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Billet de blog 6 mai 2023

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Arrêter l’escalade des violences

Les mouvements sociaux qui ont parcouru la société française ces derniers mois ont posé avec plus d’acuité la question du rôle, des compétences et des attributions que doit avoir la police.

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Le contexte français des derniers mois a été porteur de nombreuses interrogations à propos de ce que l’on entend par « ordre social » et des moyens que l’on se donne pour l’instituer et le maintenir. Les manifestations de masse convoquées par l’activisme climatique, dans le cadre de la mise en cause du recours aux méga bassines, puis par l’activisme pour les droits sociaux, dans le cadre de la lutte contre la réforme des retraites, ont été caractérisées par des affrontements musclés entre la police et les manifestants. L’utilisation des dites « armes à létalité réduite », telles que les lanceurs de balles de défense (LBD), les grenades lacrymogènes ou les grenades de désencerclement, qui restent tout de même du matériel de guerre selon le Code de la sécurité intérieure, a intégré, sans qu’on s’en aperçoive, la normalité. C’est en partie à cause d’elles que la police a pris, au tournant du XXIème siècle, une dimension que l’on ne lui connaissait pas auparavant et qui interpelle.

L’activisme climatique a été le fondateur, au niveau planétaire, d’une nouvelle façon de manifester et d’un nouveau rapport aux forces de l’ordre. On peut dater ce début aux émeutes de Seattle, lors du sommet mondial de l’OMC de 1999. En France, le mouvement des gilets jaunes a aussi introduit des évolutions significatives dans les deux camps. On y a vu, notamment, l’utilisation pour la première fois par la gendarmerie dans le cadre du maintien de l’ordre public de véhicules blindés, le 8 décembre 2018, lors d’une manifestation parisienne. On y a également vu la police recevoir l’ordre de charger dans la foule, alors même que celle-ci n’avait pas recours à des armes ou des projectiles dangereux à proprement parler. Puis, outre les armes « à létalité réduite » déjà évoquées, des techniques plus propres de l’armée que de la police, telles que la manœuvre d’encerclement dite de la « nasse », ont intégré la normalité policière.

Il n’en pouvait être autrement, cette normalité-là a accru l’animosité de la citoyenneté en souffrance envers les forces de l’ordre. Des slogans anciens, tels que « police partout, justice nulle part », ont été remis au goût du jour dans les cortèges de manifestants, accompagnés d’autres plus récents, tels que « tout le monde déteste la police ». Ce signe d’hostilité a beau être une réaction épidermique parfaitement normale et humaine face à une dérive autoritaire généralisée, elle ne stoppera pas la mécanique enclenchée par les dirigeants planétaires depuis les émeutes de Seattle. Au contraire, elle ne fera que l’intégrer pour contribuer à faire fonctionner un mécanisme parfaitement huilé, qui dessert même peut-être les propos de domination de nos dirigeants, seul le temps nous le dira. En effet, il est sans doute plus utile et pertinent de mener le débat public à s’interroger sur la place et le sens que la police doit prendre, afin de déterminer ensemble la fonction sociale que collectivement nous souhaiterions lui donner.

Une des questions que posent les slogans scandés dans les manifestations est celle de la nécessité de la police. Est-elle plus que le simple bras armé des élites économiques et politiques, œuvrant sans le dire à leur maintien ? Un ordre social serait-il possible sans l’existence des forces de police ? De cette deuxième question dérive, en fait, une première réponse : la police est un des moyens que nos sociétés se sont donnés pour préserver un ordre où tous les individus possèdent des droits et des obligations, fixés par le collectif. La nature et la fonction de la police, plus qu’inhérentes, sont ainsi reliées à ce que chaque pouvoir en place et chaque société entendent par ordre social. A cette époque charnière, où l’urgence climatique lie nos possibilités de survie à notre capacité de limiter le développement du capitalisme, une des batailles qui se jouent autour des attributions de la police se situe dans la latitude que celle-ci a, ou n’a pas, de freiner l’expression citoyenne. Car le souci de la préservation de l’environnement entraîne un ralentissement de la course capitaliste qui ne peut que déplaire à ceux à qui elle profite. L’action de la police se situe bien aujourd’hui, en ce sens, au centre d’un choc de modèles civilisationnels que sous-tendent d’immenses enjeux. Une place qui n’est en réalité que la conséquence inévitable de l’inconfortable situation adjugée à la police, faisant l’interface entre l’Etat et la société.

