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Billet de blog 13 octobre 2023

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Éloge de la décence

Quand la violence du monde nous revient en vague aussi brutale, que faire ? Comment ne pas prendre sa carte au parti du manichéisme, et ne pas tourner le dos dans l'indifférence ? Dans le vacarme des opinions, des raccourcis et des amalgames, et si on essayait la décence ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Depuis une semaine, la violence du monde nous revient en vague assourdissante. Non pas qu'elle ait jamais cessé, mais là, on nous la montre. Que faire, que dire ? Les images déferlent, le spectacle de l'horreur est à portée de clic. On nous déverse analyses, joutes d'opinions, pirouettes verbales, condamnations, raccourcis, caricatures, visions binaires, marquage de points, déshumanisation de l'autre et querelles de spécialistes. Sur les réseaux, certains ont changé leur photo de profil pour cette catastrophe-là, alors que pour d'autres ils n'ont rien posté. D'autres n'ont rien changé pour cette catastrophe-là, mais l'ont fait pour d'autres. Comme si soutenir les uns voulait dire lâcher les autres. Chacun sa cause, chacun ses frères. Nous choisissons nos solidarités.

Et moi derrière mon écran, que dire, que faire ? Comment ne pas prendre ma carte au parti du manichéisme, et comment ne pas me détourner dans l'indifférence ? Comment me protéger contre mes propres a priori, contre le confort de mes certitudes, contre ma représentation du monde qui est nécessairement incomplète ?

On m’a appris à cliquer j’aime/j’aime pas, à commenter pour asséner ma vérité et me convaincre que j’ai raison. Tous les jours on choisit pour moi ce qui mérite mon intérêt et ce qui mérite mon indifférence. Une catastrophe en chasse une autre, et je suis la girouette qui tourne au vent des news. Et puis on m’a appris à être pour ou contre, pro ou anti. Les médias ont élevé le clash au rang de spectacle. Les algorithmes ont forgé l’entre-soi qui me fait perdre toute nuance, et me conforte dans ma vision du monde au lieu de la nourrir. L'information rapide qu’on m’offre balaye la complexité du réel. Et puisque chacun donne son opinion, pourquoi pas moi ?

Faire moins est tout aussi difficile que de faire plus. Plus difficile, peut-être. Alors devant ce déferlement et tous les autres à venir, devant le vacarme médiatique et l'horreur qui se montre, j’apprends à me taire, pour mieux écouter. C'est une humilité que je souhaite à beaucoup de ceux à qui on tend des micros. J’apprends à dire « je ne sais pas ». C'est peut-être un courage. J’apprends la décence. C'est peut-être une des lettres du mot PAIX.

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