Depuis qu’elle a été arrêtée en décembre 2017, l’adolescente palestinienne Ahed Tamimi est devenue le symbole planétaire de la résistance qu’il est possible d’opposer à l’arbitraire et à l’abus de pouvoir, et même, pourrait-on dire, plus concrètement, de la résistance qu’il est possible d’opposer à l’arbitraire et à l’abus de pouvoir de l’impérialisme occidental. La manière dont le conflit palestinien s’est enlisé, depuis qu’en 1967 Israël s’est approprié par les armes pour la première fois de territoires - la Cisjordanie et Jérusalem Est-, est bien connue. Après des années de conflit armé, et de multiples abus de la part d’Israël, la solution de référence envisagée par la communauté internationale –la création d’un Etat palestinien qui coexisterait avec Israël, s’éloigne à pas de géant. Si le dernier épisode en date de l’escalade, la reconnaissance par Trump de Jérusalem comme capitale d’Israël, s’avère moins catastrophique que ce que certains d’entre nous avaient craint, il marque sans doute un autre point de non retour.
Au milieu de cette geste héroïque de résistance opposée à une injustice si évidente qu’elle ne doit avoir pour égal, sur le plan humain comme sur celui de l’ethnocide consenti par la scène internationale, que l’invasion et le pillage du Tibet par la Chine, un personnage comme celui de Tamimi ne pouvait qu’attirer l’attention. En effet, à la suite de la deuxième Intifada, un mouvement de résistance non violente, que rejoint Nabi Saleh, voit le jour en Palestine, il confronte pour la première fois Ahed, âgée alors de 9 ans, à la réalité de l’occupation : arrestations, rondes de surveillance dans les rues, gaz lacrymogènes, balles en caoutchouc, balles réelles… La famille d’Ahed devient alors un emblème de la résistance, au point d’être interviewée par des médias internationaux tels que le New York Times. Par sa crinière de feu, ses yeux clairs et sa furie au combat, la petite Ahed, ne pouvait qu’attirer l’attention lors de ses multiples confrontations avec les soldats. Elles culminent avec l’épisode bien connu où Tamimi donne une claque à l’un d’entre eux, ce qui l’amène à faire de la prison. En effet, dès le mois de décembre, Ahed entre dans la prison de Sharon, en attente d’être jugée pour avoir attaqué les forces des sécurité, jeté des pierres, participé à des manifestations violentes et s’être rendue coupable de menaces et d’incitations. Si Israël prétendait faire d’elle un symbole dissuasif à l’attention de la jeunesse palestinienne, il a également fait d’elle le signe de ralliement de l’activisme palestinien. Après s’être déclarée coupable lors du procès, Ahed a été condamnée à huit mois de prison pendant lesquels elle en a profité pour améliorer sa formation. C’est après ce procès, où elle a dû encaisser à plusieurs reprises des brutalités de la part de l’institution israélite, et ces mois de prison qu’Ahed devient un symbole de résonance mondiale.
Dans des régions comme le Moyen Orient, il faut célébrer le fait que certaines femmes puissent enfin endosser un rôle actif et de premier plan. Cependant, il semble nécessaire de s’interroger à propos des implications que l’apparition de cette figure peut avoir pour le reste des femmes. Le féminisme a déterminé depuis longtemps que l’utilisation de figures féminines données comme exceptionnelles permet aux structures patriarcales de se renouveler, puisque leur exceptionnalité féminine reconnue renouvelle tacitement la norme. Cela s’est souvent vérifié dans la sphère du monde du travail, ou en politique. Il ne s’agit pas de prétendre que la petite Ahed ait trahi quoi que ce soit ou qui que ce soit, comme ont pu le faire certaines des femmes qui ont gravi les sommets en écrasant d’autres femmes pour être acceptées par les hommes. Si je crois, pour ma part, à l’engagement sincère d’Ahed, je doute un peu plus de la volonté que peuvent avoir beaucoup de ceux qui chantent ses gestes de sortir les femmes de la région de leur condition de subordonnées.
