Puisque les odyssées de Jacqueline Sauvage ou de Cathy Thomas se poursuivent sans qu’il y ait des indices à l’horizon d’une volonté d’entreprendre une réflexion de fond, peut-être qu’une des choses que l’on peut, à titre individuel, faire pour elles c’est aborder la question d’un point de vue plus social pour fournir, à défaut de campagnes de prévention, une brève réflexion à propos du tandem infernal amour/désamour.
Cela fait longtemps que les études de genre et féministes sont parvenus à la conclusion que la violence est une pathologie de la construction socio-culturelle plus usuelle de l’amour dans nos sociétés. Ils la nomment l’« amour romantique » et la disent caractérisée parce qu’elle est installée dans le cadre d’un rapport inégal, polarisée par la dichotomie attente-conquête et vertébrée par des notions telles que la possessivité ou la valorisation de la souffrance amoureuse (1). Je me permettrai quant à moi de nommer la pathologie amour de pacotille, car je pense que c’est ainsi qu’il faut commencer à le conceptualiser. Même si la formule surprend peut-être, je la sélectionne pour deux raisons : la ressemblance frappante qu’ont les premiers signes de l’amour de pacotille avec certains signes valorisés par l’« amour romantique » ; la place que l’esthétisation de la violence amoureuse commence à occuper dans beaucoup de productions culturelles, parmi elles certaines des dernières superproductions cinématographiques.
L’amour de pacotille se caractérise par le fait que l’homme ne voit pas sa compagne comme un individu, mais à la fois comme sa propriété et le signe de ce qu’il est. Puisque c’est sa propriété, il peut en faire ce que bon lui semble, entre autres décharger sur elles ses frustrations quotidiennes ou renforcer en la traitant mal un ego en général meurtri. Puisqu’elle est le signe de ce qu’il est, la dernière chose que, dans sa perspective, la femme doit faire est toute chose qui à ses yeux remette en question sa virilité, entre autres être autonome ou opposer une résistance aux mauvais traitements. Les premiers signes évidents de l’amour de pacotille seront donc le contrôle, le désir de modeler « sa » femme comme de la pâte à modeler, le besoin d’être obéi. Puisque certaines femmes diront encore que c’est l’homme qui doit porter la culotte, il faudra préciser que dans ces cas rien ne suffira pour faire taire la bête, puisque ce qui est en jeu est un besoin qu’il a de s’éprouver comme puissant et qui jamais ne tarira. En effet, ce profil psychologique ira toujours plus loin dans les exigences d’obéissance et les femmes ayant décidé d’accepter les premières réussiront difficilement à s’extraire de la dynamique puisque leur psychisme tombera peu à peu dans une sorte d’anesthésie qui rendra plus difficile de réagir. De plus, la société ne lui viendra pas forcément en aide, car elle sera souvent réticente à envisager l’homme en question comme une bête, surtout s’il est bien intégré comme cela est souvent le cas.
Une partie des obstacles qui se posent à la détection précoce de la violence se trouve ainsi dans le fait que le don inconditionnel de soi ou la jalousie, qui en sont des signes précurseurs incontournables, sont valorisés dans la construction de l’« amour romantique ». D’autre part, la question se complique encore avec le développement qu’atteint non plus la construction de l’« amour romantique », mais directement l’esthétisation de la violence, dans des productions culturelles qui du fait de leur succès, leur diffusion et leur aspect inoffensif sont en réalité dangereuses. L’on peut penser à la publicité, à des chansons à la mode ou à des fictions cinématographiques à grand succès. Pour donner un exemple, je m’arrêterai sur ces dernières.
Un premier type de fictions dangereuses sont celles qui ont pour protagoniste un couple dans lequel la femme est un être humain et l’homme un monstre qui freine sa nature par amour pour elle. Deux fictions emblématiques en ce sens sont les sagas Twilight ou True Blood. Ce schéma configure l’imaginaire des adolescentes de façon à les convaincre de quelque chose que l’« amour romantique » avait déjà posée : l’amour « civilise » l’homme ; par amour pour elles même l’individu le plus bestial aura la capacité de changer.
