Depuis plusieurs années maintenant, l’Ouzbékistan tente de se démarquer et soutenir Kaboul. Avec l'élection de Shavkat Mirziyoyev à la tête de l'Etat en 2016, le pays a considérablement intensifié sa politique en direction de l'Afghanistan.
Les initiatives de paix de l'Ouzbékistan visant à régler durablement la situation en Afghanistan sont un des symptômes de la détermination de Tachkent à résoudre cette crise éternelle. En particulier, en 2018, à l'initiative du président de l'Ouzbékistan, s'est tenue dans la capitale une conférence internationale de haut niveau sur l'Afghanistan intitulée « Processus de paix, coopération en matière de sécurité et connectivité régionale ». Dans la Déclaration de Tachkent adoptée à la suite de la conférence susmentionnée, pour la première fois, un consensus universel a été adopté autour de la nécessité d'un règlement avant tout politique de la situation en Afghanistan. Autrement dit, les pays du monde qui se sont impliqués dans la crise afghane ont de nouveau reconnu le fait qu'il n'y avait pas de solution militaire au conflit afghan. Cela a plutôt relancé le processus de paix et les négociations intra-afghanes.
Ainsi, l'Ouzbékistan a apporté sa contribution à la fin du conflit armé en Afghanistan et à la réduction de la composante militaire de la crise afghane. En outre, la diplomatie ouzbèke a réussi à l’occasion de cet évènement à regagner l'attention perdue de la communauté internationale sur la situation en Afghanistan, et qui suscite de moins en moins d’attention de la part de l’opinion et des médias.
La rencontre internationale qui a suivi, « Asie centrale et du Sud : connectivité régionale. Défis et Opportunités », avait été organisée les 15 et 16 juillet 2021 en Ouzbékistan. Ce fut l’occasion de replacer l’Afghanistan au cœur des enjeux commerciaux et économiques vitaux dans la région poussant pour la réalisation du corridor transafghan promu par l'Ouzbékistan. À cet égard, les plans de l'Ouzbékistan visant à construire un modèle viable de connectivité interrégionale entre l'Asie centrale et l'Asie du Sud peuvent être considérés comme une suite logique et une partie importante de la stratégie afghane de la République.
Cependant, avec les développements politiques en Afghanistan depuis 2021, c'est-à-dire avec l'arrivée du mouvement taliban au pouvoir à Kaboul, on peut parler du début d'une nouvelle étape dans les efforts systémiques de l'Ouzbékistan pour stabiliser la situation sur le sol afghan. La priorité est devenue de plus en plus économique.
Ces nouveaux objectifs ont été dictés par l'inquiétude de Tachkent face à la crise économique croissante en Afghanistan et aux conséquences imprévisibles qui en résultent. En effet, l'Afghanistan connaît aujourd'hui une crise humanitaire et socio-économique sans précédent par son ampleur. Selon les dernières données de l'ONU, en 2022, le nombre d’Afghans ayant besoin d'aide humanitaire a dépassé les 24 millions, soit une augmentation de 6 millions par rapport à l'année précédente. Cela représente environ 60% de la population du pays.
Depuis deux ans, la situation confirme la nécessité d'unir les efforts de la communauté internationale pour apporter une aide d'urgence au peuple afghan. Il y a fort à parier que comme souvent les sanctions ou la pression économique exercée sur les autorités afghanes se retourne avant tout sur la population. Conscients de cela, les autorités ouzbèkes ont organisé en 2022 une Conférence intitulée « Afghanistan : sécurité et développement économique ». Au cours de cet événement, les questions de la reconstruction économique post-conflit de l'Afghanistan sont devenues le thème central. Étaient présents à cette occasion une délégation représentative du gouvernement intérimaire afghan et plus de 100 représentants de 30 pays du monde.
Tous les facteurs ci-dessus montrent que l'Ouzbékistan essaie d'adapter sa politique afghane aux nouvelles conditions qui sont apparues autour et à l'intérieur de l'Afghanistan. D'une part, Tachkent poursuit un dialogue constructif avec les Talibans, mais d'autre part, elle tente de convaincre le gouvernement intérimaire afghan de la nécessité de se conformer aux exigences internationales. Ces conditions comprennent la formation d'un gouvernement inclusif, la fin des liens avec les organisations terroristes internationales et la garantie des droits des femmes et des enfants. Ce n’est pas une mince affaire. Dans le même temps, l'Ouzbékistan appelle les pays occidentaux à cesser de geler les avoirs étrangers afghans et à accorder plus d'attention à la situation humanitaire en Afghanistan. Ainsi, Tachkent tente de remettre la question afghane au centre de l'agenda international.
Aujourd'hui, l'Afghanistan fait partie des 10 premiers partenaires commerciaux de l'Ouzbékistan. Si l’on prend les relations bilatérales entre les deux pays, le commerce a augmenté de 15% entre 2021 et 2022, passant de 673,7 millions de dollars à 759,9 millions de dollars en 2022. Le deuxième aspect majeur des échanges entre les deux pays est la coopération humanitaire. Entre septembre 2021 et septembre 2022, l'Ouzbékistan a envoyé 5 fois de l'aide humanitaire à l'Afghanistan, pour atteindre un total de 10 000 tonnes.
Une autre étape importante dans cette direction a été le lancement à Termez en 2021 d'un centre international d'aide humanitaire à l'Afghanistan, qui a créé de nombreuses opportunités pour la mise en œuvre efficace d'une aide humanitaire internationale centralisée, ciblée et systémique au peuple afghan. En plus de ce qui précède, l'Ouzbékistan continue d'apporter une contribution importante à la garantie de la sécurité énergétique de l'Afghanistan. Le pays couvre 52 % des importations d'électricité de l'Afghanistan (2,7 milliards de kWh). De plus, des négociations sont en cours pour achever le projet de réseau Surkhan-Puli-Khumri, qui sera en mesure d'augmenter l'approvisionnement en électricité du marché afghan. L'attraction de ressources financières internationales pour la mise en œuvre du projet ci-dessus est le résultat d'accords avec le précédent gouvernement afghan qui ont été conclus en 2018.
Dans ce contexte, la présence de l'Ouzbékistan sur le marché énergétique afghan peut contribuer à assurer la stabilité de l'économie afghane et renforcer les liens historiquement amicaux entre les deux peuples. Il existe également un projet dans le domaine de l'éducation. Actuellement, le centre éducatif pour la formation des citoyens afghans fonctionne avec succès à Termez. Aujourd'hui, il y a 130 étudiants afghans, garçons et filles, qui sont formés. Le 23 janvier 2023, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et l'Union européenne ont ouvert un Centre de connaissances de l'Union Européenne, toujours à Termez. Le projet mis en œuvre par le PNUD fournira aux citoyens afghans vivant en Ouzbékistan de nouvelles connaissances et compétences qui les aideront à améliorer leur situation financière et à soutenir leurs familles. Dans sa stratégie afghane, l'Ouzbékistan entend jouer dans les années à venir un rôle de chef d'orchestre des intérêts de tous les États de la région d'Asie centrale qui souhaitent stabiliser la situation en Afghanistan et développer leurs relations commerciales et économiques avec le pays.