J’ai hésité ce mois-ci à consacrer mon billet au 8 mars et au beau constat de solidarité féminine qu’il permet chaque année de dresser; à celui moins réjouissant des dissensions qui parsèment depuis quelques années le féminisme; aux dures réalités encore à combattre qu’il permet chaque année de rappeler. Puis, face à l’imminence de l’élection présidentielle, dont le premier tour a lieu le 10 avril, et surtout à la vacuité des débats et à la difficulté de trouver des candidat.e.s crédibles, je me suis décidée à le consacrer à la présidentielle.
Cela fait longtemps que la gauche dénonce le peu de présence de la question sociale dans le discours électoral de la droite et du centre, en particulier des aspects les plus occultés, ceux qui dérivent du fonctionnement même du système capitaliste. Venant de la société civile, depuis quelque temps des problèmes d’un autre ordre émergent à leur tour. Nous obligeant tou.te.s à une remise en question, puis mettant en lumière tant l’incompétence que les priorités réelles de nos dirigeants, la pandémie de Covid-19 a sans doute contribué quant à elle, lors de cette élection, à nous rendre plus présent à l’esprit ces différents manquements et vides du pouvoir en matière de représentation citoyenne réelle.
Notons tout d’abord que la pandémie de Covid-19 a souvent été abordée de façon superficielle par les dirigeants de la planète, c’est-à-dire, en focalisant sur l’urgence immédiate des confinements, des masques, des fermetures de lieux et des pass sanitaires, sans pour autant se questionner à propos des problèmes de fond qu’elle pointait : l’insoutenabilité de notre mode de vie et de notre mode de développement en tant qu’espèce. En soi, cela est décevant, car il ne doit plus y avoir beaucoup de franges de la population assez ignorantes et irréfléchies pour être en mesure d’ignorer l’évidence de ce qu’un énième signal de la planète nous rappelle.
Puis, il faut dire que cela s’ajoute à plusieurs constats récents venant pointer l’échec de l’humanité dans le défi collectif qu’elle s’est donnée de freiner la destruction de la planète. Une étude publiée le 7 mars dans la revue scientifique Nature Climate Change a ainsi fait état de la perte de résilience des trois quarts de la forêt amazonienne depuis le début des années 2000, élément qui pourrait fort bien annoncer le point de bascule amorçant sa transformation en écosystème plus sec. En effet, la résilience est la capacité qu’a la forêt pluviale à se régénérer après une atteinte grave, comme un incendie ou une coupe excessive. Si la déforestation avait diminué au Brésil sous la présidence de Lula da Silva (2003-2011), elle a repris de plus belle sous celle du président d’extrême droite Jair Bolsonaro (2019) : l’équivalent de la superficie du Liban est ainsi détruite tous les ans. Il semble peu probable que l’Amazonie puisse s’en remettre si l’on ne freine pas de façon immédiate l’atteinte qui lui est portée. Mais, compte tenu de l’ancienneté de la mise en garde concernant ce danger, on peut légitimement douter qu’un sursaut survienne, car la reprise elle-même de la déforestation sous Bolsonaro n’aurait en fait pas dû avoir lieu, si nous étions en train de bien faire les choses en tant qu’espèce.
La difficulté de l’Amazonie à se régénérer a probablement partie liée au contexte qu’est l’emballement du réchauffement climatique pointé par le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Celui-ci signale en effet que les risques climatiques apparaissent et s’aggravent plus tôt que prévu. Il est ainsi probable qu’on n’ait plus la capacité de respecter le plafond de 1,5° de réchauffement par rapport à l’ère préindustrielle fixé par l’accord de Paris sur le climat. S’y tenir nous fera subir quand-même des pertes, tout en nous laissant des chances de nous adapter aux nouvelles conditions, mais le dépasser rend très difficile de le faire, voire impossible pour certaines populations. Le dérèglement climatique a déjà des effets sur la planète, détruisant des vies, des écosystèmes et nos moyens de subsistance, mais cela va empirer. D’une part les risques vont intervenir à un niveau de réchauffement climatique plus bas que calculé auparavant, d’autre part, les effets du dérèglement sur les écosystèmes et leurs conséquences ont d’ores et déjà devancé les prévisions.
