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Billet de blog 19 mai 2018

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Marketing, femmes, modèles

Il est louable que les forces progressistes tendent de plus en plus à adopter le discours du féminisme, néanmoins la question se pose de la place qu’ils ménagent aux femmes et du type de femme qu’ils sollicitent.

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Il est louable que le discours féministe ait imprégné la politique espagnole au point où cela s’est vu dernièrement, et qu’il commence également à imprégner la française. Cependant, je ne crois rien dévoiler en disant que les modèles féminins qu’on y propose ne nous représentent pas toujours toutes, ils ne suscitent pas d’identification particulière. Comprenons-nous bien : je ne souhaite dans ces lignes critiquer aucune femme, et surtout pas celles qui font le choix risqué et toujours difficile pour une femme d’entrer en politique. C’est au contraire l’opération de marketing, conduite bien souvent par des hommes, que ces lignes entendent remettre en question.

Un phénomène emblématique en ce sens est celui qu’incarne Irene Montero, emblème récemment désigné du féminisme et du progrès. Il ne fait pas de doute qu’il s’agit d’une jeune femme douée et courageuse, comme l’atteste l’hostilité à laquelle elle a déjà dû se confronter au cours de sa courte carrière. Il est cependant difficile de la trouver particulièrement indépendante, autonome, ou même audacieuse dans le choix d’horizons de vie qu’elle opère. Bien entendu, chacun(e) a le droit de choisir les horizons de vie que bon lui sembleront, et il est probable que je n’aurais même pas pris la peine d’écrire ces lignes, si ce n’était que les responsables politiques font preuve depuis un certain temps d’une volonté particulière de la « vendre », comme on vend une de ces crèmes miraculeuses qui chassent les rides, tonifient la peau, revitalisent l’épiderme et vous porteraient presque le café dans votre lit le matin. Nous voulons choisir nos propres modèles. Il est difficile à vrai dire de voir dans cette jeune femme un modèle intrépide, audacieux et indépendant au point d’accaparer le panorama médiatique comme elle le fait, en ce sens qu’elle n’incarne pas une figure remettant en question la dynamique –et le problème- de fond : la concentration des capacités de décision dans des instances masculines et masculinisées.

Quels seraient donc nos modèles ? J’imagine que chacun(e) possède les siens, et que certain(e)s auront même pour horizon une jeune femme comme Montero. Pour ma part, j’en ai trop pour pouvoir tous les citer, mais je ne vois pas d’inconvénient à en citer quelques uns, s’il faut le faire. Gisèle Halimi, avocate dont les victoires judiciaires ont bien souvent contribué à marquer le précédent d’importants bouleversements historiques, comme l’indépendance de l’Algérie, la légalisation de l’avortement ou une plus importante sanction pénale au viol en France. Simone Veil, ministre de la santé qui a légalisé l’avortement, quand bien même cette cause lui a valu à l’époque des attaques d’extrême dureté, des députés ayant même comparé l’avortement et l’holocauste face à elle, qui y a perdu ses parents et son frère et qui a bien failli ne pas revenir d’Auschwitz-Birkenau ; elle qui jamais n’a voulu effacer de son bras le numéro tatoué qui lui rappelait les extrêmes que peut atteindre la barbarie humaine. Simone Weil, intellectuelle audacieuse qui est parvenue à faire converger dans sa pensée anarchisme et christianisme dont la vie exemplaire comporte des épisodes aussi divers que le travail à la chaîne en usine, le combat dans la colonne Durruti lors de la guerre d’Espagne ou encore une solidarité avec la France occupée portée à son extrême dans son exil britannique. Carmen de Burgos, première femme reporter de guerre en Espagne. Emily Brontë, que sa courte expérience vitale n’a pas empêchée de faire émerger presque intégralement de son imagination des personnages et des conjonctures d’incroyable complexité. Tellement d’autres…

Ce sont des modèles bien lointains, pourra-t-on objecter. Objection acceptée. Dans le panorama espagnol on peut aussi trouver des personnalités qui, à défaut de posséder de par leur âge un parcours vital étendu, font déjà preuve d’indépendance et de charisme. Ada Colau, Marina Albiol, Teresa Rodriguez… Au-delà du fait que chacun ait le droit de choisir son parcours vital, sans être pour cela ni jugé ni tenu de se justifier, beaucoup de femmes ne veulent plus d’opérations de marketing, plus de modèles imposés dans le sens qui conviendra le mieux aux fonctionnements patriarcaux. Elles veulent pouvoir choisir les modèles que bon leur semblera, cela d’autant plus que nous sommes quelques unes à avoir parfois la manie récurrente d’admirer précisément les femmes qui dynamitent ces modèles sans compassion ni ménagements.

