Une nouvelle affaire de violence de genre a suscité polémique ces derniers mois en Espagne de par son évolution conflictuelle, donnant lieu à de vastes débats où on a pu trouver le pire et le meilleur. Il s’agit de l’affaire de Juana Rivas, mère de famille ayant divorcé d’un homme italien, Francesco Arcuri, avec lequel elle s’est trouvé en conflit en raison de la garde des enfants. Sans doute aux dépends de Juana, l’affaire aura eu le mérite de porter au devant de la scène un autre des problèmes liées à la violence de genre : la question de la garde des enfants, dans les configurations où cette violence sévit.
En effet, l’affaire de Juana Rivas a été propulsée à la scène médiatique lorsque celle-ci entame une mobilisation pour éviter que, suivant la décision d’un tribunal de Grenade, ses enfants soient restitués à leur père. Celui-ci avait été condamné en 2009 pour des lésions sur sa femme. Les démarches légales qu’elle avait entamées n’aboutissant pas, Juana Rivas enfreint la décision du tribunal et prend la fuite avec ses enfants le 26 juillet. C’est à la suite de cela qu’Arcuri entreprend de déposer une plainte pour séquestration d’enfants contre elle, un ordre de recherche est édicté par le tribunal le 8 août.
Ce n’est que le 22 août que Juana réapparaîtra devant les tribunaux, après avoir tenté par tous les moyens, judiciaires et médiatiques, de faire au moins entendre ses motifs. Bien que le procureur sollicite la détention préventive, invoquant l’avis de recherche qui pesait sur elle, le juge de garde décrète la liberté provisoire. Cependant, la juge instruisant l’affaire au tribunal de Grenade considère par la suite les faits suffisamment graves pour ne pas classer l’affaire et poursuivre l’instruction pénale pour séquestration de mineurs. Bien plus, elle fera mettre en examen, sous accusation d’éventuelle complicité de séquestration, les fonctionnaires du Centre de la Femme de Maracena, la ville où Juana réside. Elle avait depuis plus d’un an sollicité leur conseil, et à ce titre la juge aurait pu également les solliciter plutôt comme témoins ou comme expertes. Ce geste fort, a suscité bien entendu un tollé chez les féministes et toute personne sensible aux violences de genre : il est sans précédent et marque à lui seul une victoire du machisme, pour le message qu’il délivre aux hommes violents.
Car le traitement donné au cas de Juana Rivas a été lu comme volonté de faire un exemple, et ce depuis plusieurs horizons. Tout d’abord et à plusieurs degrés chez les féministes, avec des personnalités notoires telles que Lidia Falcon ou Rosa Cobo qui se sont exprimées en ce sens. Puis, avec l’Association de Femmes Juristes, qui fait remarquer dans un billet à juste titre que jamais on n’a mis en examen les avocats ou les psychologues de ceux qui se rendent coupable d’évasion fiscale.
C’est également la lecture que semble en avoir fait Arcuri, qui a porté plainte quant à lui dès son arrivée en Italie contre la Loi intégrale contra la violence de genre espagnole, pour enfreinte à ses droits, ainsi que contre toute une série de personnalités journalistiques et politiques espagnoles. Bien que l’initiative soit soutenue par ses avocats italiens, elle lui a valu le retrait de l’affaire des avocats espagnols.
L’affaire est donc, semble-t-il, loin d’être finie et bien qu’elle constitue à n’en pas douter une épreuve pour cette mère de famille de Grenade, peut-être serait-il souhaitable qu’on s’en empare pour en faire un procès politique tels que le procès de Bobigny, qui avait précédé de quelques années la légalisation de l’avortement en 1975, ou le procès de l’affaire Tonglet Castellano, qui avait constitué un précédent pour la reconnaissance du viol comme crime passible de réclusion en 1980. En effet, la question de la garde des enfants reste à ce jour pour beaucoup une des questions non résolues pour ce qui est des violences au sein du couple. Traditionnellement, la loi considérait que la paternité et le rapport à l’épouse constituaient deux sphères différentes et qu’un homme condamné pour violences sur sa compagne pouvait prendre soin correctement de ses enfants. Or, si les féministes se tuent à scander qu’«un homme violent ne peut pas être un bon père », c’est que l’expérience démontre que, outre le fait qu’il puisse avoir des maltraitances à leur encontre, les cas où les enfants deviennent pour le violent l’instrument idéal pour blesser sa femme sont loin d’être rares. Ainsi, Lidia Falcon souligne dans un de ses billets consacrés à l’affaire que plus de 60 mineurs ont été assassinés en Espagne par leur père durant ces dix dernières années. Dans les cas où cela s’est produit dans le cadre d’une tutelle conjointe des enfants, cela peut atteindre parfois des extrêmes dramatiques. Angela González Carreño, qui est depuis lors devenue une des figures de proue de ce combat, avait ainsi déposé 51 plaintes contre son ex-mari avant que celui-ci assassine leur fille de huit ans durant une des visites imposées par le juge.
