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Billet de blog 23 août 2025

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Le rail et le monde

Des pays européens ont ouvert leurs compagnies nationales de chemin de fer à la concurrence, le tour de la France est venu. Je ne suis ni spécialiste ni cheminote, mais je suis arrière-petite-fille de cheminots et j’ai toujours ressenti ce moyen de transport comme un membre de la famille. Je sais qu’une vision du monde et de la société lui sont associées.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Septembre 2025

Depuis 2001, il était question d’avancer sous la houlette de l’Europe sur la voie de l’ouverture à la concurrence du chemin de fer. Le gouvernement néolibéral qui sévit en France depuis 2017 a décidé en 2018 de faire du zèle et d’opérer la privatisation du capital de la SNCF, la faisant passer d’établissement public à société anonyme. Il faut dire que le cadre général de ce changement est l’attaque systématique et virulente aux services publics, destinée officiellement à diminuer le déficit du PIB. Un choix en réalité qui se substitue à d’autres choix possibles, centrés sur l’humain, comme réévaluer la dépense annuelle des 211 milliards d’euros versés aux entreprises ou réduire les dispositifs destinés à l’optimisation fiscale des grands groupes et des plus riches, comme le suggérait Thomas Piketty. L’hôpital public semble être la prochaine malheureuse victime de l’épidémie…

En ce qui concerne le chemin de fer, on peut d’abord se demander si des changements structurels dans l’organisation sont réellement possibles. Puis, la question se pose de savoir en quelle mesure le choix de la privatisation fait par le gouvernement remplit véritablement l’objectif affiché d’améliorer les finances de l’Etat. Finalement, il faut signaler que, loin d’être un simple moyen de transport, le chemin de fer sous-tend toute une bataille civilisationnelle.

Parce qu’il est un transport guidé, il me semble tomber sous le sens que le chemin de fer demande naturellement un monopole. Les liens entre la voie et le matériel roulant sont si étroits du point de vue technique, que la sécurité du transport elle-même a conduit à ce que la plupart des entreprises ferroviaires aient été intégrées : elles géraient le réseau et exploitaient les trains tout à la fois. Or, comme l’ont montré, avant la France, l’Angleterre et l’Espagne, les privatisations confient le réseau à des gestionnaires indépendants des exploitants. Malheureusement, la séparation de ces deux dimensions constitue à elle seule un risque de dysfonctionnement. L’accident de 2000 à Hatfield, en Angleterre, avait été révélateur à ce propos : un déraillement s’était produit à la suite d’une négligence d’entretien évidente, puisque l’usure du rail l’avait fait exploser sous le poids du train à son passage. Depuis, au moins quatre autres déraillements ont été dus en Angleterre à une anomalie liée à l’infrastructure ferroviaire. Par sa logique, le privé tend de façon systématique à estimer peu rentables les investissements dans le tracé et à sous-investir. Son incompétence à gérer cette dimension du transport ferroviaire, inhérente, s’aggrave encore si l’on considère que le crédo libéral conduit à placer le réseau sous plusieurs responsabilités. Or, qui dit division dit inégalité de traitement, ce qui en termes ferroviaires revient à dire : danger.

Les considérations sur le tracé interrogent forcément sur les possibilités qu’a la réforme décidée par le gouvernement de remplir son objectif affiché, améliorer les finances de l’Etat. Un premier élément à signaler est que, à la suite de la libéralisation du réseau ferroviaire en 1993, l’Angleterre a dû reprendre dès 2001 les investissements dans le chemin de fer, pour compenser la faiblesse de placements des entreprises privées. Tant et si bien qu’un rapport du Centre de recherches sur le changement socioculturel de 2013 établissait que les dépenses publiques dans les réseaux ferroviaires avaient été multipliées par six depuis 1993. Cependant, outre la probabilité pour l’Etat français, déjà illustrée par l’Angleterre, de devoir compenser à terme financièrement les manquements du privé, séparer la gestion du tracé et l’exploitation du matériel roulant signifie aussi pour le chemin de fer séparer les frais existants et les rentrées de revenus. En effet, la plus grande dépense en matière ferroviaire ne vient pas de l’acquisition et entretien des locomotives, mais de la constitution et entretien du réseau. Or, c’est bien l’exploitation du matériel roulant qui génère le gros des revenus… A moins de vraiment manquer de discernement, on peut se demander en quelle mesure un gouvernement aux tendances libérales marquées et revendiquées n’a pas voulu en les séparant tout bonnement discréditer l’Etat -qui serait incapable de gérer correctement un pays- et la logique du service public -fatalement insensée- ainsi que bénéficier les grands groupes et éventuels futurs employeurs.

