A un moment où, dans la sphère politique, les analyses fournies par le féminisme n’ont dépassé la question des droits des femmes que dans des cas très précis, comme l’expérience espagnole de la CUP ou l’expérience islandaise, la gauche se débat de nouveau en quête de concepts capables de régénérer le projet de société qu’elle propose, ainsi que de points de vue et d’outils capables d‘affiner ses analyses. Comme d’autres l’ont déterminé, le concept de classe a perdu une partie de son opérationnalité avec l’atomisation et la tertiarisation qui se met en place à partir des années 80. Pour autant, d’autres concepts plus récemment forgés, tels que celui de Multitude, ne le remplacent toujours pas de façon efficace. Au milieu de l’actuel panorama en mouvement, la notion de commun apparaît donc pour l’instant comme l’une des plus productives et des plus reprises.
L’idéal de l’organisation collective a été contemplé par de multiples utopies et correspond également à des pratiques anciennes. En Amérique Latine, la plupart des peuples indiens possédaient ainsi des modes d’organisation collective. De cette façon, l’une des difficultés que le commun confronte aujourd’hui sur le chemin de l’autodéfinition est précisément la diversité qui le sous-tend et qui dérive de la multiplicité de contextes qui sont les siens. Si dans certains endroits, comme l’Amérique Latine, sa mise en place peut renouer avec des pratiques toujours en vigueur, dans d’autres, comme l’Europe, elle reprend des pratiques éteintes, voire tire ses pratiques du néant, comme cela se produit souvent dans l’environnement urbain.
Dans ces conditions, la problématique que le succès rencontré par la notion de commun pose aux personnes étudiant le genre est celle des contours que cette notion peut prendre dans des sociétés patriarcales. En effet, puisque les sociétés matriarcales ne sont que des exceptions, le patriarcat informe, dans presque toutes les sociétés, des pratiques qui précèdent à tout ce qu’on connaît. Cependant, ces pratiques et ces discours assoient bel et bien les différenciations et les exclusions qui subordonnent les femmes et les êtres non normatifs, constituant en dernière instance l’élément déclencheur des violences structurales. Il est révélateur que, confrontées aux nouveaux développements du commun, les femmes amérindiennes de l’Amérique Centrale mentionnent, comme le signale l’anthropologue Raquel Gutiérrez Aguilar, qu’elles se trouvent souvent obligées de subvertir les pratiques et les discours traditionnels si elles veulent trouver leur espace. C’est une observation qui conforte la méfiance éprouvée par certaines des personnes qui étudions le genre pour la notion de commun. En effet, comme cela était déjà le cas pour d’autres notions émancipatoires précédemment forgées, telles que la classe sociale, la notion de commun n’est pas opérationnelle pour penser et mettre en lumière les rapports de pouvoir basés sur les schémas de genre qui sous-tendent le social. Il est logique donc que, comme le signalaient les Indiennes mésoaméricaines, l’organisation collective qui en résulte ne mette un terme ni aux rapports de pouvoir qui informent le social patriarcal, ni aux dynamiques à l’origine des exclusions et des violences subies par les femmes et les enfants.
Des penseuses de premier ordre telles que Judith Butler se sont d’ailleurs finalement positionnées jusqu’à un certain point contre la notion même de commun. C’est-à-dire, non pas contre l’idée de construire en commun, mais contre l’idée que nous soyons, en tant que groupe, réductibles à une base commune donnée. En effet, l’une des voies proposées par Butler pour conduire à des sociétés moins violentes est celle d’élargir la notion de l’humain. Partant d’une réflexion sur le rôle à la fois répressif et constitutif de la norme dans les sociétés, Butler arrive à se demander si ce qui institue le commun ne serait pas précisément ce qui n’est pas commun, c’est-à-dire, ce qui est hors du commun. Elle se demande ainsi s’il ne serait pas mieux de renoncer à l’idée du commun pour se tourner vers l’acceptation que le commun n’existe pas tout à fait : « Ou avons-nous justement besoin de savoir que le « commun » n’est plus pour nous, s’il l’a jamais été, et qu’une approche de la différence, qui soit ouverte et consciente de ses limites, n’est pas seulement le devoir de la traduction culturelle en ces jours de multiculturalisme, mais la voie la plus importante vers la non-violence ? » (Butler, Défaire le genre, Paris, Amsterdam, 2006 : 251).