Il découle ainsi de ce rapport du GIEC que le réchauffement s’emballe et que la souffrance humaine sera immense si rien n’est fait. Cela est d’autant plus poignant que ladite souffrance est affectée de l’inégalité bien connue, dérivée de l’entreprise coloniale, qui s’établit entre les pays du Sud global et ceux du Nord global. Ainsi, au cours de la dernière décennie, il y a eu 15 fois plus de morts à cause des inondations, de la sécheresse et des tempêtes dans les pays très vulnérables que dans ceux à faible vulnérabilité. Les tentatives d’adaptation aux aléas climatiques ont beau exister, elles arrivent tard et ne protègent pas ceux qui s’y trouvent le plus confrontés. Face à l’imminence du danger, la transition écologique apparaît comme la seule solution. Il est urgent de changer de modèle de société : sortir de notre dépendance aux énergies fossiles, moteur du dérèglement climatique et facteur de déstabilisation géopolitique, et évoluer vers une agriculture agro-écologique. Pour autant, ce changement de paradigme doit reposer sur un partage de l’effort efficace et équitable envers les populations les plus vulnérables. En effet, il est grand temps d’être réaliste, si on souhaite parer à l’urgence climatique, et confronter le fait que les richesses de la planète comme l’Amazonie, la calotte glaciaire, la couche d’ozone ou le climat sont la responsabilité de tous les pays de la planète et non pas celle des pays où elles se trouvent. Ce d’autant plus que, dans l’actuel système monde, les pays concernés ne peuvent pas les entretenir quand bien même ils le voudraient car, bien que constituant des richesses planétaires, elles ne sont généralement pas côtées en bourse, en ce monde absurde que nous avons produit. En ce contexte, des mesures à perspective décoloniale, comme celle conçue en 2007 en Equateur par le ministre de l’énergie de Rafael Correa, Alberto Acosta, prennent tout leur sens. En effet, pour parer à la dépendance du pays face à l’exportation de pétrole, Acosta conçoit le Projet Yasumi ITT Ecuador (Ishpingo-Tambacocha-Tiputini), qui s’insérait dans cette volonté de parer à la destruction de l’Amazonie. Il s’agissait de ne pas exploiter 3 puits de pétrole situés en Amazonie contenant 850 millions de barils, à condition que l’Occident compense cette perte en versant à l’Equateur la moitié du manque à gagner. A la fois qu’il renoue avec une idéologie autochtone précédant la colonisation, l’idée de la Pachamama et du droit de la nature à être protégée, ce projet traduit une réalité de tous les pays du Sud global : quand bien même ils souhaiteraient préserver les richesses naturelles planétaires, ils se trouvent insérés dans un système-monde capitaliste qui le dote d’une bien plus mince marge de manœuvre que les anciens pays colonisateurs.
Malgré le caractère de plus en plus dramatique de l’urgence planétaire, et malgré la double responsabilité que, du fait de l’entreprise coloniale, le Nord global a dans la tâche d’y parer, moins de 3% du temps de débat de l’actuelle campagne présidentielle traite du climat et souvent ceux qui lui sont consacrés se situent loin des prime time. Pourtant, en France, le ou la futur.e président.e de la République devra rattraper le temps perdu dans la lutte climatique : ne respectant pas l’accord de Paris sur le climat, la France a été doublement condamnée en 2021 par la justice pour ses manquements sur la question climatique. Comme ailleurs, le mandat d’Emmanuel Macron s’est illustré pour faillir à ses promesses.
Les violences faites aux femmes sont un autre des domaines où Emmanuel Macron a lamentablement failli. Tout d’abord en n’accordant à la cause des droits des femmes qu’un secrétariat d’Etat auprès du Premier ministre, mené par la personnalité douteuse de Marlène Schiappa, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, plutôt qu’un ministère complet, accordé à une personnalité au parcours intellectuel et professionnel assez solide pour engager de véritables réformes de fond, étudiées et audacieuses. Notons que, pour ce qui est de l’audace, Marlène Schiappa, préoccupée peut-être par sa permanence au sein du gouvernement, n’a même pas eu la décence d’adopter une position éthique et entière, cohérente avec sa fonction, lorsque éclata l’affaire Darmanin.
Puis, alors que le confinement a augmenté le problème des violences de genre, réunissant 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 les victimes et leurs bourreaux, et exacerbant les sauts d’humeur de ceux-ci, la « grande cause du quinquennat » ne s’en est pas trouvé plus travaillée, au contraire même, ce n’est que grâce aux protestations de différents organismes et associations que le téléphone d’écoute consacré aux violences a pu bénéficier de plus longues disponibilités.
