Bien que la droite n’aie pas encore définitivement gagné contre la gauche la bataille discursive du droit citoyen à la contestation ou du désordre, l’affrontement est bien entamé et bat son plein ces jours-ci. Neuf activistes de différents horizons ont vu leur procès pour « destruction des biens d’autrui » et « participation à un groupement formé en vue de commettre des dégradations » renvoyé au mois de décembre en raison du souhait de la défense d’exprimer sa solidarité avec la grève des avocats.
Le 26 octobre 2010 ces militants avaient en effet projeté du blanc de meudon, une sorte de craie, mélangé à du charbon sur la façade d’une agence de la Société Générale à Nice afin de dénoncer les pratiques les moins orthodoxes des banques, leur implication dans l’évasion fiscale ou l’exploitation des énergies fossiles. Il suffit de passer une éponge imbibée d’eau savonneuse pour enlever ce mélange. La réponse d’un procès pour « destruction des biens d’autrui » et de « groupement formé en vue de commettre des dégradations » semble en effet « disproportionné », comme le disent les accusés, et remet sur le tapis la question de la dérive sécuritaire, et même autoritaire, à laquelle on assiste en France depuis le début du mouvement des gilets jaunes.
D’autres signes qui ont émaillé cette progression volontairement invisibilisée par les médias, à défaut d’être discrète, sont les gardes-à-vue de 48 heures dont ont écopé des lycéens ayant bloqué leur lycée pour protester contre la réforme du bac ; le manifestant qui a récemment passé à tabac à Paris ; la généralisation du non-respect du port obligatoire du numéro d’identification (DOI) chez les policiers qui interviennent dans les protestations citoyennes ou encore les sanctions disciplinaires que le porte-parole le plus en vue de la contestation policière a reçues. En effet, Noam Anouar, représentant du syndicat ViGi, a pris de façon répétée la parole sur des plateaux télévisés en faveur d’une police républicaine, pointant l’utilisation politique que les institutions sont en train de faire des forces de police, financées avec de l’argent public ajouterons-nous, et qui est loin d’être une vue de l’esprit. Pour cela il a été sanctionné par 6 mois de suspension ferme sans paie et 18 mois de sursis pour « manquement au devoir de réserve ». Discrètement mais sûrement, le cas de Monsieur Anouar pose à la société la question de l’attitude que doit adopter un fonctionnaire -un agent de l’Etat- lorsque cet Etat verse dans l’inadmissible. Avec un degré de conséquence moindre, en tout cas pour l’instant, c’est bien la question de la banalité du mal que signalait Arendt à propos des fonctionnaires du IIIème Reich que pose le cas de Noam Anouar.
Rappelons en effet que l’ONU a rappelé la France à l’ordre il y a un an pour ses « restrictions graves aux droits des manifestants » à propos du mouvement des gilets jaunes et a demandé aux autorités de « repenser leurs politiques en matière de maintien de l’ordre pour garantir l’exercice des libertés ». Par ailleurs, une pétition contre l’utilisation des lanceurs de balles de défense (LBD) a été diffusée par un neurochirurgien alarmé par la gravité des lésions que ces balles peuvent causer. Chef de service au centre hospitalier de Besançon, Laurent Thines signale que les LBD et les grenades de désencerclement, les armes dites sublétales, sont en fait réellement dangereuses, et ce d’autant plus que les policiers n’en sont pas forcément conscients. Les blessures qu’elles provoquent sont pourtant comparables à celles des blessures de guerre ou d’accidents graves de la route : énucléation, amputation d’extrémité de membre, fracas maxillo-facial et dentaire, traumatisme cranio-cérébral…
Les questions que se pose Noam Anouar sont donc plus que légitimes -et pour tout dire bienvenues- et les sanctions dont il fait objet intègrent visiblement cette dérive autoritaire globale avec laquelle le gouvernement d’Emmanuel Macron gère la gronde sociale que provoque sa manière de faire face à l’actuelle conjoncture.
Il est possible de rappeler ces jours-ci aux partisans des politiques mises en place par la Société Générale que les droits humains reconnus par les chartes internationales sont, eux aussi, des droits. La seule formulation des charges est liberticide : ce n’est pas en vue de « commettre des dégradations » que ces militants ont étalé du blanc de meudon sur cette devanture, mais en vue d’exprimer leur opinion au moyen d’un acte symbolique.
Acquérir des droits -ou les garder- est souvent passé par ce type d’action symbolique : pensons au refus de Rosa Parks de céder à un blanc son siège, auquel elle n’avait pourtant pas le droit ; pensons encore à la déclaration qu’ont faite 343 femmes, dont Simone de Beauvoir et Gisèle Halimi, d’avoir avorté alors que cela était encore illégal… Ce sont des actions de la même nature : des actions qui impliquent d’enfreindre partiellement une loi estimée injuste pour la remettre en cause. Ce sont les pouvoirs de la finance et le monde vers lequel ils nous conduisent, un monde qui s’autodétruit, que les activistes dont il est question ont voulu remettre en cause.
La dérive qui consiste à criminaliser la contestation, et tous les discours qui travestissent le réel en présentant la grève comme dérangement, font partie d’une même stratégie visant à nous imposer un monde dont on est de plus en plus nombreu-x/-ses à ne plus vouloir. Un monde qui détruit son habitat naturel, un monde qui exploite les opprimés de l’histoire, un monde stérile fait d’aliénation et de vide.
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En France nous soutenons le Parti pour la décroissance et le NPA:
Qué posibilidades para ejercer los derechos ciudadanos?
