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Billet de blog 30 janvier 2020

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La production du savoir : formes, légitimations, enjeux et rapport au monde

Les actes du colloque qui a eu lieu en septembre 2019 sont aujourd’hui publiés, ils constituent le deuxième volume de la collection Nouveaux Imaginaires, dont le premier volume était « Nouveaux imaginaires du féminin ». Dans une perspective décoloniale et féministe, ils portent sur la façon dont les choix épistémologiques que l’on se donne aujourd’hui peuvent déjà façonner le monde de demain.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Au-delà de la connaissance que l’on peut avoir du monde, les chemins que l’on se donne pour s’en constituer une sont fondamentaux. Longtemps donnée pour objective, la connaissance est toujours le produit d’une série de choix, qui sont autant de chemins empruntés au détriment d’autres : l’épistémologie explique le monde, mais contribue aussi à le construire.

Cette tendance apparaît de façon évidente avec l’émergence des principales minorités historiques –celles que l’Histoire a minorées- qu’ont été les femmes, les minorités sexuelles ou les groupes colonisés et, à l’intérieur de ces derniers, les femmes des communautés colonisées. Des civilisations et des cultures dominées par les hommes se sont imposées partout sur la planète. En exerçant un contrôle sur les instances politiques de pouvoir et sur la production du savoir, les hommes ont installé une matrice patriarcale et hétéronormative, qui a longtemps conditionné et reproduit le social en garantissant la permanence des groupes dominants. Au XVe siècle, une série de changements concomitants se produisent au niveau planétaire, ils conduisent à l’installation de ce que Walter Mignolo qualifie de « matrice coloniale du pouvoir ». Pour de nombreux intellectuels issus de la pensée décoloniale, l’arrivée des Européens en Amérique crée les conditions pour qu’émerge le système capitaliste et constitue le point de départ de la mise en place d’une « matrice coloniale du pouvoir », qui ne cessera de se renouveler. Dans le récit de la modernité, qui va de pair avec la logique de la colonialité, celle de l’énonciation du savoir comme centre, dans un processus d’invention qui fait des terres et des êtres humains situés hors de sa sphère une extériorité, en les marquant d’une double différence, spatiale et temporelle. Frantz Fanon fait allusion à cette opération épistémique avec sa célèbre métaphore des « damnés ».
L’épistème décolonial remet en cause le concept d’universel, qui se construit dès les XVe-XVIe siècles en se fondant sur la colonisation de l’espace et du temps. Longtemps, il marquera les esprits et longtemps, malgré les combats menés par les femmes européennes dès le XVIIIe siècle, il restera blanc et masculin. L’implantation de la rhétorique de la modernité va donc de pair avec une logique de la colonialité, qui ne commencera à être explicitement nommée qu’au XXe siècle. L’idée que, dans le cadre du modèle de pouvoir établi par la colonialité, une seule épistémologie a phagocyté la planète s’impose alors dans des secteurs de la société civile, du monde académique et de la représentation politique. Dans tous ces milieux, l’idéal de pluri-versalité proposé par la pensée décoloniale a aujourd’hui sa place.
Pour faire face, du point de vue épistémologique, à la difficulté que peut représenter de cheminer vers cette pluri-versalité possible, Sousa de Santos a mis en place la notion d’épistémologies du Sud. L’expression désigne les savoirs qui se développent à contre-courant des logiques qui dominent le Nord global. Sousa de Santos propose de mettre en place de nouveaux procédés de production et de valorisation des connaissances à partir des pratiques des exclus par le capitalisme et le colonialisme, le Sud global. Il propose d’adopter un nouveau régime de connaissance dont les deux piliers seraient l’écologie des savoirs et la traduction interculturelle. En effet, pour aller vers un savoir inclusif, il est nécessaire de faire dialoguer les différentes formes de connaissances car, non seulement les formes de connaissances sont multiples, mais, en outre celle-ci est quelque chose toujours incomplet, puisque sujet au point de vue et à la méthodologique de l’approche. D’autre part, tout dialogue passe par la création d’une intelligibilité réciproque des différentes expériences du monde.
