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Billet de blog 15 octobre 2010

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Loi sur les retraites et rapport Attali : jusqu'où ira la casse sociale ?

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Le 15 octobre, l'Elysée fait état de la remise, par Jacques Attali à Nicolas Sarkozy, du rapport « Une ambition pour dix ans », élaboré par la « Commission pour la libération de la croissance française » et qualifié par cette Commission de rapport final. Notre article du même jour « Retraites : un projet de loi "accéléré" (X) » sur le blog « La Science au XXI Siècle » souligne la conjonction des nouvelles propositions de casse sociale contenues dans ce rapport avec le projet de loi sur les retraites en cours d'examen par le Parlement, de même que le consensus « transversal » que cette stratégie globale semble rencontrer au sein de la « classe politique » malgré quelques apparences à l'adresse des électeurs.

Mais ce n'est pas tout : il conviendra d'examiner plus en détail les analyses et propositions monocordes de ce rapport sur la structure et le fonctionnement global de l'Etat et de l'ensemble des administrations et services publics. En particulier, la recherche et l'enseignement supérieur publics sont directement mis dans le collimateur. Les organismes publics de recherche comme le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) ne semblent tout simplement pas faire partie des « ambitions » des membres de la Commission Attali. Doit-on s'en étonner, si on pense par exemple que Philippe Aghion fait partie de cette commission, et que son rapport sur la recherche et l'enseignement supérieur avait déjà ignoré l'existence même du CNRS ?

Dans notre article « Retraites : un projet de loi "accéléré" (X) »:

http://science21.blogs.courrierinternational.com/archive/2010/10/15/retraites-un-projet-de-loi-accelere-x.html

nous écrivons notamment :

D'après une note parue au même moment, dans Les Echos du 15 octobre, le fondateur et directeur général de l'Institut Français des Relations Internationales (IFRI), Thierry de Montbrial, l'un des organisateurs habituels des rencontres de Bilderberg, déclare s'inquiéter d'une France « totalement déconnectée, voire un peu suicidaire »... Où veulent en venir « nos élites », et quels intérêts servent-elles ?

Après le consensus de fait PS-UMP sur les retraites, va-t-on vers un plus large consensus en matière de casse sociale pour les années à venir ?

On peut le craindre, à la lecture du rapport mis en ligne par Jacques Attali le 15 octobre et remis à Nicolas Sarkozy par cet ancien assitant et conseiller de François Mitterrand. Outre son président, on trouve d'emblée parmi les membres de cette Commission un autre « homme de gauche » notoire : le conseiller de Ségolène Royal, Philippe Aghion.

(fin de l'extrait de notre article)

Le « rapport final » de la Commission Attali est d'ores et déjà disponible aux adresses :

http://www.attali.com/download/CLCF-RapportFinal.pdf (site de Jacques Attali)

http://www.liberationdelacroissance.fr/files/rapports/CLCF_Rapport_2010_Une_ambition_pour_dix_ans.pdf (site de la Commission)

En réalité, un examen détaillé de ce rapport met également en évidence de nouvelles menaces contre l'existence même de la recherche publique (CNRS et autres établissements) et, plus globalement, contre l'ensemble de l'Etat et des services publics.

Le communiqué de l'Elysée annonce le remise du rapport Attali dans ces termes :

http://www.elysee.fr/president/les-actualites/communiques-de-presse/2010/octobre/communique-faisant-suite-a-la-remise-du-rapport-de.9864.html

Communiqué faisant suite à la remise du rapport de M. Jacques ATTALI, Président de la Commission pour la libération de la croissance française

Le Président de la République a reçu le 15 octobre 2010, M. Jacques ATTALI, Président de la Commission pour la libération de la croissance française, qui lui a remis le deuxième rapport de la Commission « Une ambition pour 10 ans ». Ce rapport est le fruit d'un travail commun entre 42 personnalités venant d'horizons et d'opinions politiques différentes et reflète les nombreuses consultations menées par la Commission avec le Parlement et les partenaires sociaux.

60% des 316 recommandations du premier rapport de la Commission ont été partiellement ou totalement mises en œuvre. La Commission souligne notamment les changements engagés dans les domaines de l'innovation et de la compétitivité des secteurs d'avenir et des infrastructures qui y sont liées, le développement de la concurrence sur les marchés des biens et services au service du pouvoir d'achat des consommateurs, le soutien aux PME et TPE et la politique de l'emploi et le dialogue social.

Le rapport identifie deux urgences -- le désendettement et l'emploi -- et deux chantiers de long terme -- l'éducation de la maternelle à l'Université et la question des ressources rares. Sur chacun de ces thèmes, le rapport formule des propositions précises.

Sur le désendettement, le rapport souligne que la réduction des déficits doit se faire par des économies de dépenses et la réduction de certaines niches fiscales et sociales à l'exclusion de toute hausse générale des impôts. Il met en avant la responsabilité de l'ensemble des acteurs de la dépense publique qui doivent tous participer au redressement des dépenses publiques. Il insiste particulièrement sur l'effort de maîtrise de la dépense locale et sur la nécessité de préserver, par des mesures structurelles, le modèle social français face aux défis du vieillissement de la population.