Nous sommes pourtant nombreu.x.ses à souhaiter que les différentes violences faites aux femmes, les violences de genre, soient traitées de façon plus systématique grâce à une loi cadre qui permette de les penser toutes, à la formation des magistrats et des avocats dès la faculté et à la généralisation de la conscience de cette problématique, grâce à l’étendue de la spécialisation dans différents corps de métier à travers la formation en Master (journalisme…).
D’un avis général, la loi cadre espagnole, voté en 2004 et intitulée « Mesure de protection intégrale contre les violences conjugales » constitue une des lois les plus novatrices du monde. Elle a été complétée en 2017 par une loi « pacte d’État » contenant 290 mesures interministérielles. Ces lois se traduisent, au final, par des équipes de police spécialisées pour le suivi des dossiers, des tribunaux spécialisés pour traiter des violences ainsi que par une protection complète et immédiate de la victime. L’Espagne délivre également 17 fois plus d’ordonnances de protection que la France et dispose de 33 % d’hébergement spécialisé supplémentaire. Un budget plus conséquent est alloué à la cause, car 748 millions d’euros sont dépensés chaque année par le gouvernement espagnol en ce domaine, cela représente 16 euros par an et par habitant, contre 5 euros en France. L’impact sur les chiffres est sans appel : alors qu’en 2019 on pouvait compter en France 146 femmes et 25 enfants tués par un conjoint ou ex-conjoint violent, l’Espagne dénombrait seulement 49 féminicides. Le nombre de féminicides a par ailleurs baissé de 25% depuis 2004. Si l’on considère les chiffres en tenant compte de la population des deux pays, l’on arrive au constat que les femmes espagnoles sont deux fois moins nombreuses à mourir sous les coups de leur compagnon ou ex-compagnon que les Françaises. Le tableau n’est pas pour autant, il est vrai, complètement idyllique, car des spécialistes comme Marie-Pierre Bradé, du centre Hubertine Auclerc, signalent que l’Espagne externalise des services d’aide aux victimes à des structures privées, un point qui reste tout à fait discutable. Il n’en demeure pas moins : l’Etat espagnol a fait de très grandes avancées en ce domaine, réussissant une sensibilisation de l’opinion publique au problème des féminicides et une meilleure approche de ces faits par les médias, sans parler d’une chute sans appel des meurtres en eux-mêmes en l’espace de 15 ans.
L’Espagne a eu en fait la bonne intuition d’adopter dès 2004 une perspective féministe en écoutant les associations et les spécialistes et en confiant le poste de secrétaire générale des politiques d’égalité au sein du ministère de Travail et des Affaires sociales à Soledad Murillo, une sociologue, chercheuse, féministe et femme politique, donc, à quelqu’un de chevronné qui réfléchissait de longue date à ces problématiques et se voyait confronté à elles en plusieurs aspects. C’est ainsi que la loi de 2004 ne parle plus de violences intrafamiliales ou de violences au sein du couple, mais bien de violences de genre. La loi n’est par ailleurs pas uniquement répressive, mais compile la prévention des violences sur le plan juridique, psychosocial et économique, et considère aussi les enfants comme des victimes directes. Puis, la loi pacte d’Etat votée en 2017 étant le fruit d’un consensus entre tous les partis politiques, elle a nécessité d’un long travail de sensibilisation de l’opinion publique qui n’a pu que changer l’approche globale de ces violences.
Ce travail juridique se traduit aussi, on l’a dit, en termes budgétaires. C’est ainsi que des régions qui ne sont pas spécialement riches, ni spécialement peuplées, telles que Castille-La Manche (deux millions d’habitants), se trouvent à être dotées d’un budget de 24 millions d’euros, qui talonne de près le budget du ministère de l’Egalité français, de 29 millions d’euros. La différence de budget a des conséquences évidentes : alors que l’Espagne est dotée de 8600 places d’hébergement spécialisé, la France n’en possède que 5000. Puis, ces dépenses permettent de mettre en place des outils précieux : la plateforme Viogen, alimentée par les forces de l’ordre et par les institutions prenant en charge les femmes violentées, recense le nombre de victimes, le nombre de plaintes déposées, le nombre d’ordonnance de protection demandées puis accordées, le nombre de recours des victimes, toutes des données qui permettent de mieux faire l’état des lieux, donc de réfléchir aux moyens de combattre le problème. Tant et si bien que la plateforme permet également d’évaluer le niveau de danger encouru par la victime, ainsi que les moments où elle se trouve plus exposée. La part des victimes qui avaient porté plainte et tuées par leur conjoint ou ex-conjoint est ainsi passée de 75% à 20% entre 2009 et 2019. Le taux de condamnation d’hommes violents est par ailleurs deux fois plus élevé en Espagne qu’en France.