L’extrême diversification des discours et des savoirs est aujourd’hui une réalité. La préoccupation décoloniale, dont la question épistémologique est une des facettes, sous-tend les mouvements sociaux sur bien des latitudes du globe. La colonisation s’étant traduite, entre autres, en épistémicides, des savoirs émergent encore aujourd’hui et viennent parfois donner un nouveau souffle à la gauche. D’autre part, des initiatives politiques décoloniales se mettent aussi parfois en place dans les anciens pays colonisés. Politiquement, un mouvement vers la pluri-versalité s’amorce, complexifié par une récupération du discours décolonial que l’on peut parfois observer au sein de mouvements que seule l’opportunité d’exercer la force à une pareille échelle semble éloigner de l’obtention d’un résultat similaire. Par ailleurs, au sein de la propre matrice européenne/nord-américaine, sur le terrain économique et dans un monde globalisé, le poids des enjeux sous-tendus par la production du savoir se fait de plus en plus visible dans ce monde globalisé.
Le volume que nous avons la satisfaction de présenter aujourd’hui présente tout d’abord une réflexion globale concernant les enjeux qui, depuis les Lumières, ont sous-tendu la bataille des savoirs. Puis, il est divisé en trois parties principales.
Une première partie est consacrée à la place qu’occupe le savoir dans la question coloniale, que ce soit pour aider à asseoir la domination coloniale ou, au contraire, pour aider les subalternes à s’en libérer. Les aires géographiques traitées sont surtout le Maghreb, le Proche Orient et le Canada.
Une deuxième partie concerne la parole et les savoirs émanant des subalternes. Les réflexions engagées portent souvent sur les savoirs situés, qu’elles se déclinent au travers du prisme de l’art, pour penser ce qu’est le réel, ou au travers du prisme des cadres législatifs, avec l’examen à la lumière des savoirs issus du féminisme de la première sentence prononcée en Espagne pour l’affaire du viol collectif des festivités de San Firmin 2016, dite affaire de « La Meute ». Elles peuvent cibler également la perception et l’émotion qui empreignent l’époque pour les subalternisés, avec l’étude du sentiment de désenchantement.
Une troisième partie concerne l’institution, et plus particulièrement les rapports qui s’y tissent entre le savoir et le pouvoir. Cela peut concerner la question religieuse, ou bien concerner le savoir scientifique et ses stratégies de légitimation -que celles-ci s’appliquent au culte de l’efficacité qui caractérise notre époque ou bien, toujours, à celui de la prétendue objectivité. Cela peut concerner encore la façon dont le chercheur se positionne pour sa recherche, lorsqu’il est confronté à un matériau humain, comme c’est le cas dans la psychanalyse.
Deux épilogues ferment ce volume. Le premier constitué par mon essai Les savoirs de la violence structurelle relationnelle : pour une Non-Violence politique, dont j’avais déjà déposé le pré-print sur HAL-SHS en septembre et que j’avais présenté à ce moment dans ce blog (1). Il fait suite à un premier essai, Le symbolique est politique. Quel projet pour contrer les violences structurelles relationnelles ?, qui ferme le volume « Nouveaux imaginaires du féminin ». Un deuxième épilogue est constitué d’un recueil d’articles déjà publiés sur ce blog, il porte le titre Violences et actualité : regards sur le monde. Recueil de textes (2016-2019).
L’équipe espère que le volume saura enrichir ses lecteurs et la réflexion épistémologique de fond et remercie de nouveau tou-te-s les intervenant-e-s, sans qui ce beau travail n’aurait pas été possible.

(1) Les savoirs de la violences structurelle : pour une non violence politique, Mediapart, 9 octobre 2019 https://blogs.mediapart.fr/sara-calderon/blog/091019/les-savoirs-de-la-violence-structurelle-pour-une-non-violence-politique

Sara Calderon. Les savoirs de la violence structurelle relationnelle, pour une Non Violence politique /. 2019. ⟨halshs-02176388v3⟩

"La production du savoir : formes, légitimations, enjeux et rapport au monde", Nouveaux Imaginaires, n°2, http://epi-revel.univ-cotedazur.fr/collections/show/68#nouveaux_imaginaires

Illustration 1

 Gustav Moreau, Le Sphinx victorieux (détail), 1886.

