Octobre 2022
Les faits survenus cet été, avec le vote au mois de juin par la Cour Suprême des Etats-Unis du texte revenant sur la décision dite Roe vs Wade (1973), socle du droit à l’avortement dans tout le pays, ont constitué un trauma mondial et inquiété toute la planète. En effet, chaque Etat a désormais la possibilité d’adopter sa propre législation en matière d’avortement, et donc de décider de rendre illégale l’IVG. Douze Etats, qui avaient déjà adopté des lois restrictives et n’attendaient que cette décision finale, ont ainsi pu le rendre illégal courant juin. Les Etats-Unis restent la première puissance économique mondiale. Ce recul si important des droits des femmes est donc significatif pour toute la planète. C’est ainsi que le 28 septembre 2022, date mondiale du droit à l’IVG, s’est cette année déroulé sous le signe d’une inquiétude particulière.
Au niveau mondial l’évolution sur le sujet reste plutôt positive, bien que lente. Plus de cinquante pays ont ainsi adopté des législations moins restrictives en matière d’IVG durant ces deux dernières décennies. Parmi les pays à avoir le plus récemment évolué en ce sens on peut compter l’Irlande, où l’IVG est légale depuis 2018 ; la Nouvelle-Zélande, où l’avortement a été dépénalisé en 2020 ; la Thaïlande, où il a été décriminalisé en 2021 ; la Colombie, où il est légal depuis février 2022 ; le Bénin, qui le légalise à l’automne 2022. L’IVG a également été libéralisée en Irlande du Nord en 2019, rendant ce droit désormais accessible dans tout le Royaume-Uni, puis dans l’Etat du Queensland, ce droit n’étant plus restreint en Australie que dans l’Etat de la Nouvelle-Galles du Sud. Cependant, le droit et l’accès à l’IVG restent largement inégaux dans le monde : alors qu’une grossesse sur quatre se termine chaque année par un avortement, 40% des femmes en âge de concevoir vivent dans des Etats aux lois restrictives. Plus de 25 millions d’IVG dangereuses sont ainsi encore pratiquées dans le monde chaque année, faisant de l’avortement la troisième cause de mortalité maternelle.
Parmi les pays où la législation est la plus dure on peut compter le Salvador, où depuis 1998 des peines pouvant aller jusqu’à huit ans de prison ont été établies en cas d’interruption de grossesse. Les poursuites sont souvent engagées pour « homicides aggravés », passibles de peines pouvant aller jusqu’à cinquante ans de prison. Une législation qui, en plein XXIème siècle, tourne encore totalement le dos à la science, qui nous informe depuis longtemps déjà que, le fœtus ne développant son système nerveux central qu’à partir de la 12ème semaine, moment où ses premiers réflexes apparaissent, il n’est tout simplement pas scientifique de l’envisager avant comme un être humain, même en devenir. Puis, outre Malte, Andorre et le Vatican, où l’IVG reste illégale, l’avortement est encore rendu difficile en Europe dans plusieurs pays. En octobre 2020, le Tribunal constitutionnel de la Pologne l’a ainsi rendu quasiment illégal en supprimant la possibilité d’y recourir en cas de malformation du fœtus. Ce critère concernait plus de 95% des avortements légaux pratiqués chaque année. L’IVG reste autorisée en cas de viol, d’inceste ou si la grossesse présente un danger pour la mère. Enfin, si l’IVG est autorisée jusqu’à douze semaines en Italie, la clause de l’objection de conscience la rend dans les faits très peu accessible, car 67% des gynécologues s’y refuseraient, selon les chiffres du ministère de la santé en 2019. On peut craindre par ailleurs que les dernières évolutions politiques du pays, avec l’élection de la fasciste Giorgia Meloni lors des élections législatives du 25 septembre, mettent plus directement en danger ce droit. En effet, si son programme de campagne ne mentionnait pas une éventuelle interdiction de l’IVG, les positions de Meloni en ce domaine sont connues. Non seulement elle s’est présentée de systématiquement au cours de sa campagne comme « femme, mère et chrétienne » mais elle a déjà décrit l’avortement comme « une défaite » et espère trouver, a-t-elle dit, « des alternatives ».
