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Billet de blog 15 septembre 2016

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Le propos de mon billet précédent, « De la nécessité d’une volonté politique pour stopper les violences de genre », était de souligner les réalités que l’affaire de Jacqueline Sauvage a remis sur le devant de la scène, ainsi que d’en proposer une approche à ma connaissance encore peu explorée, ou du moins peu divulguée, en France. Je souhaite remercier les auteurs des commentaires constructifs que j’ai pu relever, certains ont soulevé des points qui me semblent mériter d’être éclaircis, tant la tâche de donner un panorama des violences de genre était impossible en un si court billet, et le reste, à vrai dire, en deux. Je propose donc une deuxième partie, qui reprendra les quatre points principaux que ces commentaires semblent recouper :

  • ·      La violence de genre va au delà de la violence au sein du couple. Elle inclut la violence psychique et physique contre la population LGBTI, le harcèlement sexuel et des violences plus diffuses et normalisées telles que le publisexisme. Toute chosification de l’autre, le dépouillant de son statut d’être humain, fait partie de la violence de genre lorsqu’elle s’opère dans le cadre de cette structure, en mettant à profit ses traits. La violence de genre peut aussi se décliner sur des aspects économiques, tels que les différences salariales que l’on note chez les femmes ou la dépréciation de leur travail. Elle recouvre aussi les violences exercées envers les personnes prostituées et la pratique de la prostitution… Elle recouvre toute violence exercée envers quelqu’un dans le cadre d’un schéma préétabli de subordination, en raison de la perception de l’inégalité.
  • ·      Les personnes homosexuelles peuvent reproduire des rôles de genre au sein de leurs couples et se voir par là-même affectées par cette même violence. Nous sommes tous le produit de nos sociétés, nous sommes informés par ses valeurs et ses conceptions et, quand-même bien on se situerait en opposition, à la suite d’un examen ou/et de convictions éthiques et politiques, il est tout à fait normal que nous reproduisions plus ou moins certaines de ses structures. En ce qui concerne la violence de genre et ses plus de mille assassinats de femmes en une décennie, c’est là que réside précisément l’intérêt de porter sur ces structures un regard critique et de divulguer les conclusions qui en émergent, afin d’être le plus conscient possible du phénomène et d’éviter les comportements qui le favorisent, ce sur quoi, je pense, nous sommes tous plus ou moins d’accord. Le genre n’étant pas imputable au biologique, les personnes homosexuelles peuvent donc tout à fait avoir aussi ces comportements, malheureusement.
  • ·      Oui, les hommes peuvent aussi subir des violences, y compris par des femmes. La grande différence est que celles-ci ne sont pas chapeautées par une structure qui les normalise et les minimise. De ce fait, elles n’atteignent pas les mêmes proportions pandémiques que celles exercées sur les femmes, ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas aussi en venir à bout, mais simplement que le diagnostic n’est pas du tout le même. La réception de ces violences que fait la société se situe d’ailleurs à l’opposé, certaines études montrant que les violences exercées par les femmes font l’objet d’une perception beaucoup plus négative que les mêmes violences exercées par les hommes, vraisemblablement du fait que, à la réalité toujours réprouvable de la violence, s’ajoute la rupture d’un tabou social.
  • ·      En ce qui concerne la politique… Comme je l’avais dit, je me refuse à aborder par des chiffres la question des violences faites aux femmes, du fait que celles-ci sont déjà trop invisibilisées. Mais, pour que l’ampleur du phénomène soit bien saisie, je reprendrai un chiffre choc donné usuellement en Espagne : tandis que les féminicides[1] au sein du couple ont atteint les 753 décès en Espagne entre le premier janvier 2003 et septembre 2014 et plus de mille en France en une décennie, le groupe terroriste ETA a fait en Espagne 829 morts en toute son histoire de 50 ans. Donc, oui, les violences faites aux femmes doivent bien devenir à mon sens une question politique dont la société doit s’approprier, si nous voulons réellement atteindre des sociétés égalitaires et justes du point de vue des droits de l’individu.

Je ne finirai pas ce billet sans remercier encore ceux qui, comme moi, ont été sensibles à ces chiffres effarants, en ont eu honte même s’ils n’y sont pour rien – en dehors des quelques gestes et propos sexistes que nous avons tous et sur lesquels nous avons tous prise- et se sont dits qu’il ne souhaitaient pas des sociétés qui par action ou par omission les cautionneraient en passant outre. Merci.


[1] Le mot féminicide a été inclus dans le Petit Robert en 2015, il signifie l’assassinat d’une femme du fait d’être une femme.

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