De notre point de vue, construire le commun ne peut se faire depuis l’actuelle invisibilisation des rapports de pouvoir qui hiérarchisent le social, depuis le manque de réflexion à ce propos. Construire le commun de sociétés plus inclusives et apaisées ne peut se faire qu’en passant par l’étape préalable qui est la reconnaissance de l’impossibilité qu’un commun puisse nous réunir sur un plan existentiel ; l’acceptation que le commun social ne peut venir que de l’interaction de différents ; l’acceptation de l’impossible existence d’un commun donné par essence. Sans cette étape préalable, tout commun émergeant directement de l’ordre patriarcal reproduira, de notre point de vue, ses mécanismes de subordination et ses dynamiques violentes.
Cela ne veut pas dire que, passé au prisme du genre, le commun ne nous semble pas une notion opérationnelle pour mener à bien de futures émancipations. En revanche, cela veut dire que, pour ce faire, une telle construction ne nous semble pas pouvoir être mise en place partant de la fausse prémisse de l’existence d’une essence commune, mais depuis l’extrême conscience des différences hiérarchisées qui structurent les dominations. Certaines des notions qu’il est possible de solliciter pour asseoir les bases d’une communauté construite sur la reconnaissance d’une hétérogénéité ont déjà été posées. Elles se déclinent dans les nuances qui vont de l’idée d’artifice et d’assemblage, dont la métaphore du cyborg forgée par Haraway, jusqu’à celles de superposition et de coexistence, dont le concept désormais classique d’intersectionnalité ou celui plus récent de pluriversalité émané de la pensée décoloniale. Comme nous l’avions formulé précédemment, de notre point de vue le commun non violent ne peut être construit que depuis la reconnaissance de l’absence d’une essence commune et de la non hiérarchisation de la différence.
Matizar lo común
Dentro de la voluntad de renovación conceptual y de proyectos que recorre las fuerzas de izquierda, la noción de común parece ir ganándole terreno a otras nociones. Precisamente por ello nos gustaría abordarla aquí desde una perspectiva de género.
En un momento en que los análisis del feminismo sólo han permeado en política la cuestión de los derechos en contadas excepciones, como la experiencia española de la CUP o la experiencia islandesa, la izquierda se vuelve a debatir a la búsqueda de conceptos capaces de regenerar el proyecto de sociedad que propone, así como de puntos de vista y herramientas capaces de afinar sus análisis. Como otros lo han determinado, el concepto de clase perdió parte de su operacionalidad con la atomización y la terciarización que se pone en marcha a partir de los años 80, y otros recientemente acuñados, como el de Multitud, aún no lo reemplazan eficazmente. En medio del actual panorama en movimiento, la noción de común aparece de momento como una de las más productivas y una de las más retomadas.
El ideal de la organización colectiva ha sido retomado por múltiples utopías y corresponde también a prácticas antiguas. En América Latina, la mayoría de los pueblos indígenas tenían así modos de organización colectiva. De este modo, una de las dificultades que de hecho confronta hoy lo común en el camino de autodefinirse es precisamente la diversidad que a él subyace y que deriva de su multiplicidad de contextos. Si en algunos sitios, como en América Latina, su puesta en marcha puede enlazar con prácticas aún vigentes, en otros, como en Europa, recupera prácticas extinguidas o es incluso creada desde cero, como sucede a menudo en el ámbito urbano.
