C’est ce week-end que s’est déroulé en Espagne le médiatisé Congrès de Vistalegre II qui doit restructurer le parti politique Podemos. En dehors des résultats, qui seront commentés, le processus a eu le mérite, de mon point de vue, de ramener sur le devant de la scène, dans la foulée, la question des catégorisations politiques qui s’estompent peu à peu. Une question qui ne peut qu’interpeler vivement toute personne s’intéressant aux constructions discursives.
D’une part, il y a désormais un certain consensus à propos du déplacement que l’ensemble de l’échiquier politique a subi dans beaucoup de pays européens vers la droite. Ainsi, il est courant que les médias nomment extrême gauche des orientations qui se situent parfois tout simplement à gauche. D’autre part, sans doute pour des raisons pratiques, il est de plus en plus fréquent que des secteurs tendent à refuser une localisation politique trop précise et se déclarent de centre, ou alors qu’ils disent viser à la transversalité, à fédérer, à unifier etc. Ce débat, qui n’a donc rien de nouveau, a été renouvelé peut-être avec plus de vivacité lors de ce congrès pour trois motifs : le jusqu’ici numéro deux de Podemos, Iñigo Errejón, est un spécialiste du populisme latino-américain, adepte du philosophe Ernesto Laclau et de son « signifiant vide » ou superficie d’inscription des antagonismes culturels et politiques en lutte pou l’investir de signifiés différents, et il agit en conséquence du point de vue de sa pratique ; la répartition des forces lors des dernières élections a obligé les forces progressistes à s’allier, le bloc Unidos Podemos comprenant donc Podemos mais aussi la traditionnelle gauche espagnole ainsi que d’autres groupements politiques ; Podemos inclut également tout un secteur appartenant à l’organisation politique Anticapitalistes, qui se définit clairement comme de gauche. Cette problématique qui se pose donc ailleurs, s’est posée avec d’autant plus de force que, les imaginaires politiques portant encore en creux en Espagne le passé de dictature, la gauche peut encore être cible de stigmatisations faciles par certains secteurs.
On s’en souviendra, les dénominations gauche et droite prennent leur origine durant la Révolution Française. Plus concrètement elles remontent au 28 août 1789, alors que les députés de l’Assemblée Constituante devaient se prononcer à propos des possibilités pour le roi de s’opposer aux décisions de l’Assemblée. Pour faciliter le décompte des voix, les partisans d’une plus grande capacité de véto de la part du pouvoir royal se sont placés à droite, tandis que ceux qui s’opposaient à ce pouvoir se sont placés à gauche. A partir de là, ces dénominations ont été investies d’autres signifiés, en France notamment durant le XIX siècle, lorsqu’avec l’affaire Dreyfus le positionnement s’opère sur le terrain des valeurs : la gauche défend celles des libertés, de justice, de progrès social, de laïcité ; la droite met en avant l’ordre, la hiérarchie, la nation, la tradition, la religion, l’armée et la famille.
Ces dénominations ont maintenu durablement un spectre assez identifiable que Patrick Moynot conceptualisait dans un article pédagogique destiné aux adolescents comme une volonté de mener au progrès de la société grâce au progrès de chaque individu pour la droite, et une volonté de mener au progrès de l’individu grâce au progrès de la société pour la gauche. L’auteur précise, comme il va de soi, que ces conceptualisations idéales rencontrent leurs limites dans le réel, mais que dans le contexte de sociétés désenchantés de la politique où de secteurs sont en train de perdre capacité à conceptualiser la politique elles peuvent servir de point de départ aux adolescents dans la construction de leur liberté de conscience (1). Ainsi, bien que le spectre lié à chaque pôle se soit maintenu de façon durable, loin d’être demeuré inamovible, il a au contraire évolué jusqu’à ce qu’on parvienne à la situation actuelle, où des secteurs importants préfèrent tendre vers une plus grande indétermination. D’autre part, ces conceptualisations, qui sont à l’origine européennes, n’ont pas cours en ces termes dans d’autres régions du globe.
Mais la question n’est pas ici tant comment on nomme les choses, que le fait en lui même de les nommer. En effet, le langage construit le réel autant ou plus que ce que le réel peut informer le langage. Ainsi, au delà du fait que l’indétermination soit sans doute très productive du point de vue politique pour conquérir le pouvoir et le garder, obligeant l’ensemble des acteurs politiques à se repositionner constamment, la question est que les projets politiques qu’à un certain moment on appela en Europe gauche et droite sont à l’origine différents et ils le sont peut-être encore plus dans le cadre d’un système comme est celui du capitalisme mondial.
Evidemment, une société doit tendre à une coexistence le plus harmonieuse possible, mais puisque ce que l’on ne nomme pas n’existe pas, il serait bien dommage que ce nouveau style de politique suppose pour le citoyen moyen, déjà parfois peu informé, une perte des outils conceptuels permettant d’analyser le réel et d’y exercer le droit légitime à décider en pleine conscience des implications de ce choix. Bien entendu, les sociétés se construisent sur la base de traits communs, mais elles sont et seront toujours vertébrées aussi par des différences. De ce fait, il serait peut-être bon que la voie empruntée pour les canaliser soit le dialogue, de façon à construire en connaissance de cause un véritable projet commun, quand bien même celui-ci repose sur des concessions.
