent à Nice, Lyon, Marseille, Paris, Strasbourg, Brest, Bordeaux, Genève, Forcalquier, Pays Basque etc. Tous mettent en place des actions destinées à faire connaître la terrible injustice que Pinar Selek vit depuis 24 ans et à mobiliser les pouvoirs publics à son propos. Soutenons nos sœurs dans notre combat commun, c’est ainsi que nous construirons un avenir pour tou.te.s.

Gustav Moreau, Le Victorieux Sphinx (détail), 1886.
Actuemos por nuestras hermanas, solidaridad con Pinar Selek
Una investigadora y militante feminista se ha visto confrontada últimamente al resurgimiento de un grave problema que la persigue desde hace 24 años. Ayudémosla tanto como podamos con nuestra solidaridad.
El combate feminista supone una cadena de solidaridad y de sororidad por todo el mundo. Nos encontramos todas unidas por vínculos invisibles hechos de vivencias, principios, coherencia, esperanza y afectos que se tejen entre nosotras. Ello nos permite sentir con increíble proximidad a hermanas de lucha que se encuentran alejadas, con su fuerza, su valor, su influencia, su vitalidad, su belleza. Las feministas de países situados en lo designado como periferia en este mundo globalizado suelen tener que llevar combates más duros, en los que es nuestro deber apoyarlas y acompañarlas tanto como podamos.
Una feminista ejemplar, vital, coherente y dinámica se encuentra últimamente en dificultad, a pesar del combate de años que lleva contra la injusticia. Se trata de la socióloga Pinar Selek, docente e investigadora en la universidad Costa Azul. Hace 24 años que se debate en una trama político-judicial integralmente creada por el Estado turco para reprimir la expresión de su investigación, y cuya ultima entrega acaba de salir a la luz, en junio de 2022.
Pinar Selek es una personalidad feminista, pacifista y anti-militarista. Socióloga, también ha escrito numerosas novelas. Ha trabajado mucho sobre las minorías en investigación. Aboga por un enfoque de la sociología que reposa sobre una inmersión de largo plazo en los medios y colectivos sobre los que investiga, lo que la lleva a frecuentarlos abundantemente. Para un trabajo sobre la vida de la calle en Estambul comparte así la vida de niños de las calles, a veces hijos de prostitutas, de jóvenes homosexuales y también de personas transexuales objeto de exclusión. Trabaja también sobre la diáspora política kurda en Kurdistán, en Alemania y en Francia. Es esta última investigación la que provoca que la policía turca la arreste y la encierre en prisión preventiva el 11 de julio de 1998. Quiere que le revele los nombres de l@s combatientes kurd@s encontrad@s en el marco de sus investigaciones, algo que ella se niega a hacer incluso bajo la tortura. Mientras que se encuentra en la cárcel se la acusa de un supuesto atentado con bomba llevado a cabo por los partidarios del PKK. Corresponde a la explosión que tiene lugar el 9 de julio de 1998 en el bazar de las especias de Estambul y que produce 7 muertos y 121 heridos. El dosier se encuentra completamente fabricado y desborda de inverosimilitudes: todos los informes oficiales hechos por expertos concluyen que la explosión fue provocada accidentalmente por una bombona de gas; el único testigo que la había acusado de haber cometido el atentado con él, un joven kurdo, había producido esas acusaciones bajo tortura y se retracta de ellas apenas resulta definitivamente absuelto. A Pinar Selek también se la absuelve 4 veces, pero el Estado recurre una y otra vez. Resulta evidente que semejante insistencia es en realidad política, motivada por su ideología y por sus investigaciones. Con el fin de reprimir toda discrepancia por el terror el Estado turco la condena a cadena perpetua varias veces, en juicios inverosímiles basados en la acusación de ese pseudo-atentado. Selek incluso ha sido objeto de una orden de arresto transmitida por Interpol en 2014.
Le debemos mucho a Pinar Selek. En lo que a mí respecta, una de sus obras ha participado en inspirar la escritura del primer ensayo del trabajo que desde hace seis años estoy desarrollando sobre las violencias sociales estructurales relacionales, Lo simbólico es político. Se trata de su obra Servicio militar en Turquía y construcción de la clase de sexo dominante. Hacerse hombre reptando, publicado en Francia en 2014 en L’Harmattan. A través de cincuenta y ocho entrevistas, la obra se inscribe en el planteamiento de la historia oral, orientada a captar los recuerdos que el servicio militar deja en los antiguos reclutas y los discursos que lo acompañan. Además de suponer para muchos el primer distanciamiento con el medio familiar, el servicio militar también implica una mezcla étnica y de clases sociales así como la creación, a través de la instrucción, de valores, percepciones y aspiraciones identitarias comunes que van a alimentar después la construcción de una masculinidad a nivel nacional, inserta en un esquema jerárquico y de dominación que se encuentra reforzado por esta experiencia. No cabe duda de que este valiente estudio no ha contribuido a hacer que Pinar Selek le resulte simpática a un poder turco que algunos años más tarde asume tanto su machismo que ha sido capaz de retirarse de la Convención de Estambul, avance fundamental, aunque siga siendo insuficiente, en la lucha contra las violencias estructurales dirigidas hacia las mujeres.
Como consecuencia de la persecución de la que es objeto a través de la justicia, Pinar Selek se exila primero a Alemania y después, en 2009, a Francia. El Estado francés le concede la nacionalidad francesa en 2017. Pinar Selek continua en este país su recorrido intelectual y académico, recibiendo entre otras cosas la insignia doctor honoris causa de la Escuela normal superior de Lyon y convirtiéndose finalmente en profesora titular asociada en la universidad de Niza y miembro del laboratorio de investigación URMIS. Es por tanto en Niza donde recibe la noticia del veredicto del Tribunal Supremo de Turquía, emitido el 21 de junio de 2022 tras una deliberación a puerta cerrada sin alegato: cadena perpetua. Frente a este ensañamiento, Selek continúa resistiendo: va a presentar dos recursos, ante el Tribunal constitucional de Turquía y ante el Tribunal europeo de derechos humanos. También continúa publicando libros, dando clases, tomando la palabra y actuando con otr@s en favor de los derechos de las mujeres y de las minorías. Es importante para que pueda seguir actuando, hablando y aclarándonos con sus análisis perspicaces, valientes y sin concesiones, que la ayudemos en la medida de nuestras posibilidades.
Se puede, por supuesto, apoyar a Pinar Selek a nivel financiero, puesto que los recursos ante la justicia son onerosos, a través de un fondo abierto en Hello Asso, a nombre de la asociación Karinca, “Solidaridad con Pinar”. Es posible participar con un cheque a la orden y a la dirección de Silencio, 9 rue Dumenge, BP 4215, 69241 Lyon Cedex 04, mencionando en el reverso “Solidaridad con Pinar Selek”. También es posible entrar en contacto con los distintos colectivos de solidaridad hacia Pinar Selek que existen en Niza, Lyon, Marsella, Paris, Estrasburgo, Brest, Burdeos, Ginebra, Forcalquier, País Vasco etc. Todos llevan a cabo acciones destinadas a dar a conocer la terrible injusticia que Pinar Selek vive desde hace 24 años y a movilizar a los poderes públicos para ayudarla. Apoyemos a nuestras hermanas en nuestra lucha común, pues es la manera en que construiremos un futuro para tod@s.
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