Un deuxième type de fictions dangereuses, qui vont plus loin dans la démarche, sont celles qui esthétisent la violence. Les deux plus évidentes que l’on ait pu voir ces derniers temps sont 50 nuances de Grey et Suicide Squad. 50 nuances de Grey joue de la fantaisie romantique stéréotypée de « sauver le pervers de sa perversion ». En effet, son personnage masculin présente tous les traits psychiques de l’homme violent et il est évident que le happy end n’est possible que parce qu’il s’agit d’une fiction : dans la vie réelle ce profil psychologique aurait tué sa compagne plutôt que de la laisser partir. C’est un peu la même chose pour Suicide Squad : si dans la bande-dessinée Harley Queen avait été conçue sur le modèle de la femme maltraitée, la reconfiguration du personnage que fait Margot Robbie est tellement réussie qu’elle a captivé des milliers d’adolescents. De cette façon, on a pu lire sur les réseaux sociaux et écouter des bouches de ce qui sont à peine plus que de petites filles que Harley Queen était très gentille car elle revenait vers le Joker malgré tout ce qu’il lui avait fait.
Le danger que ces superproductions représentent en termes de violences de genre est réel. Comme je l’ai dit, elles ne sont pas le seul. De là que cela frôle l’immoralité de prendre ces phénomènes à la légère pour ensuite blâmer les victimes de violences de se laisser faire alors que, outre les mécanismes psychologiques d’emprise à l’œuvre, tout dans notre société les induit à penser qu’il changera, les campagnes de divulgation brillent pour leur absence et un secteur important de la société en arrivera même à la blâmer elle si elle refuse tout contact avec lui, comme le montrent bien les propos des adolescentes concernant Harley Queen.
Même s’il est de toute urgence de changer les façons de poser les choses pour remédier au problème, concernant les fictions je n’adhère pas à l’idée que la solution puisse passer par une forme de censure : non seulement cela ouvre des portes bien dangereuses, mais en outre la catharsis a été et sera toujours une des fonctions de l’imagination. La solution me semble plutôt reposer sur de campagnes de prévention qui expliquent les mécanismes de violence et puissent avoir une incidence sur la forme dont on conceptualise la virilité. D’autre part, il serait bon de mettre en place des initiatives éducatives rappelant la notion de fiction, dont il est de plus en plus difficile de limiter l’étendue aux temps des reality show, surtout chez les jeunes. Si pratiquement aucun enfant n’aurait plus l’idée de sauter d’un toit vêtu d’une cape rouge pour faire comme superman, aucune adolescente ne doit avoir l’idée de tolérer d’être surveillée par son petit copain pour faire comme le personnage de 50 nuances de Grey. Pour l’un comme pour l’autre, il doit être clair que ces histories sont des fictions et que ces développements n’ont tout simplement pas cours dans le réel.
Lutter contre les violences de genre au sein du couple passe par un travail approfondi dans le social. En ce sens, un des problèmes qui empêchent de lutter correctement contre elles, dont les gens ne veulent en général pas parler justement du fait que c’est un problème réel, est que toute la société n’est en réalité pas d’accord sur la question de l’émancipation des femmes. Nos institutions ont traité avec légèreté des choses graves telles que les prêches bien connues de l’imam de Brest, qui affirme librement qu’une femme sans voile doit craindre d’être violée ou qui évoque comme possibilité le recours à la violence au sein du couple. Dans l’actuel ordre de priorités de nos institutions ces choses sont au mieux secondaires, au pire un localisme de l’ordre du thé à la menthe. D’autre part, la question de l’émancipation des femmes prend de façon inespérée le chemin d’occuper une place dans la campagne présidentielle, avec la décision d’importants secteurs de la droite d’attirer le vote conservateur en cédant du terrain sur ces questions. Non seulement le vote récent pour élargir le délit d’entrave à l’avortement à l’entrave numérique ne s’est pas fait sans frictions, mais en outre des élus tels que la présidente de la région Ile-de-France ont eu dernièrement des gestes très symboliques. En effet, Valérie Pécresse, qui au moment de sa candidature en 2015 s’était rapproché de la Manif pour Tous, a retiré récemment les financements de la région aux études portant sur le genre.
Il est bien connu qu’une société peut accueillir en son sein différents stades du développement coexistant de façon simultanée dans un même espace. Pour certains d’entre nous c’est ce qui se passe, plus que jamais, concernant la question de l’émancipation des femmes et toutes celles qui s’y rapportent, depuis l’écart salarial jusqu’à la traite en passant évidemment par l’absence totale de campagnes de prévention contre le l’amour de pacotille.
