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Billet de blog 31 août 2023

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La monarchie, une institution du XXIème siècle ?

Devant désigner un candidat à l’investiture après une élection très serrée, le roi Felipe VI a surpris par une décision discutable. La monarchie épouse-t-elle vraiment les évolutions de l’Espagne ?

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Septembre 2023

Malgré l’enjeu que constitua en 1936 la question monarchie ou république, en dehors des citoyens associés à la gauche critique, l’Espagnol moyen aime aujourd’hui la famille royale. Juan Carlos Ier avait été couronné en tant qu’héritier du franquisme. Franco l’avait nommé successeur et formé à ses charges futures. A deux reprises, Juan Carlos avait prêté serment, jurant fidélité aux principes du Mouvement National. Mort Franco, il avait hérité de ses pouvoirs. Malgré cela, Juan Carlos Ier réussit à faire de sa personne un signe de renouveau démocratique, en assumant pendant la transition plusieurs décisions stratégiques. Il confirme à son poste le dernier président du gouvernement de Franco, sous l’autorité duquel surgissent les premières organisations politiques autorisées. Lorsqu’il démissionne, il désigne Adolfo Suarez pour mener l’Espagne vers la démocratie. C’est Suarez qui présidera à l’auto-dissolution des institutions franquistes ; à la légalisation des libertés démocratiques ; à la légalisation du PCE ; au retour des autonomies basques et catalane ; à la rédaction de la Constitution de 1978. Puis, la figure de Juan Carlos Ier est mythifiée lors d’un épisode emblématique. En tant que chef des armées, il ordonne aux militaires, durant la tentative de coup d’Etat de 1981, de déposer les armes. L’épisode le dote d’une aura de bienfaiteur, qui a libéré le pays de la tutelle des militaires et affirmé la démocratie naissante.

Pendant plusieurs décennies, Juan Carlos Ier a eu une image positive. Sur cette base de symbole du retour à la démocratie, il s’est correctement acquitté du rôle prévu par la Constitution de garant de l’unité et de la permanence de l’Etat, d’arbitre impartial des institutions. Puis, son règne a dérivé. Des scandales de drogue et de corruption ont touché ses beaux-fils. Ses infidélités se sont multipliées, jusqu’à ce que l’une d’elles suscite le scandale qui lui a coûté le trône. Corinna Larsen est une femme d’affaires allemande. Mondaine et ambitieuse, elle rencontre Juan Carlos en 2004. En 2012, elle dirige l’agence qui organise le safari de luxe où il se casse la hanche. Les frais scandaleux, la présence affichée de sa maîtresse et la résurgence d’une photo où il pose avec un éléphant mort souillent à jamais l’image du roi. Impliqué personnellement dans plusieurs affaires d’évasion fiscale, des enregistrements de Corinna diffusés par la presse révèlent aussi qu’il aurait touché de très importantes commissions sur des marchés d’Etat, dont 80 millions d’euros pour la construction d’un train rapide en Arabie Saoudite. On découvre qu’il possède des comptes secrets au Panama et au Liechtenstein, qui auraient été alimentés par des pots-de-vin durant ses années de règne. On découvre également qu’il a versé 65 millions d’euros à Corinna après leur rupture, sur un compte au Bahamas.

Juan Carlos a été plus ou moins obligé à abdiquer dans son fils, Felipe VI. En 2020, celui-ci annonce que, à la suite de révélations impliquant potentiellement son père dans des affaires de corruption, il renonce à hériter de sa fortune et lui retire la dotation de 195000 euros qu’il reçoit chaque année. Dans une lettre à son fils, Juan Carlos annonce sa décision de quitter l’Espagne.