Quand bien même la police évoluerait donc, par nature, toujours située dans un nœud d’injonctions contradictoires, quelles sont ses possibilités de contestation ? Les policiers qui en leur jour avaient reçu l’ordre de charger dans la foule pour réprimer les gilets jaunes l’avaient fait, au prix de situer la France dans le point de mire international pour sa dérive autoritaire. Nous ne connaîtrons jamais les débats internes, plus ou moins poussés, que ces charges inédites auront pu coûter aux policiers de l’époque. Et pourtant, elles ont bel et bien marqué un tournant dans la tradition française de gestion de manifestations massives. Quelle sont les possibilités pour la police d’aujourd’hui, qui, elle, fait face à une militarisation croissante très contestée, de s’opposer aux directives reçues ? Car si, comme tout fonctionnaire, la police est tenue au devoir de réserve, il apparaît de plus en plus nécessaire de tracer la frontière entre s’acquitter de ce devoir et devenir le bras armé d’une élite en place, essentiellement préoccupée par garder son pouvoir. Une frontière malheureusement bien moins évidente qu’il n’y paraît… Être le bras armé du pouvoir en place n’est pas la fonction attribuée à la police en démocratie. Il est même de présumer que de se retrouver aujourd’hui de plus en plus à cette place engendre chez certains policiers une souffrance.

La situation de la police, à l’interface de la société et de l’Etat, constitue en elle-même une source de souffrance, car elle porte un rejet social inhérent. La question d’au nom de quoi on encaisse cette souffrance se pose par ailleurs davantage aujourd’hui que les évolutions sociales aiguisent les contradictions. S’il ne fait pas de doute qu’un individu idéaliste puisse encaisser beaucoup de frustrations et de désagréments pour ses idées, il est en revanche moins sûr qu’il les encaisse aussi aisément pour des idées auxquelles il est résolument contraire, comme cela peut très bien être le cas pour ce qui est de limiter la liberté d’expression des activistes environnementaux ou pour le mode de répression des gilets jaunes… Si s’exprimer est le propre de l’humain, être privé de ce droit au point de voir se multiplier les questionnements éthiques internes ne peut en effet qu’accroître la souffrance. Or, faire d’un garant de l’ordre son otage n’est pas sans dangers pour la communauté, car la souffrance que cela engendre trouvera souvent à s’épancher en agressivité, alimentant l’escalade de violence qui caractérise aujourd’hui les affrontements entre policiers et manifestants ; rendant ceux-ci plus violents.

Plutôt que de crier « tout le monde déteste la police » il nous faudrait ainsi, peut-être, nous battre pour que les forces de l’ordre puissent d’avantage exprimer leur point de vue, quand bien même cela se ferait de façon cadrée. Cela doit surtout pouvoir se faire lorsque les ordres reçus sont susceptibles de recéler d’importants dilemmes moraux. D’autant que, étant donné les nombreux enjeux que sous-tend notre marche vers le futur, cela sera sans doute de plus en plus le cas. Faudrait-il penser à doter la police de la possibilité d’invoquer une clause de conscience pour refuser certaines actions ? De mécanismes permettant de voter des politiques générales -comme la militarisation croissante ? La question mérite réflexion, mais ce qui paraît évident c’est que denier toute liberté d’expression, et même de réflexion, à la police lorsqu’il s’agit de décisions graves dont ils sont les agents suppose de priver les individus qui l’intègrent d’une part de leur humanité. Il est peut-être confortable, et excessif, si nous détournons notre regard de cette question, que nous nous plaignons d’en payer le prix fort.

