Comme déjà précisé, un curriculum vitae est demandé à titre optionnel à chaque candidat aux élections du CNRS. Ces textes sont mis en ligne sur le site des élections.
Suit le curriculum vitae de Jacques Gabarro Arpa pour les élections au Conseil Scientifique du CNRS
Conseil Scientifique – Collège B1 – GABARRO-ARPA Jacques
Curriculum Vitae de Jacques GABARRO ARPA, CR1 CNRS
Section 21, UMR 8113 (LBPA-ENS Cachan), Téléphone : 0147405998)
CANDIDAT DU COLLECTIF « INDEPENDANCE DES CHERCHEURS »
POUR L'ELECTION AU CONSEIL SCIENTIFIQUE DU CNRS
(Collège B1, 2010)
Docteur d'Etat depuis Décembre 1975 (Université de Paris Sud). Physicien d'origine, je me suis intéressé à l'application des méthodes de la Physique aux molécules biologiques depuis 1974 et j'y ai travaillé à temps plein depuis l'obtention de mon diplôme de Docteur d'Etat. Dans le domaine des molécules biologiques, mes thématiques ont été : le spectre de dénaturation des acides nucléiques et son interprétation physique ; l'hydratation des bases dans ces acides ; la modélisation moléculaire; enfin, la conception d'algorithmes pour cette modélisation, qui constitue mon axe de recherche actuel. Entre 1970 et 1975, j'ai travaillé au Laboratoire de Physique Théorique de la Faculté d'Orsay. En 1980, après une période conséquente de statut précaire, j'ai été intégré au CNRS comme CR1 et affecté à l'Institut Jacques Monod à Jussieu où je suis resté jusqu'en 1986 ; j'ai ensuite travaillé à l'Institut Gustave Roussy de Villejuif et, depuis 1999, à l'Ecole Normale Supérieure de Cachan. Cette mobilité a suivi l'évolution de mes interêts scientifiques.
Dans le domaine de la Physique Théorique des Particules, j'ai travaillé entre 1970 et 1975 sur le modèle dit "des pôles de Regge" et l'approche basé sur la "dualité". A savoir, que les interactions dites "fortes" entre particules de haute énergie peuvent être décrites à faible transfert d'impulsion par l'échange virtuel de "trajectoires". La "dualité" a comme toile de fond la description de la physique hadronique sur la base de "mailles" de gluons de la chromodynamique quantique et prescrit que la somme des échanges de trajectoires de Regge reproduit la somme des termes décrivant les résonances produites dans la "voie directe", sans qu'il soit nécessaire d'additionner les deux types d'interactions. Mes recherches de l'époque ont été principalement consacrées à la phénoménologie de ces deux concepts.
Entre 1971 et 1973, j'ai également travaillé, pour subvenir à mes besoins matériels, dans la conception de programmes d'exploitation des données d'un appareil de dénaturation thermique des acides nucléiques construit par François Michel et Claude Reiss. Cette activité, à l'origine technique, a débouché sur un travail de recherche et sur une véritable collaboration scientifique.
Le travail le plus important dans cette nouvelle collaboration a été l'interprétation physique du spectre de dénaturation thermique de l'ADN en fonction de la température. Les résultats expérimentaux obtenus mettaient en évidence que, pour un ADN donné, le spectre de dénaturation présentait une série de pics dont chacun correspondait à un segment prècis de l'ADN. La température à laquelle ce pic apparaissait (stabilité thermique) dépendait du rapport des bases AT/GC de sa séquence. Nous avons pu développer une approche hiérarchique pour ce problème à partir d'un algorithme qui permettait de découper une séquence d'ADN de manière unique et complète, en segments de longueurs diverses emboîtés les uns dans les autres et possédant chacun une stabilité propre. Il devenait ainsi possible de décomposer le processus de dénaturation de l'ADN en une suite de processus, certains à l'équilibre et d'autres localement irréversibles, que l'on pouvait traiter quantitativement. En dépit de la complexité, on pouvait simuler de manière précise les profils de dénaturation d'un ADN de séquence donnée avec seulement deux paramètres ajustables.