La producción del saber: formas, legitimaciones, retos y relación al mundo

Las actas del coloquio que ha tenido lugar en septiembre de 2019 se publican hoy, constituyen el segundo volumen de la colección Nuevos Imaginarios, cuyo primer volumen era “Nuevos imaginarios de lo femenino”. En una perspectiva decolonial y feminista, versan sobre la manera en que los caminos que hoy decidimos recorrer en el ámbito de la epistemología dibujan ya el mundo de mañana.

Mas allá del conocimiento que se tiene del mundo, los caminos que un@ se da para constituirse uno son fundamentales. Pensado durante mucho tiempo como objetivo, el conocimiento es siempre producto de una serie de elecciones, que no son sino caminos transitados en detrimento de otros: la epistemología explica el mundo, pero también contribuye a construirlo.

Esto aparece de forma evidente con la emergencia de las principales minorías históricas -aquellas que la Historia ha minorado- que son las mujeres, las minorías sexuales o los grupos colonizados y, dentro de ellos, las mujeres de las comunidades colonizadas. Civilizaciones y culturas dominadas por hombres se han impuesto en todo el planeta. Gracias al control que han ejercido sobre las instancias políticas de poder y sobre la producción del saber, los hombres han instalado una matriz patriarcal y heteronormativa, que durante mucho tiempo ha condicionado y reproducido lo social garantizando la permanencia de los grupos dominantes. En el siglo XV, una serie de cambios concomitantes se producen a nivel planetario, conducen a que se instale lo que Water Mignolo califica de “matriz colonial del poder”. Para muchos intelectuales del pensamiento decolonial, la llegada de los europeos a América crea las condiciones para que emerja el sistema capitalista y constituye el punto de partida de la puesta en marcha de una “matriz colonial del poder”, que no va a cesar de renovarse. En el relato de la modernidad, que va parejo con la lógica de la colonialidad, aquella que se enuncia como centro del saber, en un proceso de invención que hace de las tierras y de los seres humanos situados fuera de su esfera una exterioridad, marcándolos con una doble diferencia, espacial y temporal. Es a esa operación espitémica a lo que Frantz Fanon hace alusión con su célebre metáfora de los “condenados”.
La episteme decolonial cuestiona el concepto de universal, que se construye ya desde los siglos XV-XVI fundándose sobre la colonización del espacio y del tiempo. Durante mucho tiempo, marcará las mentalidades y durante mucho tiempo, a pesar de los combates llevados a cabo por las europeas ya desde el siglo XVIII, seguirá siendo blanco y masculino. La implantación de la retórica de la modernidad va por tanto pareja con una lógica de la colonialidad, que no será explícitamente nombrada como tal hasta el siglo XX. La idea de que, en el marco de un modelo de poder establecido por la colonialidad, una sola epistemología ha fagocitado el planeta se impone entonces en sectores de la sociedad civil, del mundo académico y de la representación política. En todos esos medios, el ideal de pluri-versalidad propuesto por el pensamiento decolonial tiene hoy día su lugar.
Para confrontar, desde el punto de vista de la epistemología, la dificultad que puede representar caminar hacia esa pluri-versalidad posible, Sousa de Santos ha puesto en marcha la noción de epistemologías del Sur. La expresión designa los saberes que se desarrollan a contracorriente de las lógicas que dominan el Norte global. Sousa de Santos propone idear nuevos procedimientos de producción y de valorización del conocimiento a partir de las prácticas de los excluidos por el capitalismo y el colonialismo, el Sur global. Propone adoptar un nuevo régimen de conocimiento cuyos pilares serán la ecología de los saberes y la traducción intercultural. En efecto, para ir hacia un saber inclusivo, es necesario que dialoguen las diferentes formas de conocimiento pues, no sólo las formas de conocimiento son múltiples, sino que éste es siempre algo incompleto, ya que está sujeto al punto de vista y a la metodología del enfoque. Por otra parte, la creación de una inteligibilidad reciproca de las diferentes experiencias del mundo es una etapa necesaria a todo dialogo.