Sans pour autant dédouaner complètement les individus de leurs choix personnels dans le rapport qu’ils établissent à la violence, il faut peut-être que nous fassions collectivement un effort de lucidité au moment de reprendre en sens inverse le statut de symbole de l’Etat qui est celui de la police. Que nous nous gardions de le reprendre bêtement de façon simpliste, car poser cette complète équivalence, cette complète superposition, n’est ni vrai ni utile. La police a beau recevoir et appliquer des ordres, il ne fait pas de doute qu’il y existe aussi forcément des individus qui s’interrogent face aux évolutions sociales, des individus que la dérive autoritaire de leur pays met mal à l’aise, et que ces individus-là ne peuvent qu’en souffrir d’un point de vue existentiel, car c’est à eux qu’il correspond d’asseoir cette dérive. L’usure que produit la charge habituelle d’appliquer des décisions peu populaires ne peut que s’en trouver accrue aujourd’hui que ces décisions sont aussi très questionnables moralement. Il s’agit d’une usure engendrée à la fois par le mal-être interne face aux propres actions et par le manque de reconnaissance sociale des aspects positifs de leur travail autant que des efforts que peuvent supposer les aspects négatifs. Une usure qui engendre les impulsions violentes qui gagneraient tout être humain, car nous sommes nombreux à vivre en patriarcat et cela est la réponse qu’on nous a appris à donner au désamour et à l’injustice. Mais, la différence est que la police est dotée d’une capacité d’exercer la violence que ne possède pas tout un chacun. Une capacité qui fait que, dans un monde sensé, elle devrait être rodée aux questionnements concernant le passage à l’acte, l’application de la violence, comme elle ne l’est pas, malheureusement, dans le monde insensé qu’est le nôtre.

Parce que nous cheminons vers un monde dont certaines caractéristiques seront irrévocables, du fait des limites que pose l’exploitation de la nature et les changements que nous imposons à la planète, il est urgent que nous dotions une institution aussi déterminante que peut l’être la police d’une capacité décisionnelle individuelle au moment de confronter les dilemmes de l’époque. Que nous la dotions d’une moindre dépendance d’un Etat qui a fait trop de compromis avec des pouvoir économiques reléguant au secondaire l’humain. Une police dépatriarcalisée peut-elle exister ? Une police qui place au centre l’humain et qui dote ses intégrants d’une marge de choix éthique face aux évolutions de l’ordre qu’elle même incarne ? Cela ne semble pas insensé, et des expériences telles que la police de proximité mise en place par le gouvernement de Lionel Jospin en 1998, et supprimée par Nicolas Sarkozy, vont en ce sens. Dans le sens d’assouplir les relations entre la police et la citoyenneté ; entre la citoyenneté et l’Etat. On pourrait même aller plus loin que cette première expérience pour penser une police qui se dresse en protectrice de tous les individus, par-delà les actuels systèmes de dominations, de sexe et néo-colonial, qui informent le social. Ne tardons plus trop à poser ces questions, et à y répondre, car la bataille culturelle bat son plein et l’issue sera, cette fois, irréversible.

Illustration 1

 Gustav Moreau, Le Victorieux Sphinx (détail), 1886.

Detener la escalada de violencia

Los movimientos sociales que han recorrido en los últimos meses la sociedad francesa han planteado con mayor claridad la cuestión del papel, las competencias y las atribuciones que debe tener la policía.

El contexto francés de los últimos meses ha planteado numerosos interrogantes a propósito de lo que se entiende por “orden social” y de los medios que nos damos para instituirlo y mantenerlo. Las manifestaciones masivas convocadas por el activismo climático, en el marco de la oposición a la construcción de mega estanques, y por el activismo de los derechos sociales, en el marco de la lucha contra la reforma de la jubilación, se han caracterizado por durísimos enfrentamientos entre la policía y los manifestantes. El uso de armas “semi-letales”, como fusiles de pelotas de goma, granadas lacrimógenas o granadas de dispersión, que el Código de seguridad interior clasifica no obstante como material de guerra, ha integrado la normalidad sin que nos hayamos dado cuenta de ello. Es en parte a causa de ello por lo que la policía ha adquirido, desde inicios del siglo XXI, una dimensión que no le conocíamos y que interroga.

El activismo climático ha fundado, a nivel planetario, una nueva forma de manifestar y una nueva relación a las fuerzas del orden. Se puede fechar ese principio en los disturbios de Seattle, durante la cumbre mundial de la OMC, en 1999. En Francia, el movimiento de los chalecos amarillos también introdujo evoluciones significativas en ambos campos. Asistimos, por ejemplo, a la utilización por la gendarmería por primera vez de vehículos blindados en el marco del mantenimiento del orden público, el 8 de diciembre de 2018, durante una manifestación parisina. También vimos a la policía recibir la orden de cargar contra los manifestantes, aun cuando éstos no tenían armas o proyectiles realmente peligrosos. Por otra parte, más allá de las armas “semiletales” mencionadas, también integraron la normalidad policial algunas técnicas más propias del ejército, como la maniobra destinada a acorralar a un grupo conocida como la “cesta”.

