
Notamment en venant à la rescousse d’autres pays en difficulté économiquement depuis plusieurs mois. Certains diraient que le pays fait preuve d’une certaine arrogance, mais force est de constater que Doha va au-delà qu’aider ses alliés traditionnels et ceux qui lui sont venus en aide lors des débuts de la crise. Cela répond à une stratégie de développement ancienne que l’embargo n’a pas réussi à faire chuter.
Déjà le mois dernier, l’Emir du Qatar annonçait donc apporter son concours à l’économie turque à hauteur de 15 milliards de dollars. Si les pays se sont ainsi rapprochés, c'est que Doha a pu compter dès le 6 juin 2017 sur deux alliés régionaux essentiels sur le plan économique : l'Iran et la Turquie. Si Doha a des vues divergentes claires et nettes avec ces alliés du moment, il n'a pas oublié ce qu'Ankara et Téhéran ont fait pour lui quand le pays était au plus mal. En effet, la Turquie faisait parvenir vivres et militaires pour défendre l'Émirat. Le Qatar n'est pas dupe : il sait très bien que et la Turquie et l'Iran n'ont pas vraiment bonne presse, mais il a aussi bien compris que ces alliés sont des pivots stratégiques majeurs pour la région et que participer indirectement à leur déstabilisation n'aurait à terme rien de bon pour l'ensemble du monde arabo-musulman.
Afin de balancer comme souvent son image, le Qatar a annoncé ces jours derniers venir en aide massivement à …l’industrie allemande. Si l’Allemagne est toujours la première puissance européenne, son industrie ne va pas si bien que cela. La dernière annonce[1] faisait état d’un investissement total estimé à 17 milliards de dollars, soit l’équivalent de ce que le pays a comme le rappelle l’article du Vif l’Express « Le plan du Qatar pour sauver l’industrie allemande », consacré en 30 ans à l’Allemagne. En réalité, c’est à l’occasion d’une visite de l’Emir Al Thani à Berlin, que l’annonce sera officielle lors d’une rencontre économique bilatérale avec la chancelière allemande Angela Merkel. Présent au capital de la Deutsche Bank, le Qatar envisage aussi d’investir dans Volkswagen dans la tourmente depuis plusieurs mois ainsi que dans les énergies renouvelables comme le photovoltaïque, avec le leader mondial Solarworld.
Un pied de nez pour les ennemis saoudien et émirati qui pâtissent eux économiquement et de leur engagement dans la guerre au Yémen qui leur coûte très cher, et dans le ralentissement des échanges économiques notamment avec l’Iran mais également indirectement du blocus imposé au Qatar avec qui ils avaient de nombreux échanges ? C’est non seulement la preuve que l’Emirat est sorti la tête de l’eau du blocus et du coût faramineux que ses voisins lui ont fait subir, mais qu’en plus au-delà d’avoir prouvé qu’il n’était ni le refuge de terroristes décrié ni le premier allié de l’Iran dans la région, montré sa capacité de résilience et à repartir de plus belle dans sa course historique à l’investissement mondial. Ce que certains voient depuis des années comme une stratégie mondiale d’invasion du Qatar, comme une prise de participation dans les plus grosses entreprises mondiales, faisait partie de la stratégie de diversification économique pensée et en partie conduite par l’ancien émir en 1995 afin de se prémunir d’une pénurie d’hydrocarbures un jour ou l’autre dans le pays. Avec une image largement améliorée depuis le début de la crise, Doha poursuit son chemin et concentre ses efforts désormais sur des pays qui représenteront à coups sûrs de puissants partenaires économiques, un atout de plus dans la quête historique de liberté du Qatar de la zone d’influence saoudienne depuis son indépendance en 1971.
[1] https://bfmbusiness.bfmtv.com/monde/le-plan-du-qatar-pour-l-industrie-allemande-1517103.html