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Billet de blog 12 avril 2023

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Soutien à Florence Bergeaud-Blackler, menacée de mort

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La chercheuse Florence Bergeaud-Blackler, qui vient de publier un livre sur les réseaux fréristes (Odile Jacob, 2023), est l'objet de menaces de mort. C'est extrêmement grave. Souhaitons que les auteurs de ces menaces, qu'il importe de répertorier avec précision, soient identifiés et sanctionnés. En tant que citoyen et en tant que collègue, j'apporte évidemment tout mon soutien public à Florence Bergeaud-Blackler.

Le désaccord scientifique, voire parfois le conflit de personnes, font partie du paysage de la recherche. Mais glisser vers le recours à la violence verbale et physique, c'est franchir la ligne rouge qui sépare le débat de la haine criminelle. "Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit" (article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations Unies, 1948). La menace de mort est l'arme des censeurs et des fanatiques. En démocratie, rien ne saurait légitimer qu'on intimide ou baillonne les voix qui dérangent. Gilles Képel hier, Florence Bergeaud-Blackler aujourd'hui.... Mais que se passe-t-il en France pour qu'on en soit arrivé à ce que des intelligences en alerte soient mises sous protection policière ?

J'ai rencontré pour la première fois Florence Bergeaud-Blackler lorsque j'étais directeur du laboratoire Groupe Sociétés Religions Laïcités (GSRL). Nous l'avions, à l'époque, auditionnée car elle avait candidaté pour rejoindre notre UMR en tant que chercheure statutaire, au début de l'année 2019. Le conseil de laboratoire avait voté "oui" à son rattachement au GSRL (mars 2019). Depuis, en tant que directeur du GSRL à l'époque de son rattachement, je puis témoigner que Florence Bergeaud-Blacker a pu poursuivre ses recherches au sein de notre unité, où elle dispose d'un espace de travail et d'infrastructures mises au service de la valorisation des recherches. Ses travaux scientifiques ont été, et sont relayés sur le site internet du laboratoire ainsi que sur le fil twitter dédié. Elle a également été présentée sur notre portail internet GSRL ("Une chercheuse à la une"), et a été invitée à présenter ses recherches lors d'un séminaire interne du laboratoire, le 18 mai 2020. Le site internet du GSRL en a d'ailleurs relayé spécifiquement une vidéo, « Normativités islamiques et marché halal : de la boucherie à l’économie islamique globale ». Il est utile de rappeler ces éléments factuels, à l'heure où un climat ambiant complotiste et anti-élites tombe facilement dans les caricatures, que ce soit contre les chercheurs ou à l'encontre des structures de recherche publique.

Le GSRL, qui a accueilli Florence Bergeaud-Blackler, a été, et reste demandeur de sa participation, notamment aux séminaires internes mensuels auxquels les titulaires CNRS sont tenus d'assister. Pour le reste, les exigences de la recherche au sein d'un laboratoire sont les mêmes pour toutes et tous, dont le travail en équipe, l'importance de séparer l'analyse scientifique des convictions personnelles, et le rôle crucial d'un débat sur le fond, débarrassé des mises en cause ad hominem. Personne n'est au-dessus des règles communes : la réflexion collective ne peut progresser sans ces sociabilités de la recherche.

Eclairer les débats par une recherche sourcée, argumentée et sereine est plus que jamais un impératif démocratique. C'est pourquoi toute menace de mort à l'encontre d'une ou d'un collègue ne saurait être prise à la légère. Quand le pire se produit et que la menace est proférée, il existe plusieurs manières de procéder pour réagir. Garder le silence, en revanche, n'est pas une option. Plusieurs collègues du GSRL ont signé la pétition de soutien qui circule. Pour ma part, j'ai choisi la forme de cette tribune et je remercie mediapart, média pluraliste dont j'apprécie la culture du débat, de m'en donner la possibilité. Si l'échange d'idées était une partie de cartes, que le jeu continue, oui, mais pour cela, les menaces de mort ne sauraient constituer le "joker" imparable. Zéro tolérance. Quand une chercheuse, un chercheur est menacé par la violence physique, c'est toute la communauté scientifique qui est attaquée.

Soutien à Florence Bergeaud-Blackler, menacée de mort !

Sébastien Fath, historien, chercheur au CNRS (laboratoire Groupe Sociétés Religions Laïcités)

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