La question de la garde des enfants est donc bien à prendre au sérieux, car les chiffres montrent que le danger de mort est bien réel. Cela rend d’autant plus incompréhensible le mépris que, quelles que soient les circonstances du dossier, a dû affronter Juana Rivas, ainsi que le traitement qu’on a imposé à ceux qui l’avaient entourée.
Un certain côté revanchard se dégage d’ailleurs bien du geste qu’a eu Arcuri à son retour en Italie. Si les deux plaintes qu’il a déposées sont en soi éloquentes, il s’est également empressé en effet d’obstaculiser les communications via internet et whatsapp de Juana et de ses enfants. Mais les choses, en Espagne vont plus loin. Non seulement les opinions ont pu s’exprimer d’un côté comme de l’autre pendant les plus de neuf mois qu’aura duré l’ensemble, mais en outre le phénomène a inondé les réseaux sociaux. Comme le signale Octavio Salazar, une réémergence du discours machiste s’est ainsi produite, la virulence à l’encontre des femmes, via la figure de Juana Rivas, ayant pu s’afficher sans scrupules.
Qu’ils le veuillent ou non, les juges qui traitent ces affaires ont une très grande responsabilité sociale, si toutefois on veut, en tant que communauté, avancer vers des sociétés plus égalitaires. Car un poids supplémentaire, excédant l’individuel, retombe sur ce genre de procès, tel est l’état des faits. Il appartient donc à la justice savoir de quel côté elle se situe, et surtout si elle capable de restituer l’égalité en prenant en compte l’inégalité de fait, idée qui préside à la Loi intégrale contre les violences de genre espagnole, mais que celle-ci doit pousser plus loin. Les femmes sont fatiguées que ce « ne soit pas si grave » que cela quand un homme leur casse le nez, mais que ce « soit gravissime » quand elles lui cassent un ongle. Elles sont fatiguées qu’on les renvoie systématiquement à la contrainte absurde –parce qu’elles sont des femmes- de lutter contre la violence en chantant des hare-krishna et en psalmodiant des mantras. Elles sont fatiguées du peu de sens du réel que semble parfois avoir la justice.
Juana
El juicio de Juana Rivas ha desatado en España una polémica que habrá durado meses. Puesto que las problemáticas son similares en muchos países, me ha parecido oportuno expresarme sobre ello.
Un nuevo caso de violencia de género ha suscitado polémicas en estos últimos meses en España por lo conflictivo de su evolución, dando lugar a amplios debates en los que se ha podido encontrar lo peor y lo mejor. Se trata del caso de Juana Rivas, madre de familia divorciada de un hombre italiano, Francesco Arcuri, con el cual se ha encontrado en conflicto a causa de la custodia de los niños. Sin duda a expensas de Juana, el caso habrá tenido el mérito de sacar a la luz otra de las problemáticas vinculadas a la violencia de género : la cuestión de la custodia de los niños, en las configuraciones en que se produce este tipo de violencia.
En efecto, el caso de Juana Rivas ha pasado a ocupar el primer plano de la escena mediática cuando ésta inició una movilización para evitar que, aplicando la decisión de un tribunal de Granada, los niños fueran restituidos a su padre. Este había sido condenado en 2009 por lesiones sobre su mujer. Puesto que los trámites legales que había iniciado no incidían en la situación, Juana infringe la orden de restitución del tribunal y se da a la fuga el 26 de julio. Es en ese momento cuando Arcuri decide denunciarla por secuestro de menores, y una orden de busca y captura es dictada por el tribunal el 8 de agosto.
No es sino el 22 de agosto cuando Juana reaparece ante los tribunales, después de haber intentado por todos los medios, jurídicos y mediáticos, exponer al menos sus motivos. Aunque el fiscal solicita la prisión provisional, invocando para ello la orden de busca y captura que pesaba sobre ella, el juez de guardia decreta la libertad provisional. Sin embargo, la juez que instruye el caso en el tribunal de Granada considera después los hechos lo bastante graves como para no archivar la causa y proseguir la instrucción penal por secuestro de menores. Aún más, solicitará que sean imputadas, por supuesta complicidad, las funcionarias del Centro de la Mujer de Maracena, la ciudad donde Juana reside. Hacía más de un año que Juana solicitaba sus consejos, y a ese título la juez también habría podido solicitarlas como testigos o expertas. Ese gesto tan significativo suscitó como no podía ser de otro una viva reacción por parte de medios feministas, y de toda persona sensible a las problemáticas de género : no tiene precedentes y marca por sí solo una victoria del machismo, con el mensaje del que se hace portador de cara a los hombres violentos.