Récemment, un cas au Maroc a tristement rappelé à quel point les femmes peuvent être déshumanisées, objectivées et réduites à leur pure biologie en matière de conception et d’avortement. Meriem, 15 ans, est décédée dans la région de Midelt des suites d’un avortement à risque. Un homme âgé de 25 ans, qui l’exploitait par ailleurs sexuellement, avait violé Meriem. L’avortement étant interdit, il fait appel à une infirmière et à un homme qui n’aurait pas été soignant, mais électricien, pour pratiquer au domicile du violeur pédocriminel un avortement à risque. Cet acte de torture tourne mal, apparemment pour un problème d’anesthésie, et Meriem décède. Dans une affaire qui réunit plusieurs « délits », avortement, prostitution illégale de mineure, viol, l’Etat marocain, déjà coupable de la mort de Meriem, met hélas plus de conviction à poursuivre l’avortement illégal que les deux autres entorses à la loi. Les paroles de la sociologue et militante féministe Ibtissame Betty Lachgar ne peuvent être plus dramatiquement justes, « L’Etat participe à la culture du viol en institutionnalisant dans ses lois et ses pratiques l’exploitation sexuelle des femmes, le viol et la pédocriminalité sexuelle ».
Une fois engagées dans l’objectivation que, pour ses besoins, le patriarcat fait de nos êtres et de nos corps, la déshumanisation que l’on y subit peut aller très loin. Par ailleurs, comme Simone de Beauvoir l’avait averti, il semblerait que les droits des femmes ne soient jamais acquis et que nous devions rester alertes, quel que soit le niveau d’évolution que nous pensions avoir atteint. D’où l’intérêt de prendre à bras le corps le prochain combat qui s’annonce en France en ce domaine : l’inscription dans la constitution du droit à l’IVG. Pour éviter qu’il n'y arrive ce qui pourrait arriver aux Italiennes, ce qui est arrivé aux Polonaises et aux Américaines, un recul dans le droit à l’IVG, il nous faut soutenir le combat actuellement lancé, et incertain parce que soumis à de très longues procédures, d’inscrire dans la constitution le droit à l’IVG. Trois propositions de loi ont été formulées, par les écologistes, la NUPES et la majorité, respectivement examinées le 19 octobre au Sénat, le 24 novembre à l’Assemblée, le 28 novembre à l’Assemblée. Ces rendez-vous pourraient néanmoins servir plutôt à garder le projet à l’ordre du jour, car la démarche pour adopter une proposition de loi constitutionnelle est bien plus longue et risquée que celle de passer par un projet de loi, porté par le gouvernement. Quoiqu’il en soit, ne négligeons pas notre prochain combat pour l’année à venir : inscrivons le droit à l’IVG dans la Constitution, pour nous, pour nos enfants et pour nos sœurs en lutte dans le monde.
Gustav Moreau, Le Victorieux Sphinx (détail), 1786.
Yo decido
El 28 de septiembre, en un contexto de retroceso del derecho fundamental al aborto, tenía lugar el día internacional del derecho al aborto. Una ocasión de reflexionar como ya no esperábamos tener que hacerlo sobre la necesidad de preservar ese derecho esencial.
Octubre de 2022
Los hechos de este verano, con el voto en junio por la Corte Suprema de Estados Unidos de un texto que anulaba la decisión Roe vs Wade (1973), cimiento del derecho al aborto en todo el país, han constituido un trauma mundial y preocupado a todo el planeta. En efecto, cada Estado tiene ahora la posibilidad de adoptar su propia legislación en cuanto al aborto, esto es, de decidir ilegalizarlo. Doce Estados, que ya habían adoptado leyes restrictivas y sólo esperaban esa decisión final, pudieron así ilegalizarlo en junio. Estados-Unidos es aún la primera potencia económica mundial. Tal retroceso en los derechos de las mujeres resulta significativo por tanto para todo el planeta. El 28 de septiembre de 2022, fecha mundial del derecho al aborto, ha transcurrido pues este año con particular inquietud.
A nivel mundial, la evolución es más bien positiva, aunque lenta. Más de cincuenta países han adoptado legislaciones menos restrictivas en cuanto al aborto en estas dos últimas décadas. Entre los países que más recientemente han evolucionado podemos contar Irlanda, donde el aborto es legal desde 2018; Nueva-Zelanda, donde el aborto ha sido despenalizado en 2020; Tailandia, donde ha sido despenalizado en 2021; Colombia, donde es legal desde febrero de 2022; Benin, que lo legaliza en otoño de 2022. El aborto también ha sido liberalizado en Irlanda del Norte en 2019, con lo que ese derecho es ahora accesible en todo Reino-Unido, y en el Estado de Queensland, con lo que en Australia ya sólo queda restringido en el Estado de Nueva Gales del Sur. Sin embargo, hay todavía muchas desigualdades en el mundo en cuanto al derecho al aborto: aunque un embarazo de cada cuatro termina cada año con un aborto, el 40% de mujeres en edad de procrear viven en Estados que tienen leyes restrictivas. Más de 25 millones de abortos peligrosos se practican así cada año en el mundo, convirtiendo al aborto en tercera causa de mortalidad materna.
