L’une des choses qui surprennent lorsqu’on s’attaque à un classique comme Le deuxième sexe, outre ce style dur et acéré jusqu’à l’inclémence qui a permis à son auteure de situer à l’époque « la femelle humaine » « entre l’homme et le castrat », est la flagrante actualité que possèdent toujours tant de ses pages. Simone de Beauvoir donc, que nous aurions aimé au fond moins clairvoyante, nous avait prévenues : « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne seront jamais acquis. Vous devrez rester vigilants votre vie durant ». Et nous y voilà, ce recul dans les droits des femmes, que beaucoup pointent depuis longtemps, s’est spécialement fait sentir dernièrement.
Bien évidemment, il y a Donald Trump : s’il est déjà désolant de se dire que tant d’hommes préfèrent apparemment voir à leurs côtés un être qui ne soit pas maître de ses décisions, il est peut-être encore plus désolant de se dire que 42% des femmes n’ont pas jugé rédhibitoires certaines des conceptions de Trump, ou certain de ses propos, dont le tristement célèbre concernant l’utilité de les « attraper par la chatte » qui a donné lieu au bonnet à oreilles de chat qui a servi de signe de ralliement aux manifestantes anti-Trump. Car les temps qui s’amorcent pour l’Amérique vont être durs. Comme à chaque recul des droits sociaux, ce sont d’abord les femmes qui prendront de plein fouet les plus graves atteintes, Trump a d’ores-et-déjà signé le premier décret qui doit amorcer la fin de l’Obamacare. Puis, suivent les questions qui ciblent plus spécifiquement les populations traditionnellement discriminées : la page dédiée aux droits LGBTI a d’ores-et-déjà été supprimée du site de la Maison-Blanche. Finalement on revient, au plus grand dépit des pionnières de ces luttes, sur la question si symbolique de l’avortement.
La marche des femmes qui a suivi l’investiture de Trump a déjà fait couler beaucoup d’encre et mobilisé beaucoup de pixels. Avec tout le respect que l’on doit au charisme de personnalités comme celles qui sont intervenues, l’image que je retiendrai à titre personnel de cette marche est celle d’une femme anonyme. Elle devait facilement être âgée de soixante-dix ans. Sous son bonnet rose à oreilles de chat, des yeux inquiets se levaient dans son visage ridé, rivés sur l’oratrice du moment, ils étaient remplis de larmes. C’est l’image de cette pionnière, fatiguée et encore debout, pour ses petites filles, pour sa dignité d’être humain à part entière, que je garderai quant à moi. Que l’avortement est une question de pouvoir sur le corps des femmes c’est quelque chose qu’elle ne sait que trop bien, elle qui a dû aider des adolescentes ou des femmes avec des problèmes économiques mises en demeure de donner la vie, une vie qui sera au rabais car les prétendus défenseurs de la vie puisent rarement dans leur compte bancaire pour assurer son correct épanouissement.
Le hasard des choses fait que à peine quelque temps avant l’investiture de Trump, à l’autre extrême du globe, un projet de loi visant la dépénalisation partielle des violences intrafamiliales ait été approuvé en première lecture par la Duma russe, par 368 votes pour contre un seul contre. Le texte était porté par Yelena Mizulina, une députée ultraconservatrice du parti de Vladimir Poutine pour laquelle « dans la famille traditionnelle russe, la relation père-fils se construit sur l’autorité des parents » et « les lois devraient soutenir cette tradition familiale ». De ce fait, le texte prévoit que la première agression d’un parent sur un membre de la famille ne soit pas considérée comme un délit et soit simplement punie d’une amende de 500 euros et d’entre dix et quinze jours d’emprisonnement commuables en heures de travaux d’intérêt général. Ce n’est que si une deuxième agression se produit dans le laps de temps d’un an, que cela sera considéré comme un délit. Bien que cette loi suscite l’opposition et qu’il lui reste encore du chemin à parcourir avant d’être définitivement approuvée, il n’en demeure pas moins qu’elle dit beaucoup, d’ores et déjà, des conceptions des relations de pouvoir et de l’angélisme qui affecte le patriarcat. En effet, si cette loi devait voir le jour en Russie, elle supposerait un recul qui aurait pu sembler invraisemblable il y a quelques années : non seulement elle plongerait dans une grande vulnérabilité toutes les victimes de violences intrafamiliales, mais elle validerait en outre des schémas sociaux à propos de la nécessité d’asseoir une autorité et des moyens pour parvenir à le faire, qui sont en dernière instance le déclencheur même des violences (1).
