Sara Calderon (avatar)

Sara Calderon

Enseignante-chercheuse

Abonné·e de Mediapart

171 Billets

0 Édition

Billet de blog 26 novembre 2016

Sara Calderon (avatar)

Sara Calderon

Enseignante-chercheuse

Abonné·e de Mediapart

Violence d’Etat ?

Le refus de mise en liberté conditionnelle de Jacqueline Sauvage est une mauvaise nouvelle, pour elle comme pour la valeur symbolique qui est la sienne.

Sara Calderon (avatar)

Sara Calderon

Enseignante-chercheuse

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La cour d’appel de Paris a rejeté récemment la demande de mise en liberté conditionnelle de Jacqueline Sauvage, à laquelle le parquet ne s’était pas opposé. Par une ironie du sort, c’était le 24 novembre, à la veille de la Journée internationale pour l’élimination des violences faites aux femmes, et c’était pire qu’un non : c’était l’énième humiliation publique subie par cette femme aux mains d’une justice qui pourrait en avoir maintenant à découdre avec le président de la République.

En effet, les motifs donnés par les juges qui ont été transmis à la presse par les avocates de Jacqueline Sauvage reprenaient pour la plupart ceux déjà employés par le tribunal d’application des peines de Melun, alors même que les avocates de Jacqueline Sauvage en avaient tenu compte et avaient modifié leur démarche. Certains montrent un paternalisme et une méconnaissance des mécanismes usuels dans ce type de violences gênants chez un représentant judiciaire de l’Etat ; un autre encore laisse entrevoir une problématique qu’il aurait été souhaitable que l’institution règle sans faire de victimes collatérales.

A Melun comme à Paris, les arguments auraient été avancés que Jacqueline Sauvage n’avait pas cherché d’autre solution que de tuer son mari et qu’elle n’avait pas réfléchi à son geste. Les deux montrent une méconnaissance des phénomènes de l’emprise et de la dissociation qui accompagnent la plupart des violences machistes à mon sens incompatibles avec une justice digne de ce nom (1). Lors du premier refus de mise en liberté conditionnelle, il lui avait aussi été dit qu’elle ne réussirait pas à sortir de sa position de victime si elle retournait vivre à une telle proximité des lieux des faits, chez sa fille, surtout compte tenu de la surmédiatisation de son cas. Bien qu’ayant cette fois proposé un autre lieu de résidence plus éloigné, chez son autre fille, à Bordeaux, cette même objection qu’elle continuait à se poser en victime et qu’elle peinait à accéder à un réel sentiment de culpabilité a continué à lui être faite.

Que ce soit de la méconnaissance ou de la mauvaise foi, il est scandaleux que la justice tienne ce discours à quelqu’un ayant subi de violences pendant plusieurs décennies. Cela ne fait que confirmer le discours que l’agresseur lui aura tenu toute sa vie pour légitimer ses violences et l’emprisonner psychiquement -« tu es une moins que rien », « tu ne vaux rien », « tu n’es rien sans moi », « qui voudra de toi si ce n’est moi, qui te supporte » alternés de « tu ne te rends pas compte d’à quel point tu me fais souffrir » « tu ne te rends pas compte d’à quel point il m’est difficile de te corriger » – et risque par là même de ne pas l’aider du tout à sortir de la perception qu’il aura fini par lui inculquer après plus de 40 ans de rabâchage, surtout si celui-ci a été renforcé par des violences physiques. D’autre part, bien que Jacqueline Sauvage ait tué son mari et bien que cela soit la mauvaise solution, il n’en demeure pas moins que Jacqueline Sauvage a bien été victime de violences dans le déroulement desquelles les institutions et la société ont leur part : par l’absence totale de campagnes de prévention vulgarisant les mécanismes de ces violences qui tuent tout de même chaque année environ 130 femmes en France ; par le fait que, niant leur souffrance ou la leur attribuant, le social redouble bien souvent la violence psychique exercée par l’agresseur qui ôte ses moyens à la victime.