Pues el trato dado al caso de Juana Rivas ha sido comprendido como ejemplarizante desde diversos horizontes. En primer lugar y a diversos grados por parte de las feministas, con personalidades notorias como Lidia Falcón o Rosa Cobo que se han expresado en ese sentido. También con la Asociación Dones Juristas, que señala en un artículo que nunca se ha visto que se imputen a los abogados y psicólogos de los evasores de impuestos.
Arcuri parece haberlo comprendido de este mismo modo, puesto que inmediatamente después de su llegada a Italia interpuso una denuncia contra la Ley integral contra la violencia de género por vulnerar ésta según él sus derechos, así como contra toda una serie de personalidades periodísticas y políticas españolas. Aunque la iniciativa sea apoyada por sus abogados italianos, le ha valido el abandono de sus abogados españoles.
El caso está por tanto por lo que parece lejos de estar zanjado y aunque constituya en sí una prueba para esta madre de familia de Granada, quizá sería deseable a estas alturas que otras instancias se amparen de él para hacer de él un juicio político como lo fueron en Francia el juicio de Bobigny, que precedió en algunos años la legalización del aborto en 1975, o el del caso Tonglet Castellano, que constituyó el precedente al reconocimiento de la violación como crimen pasible de reclusión criminal en 1980. En efecto, la cuestión de la custodia de los niños sigue siendo a día de hoy una de las cuestiones no resueltas en lo que se refiere a las violencias en el seno de la pareja. Tradicionalmente la ley consideraba que la paternidad y la relación a la esposa constituían esferas diferenciadas y que un hombre condenado por violencia sobre su compañera podía asegurar el correcto cuidado de sus hijos. Sin embargo, si las feministas repiten sin cesar que “un maltratador no puede ser un buen padre”, es porque la experiencia demuestra que, además de que se puedan dar malos tratos hacia ellos, los casos en que los niños se convierten para el violento en el instrumento ideal para dañar a su mujer están lejos de ser escasos. Así, Lidia Falcón subraya en uno de los artículos periodísticos que le dedicó al caso en los últimos meses que más de 60 menores han sido asesinados en España por su padre en los últimos diez años. En los casos en que esto se produjo en el marco de una custodia compartida, se han podido alcanzar extremos dramáticos de desprotección. Angela González Carreño, que se ha convertido desde entonces en una de las figuras más visibles de ese combate, había interpuesto así 51 denuncias contra su ex marido antes de que éste asesinase a su hija de ocho años durante una de las visitas impuestas por el juez.
La cuestión de la custodia se debe tomar por tanto muy en serio, puesto que las cifras muestran que el peligro de muerte es del todo real. Esto vuelve tanto más incomprensible el desprecio que, sean cuales sean las circunstancias del caso, ha debido confrontar Juana Rivas, así como el trato que se le ha impuesto a los que la rodeaban.
Cierto revanchismo se desprende de hecho del gesto que tuvo Arcuri al volver a Italia. Si las dos denuncias que interpuso son en sí elocuentes, también se apresuró a impedir las comunicaciones via internet y whatsapp de Juana con sus hijos. Pero las cosas han ido más lejos en España. No sólo se han expresado opiniones en uno u otro sentido durante los nueve meses que habrá durado el conjunto, sino que el caso inundó también las redes sociales. Como lo señala Octavio Salazar, se produjo así un rearme del discurso machista, en el que la violencia hacia las mujeres se ha exhibido sin complejos, por el intermediario de la figura de Juana Rivas.
Que les guste o no, los jueces que tratan este tipo de casos tienen una grandísima responsabilidad social, en la que se cifra la posibilidad de avanzar o no, en tanto que comunidad, hacia sociedades más igualitarias. Pues lo cierto es que un peso suplementario, que excede lo individual, recae sobre este tipo de casos. Le pertenece por tanto a la justicia saber de qué lado desea situarse, y sobre todo si es capaz de restituir la igualdad tomando en cuenta la desigualdad de hecho, idea que preside a la redacción de la Ley integral contra las violencias de género española, pero en la cual numerosos sectores señalan que se debe profundizar. Las mujeres están cansadas de que “no sea para tanto” cuando un hombre les parte la nariz, pero se caiga el mundo cuando le parten una uña. Están cansadas de verse confrontadas sistemáticamente –por ser mujeres- al imperativo absurdo de luchar contra la violencia entonando hare-krishnas y salmodiando mantras. Están cansadas del escaso sentido de ciertas realidades que a veces la justicia parece tener.