Comme à d’autres occasions depuis que j’ai commencé à tenir ce blog, la question de la valeur symbolique dont la figure d’Ahed Tamimi est en train de se pourvoir doit sans doute être insérée dans celle de la dimension que l’Islam est sur la voie d’acquérir à échelle planétaire. Attention, cela ne veut pas dire que j’ai plus de griefs envers l’Islam qu’envers n’importe quelle autre religion. Cela veut dire que, sans doute au motif de l’impérialisme économique que l’Occident exerce sur l’Orient et du substrat colonial qui perdure, l’Islam a acquis une importance politique que les autres religions n’ont pas. C’est là l’aspect qui me dérange dans l’Islam : le fait que, contrairement à d’autres religions actuellement, il recèle un projet politique, qui dépasse en outre la portée de l’établissement d’un Etat confessionnel, comme peut être Israël. Il va sans dire que, comme on nous le répète à l’envie, le projet politique de l’Islam, de nature intégriste, ne représente pas l’ensemble de la communauté musulmane. Le fait est que cette confusion n’est pas souvent dissipée dans les médias et que nous sommes de plus en plus nombreuses à ne plus vouloir tolérer les ambiguïtés à ce propos : nous voulons des positionnements clairs, afin de savoir parfaitement ce que nous approuvons – ou refusons.
Dans un contexte où « l’Islam indéfini » apparaît comme un vecteur d’opposition à l’impérialisme occidental, non seulement en Orient, mais aussi pour une partie non négligeable de la gauche autodéclarée progressiste européenne, Tamimi présente l’inconvénient de constituer un nouvel élément de confusion. Non pas d’elle-même, nous insistons sur ce point, mais par l’utilisation évidente que prétend faire tout un secteur de la gauche dans le but de blanchir la Palestine, comme si celle-ci était un exemple de pureté. Que la Palestine aie subi des exactions injustifiables et prolongées est une évidence, que l’on puisse la situer dans une sorte d’innocence originelle directement tirée du paradis perdu l’est beaucoup moins. La principale autorité politique palestinienne est constituée depuis des années par le Hamas. Malheureusement, sa doctrine n’a pas grande chose à envier à celle de l’Israël de l’orthodoxie religieuse, ni du point de vue de la haine de l’autre –il est clairement antisioniste- ni de celui de la liberté de pensée –il s’oppose à tout enseignement « contraire à la religion musulmane », parmi lesquels les Droits de l’Homme- ni bien entendu de celui de la condition des femmes –qu’on encourage à porter le voile et auxquelles on interdit toute une série de choses- ou encore de celui de la liberté de ne serait-ce que de déroger à la tenue d’une apparence hétéronormative –avec des sanctions au motif de coupes de cheveux ou de vêtements considérés indécents, y compris chez les hommes-, et ne parlons pas de celle d’intégrer une des sexualités dissidentes.
L’intérêt pour les femmes et le féminisme, qui encore aujourd’hui ne peuvent pratiquement compter que sur eux mêmes, de ne pas tolérer les opérations de blanchiment, conscientes ou inconscientes, basées dans l’usage de la figure féminine exceptionnelle n’en est que plus évident. Bien entendu, Ahed Tamimi est une adolescente sincère et engagée, bien entendu, sa cause est juste ; qu’elle soit l’ambassadrice sur terre du paradis perdu est en revanche discutable. Si elle n’avait pas un besoin de légitimation sur la scène internationale, que dirait l’autorité palestinienne de la chevelure sauvage de Tamimi, de sa liberté, de sa furie au combat ? Ne nous mentons pas, il est probable qu’elle la voilerait, l’enfermerait et peut-être même la violenterait jusqu’à ce qu’elle se mette dans la tête que le devoir d’une femme est l’obéissance. Rien de fondamentalement différent à ce qui se passe dans un Israël orthodoxe, dont la presse la plus religieuse efface encore les photos des femmes politiques au simple fait qu’il s’agit de femmes, dont la représentation est considérée comme indécente.
Tamimi est en visite dans plusieurs pays européens cette semaine, invitée par la gauche progressiste, qui fait depuis des années de la cause palestinienne l’une de ses bannières. C’est une bonne chose que la jeune fille fasse connaître la situation de son pays, moins que l’on prétende nous convaincre qu’elle est autre chose qu’une exception tolérée par la communication politique d’une entité qui n’est pas spécialement progressiste mais qui se trouve disposée à faire temporairement des concessions sur son dogme pour survivre. Nous ne voulons pas que l’intolérable massacre se poursuive en Palestine, mais nous ne voulons pas non plus que l’on utilise grossièrement le supplice de qui que ce soit pour blanchir des sociétés liberticides pour les femmes, ce que nous ne voulons pas approuver.