Par-delà les aspects sécuritaire et économique, la mise en place d’un réseau ferroviaire pèse sur l’évolution de tout le pays, en ce sens qu’il contribue à l’aménagement du territoire, recouvre encore une importance militaire stratégique et répond aux enjeux écologiques qui se dessinent depuis la fin du XXème siècle pour toute la planète. Une véritable bataille civilisationnelle sous-tend la question du chemin de fer.

Sur le plan économique comme sur celui de la défense militaire, l’importance du réseau ferroviaire vient du fait qu’il communique les territoires. Historiquement, tant en Angleterre qu’en France, le développement du chemin de fer et celui du pays vont de pair. A sa naissance, le transport ferroviaire etait étroitement associé à l’acheminement de minéraux et de matériel dans l’exploitation minière puis industrielle. En France, la première ligne est construite vers 1827, pour acheminer des houilles. En Europe, la période de plus grand développement du transport ferroviaire coïncide avec celle de la croissance engendrée par la deuxième révolution industrielle : de 1848 à 1914, la « Belle Epoque ». C’est en 1938 que naît la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), en tant que société mixte, propriété à 51% de l’Etat. Dès son origine, elle est confrontée à des bouleversements majeurs, avec l’avènement de la Deuxième Guerre Mondiale. Si d’aucuns s’interrogeaient sur les implications du réseau ferroviaire en matière de stratégie militaire, on peut rappeler que, dès le début, l’occupant a réquisitionné réseau et personnel, rendant officielle la possibilité de sanctionner celui-ci par des peines de mort, travaux forcés ou perpétuité.

De nos jours, le réseau ferroviaire pèse sérieusement sur l’aménagement du territoire, désenclavant les régions, structurant et façonnant le développement économique et humain du pays. Sur ce plan, un des premiers effets de la privatisation a été la fermeture massive de lignes secondaires, gérées depuis 1997 par la SNCF. Le secteur privé les a estimées peu rentables. En Espagne, où l’exode rural constituait un très grand problème avant la privatisation de RENFE, celle-ci a supposée ni plus ni moins qu’accroître le drame, les habitants des villages se retrouvant condamnés, soit à dépendre de la voiture, soit à être assignés à résidence.

Considérer ce qui se passe dans le pays voisin concrétise encore l’image qu’esquissait le sens commun face à la privatisation de la SNCF. L’image cauchemardesque d’un pays composé de noyaux urbains surdéveloppés et pollués et de steppes inhospitalières, là où on trouvait des villes équilibrées et des hameaux bien communiqués entrecoupés de verdure. Un peu le Mordor qui remplace la Comté.

Longtemps les campagnes françaises ont été vivables et même agréables, peuplées de jeunes comme de vieux et bénéficiant de tous les services de la ville. Les découpes budgétaires du gouvernement Sarkozy les ont entamées sérieusement : privées de services publics estimés peu rentables -tribunaux, hôpitaux, Postes-, elles devenaient moins hospitalières. Cela s’ajoutait au phénomène déjà amorcé des déserts médicaux, qui a été lui aussi grandissant. Maintenant, privées de leurs trains, les campagnes ne seront plus communiquées, ni entre elles ni avec la ville. Alors même que l’urgence écologique du réchauffement climatique nous indique que la solution passe par le réinvestissement des campagnes et l’indépendance des énergies fossiles, saurons-nous maintenir une France rurale comme celle que nous avions ? Une France vivante et diverse, lieu de sociabilité, où il ferait bon vivre ?

Le train est plus qu’un moyen de transport. Le train est une vision du monde et un choix civilisationnel. Il est l’élément central d’un mode de vie. Non seulement il est amené à jouer un rôle dans les possibilités pour la planète de faire face aux risques écologiques qu’elle confronte, mais il permettra -ou non- que se développe un certain type de société, solidaire, organique, intégrée, une société axée sur l’humain. Nous ne vivrons pas réellement sans le train et il nous sera difficile de restituer tous ses bénéfices une fois ceux-ci ôtés par les différentes réformes de privatisation. Ne les laissons pas faire. Sauvons le train.