Como no podía ser de otro modo, dicha normalidad ha aumentado la animosidad hacia las fuerzas del orden de una ciudadanía que está sufriendo. Lemas antiguos, como “policía por todos lados, justicia en ninguno”, han vuelto a oírse, junto a otros más recientes, como “todo el mundo odia a la policía”. Por más que dicho signo de hostilidad corresponda a una reacción epidérmica perfectamente normal y humana frente a una deriva autoritaria generalizada, no va a detener el mecanismo puesto en marcha por los dirigentes planetarios desde los disturbios de Seattle. Al contrario, no va a hacer sino integrarlo para contribuir en el funcionamiento de un mecanismo perfectamente rodado, que incluso sirve quizá a los propósitos de dominación de nuestros dirigentes, el tiempo dirá. Resulta en efecto sin duda más útil y pertinente conducir el debate publico a interrogarse sobre el lugar y el sentido que la policía debe tener, con el fin de determinar juntos la función social que colectivamente deseamos darle.

Una de las preguntas que plantean los lemas coreados en las manifestaciones es la de la necesidad de la policía. ¿Constituye algo más que el mero brazo armado de las élites económicas y políticas, que trabaja sin decirlo en mantenerlas? ¿Sería posible el orden social sin fuerzas de policía? De esta segunda pregunta deriva en realidad una primera respuesta: la policía es uno de los medios de los que se dotan nuestras sociedades para preservar un orden en el que todos poseen derechos y obligaciones, fijados por el colectivo. La naturaleza y la función de la policía, más que serle inherentes, se encuentran así en relación con lo que cada poder y cada sociedad entienden por orden social. En esta época bisagra, en la que el cambio climático vincula nuestras posibilidades de supervivencia a nuestra capacidad de limitar el desarrollo del capitalismo, una de las batallas que se libran en torno a las atribuciones de la policía se sitúa en la latitud que ésta tiene, o no, para frenar la expresión ciudadana. Pues la preocupación por preservar el medio ambiente mitiga el desenfreno de la carrera capitalista, algo que no puede sino disgustar a aquellos a quienes ésta beneficia. La acción de la policía se sitúa hoy, en ese sentido, en el centro de un choque de modelos civilizacionales en el que se juegan muchas cosas. Un lugar que no es en realidad sino la inevitable consecuencia de la poco confortable situación que ya tenía la policía, en la interfaz entre la sociedad y el Estado.

Por más que sea la naturaleza de la policía evolucionar en un nudo de requerimientos contradictorios, ¿qué posibilidades tiene ésta de crítica? Los policías que en su día recibieron la orden de cargar contra la multitud para reprimir las manifestaciones de los chalecos amarillos lo hicieron, al precio de situar a Francia en el punto de mira internacional por su deriva autoritaria. Jamás conoceremos los debates internos, más o menos densos, que esas cargas nunca vistas pudieron costarles a los policías de la época. Y sin embargo marcaron un giro en la tradición francesa de gestión de las manifestaciones masivas. ¿Qué posibilidades tiene la policía actual, que confronta una militarización creciente y muy criticada, para oponerse a las directivas que recibe? Ya que, si como todo funcionario la policía tiene un deber de reserva, cada vez parece más necesario redibujar la frontera entre cumplir con ese deber y convertirse en el brazo armado de una élite esencialmente preocupa por mantenerse en el poder. Una frontera por desgracia menos evidente de lo que pudiera pensarse… Ser el brazo armado del poder no es la función atribuida a la policía en democracia. Se puede incluso presumir que encontrarse hoy en ese lugar engendre cierto sufrimiento en algunos policías.

La situación de la policía, en interfaz entre la sociedad y el Estado, constituye de por sí una fuente de sufrimiento, pues conlleva cierto rechazo social inherente. La cuestión de en nombre de qué se encaja ese sufrimiento se plantea hoy con mayor fuerza, cuando las evoluciones sociales agudizan las contradicciones. Si no cabe duda de que un individuo idealista puede encajar muchas frustraciones y molestias en nombre de sus ideas, resulta menos cierto que las encaje con tanta facilidad en nombre de ideas que desaprueba del todo, como perfectamente puede suceder con limitar la libertad de expresión de los activistas medioambientales o el modo de represión adoptado con los chalecos amarillos… Expresarse es una función propia de lo humano, y verse privado de ella hasta el punto de que se le multipliquen a uno los cuestionamientos éticos no puede sino aumentar ese sufrimiento. Convertir al garante de un orden en su rehén no resulta sin peligro para la comunidad, pues el sufrimiento que ello engendra a menudo se canalizará en agresividad, alimentando la escalada de violencia que ya caracteriza los enfrentamientos entre policía y manifestantes, volviéndolos más violentos.