Côté dispositifs de lutte contre ces violences on peut noter que, non seulement tous les commissariats espagnols disposent d’équipes spécialisées dédiées à ces faits, mais que Valence possède même, depuis 2019, le premier commissariat uniquement dédié aux femmes victimes de violences conjugales. Tous les commissariats français ne disposent pas en revanche de brigades spécifiques consacrées à la protection de la famille. Les femmes victimes de violence bénéficient aussi en Espagne de plus de droits sociaux : assistance juridique gratuite, accompagnement psychologique, aides économiques spécifiques, accès prioritaire aux logements sociaux et aux maisons de retraite, mobilité géographique sur le plan professionnel, aménagement parfois de leur emploi du temps ainsi que la possibilité de demander une suspension temporaire de leur poste avec maintien du contrat de travail.
L’ordonnance de protection, la mise en place d’un téléphone grand danger et le port du bracelet électronique pour éloigner les conjoints violents sont des mesures pour lesquelles la France s’est déjà inspirée de dispositifs espagnols. Les tribunaux spécialisés, la plateforme Viogen et la création d’équipes de police spécialisées dans tous les commissariats du pays seraient encore d’autres mesures dont il serait positif d’envisager l’adoption.
L’excessive fragmentation de la chaîne pénale, qui empêche une correcte évaluation des affaires, les faits de violences conjugales étant souvent minimisés, constitue une fragilité du modèle français. Une mise à plat complète de l’actuel système, avec une chasse aux angles morts, et surtout une sollicitation de véritables spécialistes, serait ainsi nécessaires pour aboutir à une loi globale comme l’espagnole englobant tous les aspects de la problématique, des violences économiques à la situation des enfants en passant par la sensibilisation de l’ensemble de la société. Quelques bons points du système français restent une ordonnance de protection de six mois, contre les 30 jours du système espagnol, ou un numéro d’urgence uniquement confié à des personnes formées, dont l’écoute de ce type de victime constitue le seul et véritable métier. Le cas de l’Espagne démontre néanmoins qu’une volonté politique et un consensus social sont nécessaires à l’allocation de moyens permettant de faire de véritables avancées. Malgré les effets d’annonce du gouvernement Macron en ce domaine, avec sa « grande cause du quinquennat », cette volonté politique semble toujours faire défaut en France.
Peut-être aussi que l’autre grande fragilité du système français, avec la réticence générale de sa tradition intellectuelle à penser la différence, est sa réticence à se décider à adopter une perspective féministe pour plonger dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Pourtant, il ne fait pas de doute que ceci constitue un point essentiel qui a complètement changé la donne en Espagne : depuis le vocabulaire utilisé pour désigner le phénomène jusqu’aux dispositifs concrets qui luis sont dédiés.
Une fois de plus, les débats qui sous-tendent cette présidentielle apparaissent déconnectés non seulement des préoccupations, mais encore des véritables nécessités de la société civile, ainsi que des responsabilités réelles d’un dirigeant, tout autant envers son peuple qu’envers le reste du monde, lorsqu’on appartient à un pays du Nord global. Ainsi, la réalité une fois de plus est que nous n’avons pas de vrai candidat qui puisse les incarner et tout au plus quelques-uns qui s’y approchent un peu plus. S’il est vrai que certains de ceux-là se trouvent reliés dans leur formation à la gauche de filiation marxiste, c’est bien plus leur volonté en tant qu’individus de s’ouvrir au monde et de le comprendre qui les fait s’y rapprocher. On peut compter Philippe Poutou, on peut compter Jean-Luc Mélenchon, et c’est bien dommage que Christiane Taubira n’ait pas poursuivi au final son chemin initié avec la primaire populaire. A quand de véritables formations émanant de la société civile, coopérant de façon rapprochée avec associations et ONG, voyageant même dans d’autres pays pour mieux avoir à l’esprit nos responsabilités en tant que pays du Nord global envers les défis planétaires ? Le temps est largement venu que le réel imprègne enfin la politique.
Je remercie Greenpeace et actu-juridique (Sophie Tardy-Joubert) pour les données ayant servi à étayer cette réflexion.