Pero, ¿qué simboliza Ahed Tamimi?
Desde que fue condenada en Israel por la resistencia que opuso a un soldado isarelí, la imagen de la adolescente Ahed Tamimi ha dado la vuelta al mundo. A su salida de prisión, provista de una gran notoriedad, inicia una gira europea, bajo el ala de cierta izquierda para quien parece encarnar una forma extrema de virtud. Sin embargo puede una preguntarse, ¿qué simboliza Ahed Tamimi ?
Desde que en diciembre de 2017 Ahed Tamimi fuera arrestada, la adolescente palestina se ha convertido en un símbolo planetario de la resistencia frente a la arbitrariedad y el abuso del poder, e incluso podría decirse, más concretamente, frente a la arbitrariedad y el abuso de poder del imperialismo occidental. Sabida es la manera en que se ha enquistado el conflicto palestino desde que en 1967 Israel se hiciese por primera vez con territorios por las armas, con la apropiación de Cisjordania y de Jerusalén del Este. Tras años de conflicto armado, y de múltiples abusos de Israel, la solución de referencia en la comunidad internacional, la creación de un Estado palestino que coexistiese pacíficamente con Israel, se aleja a pasos de gigante. El último episodio de la escalada, el reconocimiento por Trump de Jerusalén como capital de Israel, si bien está siendo de momento menos catastrófico de lo que muchos temimos, marca sin duda otro punto de no retorno.
En medio de tan heroica gesta de resistencia a una injusticia visible, que a nivel humano y de etnicidio consentido por la comunidad internacional sólo debe tener comparación con el aniquilamiento de Tibet por China, un personaje como el de Tamimi no podía sino destacar. En efecto, tras la segunda Intifada, se inicia en Palestina un movimiento de resistencia no violenta al que se une Nabi Saleh y que confronta por primera vez a Ahed, de entonces 9 años, a la realidad de la ocupación : arrestos, patrullas en las calles, gases lacrimógenos, balas de caucho y munición real… La familia de Ahed se convierte entonces en un emblema de la resistencia, hasta el punto de ser entrevistada por medios internacionales como el New York Times. La pequeña Ahed, con su llamativa melena, sus ojos claros y su furia en el combate no podía sino llamar la atención en sus múltiples confrontaciones con los soldados. Estas culminan en el conocido episodio en el que Tamimi abofetea a uno de ellos, lo que la lleva a pasar por la cárcel. En efecto, ya desde el mes de diciembre Ahed ingresa en la cárcel de Sharon a la espera del juicio por los cargos de atacar a las fuerzas de seguridad, tirar piedras, participar en manifestaciones violentas, amenazas e incitación. Si Israel pretendía hacer con ella un símbolo disuasorio de cara a la juventud palestina, también la convirtió en un símbolo y en una seña de identidad para el activismo palestino. Tras declararse culpable en el juicio, Ahed fue condenada a ocho meses de cárcel durante los cuales aprovechó para mejorar su formación. Es tras un juicio en el que tuvo que encajar varias brutalidades por parte de la institución israelí y esos meses de cárcel cuando Ahed se ha convertido en un símbolo, esta vez si, de resonancia mundial.
Es de celebrar que en regiones como Oriente Medio algunas mujeres puedan adquirir por fin un papel activo y protagonista. Sin embargo, forzoso es interrogarse a propósito de las implicaciones que puede tener para el resto de las mujeres la aparición de esta figura. El feminismo ha determinado desde hace mucho que el uso de figuras femeninas dadas como excepcionales permite a las estructuras patriarcales renovarse, ya que su reconocida excepcionalidad renueva tácitamente la norma. Esto se ha verificado mucho en el ámbito laboral, o de la política. No se trata con esto de pretender que la pequeña Ahed haya traicionado nada o a nadie, como sí lo han podido hacer algunas de las mujeres que han escalado cimas pasando por encima de otras mujeres para ser aceptada por los hombres. Creo por mi parte en el compromiso sincero de Ahed, de lo que se puede dudar algo más es de la voluntad de sacar a las mujeres de su condición subordinada de muchos de los que cantan sus gestas.