(1) Sur ce sujet voir Coral Herrera, La construcción sociocultural del amor romántico, Madrid, Fundamentos, 2013.
Violencia invisible y amor basura
Más de cien mujeres asesinadas en Francia cada año por su pareja o ex-pareja… ¿Cómo es ese amor que acaba en pesadilla ? Por ser sencillo de detectar en sus inicios, resulta perturbador que la institución siga sin darse los medios para erradicarlo.
Puesto que continúan las odiseas de Jacqueline Sauvage o de Cathy Thomas sin indicios al horizonte de reflexión de fondo, quizá una de las cosas que se puedan hacer por ellas sea abordar la cuestión desde un ángulo más social, proporcionando, a falta de campañas preventivas, una breve reflexión sobre el tándem infernal amor/desamor.
Hace mucho que los estudios de género y feministas han llegado a la conclusión de que la violencia es una patología de la construcción del amor más usual en nuestras sociedades. Llaman a ésta el “amor romántico” y la caracterizan porque se instala en el marco de una relación desigual, polarizada por la dicotomía espera-conquista y vertebrada por nociones como la posesividad o una valorización del sufrimiento amoroso (1). Me permitiré por mi parte llamar a la patología en sí amor-basura, porque me parece que es como debemos empezar a pensarla. Aunque la fórmula choque quizá, la selecciono por dos motivos : el parecido que tienen los primeros signos del amor-basura con signos valorizados por la construcción del amor romántico ; el lugar que la estetización de la violencia amorosa empieza a ocupar en muchas producciones culturales, entre ellas algunas de las últimas superproducciones cinematográficas.
El amor-basura se caracteriza porque el hombre no ve a la mujer como un individuo, sino a la vez como su propiedad y como un signo de lo que es él. En tanto que su propiedad, puede hacer con ella lo que quiera, entre otras cosas descargar en ella frustraciones del día a día o reforzar maltratándola una autoestima por lo general maltrecha. En tanto que signo de lo que es él, lo último que en su perspectiva la mujer debe hacer es cualquier cosa que le parezca cuestionar su virilidad, entre otras cosas ser autónoma u oponer resistencia al maltrato. Los primeros signos inconfundibles del amor-basura serán el control, el deseo de moldear a “su” mujer como plastilina, la necesidad de hacerse obedecer. Como algunas mujeres dirán aún que el hombre debe llevar los pantalones, habrá que precisar que obedecer en esos casos para nada bastará para acallar a la bestia, ya que lo que ahí está en juego es una necesidad suya de sentirse poderoso que nunca se va a saciar. En efecto, ese perfil de persona irá cada vez más lejos en las exigencias de obediencia y las mujeres que hayan decidido aceptar las primeras difícilmente lograrán salir porque su psiquismo irá cayendo como en una especie de anestesia que les hará cada vez más difícil reaccionar y porque a la sociedad le suele resultar del todo engorroso enfocar al hombre en cuestión como bestia, sobre todo si está bien integrado en la comunidad como muchas veces es el caso.
Parte del problema de la detección precoz de la violencia reside por tanto en que cosas como la total entrega o los celos, que son signos precursores innegables, están valorizados en el amor romántico. Por otra parte, la cuestión se complica con el desarrollo que alcanza no ya la construcción del amor romántico, sino directamente la estetizacion de la violencia, en producciones culturales que por su éxito, difusión y aspecto benigno son en realidad muy peligrosas. Se puede pensar en la publicidad, en canciones de moda y también en ficciones cinematográficas de gran impacto. Por citar un ejemplo, me detendré en estas últimas.
Un primer tipo de ficciones peligrosas serían aquellas que tienen por protagonista a una pareja en la que la mujer es humana y el hombre un monstruo que refrena su naturaleza por amor hacia a ella. Dos ficciones emblemáticas son las sagas Twilight o True blood. Este esquema configura el imaginario de las adolescentes de manera a convencerlas de algo que ya el amor romántico había dejado sentado : el amor “civiliza” al hombre ; por amor hacia ellas hasta el individuo más bestial tiene capacidad de cambiar.