Les pots-de-vin avaient mis en avant les relations de Juan Carlos avec les pays du Golfe, il les confirme par son exil à Abou Dhabi. Deux ans plus tard, lorsque la justice finit par classer l’affaire, Juan Carlos retourne régulièrement en Espagne, mais garde sa résidence à Abou Dhabi, dans l’île privée de Nurai. La corruption représente en soi une trahison à son pays pour un roi, mais les amitiés de Juan Carlos font en outre remonter son origine franquiste. Franco avait effectué une grande partie de sa carrière militaire en Afrique. Intégrant dès 1912 les Forces régulières indigènes, où des officiers espagnols encadraient des volontaires marocains, il participe en 1920 à la création, sur le modèle de la Légion étrangère française, d’une Légion espagnole dont il est le premier chef. Très performante, la Légion est aussi connue pour son extrême brutalité. Toute sa vie, Franco garde des liens avec les pays arabes. Juan Carlos aurait d’ailleurs commencé à toucher des commissions en 1973, étant encore son pupille, lorsqu’il le charge de négocier avec l’Arabie Saoudite un accord d’approvisionnement en pétrole. Durant tout son règne, Juan Carlos perçoit de l’argent de ce pays.

Felipe VI avait lui-même une image mitigée, il semblait impossible qu’il rattrape une telle somme d’atteintes aux institutions. Pourtant, bien que son image ne soit pas comparable à celle de son père dans les années 1980, il l’a parfaitement améliorée. Source de débats, son mariage est aujourd’hui normalisé. Felipe VI a épousé une roturière, assimilée au peuple espagnol au moment de leurs noces. Journaliste, Letizia Ortiz présentait le journal télévisé de midi. Son statut de divorcée, accueilli avec scepticisme, est aujourd’hui un détail oublié. C’est que la reine a toujours soigné le protocole, tout en cultivant une certaine proximité avec le peuple. Bien que la Constitution entérine toujours la prévalence d’héritiers mâles, après deux filles le couple n’a pas cherché à avoir d’autres enfants. Au contraire, il a donné à l’ainée, Leonor, une éducation d’héritière. En tant que future cheffe des armées, elle s’acquitte aujourd’hui de sa formation militaire. Le rôle actif assumé des femmes de la famille royale trace un parallèle avec l’essor du féminisme, mouvement social le plus massif du pays. Sa discrétion, éloignée des scandales du roi père, et les premières interventions institutionnelles de Leonor, invariablement sans-faute, finissent de restaurer l’image du couple royal.

Survient pourtant un épisode problématique. La crise politique que provoque le raz-de-marée à droite aux élections régionales de mai 2023 aboutit à la tenue d’élections générales anticipées ce 23 juillet. Dans un contexte très tendu, Alberto Feijoo, leader de la droite, les remporte de justesse, avec 33% des voix (136 sièges au Congrès des députés). Pedro Sanchez, président sortant, le talonne avec 31,7% des voix (122 sièges). Ni l’un ni l’autre ont assez de voix pour former gouvernement, puisqu’il faut 176 sièges pour être investi président. La situation oblige donc les deux partis majoritaires à passer des pactes électoraux. Vox, le parti d’extrême droite, détient 33 sièges et Sumar, coalition de la gauche critique, 31. La question se pose de savoir si l’un des deux leaders des partis majoritaires réussira à réunir les appuis pour atteindre ces 176 sièges, faire une proposition de gouvernement et réussir l’investiture. Bien que plus voté, Feijoo semble moins à même d’y arriver, car il ne réunit, en additionnant ses appuis -extrême droite, nationalistes des Canaries et de Navarre-, que 172 sièges. Ce n’est pas que Pedro Sanchez pourrait en réunir plus, c’est qu’il démontre qu’il peut le faire lors de l’élection, le 17 août, de Francina Amengol, la candidate socialiste, à la tête du Congrès des députés. Armengol est élue par 178 voix, grâce entre autres aux voix des séparatistes catalans. Ancienne présidente des Baleares, son choix est un clin d’œil aux régionalismes. Une de ses premières mesures est d’ailleurs d’autoriser l’utilisation des langues régionales au Congrès des députés.

Certes, tous les soutiens réunis pour l’élection de Armengol ne seront pas forcément là lors d’un probable futur débat d’investiture de Sanchez. Celui des séparatistes catalans est incertain. Il n’en demeure pas moins, la décision du roi quant au candidat à présenter pour un premier débat d’investiture surprend. Il devait en désigner un et, après deux jours de consultations, il a décidé que ce soit Feijoo, argumentant qu’il était d’usage de proposer le candidat le plus voté. Si Feijoo l’est, en effet, la différence entre Sanchez et lui n’est que de 16 députés. Par ailleurs, il a déjà été établi que Feijoo est aussi le candidat le moins à même de réunir les appuis pour être investi. Réunir les 176 sièges passe par séduire les nationalistes basques et catalans. Or, outre la blessure profonde que supposent pour les catalans les lourdes peines écopées par les leaders organisateurs du référendum d’indépendance, Feijoo a prévu de gouverner avec Vox, qui a toujours fait des nationalistes ses ennemis déclarés. Il semble donc très difficile, voire impossible, que Feijoo y parvienne.