Le dernier argument des juges transmis à la presse, affirmant que la grâce partielle du président a été néfaste à Jacqueline Sauvage, aura au moins le mérite de laisser transparaître, ne serait-ce que sur le mode du lapsus, le véritable fond de la question : une justice qui ne veut pas être remise en question par la grâce partielle du président. Que les magistrats soient mécontents que  l’usage « digne de l’ancien régime » de la grâce présidentielle subsiste est une chose, que le terrain le plus propice pour régler l’affaire soit la décision portant sur la mise en liberté conditionnelle d’une détenue en est une autre, me semble-t-il.

Il est bien dommage que, plutôt que pour régler ses comptes, le système judiciaire n’ait pas saisi l’occasion justement pour remettre en question un fonctionnement qui fait que des femmes comme Jacqueline Sauvage puissent passer tant d’années en pareilles situations ; un fonctionnement qui n’empêche pas que, parmi les plus de 100 femmes qui meurent tous les ans en France aux mains de leur conjoint ou ex-conjoint, il s’en trouve qui avaient porté plainte. Le cas le plus ébruité en ce sens, celui porté par le procès contre l’Etat engagé par l’avocate de Cathy Thomas amènera peut-être enfin une réflexion de fond : Cathy Thomas avait vu disparaître en 2014 sa sœur et ses parents, assassinés par l’ex compagnon violent de celle-ci, alors même qu’elle était en attente de procès et qu’elle avait signalé à quatre reprises à la police le harcèlement et la transgression de l’ordre d’éloignement auxquels il s’était livré.

Il serait grand temps que la police et la justice abordent les violences faites aux femmes en tenant compte de leur spécificité. L’emprise, la dissociation, le fait que c’est au moment de la séparation où le meurtre a le plus de probabilités d’avoir lieu… autant de choses que quiconque s’étant intéressé à ces violences a en tête et qui demeurent cependant en dehors des procédures mises en marche par les institutions. Ce refus de mise en liberté conditionnelle est dommageable pour Jacqueline Sauvage. Par la façon dont l’institution se dédouane totalement de ces processus, il constitue en outre un message fort envoyé aux hommes violents et il n’est pas tolérable que pour une question d’orgueil mal placé l’institution mette finalement un peu plus en danger des femmes qu’elle peine déjà à protéger.

(1) J’avais déjà abordé ces problématiques dans mon premier billet sur ce sujet « De la nécessité d’une volonté politique pour stopper les violences de genre», https://blogs.mediapart.fr/sara-calderon/blog/010916/de-la-necessite-d-une-volonte-politique-pour-stopper-les-violences-de-genre

¿Violencia de Estado ?

Que la libertad condicional le haya sido denegada a Jacqueline Sauvage es una mala noticia, tanto por ella como por el valor simbólico que tiene el gesto.

El tribunal de apelación de París le ha denegado la puesta en libertad condicional a Jacqueline Sauvage, a la cual la fiscalía no se había opuesto. Por una ironía del destino, sucedía un 24 de noviembre, la víspera del día internacional para la eliminación de las violencias machistas, y era peor que un no : era la enésima humillación pública sufrida por esta mujer a manos de una justicia que ahora podría tener que ajustar cuentas con el presidente de la República.

En efecto, los motivos avanzados por los jueces y transmitidos a la prensa por las abogadas de Jacqueline Sauvage retomaban la mayoría de los que ya fueron empleados por el tribunal de aplicación de penas de Melun, aún cuando las abogadas de Jacqueline Sauvage los habían tenido cuenta y habían modificado su proceder. Algunos muestran un paternalismo y un desconocimiento de los mecanismos usuales en este tipo de violencia deplorables en un representante judicial del Estado ; otro más deja intuir una problemática que habría sido deseable que la institución solucionase sin víctimas colaterales.

Tanto en Melun como en París, se ha argumentado que Jacqueline Sauvage no había buscado otra solución que la de matar a su marido y que no había reflexionado sobre su gesto. Ambos argumentos muestran un desconocimiento de los fenómenos del dominio y de la disociación que acompañan a la mayoría de las violencias machistas incompatible a mi modo de ver con una justicia digna de ese nombre (1). Cuando le fue denegada por primera vez libertad condicional, se le reprochó que no consiguiría salir de su posición de víctima si se iba a vivir tan cerca del lugar de los hechos, a casa de su hija, sobre todo habida cuenta de la sobremediatización de su caso. Aunque sus abogadas han propuesto esta vez otro lugar de residencia más alejado, en casa de su otra hija, cerca de Burdeos, se le ha hecho la misma objeción de que seguía posicionándose en un papel de víctima y que no lograba acceder a un real sentimiento de culpabilidad.