En France nous soutenons le PPD et le NPA:
Gustav Moreau, Le Victorieux Sphinx, 1886 (détail).
¿Qué debates de cara a la elección presidencial?
De camino hacia otra elección presidencial, no queda más remedio que constatar que los debates que la recorren no reflejan sino parcialmente, tanto las preocupaciones de los ciudadanos como las urgencias a las que se ven confrontados.
A punto estuve de dedicar este artículo al 8 de marzo y a la belleza de la fuerza de la solidaridad femenina que permite contemplar cada año ; a la realidad menos agradable de las disensiones que desde algunos años recorren el feminismo; a las duras realidades todavía por combatir que también cada año permite recordar. Finalmente, frente a la inminencia de la elección presidencial, cuya primera vuelta es el 10 de abril, y sobre todo frente a la vacuidad de los debates y la dificultad de encontrar candidatos creíbles, me he decidido a dedicárselo a la elección.
Hace mucho que la izquierda denuncia la poca presencia que la cuestión social tiene en el discurso electoral de la derecha y del centro, en particular sus aspectos más ocultados, aquellos que derivan del propio funcionamiento del sistema capitalista. Desde hace algún tiempo emanan también de la sociedad civil problemáticas de otro orden. Finalmente, al obligarnos a tod@s a cuestionarnos y al sacar a la luz tanto la incompetencia como las verdaderas prioridades de nuestros dirigentes, la pandemia de Covid-19 sin duda ha contribuido en esta elección a recordarnos las distintas deficiencias y vacíos del poder en materia de representación ciudadana real.
Recordemos en primer lugar que la pandemia de Covid-19 a menudo ha sido abordada de forma superficial por los dirigentes del planeta, esto es, concentrándose sobre la urgencia inmediata de los confinamientos, las mascarillas, los cierres de establecimiento y los pases sanitarios, sin interrogarse por ello sobre los problemas de fondo que saca a la luz: la inviabilidad de nuestro modo de vida y de nuestro modelo de desarrollo en tanto que especie. Esto es en sí decepcionante, pues no debe haber ya muchos sectores de la población lo bastante ignorantes e irreflexivos como para conseguir ignorar la evidencia de lo que una enésima señal del planeta nos recuerda.
Hay que decir en efecto que la epidemia se superpone a varias constataciones recientes que vienen a indicarnos el fracaso de la humanidad en el desafío colectivo que representa querer frenar la destrucción del planeta. Un estudio publicado el 7 de marzo en la revista científica Nature Climate Change refleja así la pérdida de la capacidad para regenerarse de tres cuartas partes de la selva amazónica desde principios de los años 2000, elemento que bien podría anunciar el paso irreversible de la zona a un ecosistema más seco. En efecto, la capacidad para regenerarse tras un daño grave, como un incendio o una tala excesiva, es fundamental para preservar la selva amazónica. Si la deforestación había disminuido en Brasil bajo la presidencia de Lula da Silva (2003-2011), ha reanudado bajo la presidencia del dirigente de extrema derecha Jair Bolsonaro (2019) : una superficie equivalente al Líbano es así destruida todos los años. Parece poco probable que la Amazonía pueda recuperarse si no frenamos de forma inmediata el daño que se le está haciendo. Sin embargo, teniendo en cuenta que ese aviso se da desde hace ya años, se puede dudar legítimamente de que haya alguna reacción, pues la deforestación no habría debido retomar bajo Bolsonaro si, en tanto que especie, estuviésemos haciendo las cosas bien.
La dificultad de la Amazonía para regenerarse se encuentra probablemente vinculada al contexto que es la aceleración del calentamiento climático reflejada por el último informe del Grupo de expertos intergubernamental sobre la evolución del clima (GIEC). Señala en efecto los riesgos climáticos que aparecen y se agravan antes de lo previsto. De este modo, es probable que ya no tengamos la capacidad de respetar el límite de 1,5° de calentamiento con relación a la era preindustrial fijado por el acuerdo de París sobre el clima. Respetarlo provocará perdidas de todos modos, aunque nos deje posibilidades de adaptarnos a las nuevas condiciones, pero sobrepasarlo volverá muy difícil lograrlo, o incluso imposible para algunas poblaciones. El cambio climático ya está teniendo consecuencias sobre el planeta, destrozando vidas, ecosistemas y nuestros medios de subsistencia, pero todo eso va a empeorar. Por una parte los riesgos van a intervenir a un nivel de calentamiento climático más bajo que el calculado anteriormente, por otra parte, los efectos del calentamiento sobre los ecosistemas y sus consecuencias ya han sobrepasado lo previsto.