En estas condiciones, la problemática que plantea para los que estudiamos el género el éxito encontrado por la noción de común es la de los contornos que ésta puede tener en el seno de organizaciones sociales patriarcales. En efecto, puesto que las sociedades matriarcales son excepciones, el patriarcado informa, en casi todas las sociedades, prácticas que preceden a todo lo que conocemos. Sin embargo, son estas prácticas y discursos los que sientan las diferenciaciones y exclusiones que subordinan a las mujeres y a los seres no normativos, constituyendo en última instancia el desencadenante de violencias estructurales. Es ilustrativo que, confrontadas a los nuevos desarrollos de lo común, las propias mujeres indígenas de América Central mencionen que se ven obligadas a subvertir las prácticas y discursos tradicionales si quieren encontrar su espacio, como lo señala la antropóloga Raquel Gutiérrez Aguilar. Esta observación corrobora bien el recelo que teníamos algunos estudiosos del género respecto de lo común. En efecto, como le sucedía a otras nociones emancipatorias anteriormente acuñadas, tales como la clase social, la noción de común no resulta operacional para evidenciar y pensar las relaciones de poder basadas en los esquemas de género que subyacen en lo social. Es lógico por tanto, como bien lo señalaban las indígenas mesoamericanas, que la organización colectiva que de esta noción emerge no termine ni con las relaciones de poder que informan lo social patriarcal, ni con las dinámica que sientan las bases de las exclusiones y violencias que afectan a mujeres y niños.
Pensadores de primer orden en el ámbito del género, como Judith Butler, terminan de hecho posicionándose hasta cierto punto contra la idea misma de común. Esto es, no contra la idea de construir en común, sino contra la idea de que en tanto que grupo seamos reductibles a una base común dada. En efecto, una de las vías que propone Butler para llegar a sociedades menos violentas es la de ampliar la noción de lo humano. Partiendo de una reflexión sobre el papel a la vez represivo y constitutivo de la norma en la constitución de las sociedades, Butler llega a preguntarse si lo que instituye lo común no sería precisamente lo que no es común, esto es, lo que está fuera de lo común. Se pregunta por tanto si no sería mejor renunciar a la idea misma de una comunidad para terminar aceptando que lo común no puede existir del todo : “¿O necesitamos darnos cuenta de que lo “común” no es ya para nosotros, si es que alguna vez lo fue, y que un acercamiento de la diferencia, abierto y consciente de sus límites, no es sólo un deber de traducción cultural en estos días de multiculturalismo, sino la vía principal hacia la no-violencia?” (1)
Construir lo común no puede hacerse, a nuestro modo de ver, desde la actual invisibilización de los vínculos de poder que jerarquizan lo social, desde la falta de reflexión al respecto. Construir lo común de sociedades más inclusivas y apaciguadas sólo puede hacerse pasando por la etapa previa que es el reconocimiento de la imposibilidad de que un común nos reúna en el plano existencial ; la aceptación de que un común social sólo puede venir de la interacción de los diferentes ; la aceptación de la imposibilidad de un común dado por esencia. Sin este paso previo, todo común que emerja directamente del orden patriarcal, reproducirá a nuestro modo de ver sus mecanismos de subordinación y sus dinámicas de violencia.
Todo esto no quiere decir que, enfocado desde el género, lo común no nos parezca una noción operacional para llevar a cabo futuras emancipaciones. Quiere decir que dicha construcción no nos parece poder llevarse a cabo desde la premisa –falsa- de una esencia común, sino desde la extrema consciencia de la diferencia jerarquizada que estructura las dominaciones. Algunas de las nociones que es posible poner en marcha para sentar las bases de dicha comunidad construida sobre lo heterogéneo ya han sido formuladas. Se extienden en matices que van desde la idea de artificio y ensamblaje, con la metáfora del cyborg acuñada por Haraway, hasta la de superposición y de coexistencia, con ideas como la ya clásica interseccionalidad o la más reciente pluriversalidad emanada del pensamiento decolonial. Como ya lo habíamos formulado con anterioridad, a nuestro modo de ver el común no violento solo puede ser un común construido desde el reconocimiento de la ausencia de esencia común y la no jerarquización de la diferencia.
(1) Traducimos