Elle était née à la croisée de chemins ; à la croisée de temps ; de courants d’idées ; dans l’une de celles superpositions d’univers qui, comme dans L’invention de Morel coexistent sans se mélanger complètement. C’est peut-être ce qui l’avait toujours fait paraître différente, c’est peut-être pour cela qu’elle avait appris très tôt que presque tout est relatif, peut-être pour cela que depuis l’âge de quatre ans l’intolérance lui paraissait la plus grande des aberrations, sans doute la plus grande preuve de stupidité qu’elle puisse imaginer. A quoi bon s’exciter et s’énerver pour quelque chose qui est ainsi dans ce point de précis du temps et de l’espace, mais qui aurait pu être tout autrement dans un autre, quelque chose qui n’a pratiquement pas de sens, qui est à peine plus qu’une mode ou un caprice ? Convaincue de cela, elle passa très tôt par l’existence en regardant avec distance, lorsque ce n’était pas avec flegme déclarée, la plupart des identités de groupe. Sans être individualiste, car elle croyait fermement aux possibilités qu’offre la solidarité humaine, très tôt elle avait trouvé absurde ce besoin de sécurité qui touchait tant de ses congénères, besoin de ne pas se sentir seuls sur terre, s’agrippant du mieux qu’ils pouvaient à d’autres dans une sorte d’hologramme autoinduit qui leur rendait l’existence plus supportable.
La vie l’avait mené très tôt sur des chemins qui bifurquent. Dépourvus d’exotisme particulier, cela est vrai, mais les êtres humains sont comme des fourmis et il n’est nul besoin de voyager bien loin pour croiser des coutumes, des façons de faire, des dialectes, des pratiques… Déracinée, elle allait et venait, portée par le vent, elle observait, enregistrait, pensait, méditait, s’emplissait de contenus. A force de parcourir des kilomètres dans l’espace, dans le temps, dans les cultures, elle était définitivement spécifique, elle avait l’âme comme une résille, ou comme une fenêtre orientale à jalousie, une âme qui déplaît aux individus qui craignent la vie et s’agrippent aux identités de groupe.
Un jour, qui sait pour quelles raisons, elle souhaita se fixer, tard peut-être, qui sait, un jour où il n’était plus possible de modifier son âme de résille. Elle avait essayé de l’expliquer, cela ne fut pas possible et des centaines d’individus s’attelèrent à la tâche de l’éduquer, chacun à l’âme absolue, grandiose et définitivement sublime de sa microsphère. C’est alors qu’elle comprit que son existence constituait un danger ; que la plupart des identités de groupe n’existent que si elles parviennent à maintenir l’hologramme. Que deviendraient-ils sans leur fantaisie de sécurité ? Une poignée d’individus exposés à l’inclémence d’une vie qui n’a que le sens que chacun pourra lui donner.
Horrifiée par cette furie qui déjà à l’âge de quatre ans lui paraissait stupide, elle se retrouva, sans plus de drames, de nouveau suspendue dans le vent, perplexe, sentant la brise.
Nube del desierto
Había nacido en un cruce de caminos ; un cruce de tiempos ; de ideas ; una de esas superposiciones de universos que, como en La invención de Morel coexisten sin acabar de mezclarse. Quizá es por eso que siempre pareció diferente, quizá es por eso que muy pronto aprendió que casi todo es relativo, quizá es por eso que ya desde los cuatro o cinco años la intolerancia le pareció el mayor de los sinsentidos, probablemente la mayor prueba de estupidez que ella pudiera imaginar. ¿Para qué excitarse y enervarse por algo que en este punto del espacio y del tiempo es así, pero que bien pudiera haber sido de cualquier otra manera en otro, algo que prácticamente no tiene sentido, que es poco más que una moda o un capricho? Convencida de esto, muy pronto pasó por la existencia mirando con distancia, cuando no con flema declarada, la mayoría de las identidades grupales. Sin ser individualista, pues creía firmemente en la solidaridad humana, muy pronto le pareció del todo absurda esa necesidad de seguridad que afectaba a tantos, de no sentirse solos en el universo aferrándose lo mejor que podían a otros en una suerte de holograma autoinducido que les hacía más soportable la existencia.
La vida la llevó pronto por sendas bifurcantes. Sin exotismos particulares, bien es cierto, pero los seres humanos son como hormigas y no hace falta viajar muy lejos para cruzar costumbres, modos, dialectos, prácticas… Sin raíz, iba y venía, portada por el viento, observaba, registraba, pensaba, meditaba, se llenaba de contenido. A fuerza de recorrer kilómetros espaciales, temporales, culturales definitivamente era específica, tenía el alma de rejilla, o de celosía, un alma que no gusta a individuos temerosos de la vida aferrados a identidades grupales.
Quien sabe por qué quiso fijarse un día, quizá tarde, quién sabe, un día en que ya no era posible modificar su alma de rejilla. Intentó explicarlo, no fue posible y cientos de individuos se dieron a la tarea de educarla, cada quien al alma absoluta, grandiosa y definitivamente sublime de su microesfera. Fue entonces cuando entendió que su propia existencia era un peligro ; que la mayoría de las identidades grupales sólo existen si consiguen mantener el holograma. ¿Qué serían sin su fantasía de seguridad? Un puñado de individuos expuestos a la inclemencia de una vida que sólo tiene el sentido que cada quien pueda darle.
Horrorizada por aquella furia que ya a los cuatro años le parecía estúpida, volvió sin mayores dramas a quedar suspendida en el viento, perpleja, sintiendo la brisa.