Se desprende así de ese informe del GIEC que el calentamiento se acelera y que el sufrimiento humano será inmenso si no se hace nada. Ello es tanto más estremecedor por cuanto que dicho sufrimiento viene afectado por la bien conocida desigualdad derivada de la empresa colonial que se establece entre los países del Sur global y los del Norte global. De este modo, a lo largo de la última década, los países muy vulnerables han visto multiplicarse por 15 el número de fallecimientos debidos a inundaciones, sequías o tempestades con relación a los menos vulnerables. Por más que ya haya tentativas de adaptarse a los cambios climáticos, llegan tarde y no protegen a los que más lo necesitan. Frente a la inminencia del peligro, la transición ecológica aparece como la única solución posible. Urge que cambiemos nuestro modelo de sociedad: que salgamos de nuestra dependencia hacia las energías fósiles, motor del cambio climático y factor de desestabilización geopolítica, y que evolucionemos hacia una agricultura agro-ecológica. Sin embargo, ese cambio de paradigma debe reposar sobre un esfuerzo compartido de forma justa y eficaz con los más vulnerables. En efecto, de sobra ha llegado el momento de ser realista, si deseamos frenar la emergencia climática, y confrontar el hecho de que las riquezas del planeta como la Amazonía, el casco polar, la capa de ozono o el clima son responsabilidad de todos los países del planeta y no de los países donde se encuentran. Tanto más por cuanto que, en el actual sistema mundo, los países a los que esto incumbe no pueden protegerlas aunque lo quieran pues, aunque desde luego constituyan riquezas planetarias, por lo general no cotizan en bolsa, en este mundo absurdo que hemos construido. En este contexto, medidas de perspectiva decolonial, como la que concibió en Ecuador en 2007 el ministro de energía de Rafael Correa, Alberto Acosta, cobran sentido. Para terminar con la dependencia del país hacia la exportación de petróleo, Acosta concibe el Proyecto Yasumi ITT Ecuador (Ishpingo-Tambacocha-Tiputini), que se inserta en la mencionada voluntad de frenar la destrucción de la Amazonía. Se trataba de no explotar 3 pozos de petróleo situados en ella, que contenían 850 millones de barriles, a condición que Occidente compensase la pérdida pagándole a Ecuador la mitad de los beneficios perdidos. A la vez que entronca con una ideología autóctona que precede a la colonización, la idea de la Pachamama y del derecho de la naturaleza a ser protegida, dicho proyecto traduce una realidad de todos los países del Sur global: aunque deseen preservar las riquezas naturales planetarias, se encuentran insertos en un sistema-mundo capitalista que los dota de un margen de maniobra mucho menor que el de los antiguos países colonizadores.
Pese al carácter cada vez más dramático de la urgencia planetaria, y pese a la doble responsabilidad que, a causa de la empresa colonial, el Norte global tiene en la tarea de frenarla, menos del 3% del tiempo de debate de la actual campaña presidencial trata del clima y a menudo los que tratan de él se sitúan lejos de los prime time. Sin embargo, en Francia, el o la futur@ president.e.a de la Republica tendrá que recuperar el tiempo perdido en la lucha climática: al no respetar el tratado de París sobre el clima, Francia ha sido condenada por partida doble en 2021 por la justicia por sus deficiencias en materia climática. Como en otros asuntos, el mandato de Emmanuel Macron se ha distinguido por faltar a sus promesas.
La violencia de género es otro ámbito en el que Emmanuel Macron ha faltado lamentablemente a sus promesas. En primer lugar por no dedicarle a esa causa más que un secretariado de Estado al vicepresidente, concedido a la dudosa personalidad de Marlène Schiappa, encargada de la igualdad entre mujeres y hombres, en vez de un ministerio completo, dirigido por una personalidad con un recorrido intelectual y profesional lo bastante sólido como para emprender verdaderas reformas de fondo, estudiadas y audaces. Notemos que, en lo que respecta a la audacia, Marlène Schiappa, preocupada quizá por su permanencia en el gobierno, ni siquiera ha tenido la decencia de adoptar una postura ética y entera, coherente con su función, cuando estalló el caso Darmanin.