Dans l’actuelle monarchie constitutionnelle, le rôle du roi est de représenter la Nation et d’être arbitre des institutions. Ses actes doivent posséder le contreseing du président du gouvernement ou celui des ministres. Il ne doit pas se prononcer en politique, mais laisser fonctionner le régime démocratique. Le problème ici est que la décision qu’il a prise, dans un contexte aussi tendancieux, n’est plus ornementale, mais profondément décisionnelle. La différence de voix obtenues par Sanchez et Feijoo est minime ; le principal allié de Feijoo est l’extrême droite et, non seulement Sanchez a dit au roi qu’il pensait réunir les soutiens suffisants, mais il a démontré qu’il les avait. Bien que s’étant plié à la décision du roi, dans une déclaration à la presse, Sanchez a en outre affirmé lui avoir dit qu’il souhaitait être investi pour poursuivre la politique progressiste entamée, afin de donner une stabilité à l’Espagne, car le manque d’appuis de ses opposants démontrait qu’ils avaient échoué à faire valider par l’ensemble de la société espagnole leur projet politique. Il ne croit pas si bien dire.

Beaucoup d’encre a coulé en Europe à propos de l’émergence en Espagne d’un parti d’extrême droite, alors que le pays avait été si longtemps préservé de ce fléau. Il n’en est rien : un parti d’extrême droite n’a pas surgi en Espagne avant 2013 parce que celle-ci était intégrée dans le PP, dont le panel idéologique était plus large que celui de la droite française. Le discours de Vox reprend les items de la tradition franquiste : sa haine se dirige en premier vers les régionalismes. Puis, sans doute en raison de l’importance du féminisme en tant que mouvement social, et des notables avancés qu’il a obtenues sur le plan législatif, Vox est profondément antiféministe. Monarchiste, libéral et conservateur, Vox se positionne, dans cet ordre, contre les régionalismes, l’Europe, le féminisme et la population migrante.

Parce qu’il paraît bien plus logique, pour obtenir la stabilité politique, de présenter en premier à l’investiture le candidat qui a le plus de possibilités de l’obtenir, Pedro Sanchez, la décision de Felipe VI choque avec son devoir d’impartialité. Elle implique de contrarier de grandes masses électorales : les féministes, les pro-féministes, les régionalistes -y compris les non séparatistes- et les simples votants de Pedro Sanchez. L’enjeu est par ailleurs véritablement de taille pour féministes et régionalistes, Vox faisant ouvertement de les soumettre son cheval de bataille.

La décision dont il est question était tout, sauf aisée. Felipe VI aurait peut-être dû considérer que, compte tenu de son devoir d’impartialité dans une situation inextricable, il valait mieux faire exceptionnellement une entorse au cadre légal et présenter les deux candidats le même jour, pour un débat au Congrès portant sur les deux. Ou choisir de répéter les élections, afin de ne pas entraver le fonctionnement démocratique. Car, dans les faits, sa décision revient à décider à la place des Espagnols, et contre la volonté majoritairement exprimée par eux, par un choix en outre aux terribles relents franquistes, dans la mesure où le Parti Populaire a déjà annoncé son alliance avec Vox. L’épisode survient à un moment où les griefs contre la couronne sont nombreux, malgré le vernis de modernité qu’elle a réussi se donner. Non seulement la décision du roi le sort du devoir de réserve, mais elle rappelle en plus fâcheusement l’origine de l’actuelle monarchie.

Le premier débat d’investiture aura lieu les 26 et 27 septembre. Si Feijoo échoue, commence un délai de deux mois au terme duquel de nouvelles élections seront convoquées, le 14 janvier. Un autre candidat doit toutefois se présenter durant ce délai, qui sera élu président s’il réussit à réunir les sièges nécessaires. Il est difficile de dire s’il est préférable que l’Espagne reste trois mois sans gouvernement et répète les élections, ou qu’elle acquiert une « stabilité politique » par ce chemin. Ce qui est sûr c’est que, par sa décision, plus que d’éviter de nouvelles élections, Felipe VI risque de remettre en question la monarchie…

Illustration 1

Gustav Moreau, Le Victorieux Sphinx (détail), 1886.