Illustration 1
Illustration 2

Gustav Moreau, Le Victorieux Sphinx (détail), 1886.

Los rieles y el mundo

Algunos países europeos han privatizado las compañías nacionales de ferrocarril, le llega el turno a Francia. Ni soy especialista ni empleada, pero soy bisnieta de operarios del ferrocarril; ese medio de transporte siempre ha sido para mí como un miembro de la familia. Sé que conlleva una visión del mundo y de la sociedad.

Septiembre de 2025

Se hablaba desde 2001 de progresar, bajo auspicio de la U.E., en la privatización del ferrocarril. El gobierno neoliberal que administra Francia desde 2017 ha decidido en 2018 aplicarse y privatizar el capital de la SNCF, haciendo que pase de establecimiento público a sociedad anónima. El cambio se enmarca en un contexto de ataque sistemático y violento a los servicios públicos. Oficialmente, se propone disminuir el déficit del PIB. Una opción que en realidad prevalece sobre otras, centradas sobre lo humano, como reevaluar el gasto anual de 211 mil millones de euros abonados a las empresas o reducir los dispositivos destinados a la optimización fiscal de los grandes grupos y de los más ricos, como lo sugeria Thomas Piketty. El hospital público parece ser la próxima desgraciada víctima de la epidemia…

En lo que al ferrocarril se refiere, puede un@ en primer lugar preguntarse si los cambios estructurales en la organización son realmente posibles. Se plantea luego si la decisión del gobierno de privatizar alcanzará de veras el objetivo oficial de mejorar las finanzas del Estado. Finalmente, hay que tener en cuenta que, lejos de ser solo un medio de transporte, en el ferrocarril subyace una batalla cultural.

Parece de sentido común que, por ser un transporte dirigido, el ferrocarril sea un monopolio. Los vínculos entre la vía y el material ferroviario son tan estrechos desde el punto de vista técnico, que la propia seguridad del transporte ha llevado a que la mayoría de las empresas ferroviarias hayan sido integradas: mantenían la red y explotaban los trenes a la vez.  Como lo han demostrado antes que Francia Inglaterra y España, al contrario, las privatizaciones confían el cuidado de la red a unas empresas y su explotación a otras. Por desgracia, separar esas dos dimensiones constituye de por si un riesgo de disfuncionamiento. El accidente de 2000 en Hatfield, Inglaterra, fue revelador a ese propósito: un tren descarriló como consecuencia de una negligencia evidente de mantenimiento, pues un rail desgatado explotó bajo el peso del tren, a su paso. Desde entonces, al menos otros cuatros trenes han descarrilado en Inglaterra a causa de una anomalía vinculada a la infraestructura ferroviaria. Por sistema, la lógica de la empresa privada estima poco rentable invertir en el trazado e infraevalúa la inversión. Su incompetencia inherente para gestionar esa dimensión del transporte ferroviario se agrava si se considera que la ideología liberal conduce a confiar la red a varios responsables. Pero quien dice división dice traot desigual, lo que en términos ferroviarios viene a ser: peligro.

Considerar el trazado lleva forzosamente a interrogarse sobre las posibilidades de la reforma del gobierno de mejorar las finanzas del Estado. Algo que se puede señalar de entrada es que, tras la liberalización de la red de ferrocarriles en 1993, Inglaterra ha tenido que reinvertir a partir 2001 en el ferrocarril, para compensar la escasa inversión de empresas privadas. Tanto es así que un informe del Centro de investigación sobre el cambio sociocultural de 2013 establece que el gasto público en redes ferroviarias se ha multiplicado por seis desde 1993. Por otra parte, más allá de que sea probable que, como lo ha ilustrado Inglaterra, el Estado francés tenga que compensar en última instancia financieramente las deficiencias del sector privado, separar la gestión del trazado y la explotación del material rodante significa también separar los gastos de las ganancias. En efecto, en materia de ferrocarril el mayor gasto no lo produce la adquisición y manutención de las locomotoras, sino la constitución y conservación de la red. Sin embargo, es explotar el material ferroviario lo que genera mayores ganancias… Salvo que de veras le falle a un@ el entendimiento, cabe preguntarse en qué medida un gobierno de tendencias liberales marcadas y reivindicadas no ha buscado simplemente al separar ambas dimensiones desacreditar al Estado – que sería incapaz de administrar un país – y al servicio público – forzosamente ajeno a toda racionalidad – así como beneficiar a los holdings y a los futuros patronos.