Revenant plus près, aux joies de la présidentielle qui s’amorce, force est de reconnaître que le panorama n’induit pas non plus à l’abandon confiant. Bien que n’ayant pas officiellement l’intention de restreindre ce droit, les tergiversations de François Fillon concernant l’avortement sont connues, avec un historique de plusieurs votes contre différentes avancées lorsqu’il était député (2), et une attitude de réserve alors qu’il était interrogé sur la présence à la marche anti IVG du dimanche 22 janvier de plusieurs membres du mouvement Sens Commun, qui l’a soutenu, dont la plus médiatique est sa porte-parole, Madeleine Bazin de Jessey, également pressentie comme ministre. D’autre part, bien que du côté socialiste des avancées aient été enregistrées durant la législature, n’oublions pas que le dispositif des ABCD de l’égalité devant lutter contre les stéréotypes filles-garçons avait été remplacés par un plan d’action pour l’égalité filles et garçons quelque peu moins ambitieux, sous la pression notamment d’une partie de la droite et de l’extrême droite qui, dans la mouvance d’opposition au mariage pour tous, les avait combattu en ayant recours d’ailleurs aux rumeurs les plus absurdes.
Si de façon générale il n’a jamais été question de restreindre la participation dans les grandes organisations internationales des pays ne respectant pas les droits élémentaires des femmes, le temps politique serait donc en outre, pour peu qu’on s’en désintéresse, plus au recul qu’à l’avancée.
(1) Les derniers chiffres recueillis, en 2008, faisaient état d’entre 12.000 et 14.000 féminicides au sein du couple dans l’année.
(2) En 1982 il vote contre le remboursement par l’assurance-maladie ; en 1993 contre la création du délit d’entrave à l’IVG ; en 2001 contre l’allongement du délai à douze semaines de grossesse ; en 2016 contre la suppression du délai de réflexion. Il vote en 2014 pour la résolution réaffirmant le droit à l’IVG en France et en Europe. Il s’abstient lors du vote de la suppression de la notion de détresse.
No olvidéis nunca…
El retorno masivo de los conservatismos conlleva, como no podía ser de otro modo, un retroceso potencial de los derechos de las mujeres que se ha dejado sentir con más fuerza últimamente.
Una de las cosas que sorprenden al leer un clásico como es El segundo sexo de Simone de Beauvoir, además de aquel estilo duro y acerado hasta la inclemencia que le hizo situar en aquella época a la “hembra humana” “entre el hombre y el castrado”, es la rabiosa actualidad que siguen teniendo tantas de sus páginas. Simone de Beauvoir, pues, cuya clarividencia hubiésemos preferido que fuese menor, nos había alertado : “No olvidéis nunca que bastará con una crisis económica, política o religiosa para que los derechos de las mujeres corran peligro. Esos derechos nunca estarán definitivamente adquiridos. Tendréis que permanecer alerta toda vuestra vida”. Últimamente ese retroceso en los derechos de las mujeres que muchos señalan hace tiempo se ha manifestado con más fuerza.
Por supuesto, está Donald Trump : si ya es desolador pensar que tantos hombres prefieren aparentemente ver a su lado a un ser que no sea dueño de sus decisiones, es quizá aún más desolador pensar que un 42% de las mujeres no ha encontrado redhibitorias algunas de las concepciones de Trump, o algunas de sus afirmaciones, entre las cuales la tristemente célebre a propósito de lo oportuno de “agarrarlas por el coño” que ha dado lugar al gorro con orejas de gato, signo distintivo para las manifestaciones organizadas por mujeres contra Trump. Pues los tiempos que se avecinan van a ser duros para Estados Unidos. Como en cada retroceso de los derechos sociales, las mujeres serán las primeras afectadas, Trump ya ha firmado el primer decreto que debe empezar el desmantelamiento del Obamacare. Seguirán las cuestiones aferentes a grupos tradicionalmente discriminados : la sección dedicada a los derechos LGTBI ya ha desaparecido de la página web de la Casa Blanca. Finalmente se vuelve, para el profundo desanimo de las pioneras de esas luchas, sobre el tan simbólico tema del aborto.