Marketing, mujeres, modelos

Es encomiable que las fuerzas progresistas adopten cada vez más el discurso feminista. No obstante, se plantea la cuestión del lugar que le otorgan en su seno a las mujeres, así como del tipo de mujer que solicitan.

Resulta encomiable que el discurso feminista haya impregnado hasta el grado que ha adquirido actualmente la política española, y que empiece a impregnar la francesa. No creo sin embargo desvelar nada si digo que los modelos femeninos que nos dan los partidos no siempre nos representan a muchas, o suscitan identificación. Entendámonos : no quiero con estas líneas criticar a ninguna mujer, ni desde luego a las que acatan la elección siempre arriesgada, y desde luego aún muy dura para las mujeres, de meterse en política. Lo que estas líneas pretenden cuestionar es la operación de marketing que muchas veces siguen llevando a cabo hombres, con mujeres que ellos eligen porque a ellos les gustan.

Un fenómeno emblemático donde los haya es Irene Montero, reciente adalid designado del feminismo y la progresía. No nos cabe duda de que es una joven sin duda valiosa y valiente, como lo muestra la hostilidad a la que ya ha hecho frente en su corta carrera. Sin embargo, no nos parece especialmente independiente, autónoma, ni tan siquiera progresista en sus horizontes vitales. Dicho esto, vuelvo a subrayar que tiene derecho a tener los horizontes que mejor le parezca y que personalmente ni siquiera me habría tomado el trabajo de escribir estas líneas si los responsables políticos no nos la intentaran “vender”, como una de esas cremas milagrosas que desarrugan, tonifican, revitalizan y poco menos que te llevan el café a la cama por la mañana. Queremos escoger nuestros propios modelos. Es difícil ver en esa joven un modelo intrépido, arriesgado e independiente como para que acapare hasta ese punto el panorama mediático en el sentido en que no cuestiona el modelo -y el problema- de fondo : la concentración decisional en instancias masculinas y los esquemas masculinizados.

¿Cuáles son nuestros modelos? Bueno, imagino que cada cual tendrá los suyos y que quizá incluso algunas coincidan con tener por horizonte a una joven como Montero. Por mi parte, tengo demasiados como para citarlos todos, si bien no veo inconveniente en citar algunos, si de eso se trata. Gisèle Halimi, abogada cuyas victorias judiciales contribuyeron a sentar el precedente de grandes cambios históricos como la independencia de Argelia, la legalización del aborto o una mayor sanción penal a la violación en Francia. Simone Veil, ministra de la salud que legalizó el aborto, aún cuando esta causa le valió durísimos ataques personales, como la comparación del aborto con el holocausto, a ella, que perdió en ese trance a sus padres y a su hermano y que a punto estuvo de no volver de Auschwitz-Birkenau, ella que nunca quiso borrar de su brazo el número tatuado que le recordaba hasta dónde puede llegar en el horror el ser humano. Simone Weil, pensadora original que consiguió mezclar en su reflexión anarquismo y cristianismo cuya vida ejemplar integra episodios tan diversos como la experiencia directa del trabajo en cadena en las fábricas, el combate en la columna Durruti durante la guerra civil española o una solidaridad con la Francia ocupada llevada a su extremo desde su exilio británico. Carmen de Burgos, primera reportera de guerra en España. Emily Brontë, cuya parca experiencia vital no le impidió sacar casi íntegramente de su imaginación personajes y coyunturas complejísimas. Tantas más…

Son modelos lejanos, se podrá objetar. Objeción aceptada, y desde luego en el panorama español se pueden encontrar personalidades que, a falta por edad de recorrido vital prolongado, apuntan pronunciadas maneras de independencia y carácter. Marina Albiol, Ada Colau, Teresa Rodríguez… tantas más. Así las cosas, más allá de que cada quien tenga derecho a optar por sus propios recorridos vitales, sin ser juzgado ni tener que justificarse, algunas mujeres no queremos más operaciones de marketing, más modelos impuestos en el sentido que más convenga a funcionamientos in fine patriarcales, queremos poder elegir nuestros modelos como mejor nos parezca, tanto más porque alguna tenemos la manía recurrente de admirar precisamente a las que los dinamitan sin compasión ni miramientos.  

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