Más que gritar “todo el mundo odia a la policía”, quizá deberíamos luchar por que las fuerzas del orden puedan expresar algo más su punto de vista, aunque ello se haga de forma reglamentada. Es algo que debe poder hacerse sobre todo cuando las órdenes recibidas son susceptibles de plantear importantes dilemas morales. Tanto más por cuanto que, dado lo que se juega en nuestro caminar hacia el futuro, cada vez será más frecuente que esto suceda. ¿Habría que pensar en dotar a la policía de la posibilidad de invocar una objeción de conciencia para negarse a realizar algunas acciones? ¿De mecanismos que permitan votar políticas generales -como la creciente militarización? La cuestión merece reflexión, pero lo que parece evidente es que negarle a la policía toda libertad de expresión, e incluso de reflexión, cuando se trata de decisiones graves que les corresponde a ellos aplicar supone privar a los individuos que la integran de una parte de humanidad. Quizá sea cómodo, y hasta excesivo, si elegimos mirar para otro lado, que nos quejemos de pagar por ello el precio fuerte.

Sin eximir del todo a los individuos de sus decisiones personales en lo que respecta a la relación que establecen a la violencia, quizá deberíamos realizar un esfuerzo colectivo de lucidez en el momento de retomar en sentido inverso el estatus de símbolo del Estado que tiene la policía. Que deberíamos evitar retomarlo de forma excesivamente simplificadora, pues plantear una completa equivalencia, una total superposición, no es ni cierto ni útil. Por más que la policía reciba y aplique ordenes, no cabe duda de que por fuerza existen también en su seno individuos que se interrogan frente a las evoluciones sociales, individuos que se sienten mal frente a la deriva autoritaria del país, y que esos individuos no pueden sino sentir cierto sufrimiento existencial, pues les corresponde a ellos concretizar esa deriva. El desgaste que producía la tarea de aplicar decisiones impopulares no puede sino aumentar hoy que esas decisiones son moralmente cuestionables. Se trata de un desgaste engendrado a la vez por el malestar que suscitan las propias acciones y por la falta de reconocimiento social hacia los aspectos positivos de su trabajo o hacia los esfuerzos que pueden costar los aspectos negativos. Un desgaste que genera las impulsiones violentas que tendría todo ser humano, pues somos muchos los que vivimos en régimen de patriarcado y ésa es la única respuesta que se nos han enseñado a dar al desamor y a la injusticia. La diferencia es que la policía tiene una capacidad de ejercer la violencia que no posee todo el mundo. Una capacidad que hace que, en un mundo dotado de sentido común, la policía debería tener costumbre de cuestionarse el paso al acto, de cuestionarse la aplicación de la violencia, como no acostumbra, por desgracia, en este mundo insensato.

Porque caminamos hacia un mundo cuyas características serán definitivas, a causa de los límites que plantean la explotación de la naturaleza y los cambios que le imponemos al planeta, es urgente que dotemos a una institución tan determinante como la policía de una capacidad de decisión individual para confrontar los dilemas de la época. Que hagamos que se encuentre algo menos atada a un Estado que ha adquirido demasiados compromisos con los poderes económicos, relegando a lo humano a un segundo lugar. ¿Podría existir una policía despatriarcalizada? ¿Una policía que sitúe en el centro a lo humano y permita a sus miembros un margen de decisión ética cuando confronten las evoluciones del orden que ella misma encarna? No parece aberrante, y experiencias como la policía de proximidad que instauró el gobierno de Lionel Jospin en 1998 y suprimió Nicolas Sarkozy van en ese sentido. En el sentido de suavizar las relaciones que se establecen entre la policía y los ciudadanos; entre los ciudadanos y el Estado. Se podría incluso ir más lejos de lo que fue esa primera experiencia para pensar una policía que proteja a todos los individuos, más allá de los actuales sistemas de dominación, de sexo y neocolonial, que informan la sociedad. No tardemos demasiado en hacernos estas preguntas, y en responderlas, pues la batalla cultural se encuentra en su apogeo y el desenlace será, esta vez, irreversible.

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