Au-delà du défi du désendettement, le rapport formule des propositions concrètes dans trois domaines :
- la création d'emplois en encourageant la flexi-sécurité :
- l'éducation pour renforcer le niveau des élèves à la fin de l'école primaire et la poursuite de l'effort engagé en faveur de la recherche et de l'Université ;
- la croissance verte pour sécuriser l'accès aux matières premières et mieux tarifer les ressources naturelles.

Le Président de la République a souligné la convergence entre les enjeux soulignés par la Commission et les initiatives lancées par le gouvernement en matière de réduction des déficits, de préparation de l'avenir, avec la mise en œuvre des investissements financés par le grand emprunt et de croissance verte.

Le rapport de la Commission constitue un élément de réflexion très utile pour alimenter le débat sur l'agenda de réformes indispensable pour assurer l'avenir de la France et des Français.

(fin du communiqué de la Présidence de la République su 15 octobre 2010, source : site de l'Elysée)

La référence à la « flexisécurité », commune à l'UMP et au Parti Socialiste depuis les dernières élections présidentielles et déjà bien avant, découle, comme la casse des retraites, des accords du Conseil Européen de Barcelone de mars 2002. De même, les attaques tacites de la Commission Attali contre le CNRS et les organismes de recherche publics français ne sont que l'application de la stratégie de Lisbonne définie par le Conseil Européen de mars 2000.

A propos des universités, le rapport écrit notamment, page 11 de la version mise en ligne :

Enfin, l’amélioration de la qualité du système d’enseignement supérieur passe, conformément aux recommandations de notre premier rapport, par un approfondissement de l’autonomie des établissements et le renforcement des collaborations avec la société et les entreprises pour favoriser l’innovation. Ceci suppose, de renforcer la gouvernance des universités, d’accroître la liberté de recrutement des enseignants et de sélection des étudiants, de développer l’évaluation externe, de renforcer la pluridisciplinarité et l’ouverture internationale des universités.

(fin de l'extrait)

ou, page 89 :

Renforcer l’évaluation des universités et des enseignants

Les modalités de fonctionnement de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement (AERES) doivent être radicalement réformées pour lui permettre de promouvoir enfin la qualité dans les universités et conduire l’évaluation de cette exigence. Les évaluations pourraient en outre se concentrer sur une année pour la même formation dispensée dans tous les établissements par exemple, toutes les formations en histoire ou en biologie la même année.

L’AERES devrait être inscrite au registre européen des agences d’évaluation, et intégrer les standards européens pour l’assurance qualité (ESG) dans ses critères d’évaluation. A cette fin, elle doit notamment avoir les moyens d’évaluer les stratégies de recrutement des personnels des établissements, ce qu’elle n’est pas en mesure de faire actuellement, face à l’opposition du Conseil national des universités.

L’expertise de l’AERES doit être renforcée par l’intervention d’experts étrangers dans des missions d’évaluation sur pièce particulièrement. A cette fin, il est indispensable de rémunérer les experts à la hauteur de leurs compétences et ainsi assurer la qualité et l’indépendance de l’évaluation

Les universités devraient être également libres d’avoir recours à d’autres organismes d’évaluation européens inscrits au registre européen des agences d’évaluation de l’assurance qualité.

(fin de l'extrait)

Quant au CNRS, à l'instar du rapport Aghion, le rapport Attali semble sciemment passer outre à son rôle traditionnel et à son existence même.

En réalité, c'est un véritable programme de privatisation de la recherche et de l'enseignement supérieur dans un contexte de démantèlement de l'Etat en France et de renforcement de l'Union Européenne, qui nous est proposé par le rapport Attali dont nous analyserons plus en détail le contenu dans des articles ultérieurs.

Voir aussi nos articles :

Retraites : un projet de loi "accéléré" (I)

Retraites : un projet de loi "accéléré" (II)

Retraites : un projet de loi "accéléré" (III)

Retraites : un projet de loi "accéléré" (IV)

Retraites : un projet de loi "accéléré" (V)

Retraites : un projet de loi "accéléré" (VI)

Retraites : un projet de loi "accéléré" (VII)

Retraites : un projet de loi "accéléré" (VIII)

Retraites : un projet de loi "accéléré" (IX)

Retraites : un projet de loi "accéléré" (X)

Philippe Aghion, CNRS, recherche publique...

Rapport Aghion, "destruction créatrice", CNRS et universités

Rapport Aghion et recherche prolétarisée

Amy Bishop, "autonomie" des universités et rapport Aghion

Amy Bishop, "tenure", CNRS et "réforme Pécresse"

Amy Bishop et le "modèle américain" (I)

Amy Bishop et le "modèle américain" (II)

Universités françaises et OPA patronale (I)

Universités françaises et OPA patronale (II)

Universités françaises et OPA patronale (III)

Universités françaises et OPA patronale (IV)

Universités françaises et OPA patronale (V)

Bilderberg, CNRS, université publique, rapport Aghion...

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