Y, mientras que el confinamiento ha aumentado el problema de la violencia de género, al reunir 24 horas al día y 7 días por semana a víctimas y maltratadores, y exacerbando los estallidos de éstos, la “gran causa del mandato” no ha sido más estudiada, al contrario incluso, no es sino gracias a las protestas de diferentes organismos y asociaciones como el teléfono de escucha dedicado a las violencias ha podido beneficiar de más amplias disponibilidades.
Somos much@s sin embargo l@s que deseamos que las distintas violencias dirigidas hacia las mujeres, las violencias de género, sean tratadas de forma más sistemática gracias a una ley marco que permita pensarlas todas, a la formación de magistrad@s y de abogad@s ya desde la facultad y a la generalización de la conciencia de este problema, gracias a la extensión de la especialización a distintas profesiones a través de la formación ya desde el Master (periodismo…).
Según una opinión generalizada, la ley marco española, votada en 2004 y llamada “Ley de medidas de protección integral contra la violencia de género” constituye una de las leyes más novadoras del mundo. Ha sido completada en 2017 con una ley “pacto de Estado” que contiene 290 medidas interministeriales. Dichas leyes se traducen, finalmente, en equipos de policía especializados para el seguimiento de los dosieres, tribunales especializados para tratar las violencias y en una protección completa e inmediata de la víctima. España también concede 17 veces más órdenes de alejamiento que Francia y dispone de un 33% más de alojamiento especializado. Se le destina un presupuesto más consecuente a esta causa, pues el gobierno español le dedica cada año 748 millones de euros, lo que representa 16 euros por año y habitante, contra 5 euros en Francia. El impacto sobre las cifras es innegable: mientras que en 2019 en Francia 146 mujeres y 25 niños habían sido asesinad@s por un marido o ex marido violento, en España se contaban sólo 49 feminicidios. Además, el número de feminicidos ha caído en un 25% en este país desde 2004. Si se consideran las cifras teniendo en cuenta la población de ambos países, se llega a constatar que las mujeres españolas mueren dos veces menos por los golpes de su compañero o ex compañero que las francesas. El cuadro no es sin embargo, cierto es, del todo idílico, pues especialistas como Marie-Pierre Bradé, del centro Hubertine Auclerc, señalan que España externaliza servicios de ayuda a las víctimas a estructuras privadas, un punto discutible. Con eso y todo, el Estado español ha realizado enormes progresos en ese ámbito, logrando sensibilizar a la opinión publica al problema de los feminicidos y también un mejor enfoque por los medios, sin hablar de la ingente caída del número de muertes en espacio de 15 años.
España ha tenido la buena intuición de adoptar ya desde 2004 una perspectiva feminista, escuchando a asociaciones y a especialistas y confiando el puesto de secretaria general de las políticas de igualdad en el seno del ministerio del Trabajo y los Asuntos Sociales a Soledad Murillo, una socióloga, investigadora, feminista y política, por tanto, a alguien experimentado que reflexionaba desde hacía mucho sobre esas problemáticas y se veía confrontada a ellas en varios aspectos. Así es como la ley de 2004 no habla ya de violencias intrafamiliares o de violencias en la pareja, sino de violencia de género. La ley no es, además, únicamente represiva, sino que compila la prevención de violencias en el plano jurídico, psicosocial y económico, y considera también los niños como víctimas directas. Por otra parte, al ser la ley pacto de Estado votada en 2017 el fruto de un consenso entre todos los partidos políticos, ha sido necesario un largo trabajo de sensibilización de la opinión publica que no ha podido sino cambiar el enfoque global de esas violencias.
Todo este trabajo jurídico también se traduce, como ya se dijo, en términos presupuestarios. Así es como regiones que no son especialmente ricas, y que no están especialmente pobladas, como Castilla-La Mancha (dos millones de habitantes), están dotadas de un presupuesto de 24 millones de euros, que le pisa los talones al presupuesto del ministerio de Igualdad francés, de 29 millones de euros. La diferencia de presupuesto tiene consecuencias evidentes: mientras que España tiene 8600 plazas de alojamiento especializado, Francia sólo posee 5000. Esos gastos permiten, por otra parte, poner en marcha herramientas inestimables: la plataforma Viogen, alimentada por las fuerzas del orden y por las instituciones que se hacen cargo de las mujeres víctimas de violencia machista, cuenta el número de víctimas, el número de denuncias, el número de órdenes de alojamiento pedidas y las concedidas, el número de apelaciones de las víctimas, datos todos que permiten tener un panorama más completo y por tanto reflexionar mejor sobre los medios para combatir el problema. Tanto es así que la plataforma también permite evaluar el nivel de peligro que corre la víctima, así como los momentos en que se encuentra más expuesta. El porcentaje de víctimas asesinadas que habían denunciado a su agresor pasó así del 75% al 20% entre 2009 y 2019. El porcentaje de condenas de hombres violentos es por lo demás dos veces mayor en España que en Francia.