Además de la seguridad y de la economía, hay que señalar que el trazado de la red ferroviaria incide sobre la evolución de todo el país, en el sentido en que participa en la organización del territorio, reviste una importancia militar estratégica y responde a los desafíos ecológicos que confronta el planeta desde finales del siglo XX. Una auténtica batalla cultural subyace en la cuestión del ferrocarril.

La importancia de la red ferroviaria en el plano económico y en el militar viene de que comunica el país. Históricamente el desarrollo del ferrocarril y el del país han ido parejos en Inglaterra y en Francia. Al nacer, el transporte ferroviario estaba estrechamente asociado al acarreo de minerales y material en la minería y la industria. En Francia, la primera línea se construyó hacia 1827, para acarrear carbón. En Europa, el periodo de mayor desarrollo de transporte ferroviario coincide con el del crecimiento engendrado por la segunda revolución industrial: de 1848 a 1914, la “Belle Epoque”. Es en 1938 cuando nace la Sociedad nacional de ferrocarril francés (SNCF), como sociedad mixta, propiedad a 51% del Estado. Confronta desde su nacimiento trastornos de primer orden, con la Segunda Guerra Mundial. Si alguien se preguntaba qué implicaciones podía tener la red de ferrocarriles en estrategia militar, debe saber que desde el primer momento el invasor requisó la red y el personal, oficializando que llegado el caso sancionaría a este con penas de muerte, trabajos forzados o cadena perpetua.

Hoy, la red de ferrocarril incide seriamente sobre la ordenación del territorio, conectando las regiones, estructurando y dando forma al desarrollo económico y humano del país. A ese propósito, uno de los primeros efectos de la privatización en el plano del territorio ha sido el cierre masivo de líneas secundarias, que la SNCF gestionaba desde 1997. El sector privado las ha estimado poco rentables. En España, donde ya desde antes de la privatización de RENFE el éxodo rural constituía un inmenso problema, esta ha supuesto ni más ni menos que aumentar el drama: los habitantes de los pueblos se han visto condenados, ya a depender del coche, ya a ser asignados a residencia.

Considerar lo que sucede en el país vecino concretiza la imagen que ya esbozaba el sentido común respecto de la privatización de la SNCF. La imagen de pesadilla de un país configurado por ciudades hipercrecidas y contaminadas y desérticas estepas, allí donde antes había ciudades equilibradas y aldeas bien comunicadas que alternaban con vegetación. Un poco como si Mordor remplazase a la Comarca.

Durante largo tiempo el campo francés fue vivible y hasta agradable, poblado por jóvenes y mayores y disponiendo de todos los servicios de la ciudad. Los recortes presupuestarios del gobierno de Sarkozy lo afectaron seriamente: privado de servicios públicos que supuestamente no eran rentables -tribunales, hospitales, correos-, se volvió más inhóspito. A ello se añadía el fenómeno ya en marcha de los desiertos médicos, que ha ido en aumento. Ahora, privado de trenes, el campo ya no va a estar comunicado, ni entre aldeas ni con las ciudades. Precisamente cuando la crisis ecológica del cambio climático nos indica que la solución implica regresar al campo y no depender de energías fósiles, ¿sabremos mantener una Francia rural como la que teníamos? ¿Una Francia viva y diversa, lugar de sociabilidad, donde se vive bien?

Mas que un medio de transporte, el tren es una visión del mundo y una alternativa cultural. Es el elemento central de un modo de vida. No solo va a permitir que el planeta enfrente los riesgos ecológicos que lo acechan, sino que permitirá -o no- que se desarrolle cierto tipo de sociedad, solidaria, orgánica, integrada, una sociedad centrada en lo humano. Sin el tren no viviremos en el pleno sentido de la palabra y nos será difícil restituir todas las ventajas que proporcionaba una vez las hayamos perdido, a causa de las distintas reformas de privatización. No les dejemos hacerlo. Salvemos el tren.

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