La monarquía, ¿una institución del siglo XXI? 

Septiembre de 2023

La decisión de Felipe VI sobre el candidato a designar para un debate de investidura sorprende, y parecer cuestionable. ¿Acompaña realmente la monarquía la evolución del país?

A pesar de los enfrentamientos que suscitó en 1936 el debate monarquía o república, al margen de la izquierda crítica, el español medio estima hoy a la familia real. Juan Carlos I fue coronado en tanto que heredero del franquismo. Franco lo había nombrado sucesor y formado a sus futuras responsabilidades. Dos veces Juan Carlos juró obediencia a los principios del Movimiento Nacional. Muerto Franco, heredó sus poderes. A pesar de ello, al asumir durante la transición varias decisiones estratégicas, logró convertirse en símbolo de la llegada de la democracia. Nada más morir Franco, don Juan Carlos confirma en su puesto al último presidente del gobierno franquista, bajo cuya autoridad surgieron las primeras organizaciones democráticas. Cuando dimite, don Juan Carlos designa a Adolfo Suárez para conducir España hacia la democracia. Suárez está al mando cuando se autodisuelven las instituciones franquistas, se legalizan las libertades democráticas, se legaliza el PCE, regresan las autonomías vasca y catalana y se redacta la Constitución de 1978. La figura de Juan Carlos I también sale mitificada de un episodio emblemático de la transición. En tanto que jefe de las fuerzas armadas, durante la tentativa de golpe de Estado de 1981, ordena a los militares que depongan las armas. El episodio lo dota de un aura de benefactor, que ha liberado al país de la tutela de los militares y afirmado la democracia naciente.

Durante varias décadas, Juan Carlos I tuvo una imagen positiva. Sobre esa base de símbolo de regreso a la democracia, desempeña correctamente el papel previsto por la Constitución de garante de la unidad y la permanencia del Estado, árbitro imparcial de las instituciones. Pero su reinado deriva. Sus yernos se ven envueltos en escándalos de droga y de corrupción. Sus infidelidades se multiplican, hasta que una de ellas suscite el escándalo que le ha costado el trono. Corinna Larsen es una mujer de negocios alemana. Mundana y ambiciosa, conoce a don Juan Carlos en 2004. En 2012 dirige la agencia que organiza el safari de lujo en el que éste se rompe la cadera. Los costes escandalosos, la presencia de su amante en el safari y la resurgencia de una foto en la que posa con un elefante muerto manchan para siempre la imagen del rey. Además de verse implicado en varios asuntos de evasión fiscal, unas grabaciones de Corinna, difundidas por la presa, revelan que habría recibido grandes comisiones sobre mercados de Estado, entre las cuales 80 millones de euros por la construcción de un tren de alta velocidad en Arabia Saudí. Se descubre que posee cuentas secretas en Panamá y en Liechtenstein, alimentadas durante todo su reinado por pagos ilegales. Sale a la luz que le ha hecho transferido a Corinna 65 millones de euros en una cuenta en las Bahamas.

Juan Carlos I casi no tuvo más remedio que abdicar en su hijo, Felipe VI. En 2020, éste anuncia que, tras las revelaciones que implican potencialmente a su padre en asuntos de corrupción, renuncia a heredar su fortuna y le retira la dotación de 195.000 euros que recibe cada año. En una carta a su hijo, don Juan Carlos anuncia su decisión de irse de España.