Un segundo tipo de ficciones, que constituyen otra vuelta de tuerca, son aquellas que estetizan la violencia. Las dos más obvias que se hayan visto en los últimos tiempos son 50 sombras de Grey y Suicide Squad. 50 sombras de Grey encarna la fantasía romántica estereotipada de “redimir al perverso”. En efecto, su protagonista presenta todos los rasgos psíquicos del hombre maltratador y es del todo evidente que el happy end sólo es posible porque es una ficción : en la vida real, ese perfil psicológico habría asesinado a su chica antes que dejarla ir. Tres cuartos de lo mismo sucede con Suicide Squad : si bien en el cómic Harley Queen había sido configurada sobre el modelo de la mujer maltratada, la reconfiguración del personaje que hace Margot Robbie está tan lograda que ha encandilado a miles de adolescentes. De este modo, se han podido leer en redes sociales y escuchar en bocas de lo que son poco más que niñas que Harley Queen es muy buena porque vuelve con el Joker a pesar de todo lo que le ha hecho.
El peligro que estas superproducciones suponen en términos de violencia de género es real. Como he dicho, además no son el único. De ahí que linde en la inmoralidad tomar estos fenómenos a la ligera para luego culpar a las víctimas de violencia de dejarse hacer cuando, además de los ya de por sí duros mecanismos psicológicos de dominación, todo en nuestra sociedad les induce a pensar que él cambiará, prácticamente no hay campañas de divulgación y un sector importante de la sociedad llegará incluso a rechazarla a ella si rehúsa todo contacto con él, como bien lo demuestran las palabras de las adolescentes a propósito de Harley Queen.
Aunque es de máxima urgencia cambiar los enfoques para remediar el problema, con respecto a las ficciones no adhiero a la idea de que la solución se encuentre del lado de la censura : no sólo ésta abre puertas peligrosas, sino que la catarsis es y será siempre una de las numerosas funciones de la imaginación. La solución me parece estribar más bien en combinar campañas de prevención que expliquen los mecanismos de la violencia e incidan en la manera de concebir la virilidad. Por otra parte, sería afortunado lanzar iniciativas educativas que recuerden la noción de ficción, cada vez más complicada de establecer en los tiempos del reality show, sobre todo en mentes jóvenes. Si a casi ningún niño se le ocurriría saltar desde el tejado de la casa con una capa roja para ser como superman, a ninguna adolescente se le debe ocurrir tolerar que su novio la controle porque es lo que hace la chica de 50 sombras de Grey. Para uno como para la otra, debe estar claro que estas historias son ficciones y que esos desarrollos simplemente no ocurren en la vida real.
Luchar contra la violencia de género en la pareja no puede hacerse sin un trabajo social profundo, en ese sentido quizá el problema real para luchar contra ellas, al que la gente no suele querer aludir precisamente porque es un problema real, es que no toda la sociedad está de acuerdo sobre la cuestión de la emancipación de las mujeres. Nuestras instituciones han tratado con ligereza cosas graves como las conocidas prédicas del imam de Brest que afirma libremente que una mujer sin velo debe temer ser violada o que da como posibilidad recurrir a la violencia física en la pareja. En el actual orden de prioridades de nuestras instituciones, estas cosas son en el mejor de los casos secundarias, en el peor localismos como el té de menta. Por otra parte, la cuestión de las mujeres lleva inesperadamente el camino de ocupar un lugar en la campaña presidencial, con la decisión de importantes sectores de la derecha de atraer el voto más conservador cediendo terreno en estos temas. No sólo el reciente voto para ampliar el delito de impedimento al aborto de manera a sancionar las páginas webs antiabortistas ha suscitado verdaderas fricciones, sino que cargos electos como la presidenta de la región Ile-de-France han protagonizado últimamente gestos altamente simbólicos. En efecto, Valérie Pécresse, que en el momento de su elección en 2015 se había aproximado de los colectivos contrarios al matrimonio homosexual, le ha retirado recientemente las subvenciones de la región a todo estudio referido a temas de género.
Sabido es que una sociedad puede albergar en su seno diferentes estadios de desarrollo que coexisten de forma simultánea en un mismo espacio. Para algunos de nosotros eso es más que nunca lo que sucede con la cuestión de la condición de las mujeres y todas las que a ella se vinculan, desde la brecha salarial hasta la cuestión de la trata pasando, obviamente, por la ausencia de campañas de prevención contra el amor-basura.
(1) Para estos temas se puede consultar Coral Herrera, La construcción sociocultural del amor romántico, Madrid, Fundamentos, 2013.