Como en otros casos desde que empezó este blog, la cuestión del valor simbólico que está adquiriendo Ahed Tamimi sin duda se debe enmarcar en la dimensión que a escala mundial está adquiriendo el Islam. Cuidado, esto no quiere decir que tenga más contra el Islam de lo que tengo contra cualquier otra religión. Quiere decir que, por motivos del imperialismo económico de Occidente sobre Oriente y del sustrato colonial que aún pervive, el Islam ha adquirido una relevancia política que no tienen las demás religiones. Y ese es, concretamente, el aspecto que a mí me molesta en el Islam : el que, contrariamente a otras religiones en la actualidad, recele un proyecto político que sobrepasa además el alcance de un Estado confesional como puede ser Israel. Valga decir, como nos lo han repetido ya hasta la saciedad, que el proyecto político del Islam, de corte integrista, no representa a toda la comunidad musulmana. El hecho es que la confusión pocas veces se ve disipada en los medios y nosotr@s no queremos tolerar ya más ambigüedades en ese aspecto : queremos posicionamientos claros y saber con toda claridad qué avalamos –o rechazamos.
En un contexto en que el “Islam indefinido” aparece como vector de oposición al imperialismo occidental, no sólo en Oriente, sino también para una parte nada desdeñable de la izquierda autodenominada progresista europea, Tamimi tiene el inconveniente de ser un elemento más que alimenta la confusión. Y no por ella, insisto, sino por el uso evidente que pretende darle todo un sector de la izquierda a efectos de blanquear a Palestina, como si ésta fuese un adalid de pureza. Que Palestina ha sufrido atropellos injustificables y prolongados es evidente, que se la pueda situar en una suerte de inocencia originaria directamente emanada del paraíso perdido lo es menos. La principal autoridad política palestina viene encarnada desde hace muchos años por el Hamas. Por desgracia, su doctrina no tiene mucho que envidiar a la del Israel de la ortodoxia religiosa, ni a nivel de odio hacia el otro –es claramente antisionista- ni al de la libertad de pensamiento –se opone a la enseñanza de todo valor “contrario a la religión musulmana, entre los cuales los derechos humanos- ni desde luego al de la condición de las mujeres –a las que se incentiva a llevar velo y se prohíbe toda una serie de cosas- o al de la libertad de siquiera derogar a los mandatos de apariencia heteronormativa –con sanciones por cortes de pelo y ropas consideradas indecentes, también en los hombres-, no digamos ya a nivel de las sexualidades disidentes.
De ahí el interés para las mujeres y para el feminismo, que hoy por hoy todavía sólo pueden contar consigo mismas y con nadie más, de no tolerar operaciones de blanqueamiento, consciente o inconsciente, basadas en el uso de la figura femenina excepcional. Por supuesto que Ahed Tamimi es una adolescente sincera y comprometida, por supuesto que su causa es justa ; que sea la embajadora en la tierra del paraíso perdido es más discutible. Si no necesitase legitimarse, ¿qué diría la autoridad palestina de la indómita melena de Tamimi, de su libertad y de su furia? No nos engañemos, es probable que la velase, la encerrase y quizá incluso la violentase hasta que le entrase en la cabeza que a un hombre se le obedece. Nada fundamentalmente distinto a lo que sucede en un Israel ortodoxo que todavía borra las fotos de las mujeres políticas en la prensa más religiosa por el mero hecho de ser mujeres, cuya representación es juzgada indecente.
Tamimi está de visita por varios países europeos en estas semanas, invitada por la izquierda progresista, que lleva años haciendo de la causa palestina uno de sus emblemas. Bien está que esa muchacha divulgue la situación de su país, menos que pretendan vendernos que ella es otra cosa que una excepción tolerada por la comunicación política de una entidad no especialmente progresista dispuesta a hacer concesiones temporales a su dogma para sobrevivir. No queremos que prosiga el intolerable exterminio en Palestina, pero tampoco que se utilice burdamente el martirio de nadie para vendernos sociedades liberticidas para las mujeres, que no queremos avalar.