Si el dinero recibido por el rey en las cuentas secretas había sacado a la luz su relación con los países del Golfo, su exilio en Abu Dabí las confirma. Cuando la justicia termina por cerrar el caso, dos años más tarde, don Juan Carlos vuelve a España por temporadas, pero mantiene la residencia en Abu Dabi, en la isla privada de Nurai. La corrupción equivale en sí para un rey a traicionar a su país, pero las amistades de don Juan Carlos recuerdan además su origen franquista. Franco había realizado en África una gran parte de su carrera militar. Integra en 1912 las Fuerzas Regulares Indígenas, donde oficiales españoles conducen a voluntarios marroquíes. En 1920 ayuda a crear una Legión española, sobre el modelo de la francesa, que es el primero en capitanear. A pesar de su eficacia, la Legión también es conocida por su extrema brutalidad. Franco mantiene vínculos con los países árabes durante toda su vida. De hecho, es en 1973, siendo todavía su pupilo, cuando don Juan Carlos habría comenzado a cobrar las comisiones, al encargarle Franco que negociara con Arabia Saudí un acuerdo para el aprovisionamiento en petróleo. Durante todo el reinado Juan Carlos I va a seguir percibiendo dinero de ese país.

La imagen que Felipe VI tenía por sí mismo era más bien apagada. Parecía imposible que consiguiera compensar tal suma de irregularidades. Y sin embargo, aunque su imagen no se pueda comparar con la de su padre en los años 1980, ha conseguido hacerlo. Aunque en origen su matrimonio fuera fuente de debates, hoy está normalizado. Felipe VI se casó con una plebeya, muy asimilable al pueblo español en el momento de la boda. Letizia Ortiz era periodista y presentaba el telediario de mediodía. Su estatus de divorciada fue recibido con escepticismo, pero hoy es un detalle olvidado. Y es que la reina siempre se ha preocupado de cuidar el protocolo, a la vez que cultivaba cierta proximidad con el pueblo. Aunque la Constitución siga dando prevalencia a los herederos varones, después de haber tenido dos hijas, la pareja no ha tratado de tener más. Al contrario, ha educado a la primogénita, Leonor, como a una heredera. En tanto que futura jefa de las fuerzas armadas, recibe hoy su formación militar. El papel activo asumido por las mujeres de la familia real traza un paralelo con el empuje en el país del feminismo, movimiento social masivo. Su discreción, alejada de los escándalos del rey padre, y las primeras intervenciones institucionales de Leonor, invariablemente perfectas, han terminado de restaurar la imagen de la pareja real.

Tiene hoy lugar sin embargo un episodio problemático. La crisis política que provoca el voto masivo a la derecha en las elecciones regionales de mayo de 2023 ha desembocado en que se convoquen elecciones generales anticipadas, el 23 de julio. En un contexto muy tenso, Alberto Feijoo, líder de la derecha, las ganas por poco, con un 33% de votos (136 escaños). Pedro Sánchez lo sigue de cerca, con un 31,7% de votos (122 escaños). Ninguno puede formar gobierno, ya que hacen falta 176 escaños para ser investido presidente. La situación obliga así a ambos partidos a cerrar pactos electorales. Vox, el partido de extrema derecha, obtiene 33 escaños y Sumar, coalición de la izquierda crítica, 31. Se trata entonces de saber si alguno de los dos líderes conseguirá obtener apoyos para alcanzar esos 176 escaños, hacer una propuesta de gobierno y ganar la investidura. Pese a haber sido el más votado, Feijoo parece también el menos capaz de lograr una investidura ya que, sumando todos sus apoyos (extrema derecha, nacionalistas de Canarias y Navarra), sólo logra 172 escaños. No es que Pedro Sánchez pueda reunir más, es que, con la elección el 17 de agosto de Francina Armengol, la candidata socialista, a la cabeza del Congreso de los diputados ha demostrado que puede hacerlo. Armengol ha sido elegida por 178 votos, gracias, entre otras cosas a los votos de separatistas catalanes. En tanto que antigua presidente de Baleares, su elección es un guiño a los regionalistas. Una de sus primeras medidas es de hecho autorizar el uso de las lenguas regionales en el Congreso de los diputados.

Claro que no es seguro que todos los apoyos obtenidos por Sánchez para la elección de Armengol se renueven en un futuro debate de investidura. El de los separatistas catalanes es incierto. Pero no obsta para que la decisión tomada por el rey en cuanto al primer debate de investidura sorprenda. Felipe VI tenía que designar un candidato y, tras dos días de consultas, ha decidido que fuera Feijoo, argumentado que lo habitual es proponer al más votado. Si Feijoo lo es, la diferencia con Sánchez sólo es de 16 escaños. Además, ya ha quedado establecido que Feijoo es también el candidato menos factible en cuanto a reunir los apoyos para la investidura. Reunir los 176 escaños implica ganarse a nacionalistas vascos y catalanes. Además de la profunda herida que suponen para los catalanes las severas penas recibidas por los líderes del referéndum de independencia, Feijoo tiene previsto gobernar con Vox, que desde siempre considera como enemigos a los nacionalistas. Parece por tanto muy difícil, si no imposible, que Feijoo reúna los apoyos.