La marcha de las mujeres que siguió a la investidura de Trump ya ha hecho correr mucha tinta y movilizado muchos pixeles. Con todo el respeto que se le debe al carisma de personalidades públicas como las que intervinieron, la imagen que yo, a título personal, conservaré de esa marcha es la de una mujer anónima. Debía tener unos setenta años. Bajo su gorro rosa con orejas de gato, unos ojos inquietos en el rostro arrugado permanecían fijados sobre la oradora del momento, de ellos desbordaba una lágrima. Es la imagen de esa pionera, cansada y aún de pie, por sus nietas, por su dignidad de ser humano, la que yo conservaré. Que el aborto es una cuestión de poder sobre el cuerpo de las mujeres es algo de lo que no es sino demasiado consciente, ella que ha debido de ayudar a adolescentes o a mujeres en dificultades económicas forzadas a dar la vida, una vida que será de segunda puesto que los supuestos defensores de la vida rara vez ayudan a mantenerla apelando a su cuenta corriente.
Un curioso azar hace que apenas unos días antes de la investidura de Trump, en el otro extremo del mapamundi, un proyecto de ley cuyo objetivo es despenalizar las violencias intrafamiliares haya sido aprobada en primera lectura por la Duma rusa, por 368 votos a favor y sólo uno en contra. El texto era portado por una diputada ultraconservadora del partido de Putin, Yelena Mizulina, que argumentaban que “en la familia tradicional rusa, la relación padre-hijo se construye sobre la autoridad de los padres” y “las leyes deberían apoyar la tradición familiar". En consecuencia, el texto prevé que la primera agresión de un progenitor sobre uno de los miembros de la familia no sea considerada un delito y sea simplemente sancionada con una multa y entre diez y quince días de arresto, conmutables en trabajo social. Sólo si una segunda agresión se produce en el lapso de un año, será considerada delito. Aunque esta ley suscita una viva oposición y le quede aún camino por recorrer antes de ser definitivamente aprobada, no obsta para que el simple hecho de que haya pasado esta etapa diga mucho a propósito de las concepciones de las relaciones de poder en el seno de la familia y del angelismo que afecta al patriarcado. En efecto, si esa ley viese finalmente el día en Rusia, supondría un retroceso que habría podido parecer inverosímil hace algunos años : no sólo sumiría en una situación de gran vulnerabilidad a todas las víctimas de violencias intrafamiliares, sino que validaría además esquemas sociales a propósito de la necesidad de ejercer una autoridad y de los medios para conseguirlo que son en última instancia el propio desencadenante de las violencias (1).
Volviendo a Francia y a la campaña presidencial que se inicia, hay que reconocer que, como en otros ámbitos, el panorama tampoco induce a un abandono confiado. Aunque según sus propias declaraciones no tenga la intención de restringirlo en absoluto, las tergiversaciones de François Fillon respecto al derecho al aborto son conocidas, con una historia de diversos votos en contra de sucesivos avances cuando era diputado (2), y una actitud de reserva al ser interrogado a propósito de la asistencia a la manifestación antiabortista organizada el 22 de enero de varios miembros del movimiento Sentido Común, que lo ha apoyado, entre los cuales la más mediática era su portavoz, Madeleine Bazin de Jessey, también posible futura ministra. Por otra parte, aunque varios avances hayan sido registrados durante la legislatura socialista en el plano de la igualdad, no olvidemos que el dispositivo de los ABCD de la igualdad, que debía servir para luchar contra los estereotipos de género, ha sido reemplazado por un plan de acción en pro de la igualdad algo menos ambicioso, sobre todo a causa de la presión ejercida por una parte de la derecha y de la extrema derecha que, dentro de la dinámica generada por la oposición al matrimonio homosexual, los había combatido recurriendo incluso a rumores del todo absurdos.
Si de manera general nunca ha estado a la orden del día restringir la participación en las grandes organizaciones internacionales de los países que no respeten los derechos básicos también de las mujeres, el tiempo político parece estar por otra parte más en pos del retroceso que del avance, por poco que no se le preste la debida atención.
(1) Las últimas cifras recogidas, en 2008, estimaban a entre 12.000 y 14.000 el número de feminicidos en el seno de la pareja.
(2) En 1982 votó contra la devolución por la seguridad social ; en 19893 contra la creación del delito de obstaculización al aborto ; en 2001 contra la extensión del plazo a doce semanas de embarazo ; en 2016 contra la supresión del plazo de reflexión. En 2014 votó a favor de la resolución que reafirmaba el derecho al aborto en Francia y en Europa. Se abstuvo en el momento del voto de la supresión de la noción de desamparo.