En lo que respecta a los dispositivos de lucha contra este tipo de violencias se puede notar que, no sólo todas las comisarías españolas disponen de equipos especializados dedicados a esto, sino que Valencia posee incluso desde 2019 la primera comisaría dedicada en exclusiva a las mujeres víctimas de violencia machista. No todas las comisarías francesas disponen en cambio de brigadas específicas dedicadas a la protección familiar. Las mujeres víctimas de violencia pueden beneficiar también en España de más derechos sociales: asistencia jurídica gratuita, acompañamiento psicológico, ayudas económicas específicas, acceso prioritario a alojamientos sociales y casas de la tercera edad, movilidad geográfica en el ámbito profesional, organización específica de los horarios laborales así como la posibilidad de solicitar la suspensión temporal de su puesto de trabajo con mantenimiento del contrato.
La orden de alejamiento, la puesta en marcha de una línea telefónica de ayuda y la existencia del brazalete electrónico como dispositivo para alejar a los maridos violentos son medidas para las que Francia ya se ha inspirado de los dispositivos españoles. Los tribunales especializados, la plataforma Viogen y la creación de equipos de policía especializados en todas las comisarías del país serían otras medidas a adoptar.
La excesiva fragmentación de la cadena penal, que impide que se evalúen correctamente los casos, con lo que las violencias de género a menudo se encuentran minimizadas, constituye una fragilidad del modelo francés. Un examen completo del actual sistema, que considere los ángulos muertos y sobre todo solicite a verdaderos especialistas sería así necesario para llegar a una ley global como la española, que englobe todos los aspectos de la problemática, desde las violencias económicas hasta la situación de los niños, pasando por la sensibilización del conjunto de la sociedad. La orden de alejamiento de seis meses, contra los 30 días del sistema español, o un número de emergencia únicamente llevado por personas formadas para ello, cuyo único y verdadero trabajo es la escucha de ese tipo de víctima, son algunos puntos positivos del sistema francés. El caso de España demuestra no obstante que una voluntad política y un consenso social son necesarios para que se le dediquen a este problema presupuestos que permitan obtener verdaderos avances. A pesar de los efectos de anuncio del gobierno de Macron en este ámbito, con su “gran causa del mandato”, esa voluntad política parece todavía ausente en Francia.
Quizá la otra gran fragilidad del sistema francés, con la reticencia generalizada de su tradición intelectual a pensar la diferencia, sea la reticencia por decidirse a adoptar una perspectiva feminista para sumergirse en la lucha contra las violencias machistas. Sin embargo, no cabe duda que ello constituye un punto esencial, que ha incidido de forma definitiva en el avance español: desde el vocabulario utilizado para designar el fenómeno hasta los dispositivos concretos que se le dedican.
Una vez más, los debates que subyacen en esta elección presidencial aparecen desconectados no sólo de las preocupaciones, sino también de las verdaderas necesidades de la sociedad civil, así como de las responsabilidades reales de un dirigente, tanto hacia su pueblo como hacia el resto del planeta, cuando un@ pertenece a un país del Norte global. De este modo, una vez más la realidad es que no disponemos de verdader@ candidat@ que pueda encarnarlas y como mucho de algun@s que se le acercan. Si bien es cierto que algun@s de ell@s se encuentran vinculad@s por su formación a la izquierda de filiación marxista, es más su voluntad en tanto que individuos de abrirse al mundo y comprenderlo lo que les hace aproximarsele. Se puede pensar en Philippe Poutou, se puede pensar en Jean-Luc Melenchon, y es una pena que Christiane Taubira no haya proseguido al final el camino iniciado con la primaria popular. ¿Para cuándo verdaderas formaciones que emanen de la sociedad civil, cooperen de cerca con asociaciones y ONG y viajen incluso a otros países para pensar con mayor realismo nuestras responsabilidades en tanto que país del Norte global hacia los desafíos planetarios? De sobra ha llegado el momento de que lo real impregne por fin la política.
Agradezco a Greenpeace y a actu-juridique (Sophie Tardy-Joubert) los datos que han servido para dar cuerpo a esta reflexión.
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