Sara Calderon (avatar)

Sara Calderon

Enseignante-chercheuse

Abonné·e de Mediapart

171 Billets

0 Édition

Billet de blog 28 octobre 2016

Sara Calderon (avatar)

Sara Calderon

Enseignante-chercheuse

Abonné·e de Mediapart

Tout pour les femmes... sans les femmes?

L’annonce, presque coup sur coup, du choix de Wonder Woman comme figure centrale d’une campagne de l’ONU pour l’émancipation des femmes, et de celui d’un homme, Antonio Gutierres, pour nouveau secrétaire général de l’organisation soulève des questions latentes autour de la place que les femmes occupent et doivent occuper dans leur propre émancipation.

Sara Calderon (avatar)

Sara Calderon

Enseignante-chercheuse

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La confluence ces derniers jours de plusieurs nouvelles concernant l’ONU et ses politiques envers les femmes refont songer à la question de la place que les femmes occupent et peuvent occuper sur le plan politique et sur celui des organisations internationales. En effet, c’est le 21 octobre que l’annonce officielle du choix du personnage Wonder Woman comme « ambassadrice honoraire pour l’émancipation des femmes et des filles » a été faite, suscitant un important mouvement de contestation au sein de l’organisation ainsi qu’à l’extérieur. L’annonce, qui coïncide avec le 75e anniversaire du personnage, constitue aussi le lancement d’une campagne d’un an sur le thème de l’égalité et de l’émancipation des femmes et des filles. Elle suit la notification faite quelques jours plus tôt de l’élection par le Conseil de Sécurité d’Antonio Gutierres comme nouveau secrétaire général de l’ONU. Plusieurs femmes très qualifiées comptaient parmi les candidats à ce poste et de nombreuses voix sollicitaient qu’une femme y soit promue, le fait que l’élection se soit déroulée, malgré les promesses de transparence, dans l’opacité habituelle, au sein d’un Conseil surtout composé d’hommes, a donc suscité un profond malaise.

L’ensemble soulève au moins deux points distincts : celui de la représentation d’une femme émancipée ; celui de la place que les femmes doivent avoir dans leur propre émancipation et dans la construction d’un monde qui est de tous.

Concernant le premier point, les détracteurs du choix de Wonder Woman évoquent l’apparence hypersexualisé du personnage, au physique de pin-up ; sa symbolique de femme blanche vêtue des couleurs du drapeau des Etats-Unis ; le fait même qu’elle soit un personnage imaginaire alors qu’il s’agirait de promouvoir des femmes réelles. De son côté, l’ONU argumente qu’elle fut choisie pour les valeurs qu’elle représente de lutte pour la paix et la justice, ainsi que du fait qu’elle fut créée par William Moulton Marston en 1941 s’inspirant des leaders du mouvement sufragiste.

Bien que les femmes puissent à l’occasion s’amuser de leur propre mise en scène, on ne peut nier en effet que celle-ci correspond à un imaginaire masculin. En ce sens, il est sans doute maladroit d’en faire une figure de l’émancipation des femmes, entre autres parce qu’il est peu probable que les implications féministes du personnage soient lisibles pour la majorité du public, qui restera selon toute probabilité à la pulpeuse et coloniale superficialité de la figure. Par ailleurs, la question des modèles va plus loin car, quand bien-même un groupe représentatif de filles et de femmes aurait pu voter un modèle suscitant son admiration pour son indépendance et son activité, on est en droit aujourd’hui de se demander quelle  aurait été l’étendue de leurs choix possibles. Auraient-elles pu choisir des pionnières de la cause des femmes telles que Christine de Pisan, Mary Wollestoncraft ou Olympe de Gouges ? Des penseuses ou scientifiques telles qu’Hypatie d’Alexandrie ou Rosalind Franklin ? Au regard de la place des femmes historiques dans la culture générale et les programmes scolaires, rien n’est moins sûr, car beaucoup ne les connaîtront pas. Compte tenu de ce vide, produit des choix politiques des différents gouvernements, l’ONU aurait en effet sans doute mieux fait de faire d’une figure historique réelle son ambassadrice, ce qui serait allé dans le sens de l’effort monumental que l’humanité doit encore fournir en ce sens.

Le choix en soi questionnable de Wonder Woman pour représenter l’émancipation des femmes prend une allure définitivement infantilisante si on tient compte du fait qu’il suit la ratification d’un homme en tant que secrétaire général, alors même qu’en 70 ans de fonctionnement l’organisation n’a jamais eu de femme a sa tête. Il intègre à mon sens une contradiction révélatrice d’une époque qui, à l’instar des monarchies éclairées de jadis, veut officiellement tout faire pour émanciper les femmes, sans les femmes. La plupart des femmes actives ne souhaitent plus qu’un chevalier les délivre, elles veulent faire et construire, sans avoir à franchir une série d’obstacles supplémentaires du fait d’être une femme, avec les hommes pour associés. J’irai même plus loin, les femmes veulent faire, et certaines parmi elles veulent même tenter de faire les choses autrement, contestant la logique qui a été installée par une culture éminemment masculine.

Jean Krasno, la directrice de la campagne pour élire une femme secrétaire générale de l’ONU, se lamentait que sept candidates très valables, qui ont été à la tête d’organisations internationales, été premières ministres ou encore diplomates de haut niveau, n’aient pas été prises au sérieux. Pour certaines d’entre nous, ces événements viennent se rajouter au fait que l’on ait pu nommer l’an dernier un pays aussi meurtrier pour les femmes que l’Arabie Saoudite à la tête d’une des commissions consultatives du Conseils des droits –toujours- de l’Homme. Et il commence à être en retour difficile de prendre tout à fait au sérieux les déclarations d’une institution qui entend émanciper les femmes sans les femmes, en justifiant qui plus est tacitement l’injustifiable par un choix tel que celui qu’elle a opéré l’an passé. 