Mon activité à l'Institut Gustave Roussy s'est concentrée sur deux thématiques : la conception de méthodes de modélisation moléculaire et la modélisation d'acides nucléiques. Le premier de ces axes a débouché notamment sur la réalisation : d'une série de programmes comme MORCAD et Qadira, de plate-formes de modélisation ; d'OCL, un langage formel de paramétrisation des acides nucléique; ou encore MORMIN, système de minimisation avec des contraintes pour la Résonance Magnétique Nucléaire. Le deuxième axe a notamment abouti à la modélisation des mésappariements, des sites abasiques, des boucles, des triples hélices ... en collaboration avec des équipes expérimentales (G.V. Fazakerley, C. Auclair...).
La biologie moléculaire connaît un développement spectaculaire, qui requiert un développement incessant de méthodes quantitatives efficaces. C'est le cas dans l'étude de la dynamique des protéines pour les deux problèmes stratégiques suivants:
1. Les protéines sont des machines microscopiques, et pour comprendre leur fonctionnement il est nécessaire de connaître l'ensemble des leurs états conformationnels accessibles. Cette information se trouve être contenue dans une structure multidimensionnelle appelée la surface d'énergie de la molécule. La construction de cette structure est essentielle, par exemple, pour comprendre la catalyse par les enzymes biologiques.
2. En même temps, la résolution de ce problème comporte également la solution de celui de l'entropie conformationnelle des protéines, dont le calcul nécessite aussi la connaissance de l'ensemble des états conformationnels de la molécule. Le calcul de cette entropie intervient dans la solution d'un grand nombre de problèmes, notamment à propos de la reconnaissance entre molécules.
Mon travail en modélisation moléculaire et mon expérience en tant que programmeur m'ont permis d'entrevoir qu'une contrainte importante concernant les simulations de systèmes moléculaires par ordinateur pouvait être évitée: les conformations moléculaires ne doivent pas nécessairement être calculées les unes après les autres. Une telle contrainte constitue notamment un obstacle dans le traitement efficace des deux problèmes mentionnés plus haut. Mais cette barrière peut être surmontée en codant les conformations tridimensionnelles des molécules biologiques avec des structures combinatoires, permettant ainsi de traiter simultanément un très grand nombre de conformations.
L'idée de base tout au long de ce travail a été de discrétiser les conformations moléculaires, car le fait d'éliminer de l'information dans un système fait apparaître des structures que d'ordinaire on ne voit pas parce qu'elles se trouvent submergées par la complexité des données. J'ai commencé ces recherches en 2003, en discrétisant l'espace des conformations (EdC) d'une molécule de N atomes, avec une partition en (N!)^3 cellules (arXiv:physics/0204035 dans l'archive électronique arXiv). Ces dernières sont caractérisées par des séquences binaires formant une structure combinatoire appelée séquences de partition qui posséde deux propriétés importantes:
1) Les séquences de partition forment une structure hiérarchique : des séquences désignant des cellules adjacentes de l'EdC, peuvent être regroupées en une nouvelle séquence.
2) Elles sont modulaires: elles ont une loi de composition (physics/0611108,arXiv:0812.2844).
C'est ainsi que l'on peut, à partir de données empiriques, échantillonner les séquences correspondant aux petits mouvements locaux d'une molécule. Grâce à la modularité des séquences, on peut ensuite les composer entre elles et obtenir l'ensemble de toutes les combinaisons possibles des mouvements de la molécule en une seule fois, au lieu de les générer une à une avec des algorithmes conventionnels.
Autrement dit, la modularité de ce formalisme agit en tant qu'amplificateur de fluctuations: il est possible ainsi de déterminer l'ensemble des cellules visitées par une molécule thermalisée dans son EdC et de construire un graphe ayant comme sommets les cellules visitées, avec des arêtes vers les cellules adjacentes. Le caractère hiérarchique des séquences de partition permet de rendre le graphe suffisamment compact pour pouvoir être enregistré en tant que fichier dans un ordinateur de bureau.
Ce formalisme nécessite le développement d'un outil specifique pour calculer l'énergie des conformations des cellules dans l'EdC. Autrement dit: il faut pouvoir construire les structures 3D d'une molécule compatibles avec une séquence de partition donnée. La solution de ce problème est exposée dans mon dernier travail (arXiv:1004.2022), dans lequel je contrains les atomes d'une molécule à occuper les noeuds d'un réseau cubique. Je montre qu'il est possible de construire des structures moléculaires réalistes à partir des séquences de partition en utilisant exclusivement des nombres entiers, des additions, des soustractions et des opérations booléennes. C'est à partir de ce résultat, que l'on doit pouvoir construire les procédures nécessaires à l'évaluation de l'énergie dans des vast es régions de l'EdC.
(fin du curriculum vitae)