La deriva autoritaria que vive Francia se hace cada vez más visible, tanto en las prácticas de las fuerzas del orden como en la instrumentalización del aparato judicial o, también, en las declaraciones de algunas personalidades políticas de la derecha.
Aunque la derecha aun no haya ganado definitivamente a la izquierda la batalla discursiva del derecho ciudadano a la contestación o del desorden, el enfrentamiento está muy avanzado y prospera en estos días. Nueve activistas de distintos horizontes han visto su juicio por “destrucción de los bienes ajenos” y “participación a un grupo formado con el propósito de cometer degradaciones” pospuesto hasta diciembre con motivo del deseo expresado por la defensa de mostrar su solidaridad con la huelga de los abogados.
El 26 de octubre de 2010 dichos militantes habían proyectado una mezcla compuesta de tiza y de carbón contra la fachada de una agencia de la Sociedad General en Niza para denunciar las prácticas menos ortodoxas de los bancos, como su implicación en la evasión fiscal o la explotación de energías fósiles. Basta con pasar una esponja humedecida con agua jabonosa para limpiar los rastros que deja la mezcla. La respuesta de una denuncia por “destrucción de los bienes ajenos” y de “agrupación formada con vistas a cometer degradaciones” parece en efecto “desproporcionada”, como dicen los acusados, y trae de nuevo a colación la cuestión de la deriva securitaria, e incluso autoritaria, a la que se asiste en Francia desde el principio del movimiento de los chalecos amarillos. Otros signos que han marcado esa progresión voluntariamente invisibilizada por los medios, a defecto de ser discreta, son las detenciones de 48 horas que han sufrido algunos estudiantes de instituto por haber bloqueado su centro educativo para protestar contra la reforma de la selectividad; el manifestante al que se le propinó una paliza en Paris; el hecho de que por sistema las fuerzas del orden no respeten la obligación de llevar el número de identificación cuando intervienen en las protestas ciudadanas o, también, las sanciones disciplinarias que el portavoz mas visible de la protesta policial ha recibido. En efecto, Noam Anouar, representante del sindicato ViGi, ha tomado en varias ocasiones la palabra en televisión para pronunciarse en favor de una policía republicana, denunciando la utilización política que las instituciones están haciendo de las fuerzas policiales, financiadas con dinero público añadiremos, y que está lejos de ser imaginaria. Por ello ha sido sancionado con 6 meses firmes de suspensión sin salario y 18 meses de puesta a prueba por haber “derogado al deber de reserva”. Discreta pero firmemente, el caso del señor Anouar le plantea a la sociedad el interrogante de la actitud que debe adoptar un funcionario -un agente del Estado- cuando dicho Estado incurre en lo inadmisible. Con menores consecuencias, en todo caso de momento, es en efecto la pregunta de la banalidad del mal que Arendt señalaba a propósito de los funcionarios del III Reich la que Noam Anouar plantea.
Recordemos en efecto que la ONU ha llamado al orden a Francia hace un año por sus “graves restricciones a los derechos de los manifestantes” a propósito del movimiento de los chalecos amarillos y ha pedido a las autoridades que “reconsideren sus políticas en materia de mantenimiento del orden para garantizar el ejercicio de las libertades”. Además, una petición contra la utilización de las armas de defensa (LBD) ha sido difundida por un neurocirujano alarmado por la gravedad de las lesiones que provocan esas balas. Jefe del servicio del centro hospitalario de Besançon, Laurent Thines señala que las armas subletales son en realidad verdaderamente peligrosas, tanto más por cuanto que los agente no son realmente conscientes de ello. Las heridas que provocan son sin embargo comparables a las heridas de guerra o a las heridas provocadas por accidentes graves de la circulación: enucleación, amputación de una extremidad, fracturas maxilo-faciales y dentales, traumatismos cráneo-cerebrales…
Las preguntas que Noam Anouar plantea son por tanto más que legitimas -y a decir verdad, bienvenidas- y las sanciones de que él es objeto integran visiblemente esa deriva autoritaria global con la que el gobierno de Emmanuel Macron gestiona el descontento social que provoca la manera en que hace frente a la coyuntura actual.
Es posible recordar en estos días a los partidarios de las políticas establecidas por la Sociedad General que los derechos humanos reconocidos por las cartas internacionales también son derechos. La formulación de los cargos es ya liberticida: no es para “cometer degradaciones” para lo que esos militantes han extendido tiza en la vitrina, sino para expresar su opinión por medio de un acto simbólico.
Adquirir derechos -o conservarlos- pasa a menudo por ese tipo de acciones simbólicas: pensemos en el rechazo de Rosa Parks a cederle a un blanco su asiento, al que por lo demás no tenía derecho; pensemos también en la declaración que hicieron 343 mujeres, entre las cuales estaban Simone de Beauvoir y Gisèle Halimi, de haber abortado cuando hacerlo era todavía ilegal… Son acciones de una misma naturaleza: acciones que implican infringir parcialmente una ley estimada injusta para cuestionarla. Son los poderes de la finanza y el mundo hacia el que nos conducen, un mundo que se autodestruye, lo que los activistas de los que se trata han querido cuestionar.
La deriva que consiste en criminalizar la protesta, y todos los discursos que travisten lo real presentando las huelgas como una molestia, integran una misma estrategia destinada a imponernos un mundo que cada vez somos más en no querer. Un mundo que destruye su hábitat natural, un mundo que explota a l@s oprimid@s de la historia, un mundo estéril hecho de alienación y de vacío.
En Espania apoyamos a Iniciativa Feminista y a PACMA:
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