Todo para las mujeres… ¿sin las mujeres ?

El anuncio casi seguido de la elección de Wonder Woman como figura central de una campaña de la ONU para la emancipación de las mujeres, y de la de un hombre, Antonio Gutierres, como nuevo secretario general de la organización plantea interrogantes latentes en torno al lugar que las mujeres deben ocupar en su propia emancipación.

La confluencia en estos últimos días de varias noticias a propósito de la ONU y de sus políticas orientadas hacia las mujeres vuelven a plantear la cuestión del lugar que las mujeres ocupan y pueden ocupar en el plano político y en el de las organizaciones internacionales. En efecto, el 21 de octubre se anunció oficialmente la elección del personaje de Wonder Woman como “embajadora honoraria para la emancipación de las mujeres y de las niñas”, lo cual suscitó un importante movimiento de contestación tanto dentro como fuera de la organización. El anuncio, que coincide con el 75 aniversario del personaje, constituía también el lanzamiento de una campaña de un año sobre el tema de la igualdad y de la emancipación de las mujeres y de las niñas. Apenas unos días antes se había notificado la elección por el Consejo de Seguridad de Antonio Gutierres como nuevo secretario general de la ONU. Varias mujeres muy cualificadas habían presentado también su candidatura a ese puesto y muchas veces solicitaban que una mujer fuese seleccionada para él. El hecho de que la elección se desarrollase, a pesar de las promesas de transparencia, en la opacidad habitual, dentro de un Consejo mayoritariamente compuesto por hombres, causó por tanto un profundo malestar.

Todo esto plantea al menos dos problemáticas : la de la representación de una mujer emancipada ; la del lugar que las mujeres deben tener en su propia emancipación y en la construcción de un mundo que es de todos.

Con respecto al primer punto, los detractores de la elección de Wonder Woman evocan la apariencia hipersexualizada del personaje, con su físico de pin-up ; su simbolismo de mujer blanca vestida con los colores de la bandera estadounidense ; el hecho mismo de que sea un personaje imaginario, cuando se trataría de promover a mujeres reales. Por su parte, la ONU argumenta que el personaje fue escogido por los valores que representa de lucha por la paz y la justicia, así como por el hecho de que fuese creada por William Moulton Marston en 1941 inspirándose del movimiento sufragista.

Aunque las mujeres puedan ironizar ocasionalmente con su propia puesta en escena, es innegable que ésta corresponde a un imaginario masculino. Es por tanto sin duda una torpeza hacer de ella una figura de la emancipación femenina, entre otras cosas porque es poco probable que las implicaciones feministas del personaje sean legibles para la mayoría del público, que se quedará, según toda probabilidad, en la pulposa y colonial superficialidad de la figura. Pero la cuestión de los modelos va mucho más allá pues, aunque un grupo representativo de mujeres y de niñas hubiese podido votar un modelo que suscitase su admiración por su independencia y su actividad, puede una preguntarse hoy cuál habría sido la extensión real de las posibilidades. ¿Habrían tenido la libertad de escoger a pioneras de la causa femenina como Cristina de Pisan, Mary Wollestonecraft u Olimpia de Gouges? ¿Pensadores o científicas como Hipatía de Alejandría o Rosalind Franklin? Considerando el lugar que las mujeres de la historia ocupan en la cultura general y en los programas escolares, nada es menos seguro ya que muchas no las conocerán. Habida cuenta de ese vacío, producto de elecciones políticas de distintos gobiernos, la ONU habría hecho mejor en efecto al elegir una figura histórica real como embajadora, lo cual al menos habría ido en el sentido del esfuerzo monumental que la humanidad debe hacer aún en ese aspecto.

La elección en sí cuestionable de Wonder Woman para representar la emancipación de las mujeres toma tintes definitivamente infantilizantes si se tiene en cuenta que sigue a la ratificación de otro hombre en tanto que secretario general, aún cuando la organización no ha tenido nunca en 70 años de funcionamiento una mujer al mando. Integra una contradicción a mi juicio reveladora de una época en la que, como en las monarquías ilustradas de antaño, se quiere hacer todo para emancipar a las mujeres, pero sin las mujeres. La mayoría de las mujeres activas no quieren ya un caballero que venga a salvarlas, quieren hacer y construir sin tener que superar obstáculos suplementarios por el hecho de ser mujeres, con los hombres como asociados. Iré aún más lejos : no sólo las mujeres quieren hacer cosas, sino que quieren hacerlas de otra manera, cuestionando la lógica que ha sido instalada por una cultura eminentemente masculina.

Jean Krasno, directora de la campaña para elegir a un mujer secretaria general de la ONU, se lamentaba de que siete candidatas muy válidas, que han dirigido organizaciones internacionales, sido primeras ministras o diplomáticas de alto nivel, no hayan sido tomadas en serio. Para algunas de nosotras, todos esto viene a añadirse al hecho de que el año pasado se haya podido nombrar a un país tan mortífero para las mujeres como Arabia Saudí a la cabeza de una de las comisiones consultativas del Consejo de los Derechos Humanos. Y empieza a ser difícil, en contrapartida, tomarse del todo en serio las declaraciones de una institución que pretende emancipar a las mujeres sin las mujeres, justificando tácitamente lo injustificable con elecciones como las que hizo el año pasado. 

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’auteur n’a pas autorisé les commentaires sur ce billet