Londres, 24 septembre 2018
Mon cher Marcos:
Cela fera quinze jours ce dimanche que je suis à Londres. Le jour s’étire paresseux parmi les vapeurs du brouillard, dans la cheminée crépite un feu de bois, auprès de moi un grog refroidit. Les autochtones ont beau être réservés, j’ai réussi à fraterniser avec assez d’entre eux et mon anglais s’améliore de jour en jour. La ville est belle, tu en as sans doute déjà entendu dire du bien. Elle est divisée en sympathiques quartiers de personnalité très marquée, ce sont presque des villages. Je passe les journées entre l’étude, les déambulations dans les rues, la visite de musées, la flânerie et l’écriture. Parfois, je pense aussi à toi. Sans aller plus loin, l’autre jour j’ai eu l’occasion de prendre une bière dans l’un des vieux pubs londoniens emplis de gens à la sortie du travail, tu aurais tant aimé. Pas une épingle n’y tenait plus, les grosses voix et les éclats de rire rebondissaient sur les murs, la bière coulait à flots. J’ai demandé une New Castle. J’aurais aimé t’avoir en face pour la déguster. Voir ton visage d’enfant anticipant sa saveur, la mousse bordant tes lèvres. J’ai dû me satisfaire de la bataille de fléchettes de mes voisins.
Le quotidien est plaisant ici. J’étudie le matin, je travaille l’après-midi, j’écris toujours. En absence de véritables amis, j’ai au moins plusieurs camarades de sorties pour le week-end. Mary, une fille écossaise ; Angel, un Colombien ; Kate, 100% londonienne. Je passe néanmoins très longtemps seule, vaquant dans les rues, m’imprégnant de leur atmosphère bigarrée. Parfois je t’imagine à mes côtés, commentant un édifice, une vitrine, l’aspect de la rue. Tu donnes ton avis sur tout et sur rien, comme tu fais d’habitude ; tu m’expliques des choses ; m’arraches un baiser, à l’improviste. C’est douloureux et à la fois salutaire d’être ainsi séparés, bientôt tu pourras me raconter ton voyage d’entreprise à Genève. Tu es à Londres sans y être, comme une silhouette éternellement découpée sur la fenêtre de mon imagination ; comme une présence silencieuse dans les ténèbres de mes rêves. Dans les nuits d’insomnie, ton sourire clair, tes cheveux au vent, l’écho lointain de nos rires dans le clair de la forêt l’été au village me reviennent. Tout comme hier, je vois la paume de ta main onduler au dessus de ta tête et venir se poser sur ma joue, en un geste sûr et franc. Son tact rugueux glisse sur elle jusqu’à atteindre l’oreille, descend le long du cou, se pose sur mon épaule. Entendre ton rire, véritablement entendre ton rire, qu’est-ce que je ne donnerai pas pour entendre ton rire comme une mélodie se heurtant aux troncs et s’éloignant dans la broussaille. Il me faudra attendre.
J’espère que tu seras bien à Genève. Que les hommes d’affaires ne s’affairent pas trop, que tu auras pu manger du chocolat et arpenter la ville. Qu’est-ce que j’ai envie de t’entendre tout me raconter. Qu’est-ce que j’ai envie que tu me portes en toi comme une silhouette découpée sur la fenêtre de ton imagination ; comme une présence silencieuse dans les ténèbres de tes rêves. Il me faudra attendre pour retrouver mon reflet au fond de tes yeux.
Ici tout va bien et ira de mieux en mieux, j’espère. Il ne reste que quelques jours pour que je passe les premières épreuves du cours. J’ai commencé à regarder le prix des passages pour l’Ecosse, pour quand tu viendras me voir. Ils sont assez bon marché et la région est fascinante. J’aimerais faire une de ces routes des châteaux hantés, si tu le veux bien, et me blottir dans tes bras quand surviendront les fantômes. Tu me manques. J’espère que Genève te traite bien, que tu es heureux, que tu penses à moi et que tu pourras venir bientôt. Mille baisers.
Malena
Interludio : amore
Carta hallada en un parque...
Londres, 24 de septiembre de 2018
Mi querido Marcos:
Se cumplen este domingo los primeros quince días de invierno pasados en Londres. El día se estira perezoso entre vapores de niebla, en la chimenea crepita un fuego, junto a mí se enfría un grog. Por más que los autóctonos sean reservados, he conseguido ya fraternizar con suficientes y mi inglés mejora por instantes. La ciudad es bella, a buen seguro has oído decir cosas buenas de ella. Está dividida en barrios entrañables de marcadísima personalidad, que son poco menos que aldeas. Paso los días entre el estudio, vagar por las calles, ver museos, merodear, escribir. A veces, pienso también en ti. Sin ir más lejos, el otro día tuve ocasión de tomar una cerveza en uno de esos viejos pubs londinenses atestados de gente a la salida del trabajo, te habría encantado. No cabía un alfiler, los vozarrones y risotadas rebotaban en las paredes, la cerveza abundaba. Yo pedí una New Castle. Me hubiera gustado tenerte en frente para degustarla. Ver tu cara de niño anticipando su sabor, con la espuma mojándote los labios. Tuve que conformarme con la batalla de dardos de mis vecinos.
El día a día aquí es ameno. Estudio por las mañanas, trabajo por las tardes, siempre escribo. A falta de amigos reales, tengo ya varios compañeros de salidas para el fin de semana. Mary, una chica escocesa ; Angel, un colombiano ; Kate, 100% londinense. Paso sin embargo mucho tiempo sola, vagando por las calles, impregnándome con su ambiente abigarrado. A ratos te imagino a mi lado, comentando un edificio, una vitrina, el aspecto de la calle. Opinas sobre todo y sobre nada, como haces de costumbre ; me explicas cualquier invento ; me arrancas un beso, por sorpresa. Es doloroso y a la vez salutario estar separados, supongo, en breve podrás contarme cómo fue tu viaje de empresa a Ginebra. En Londres estás sin estar, como una silueta eternamente recortada en la ventana de mi imaginación ; como una presencia silenciosa en las tinieblas de mis sueños. En las noches de insomnio vuelve a mi mente tu sonrisa clara, tu melena al viento, el distante resonar de nuestras risas en el claro del bosque durante el verano en el pueblo. Como ayer, veo la palma de tu mano ondear sobre tu cabeza y posarse sobre mi mejilla, en un gesto seguro y franco. Su tacto rugoso se desliza sobre ella hasta alcanzar la oreja, baja por el cuello, se posa sobre mi hombro. Oír tu risa, realmente oír tu risa, cuánto daría por oír tu risa como una melodía golpeando los troncos y alejándose entre la maleza. Ahora mismo no podrá ser.
Espero que estés bien en Ginebra. Que los hombres de negocios no negocien demasiado, que hayas podido comer chocolate y pasear por la ciudad. Qué ganas de que me cuentes todo. Qué ganas de que me lleves como una silueta recortada en la ventana de tu imaginación ; como una presencia silenciosa en la tiniebla de tus sueños. Tendré que esperar para adivinar mi imagen en el fondo de tus ojos.
Por aquí todo sigue bien y mejor seguirá, espero. Apenas quedan días ya para que realice los primeros exámenes del curso. He estado mirando pasajes para Escocia, para cuando vengas a verme. Están bastante bien de precio y la región es fascinante. Me gustaría hacer una ruta de esas de castillos encantados, si te parece bien, y arrebujarme en tus brazos cuando salgan los fantasmas. Te echo de menos. Espero que Ginebra te trate bien, que seas feliz deambulando en sus calles, que pienses en mí y vengas pronto. Mil besos.
Malena