Que sea desconocimiento o mala fe, es del todo escandaloso que la justicia dirija semejante discurso a alguien que ha sufrido violencias durante varias décadas. Refuerza el discurso que su agresor le habrá proporcionado toda su vida para legitimar sus violencias y aprisionarla psíquicamente –“eres menos que nada”, “no vales nada”, “sin mí no eres nada” “quién te va a aguantar sino yo” alternados de “no te das cuenta de hasta qué punto me haces sufrir” “no te das cuenta de lo difícil que me es pegarte”- y corre por tanto el riesgo de no ayudarla para nada a salir de la percepción que éste habrá conseguido inculcarle después de más de 40 años de reiterárselo, sobre todo si ha sido reforzado con tantas violencias físicas. Por otra parte, aunque Jacqueline Sauvage haya matado a su marido y aunque eso fuera la solución equivocada, no obsta para que ella haya sido en efecto víctima casi toda su vida de violencias en cuyo desarrollo tanto las instituciones como la sociedad tienen parte de responsabilidad : por la ausencia total de campañas de prevención que vulgaricen los mecanismos de violencias que matan todos los años a alrededor de 130 mujeres en Francia ; por el hecho de que, al negar su sufrimiento o al atribuirle la responsabilidad, la sociedad redobla a menudo la violencia psíquica ejercida por el agresor que contribuye a impedir defenderse a la víctima.

El último argumento avanzado por los jueces y transmitido a la prensa afirmaba que el indulto parcial del presidente le ha sido nefasto a Jacqueline Sauvage. Tendrá al menos el mérito de dejar intuir, así sea a modo de lapsus, el verdadero fondo de la cuestión : una justicia que no quiere ser cuestionada por el indulto presidencial. Que los magistrados no estén contentos con que siga existiendo el recurso del indulto “digno del antiguo régimen” es una cosa, que el terreno más propicio para solucionar la cuestión sea la decisión a propósito de la concesión de libertad condicional a una imputada es otra.

Es una pena que, en lugar de para ajustar cuentas, el sistema judicial no haya aprovechado la ocasión justamente para cuestionar un funcionamiento que lleva a que mujeres como Jacqueline Sauvage puedan pasar tantos años en semejantes situaciones ; un funcionamiento que no impide que, de las más de 100 mujeres que mueren todos los años en Francia a manos de su compañero o ex compañero, las haya que habían puesto denuncia. El caso que mayor repercusión ha alcanzado, el que desemboca en la denuncia interpuesta contra el Estado por la abogada de Cathy Thomas, quizá traiga por fin una reflexión de fondo : Cathy Thomas había visto desaparecer en 2014 a su hermana y a sus padres, asesinados por el ex compañero violento de ésta, aún cuando ella estaba a la espera de ir a juicio y había señalado cuatro veces a la policía el acoso y la transgresión de la orden de alejamiento que él había perpetrado.

Sería hora de que la policía y la justicia aborden las violencias machistas teniendo en cuenta su especificidad. El dominio, la disociación, el hecho de que es en el momento de la separación cuando más probabilidades existen de que haya homicidio…. son cosas que cualquiera que se interese por estas violencias tiene en mente y que siguen sin embargo al margen de los protocolos de actuación puestos en marcha por las instituciones así como de sus enfoques. Denegarle la puesta en libertad condicional a Jacqueline Sauvage es algo con repercusiones para ella. Por la manera en que la institución obvia del todo sus responsabilidades en este tipo de dinámicas, constituye además un mensaje fuerte enviado a los maltratadores y no es tolerable que por una cuestión de orgullo mal situado la institución ponga finalmente un poco más en peligro a mujeres que ya protege con dificultad.

(1) Ya había abordado estas problemáticas en el primer artículo sobre este tema « De la nécessité d’une volonté politique pour stopper les violences de genre», https://blogs.mediapart.fr/sara-calderon/blog/010916/de-la-necessite-d-une-volonte-politique-pour-stopper-les-violences-de-genre

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’auteur n’a pas autorisé les commentaires sur ce billet