La extrema diversificación de los discursos y de los saberes es hoy una realidad. La preocupación decolonial, dentro de la cual se inserta también la cuestión epistemológica, subyace en muchos de los movimientos sociales de muchas de las latitudes del planeta. Puesto que la colonización se tradujo, entre otras cosas, en epistemicidios, algunos saberes emergen todavía hoy en día y vienen a veces a darle un nuevo impulso a la izquierda. Por otra parte, iniciativas políticas decoloniales también se ponen en marcha en los antiguos países colonizados. A nivel político, se está iniciando un movimiento hacia la pluri-versalidad, vuelto más complejo por una recuperación del discurso decolonial que puede observarse a veces en el seno de movimientos que solo la oportunidad de ejercer la dominación a una escala parecida parece alejar de un resultado similar. Por lo demás, en el seno de la propia matriz europea/norteamericana, en el terreno económico y en el mundo globalizado, el peso de lo que subyace en la producción del saber se vuelve cada vez mas visible en este mundo globalizado.
El volumen que tenemos la satisfacción de presentar hoy presenta en primer lugar una reflexión global que versa sobre los retos que, tras la Ilustración, han subyacido en la batalla de los saberes. Se divide en tres grandes partes.
La primera de ellas va dedicada al lugar que ocupa el saber en la cuestión colonial, ya sea para ayudar a asentar la dominación colonial o, al contrario, para ayudar a los subalternos a liberarse de ella. Las áreas geográficas abordadas son sobre todo el Maghreb, Oriente Próximo y Canada.
La segunda se concentra sobre la palabra y los saberes que emanan de los subalternos. Las reflexiones conciernen a menudo los saberes situados, ya se declinen a través del prisma del arte, para pensar qué es lo real, o a través del prisma de los marcos legislativos, con el examen, bajo la óptica que proporcionan los saberes que emergen del feminismo, de la primera sentencia pronunciada en España en el caso de la violación colectiva de las festividades de San Fermin de 2016, conocido como caso de “la Manada”. También pueden versar sobre la percepción y la emoción que impregnan la época para las sensibilidades subalternizadas, con el estudio del sentimiento de desencanto.
La tercera concierne a la institución, y más particularmente las relaciones que en su seno se tejen entre saber y poder. Puede referirse a la cuestión religiosa, o bien vincularse al saber científico y sus estrategias de legitimación -ya sea que estas se apliquen al culto de la eficacia que caracteriza nuestra época o bien, como siempre, al de la pretensión de objetividad. También puede referirse a la manera en que se posiciona el/la investigador/a para su trabajo, cuando éste/a se ve confrontado a un material humano, como sucede en el caso del psicoanálisis.
Dos epílogos cierran este volumen. El primero lo constituye mi ensayo Los saberes de la violencia estructural relacional: para una No-Violencia política, cuyo pre-print ya había depositado en HAL-SHS en septiembre y que ya había presentado en ese momento en este blog (1). Constituye la continuación de un primer ensayo, Lo simbólico es político. ¿Qué proyecto para combatir las violencias estructurales relacionales?, que cierra el volumen “Nuevos imaginarios de lo femenino”. Un segundo epílogo lo constituye un compendio de artículos ya publicados en este blog, lleva el titulo Violencias y actualidad: miradas sobre el mundo. Compendio de textos (2016-2019).
El equipo espera que el volumen permita enriquecer a sus lectores así como la reflexión epistemológica de fondo y agradece de nuevos a tod@s l@s participante su participación, pues sin ella este formidable trabajo no habría sido posible.

(1) Los saberes de la violencia estructrual : para una no violencia politica, Mediapart, 9 de octubre de 2019 https://blogs.mediapart.fr/sara-calderon/blog/091019/les-savoirs-de-la-violence-structurelle-pour-une-non-violence-politique
Sara Calderon. Les savoirs de la violence structurelle relationnelle, pour une Non Violence politique /. 2019. ⟨halshs-02176388v3⟩

“La production du savoir: formes, légitimations, enjeux et rapport au monde », Nouveaux Imaginaires, n°2, http://epi-revel.univ-cotedazur.fr/collections/show/68#nouveaux_imaginaires

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