(1) « La droite et la gauche expliquées à ma fille », Patrick Moynot, Le Monde, 20/03/2012, http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/03/20/la-droite-et-la-gauche-expliquees-a-ma-fille_1672507_3232.html[dernière consultation le 8/02/2017]
Derecha-Izquierda ; Izquierda-Derecha
Este fin de semana ha tenido lugar el mediatizado Congreso Vistalegre II de Podemos. Al margen de los resultados, que serán ampliamente comentados, el proceso ha tenido el mérito, a mi modo de ver, de traer a colación, junto a todo lo demás, la cuestión de las categorizaciones políticas que tan subrepticiamente se va difuminando. Una cuestión que no puede sino interpelar a todo el que se interese por las construcciones discursivas.
Por una parte, sabido es que el conjunto del tablero político ha sufrido en muchos países europeos un desplazamiento hacia la derecha, dándose la circunstancia de que lo que los medios denominan extrema izquierda no es a menudo en realidad más que una izquierda a secas. Por otra parte, sin duda por motivos prácticos, cada vez más amplios sectores rehúsan una ubicación política precisa y se declaran ya de centro, ya transversales, ya apelan a federar o unificar. Este debate pues, que no tiene nada de nuevo, se ha dado con más tensión en el marco del conjunto de lo que ha sido el congreso, quizá por tres motivos : el hasta ahora número dos de podemos, Iñigo Errejón, es un estudioso del populismo latinoamericano, adepto del filósofo Ernesto Laclau y de su “significante vacío” o superficie de inscripción de los antagonismo culturales y políticos en lucha para dotarlo de significados distintos, y actúa en consecuencia a nivel práctico ; la configuración del reparto de fuerzas en las elecciones obligó a una alianza de todas las fuerzas progresistas, incluyéndose en el bloque Unidos Podemos tanto Podemos, como la tradicional y explícita izquierda española y otras agrupaciones políticas ; Podemos incluye de hecho todo un sector perteneciente a la organización política Anticapitalistas, que también se define como de izquierda. De este modo, una problemática que se plantea también en otras latitudes lo ha hecho aquí con más fuerza, tanto más por cuanto, con motivo de los imaginarios políticos que España arrastra desde la dictadura, la izquierda es aún blanco de estigmatizaciones fáciles.
Como se recordará, la apelación izquierda-derecha se origina en Francia, durante la Revolución Francesa. Más concretamente se remonta al 28 de agosto de 1789, cuando los diputados de la Asamblea Constituyente tenían que pronunciarse sobre las posibilidades del rey de oponerse a las decisiones de la Asamblea. Para facilitar el conteo de votos, los partidarios de una mayor capacidad de veto por parte del poder real (mayoritariamente la aristocracia y el clero) se posicionaron a la derecha, mientras que los partidarios de que el rey no tuviera capacidad de veto (mayoritariamente el Tercer Estado) se posicionaron a la izquierda. A partir de aquí las apelaciones se fueron cargando de otros significados, en Francia en particular durante el siglo XIX, cuando con motivo del caso Dreyfus se opera un posicionamiento ligado a los valores de libertad, justicia, progreso social, laicidad para la izquierda y de orden, jerarquía, nación, tradición, religión, ejército y familia para la derecha. Ambas apelaciones han mantenido durablemente un espectro identificable, que Patrick Moynot conceptualizaba en un artículo pedagógico destinado a adolescentes como una voluntad de llevar al progreso de la sociedad gracias al progreso de cada individuo para la derecha, y una voluntad de llevar al progreso del individuo gracias al progreso de la sociedad para la izquierda. El autor deja claro, como es obvio, que estos planteamientos ideales tienen sus límites en la realidad, pero que en un contexto de sociedades en que la mayoría está perdiendo capacidad de conceptualización política pueden servir de punto de partida a un adolescente en la construcción de su libertad de conciencia (1). Así, aunque el espectro de cada polo se haya mantenido durablemente, para nada ha sido inamovible sino que al contrario ha ido evolucionando hasta que llegamos a la situación actual, en que sectores enteros como dijimos prefieren la relativa indeterminación. Por otra parte, estas conceptualizaciones que son en origen europeas, no se dan en esos términos en otras regiones del planeta.
Pero la cuestión no es aquí tanto cómo se llamen las cosas, sino más bien el hecho en sí de ponerles un nombre. En efecto, sabido es que el lenguaje construye lo real tanto o más que lo que lo real puede informar al lenguaje. Así, más allá de que sin duda la indeterminación sea de gran productividad política de cara a conquistar el poder y conservarlo, por obligar al conjunto de los actores políticos a un reposicionamiento constante, la cuestión es que los proyectos políticos que en cierto momento se llamaron en Europa izquierda y derecha son en origen divergentes y quizá lo sean aún más, si cabe, en el marco de un sistema como es el capitalismo mundial. Obviamente una sociedad debe tender a una coexistencia lo más armoniosa posible, pero si lo que no se nombra no existe sería una pena que este nuevo estilo de política supusiera para el ya por lo general desinformado ciudadano medio una pérdida de herramientas conceptuales para analizar lo real y ejercer su legítimo derecho a decidir con plena conciencia de lo que implican esas decisiones. Aunque desde luego las sociedades se construyen en base a rasgos comunes, lo cierto es que también están y estarán siempre vertebradas por diferencias, por lo cual sería bueno aprender a canalizarlas por el diálogo de manera a construir en conocimiento de causa un real proyecto común, así sea con concesiones.
(1) « La droite et la gauche expliquées à ma fille », Patrick Moynot, Le Monde, 20/03/2012, http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/03/20/la-droite-et-la-gauche-expliquees-a-ma-fille_1672507_3232.html[última consulta 8/02/2017]