En la actual monarquía constitucional, el rey debe representar la Nación y ser árbitro de las instituciones. Sus actos deben poseer el refrendo del presidente o de los ministros. No debe pronunciarse en política, sino dejar funcionar el régimen democrático. El problema aquí es que la decisión que ha tomado en un contexto tan indecible ya no es ornamental, sino profundamente decisional. La distancia entre Sánchez y Feijoo era mínima; el principal aliado de Feijoo es la extrema derecha y, no sólo Sánchez le ha dicho al rey que creía poder reunir los apoyos, sino que ha demostrado que podía hacerlo. Aunque Sánchez haya aceptado la decisión del rey, en una declaración a la prensa ha afirmado que le había dicho que deseaba ser investido para proseguir la política progresista iniciada en su anterior mandato, con el fin de dotar al país de una estabilidad, pues la falta de apoyos de sus oponentes demostraba que habían fracasado en lograr que la sociedad española validase su proyecto político. Y que lo diga.

Ha corrido mucha tinta en Europa a propósito de la emergencia en España de un partido de extrema derecha, cuando el país había sido preservado durante tanto tiempo de esa lacra. Las cosas no son así: no había surgido en España un partido de extrema derecha antes de 2013 porque ésta estaba integrada en las filas del PP, cuyo espectro ideológico era más amplio que el de la derecha francesa. El discurso de Vox retoma los items de la tradición franquista: dirige su odio en primer lugar hacia los regionalismos. Sin duda a causa de la fuerza del feminismo en tanto que movimiento social, y de los notables avances que ha obtenido en el plano legislativo, Vox es profundamente antifeminista. Monárquico, liberal y conservador, Vox se posiciona, en ese orden, contra los regionalismos, Europa, el feminismo y los inmigrantes.

Para obtener la estabilidad política parece mucho más lógico presentar primero a la investidura el candidato con más posibilidades de obtenerla, Pedro Sánchez. Por ese motivo, la decisión de Felipe VI choca con su deber de imparcialidad. Implica contrariar grandes masas electorales: las feministas, los profeministas, los regionalistas -incluidos los no separatistas- y los simples votantes de Pedro Sánchez. Además, lo que está en juego para feministas y regionalistas es realmente enorme, ya que Vox los ha convertido abiertamente en su caballo de batalla.

La decisión mencionada es de todo, salvo fácil de tomar. Felipe VI quizá habría debido considerar que, habida cuenta de su deber de imparcialidad en una situación tan inextricable, mejor valía derogar excepcionalmente al marco legal existente y presentar dos candidatos el mismo día, para un debate en el Congreso sobre los dos. O decidir que se repitan las elecciones, con el fin de no entorpecer el funcionamiento democrático. Pues, en los hechos, su determinación equivale a decidir por los españoles, y contra la voluntad mayoritariamente expresada por ellos, con una elección que además tiene terribles ecos franquistas, en la medida en que el Partido Popular ya ha anunciado su alianza con Vox. El episodio ocurre en un momento en se le pueden reprochar muchas cosas a la corona, pese al barniz de modernidad del que ha conseguido dotarse. No sólo la decisión del rey choca con su deber de reserva, sino que recuerda además desagradablemente el origen de la actual monarquía.

El primer debate de investidura tendrá lugar el 26 y 27 de septiembre. Si Feijoo fracasa, comienza un plazo de dos meses al cabo del cual se convocarán elecciones, el 14 de enero. No obstante, otro candidato debe presentarse en ese plazo, que puede ser investido presidente, si consigue reunir los escaños necesarios. Es difícil decir si es mejor para España quedarse tres meses sin gobierno y repetir elecciones, o adquirir una “estabilidad política” por ese camino. Lo que es seguro es que, con esa decisión, más que evitar otras elecciones, Felipe VI se arriesga a poner en tela de juicio la monarquía…

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