Entre los países en los que la legislación es más dura se encuentra el Salvador, donde desde 1998 han sido establecidas penas que pueden ir hasta ocho años de cárcel en caso de interrupción del embarazo. A menudo el cargo penal es el de “homicidio agravado”, pasible de penas de hasta cincuenta años de cárcel. Una legislación que, en pleno siglo XXI, vuelve totalmente la espalda a la ciencia, la cual nos informa desde hace ya mucho de que el feto no desarrolla el sistema nervioso central hasta la 12° semana de embarazo, momento en que aparecen los primeros reflejos. Hasta entonces, simplemente no es científico considerarlo como ser humano, incluso en devenir. En Europa el aborto aún resulta difícil en algunos países, además de los casos de Malta, Andorra y el Vaticano, donde sigue siendo ilegal. En octubre de 2020, el Tribunal Constitucional de Polonia prácticamente lo ilegaliza al suprimir la posibilidad de recurrir a él en caso de malformación del feto, criterio que concierne a más del 95% de los abortos legales practicados. El aborto sigue siendo legal en caso de violación, de incesto o si el embarazo presenta un riesgo para la madre. Finalmente, aunque el aborto está autorizado hasta doce semanas en Italia, la cláusula de objeción de conciencia lo vuelve en los hechos poco accesible, ya que un 67% de los ginecólogos rechazarían practicarlo, según las cifras del ministerio de salud en 2019. Puede temerse, por lo demás, que las últimas evoluciones políticas del país, con la elección de la fascista Giorgia Meloni en las elecciones legislativas del 25 de septiembre, hagan peligrar todavía más ese derecho. En efecto, si bien su programa de campaña no mencionaba una eventual ilegalización del aborto, las posiciones de Meloni al respecto son conocidas. No sólo se ha presentado sistemáticamente durante la campaña como “mujer, madre y cristiana” sino que ya ha descrito el aborto como “una derrota” a la que espera encontrar, según dijo, “alternativas”.
Recientemente, un caso en Marruecos ha recordado tristemente hasta qué punto las mujeres pueden ser deshumanizadas, objetivadas y reducidas a su pura biología en materia de concepción y de aborto. Meriem, 15 años, ha fallecido en la región de Midelt como consecuencia de un aborto de riesgo. Un hombre de 25 años, que la explotaba además sexualmente, la había violado. Puesto que el aborto está prohibido, el hombre recurrió a una enfermera y a otro hombre, que no era médico sino electricista, para practicar en el domicilio del violador pedocriminal un aborto de riesgo. Ese acto de tortura terminó mal, según parece por un problema de anestesia, y Meriem fallece. En un asunto que reúne varios “delitos”, aborto, prostitución ilegal de menores, violación, el Estado marroquí, culpable ya de la muerte de Meriem, pone además mayor convicción en perseguir el aborto ilegal que los otros dos delitos. Las palabras de la socióloga y militante feminista Ibtissamen Betty Lachgar no pueden ser más dramáticamente justas, “El Estado participa en la cultura de la violación institucionalizando en sus leyes y sus prácticas la explotación sexual de las mujeres, la violación y la pedocriminalidad sexual”.
Una vez atrapadas en la objetivación de nuestros seres y de nuestros cuerpos a la que, para sus necesidades, recurre el patriarcado, la deshumanización de la que somos victimas puede llegar muy lejos. Además, como lo había advertido Simone de Beauvoir, parece que los derechos de las mujeres jamás están asegurados y que debemos permanecer alerta, sea cual sea el nivel de evolución que creíamos haber alcanzado. De donde el interés de implicarnos a fondo en el próximo combate que se anuncia en Francia en este ámbito: la constitucionalización del derecho al aborto. Para evitar que nos suceda lo que podría sucederles a las italianas, lo que les ha sucedido a las polacas y a las americanas, un retroceso en el derecho al aborto, debemos apoyar el combate actualmente en curso de constitucionalizar el derecho al aborto, ya que los procesos para lograrlo son muy largos y por tanto inciertos. Se han formulado tres propuestas de ley, por los ecologistas, la NUPES y la mayoría, respectivamente examinadas el 19 de octubre en el Senado, el 24 de noviembre en la Asamblea, el 28 de noviembre en la Asamblea. Estas citas podrían servir no obstante más bien para mantener al orden del día el proyecto, pues el procedimiento para adoptar una propuesta de ley constitucional es mucho más largo y arriesgado que recurrir a un proyecto de ley, portado por el gobierno. Sea como sea, no descuidemos nuestro próximo combate para el curso que viene: constitucionalizar el aborto, para nosotras, nuestras hijas y nuestras hermanas en lucha por el mundo.
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