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Billet de blog 23 mars 2024

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La gifle du Mali à la France

Le 29 janvier 1957, Léopold Sédar Senghor (député français) s’exprime dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale sur le nouveau cadre juridique relatif aux 7 millions de km2 connus sous les dénominations d’Afrique occidentale française et d’Afrique équatoriale française, Togo et Cameroun, anciennes colonies allemandes placées en partie sous tutelle française par la Société des Nations.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

75 ans après, le mépris de la France a fini par agiter les rancœurs côté Malien. C'est la position d'ensemble de la France sur l'échiquier mondial qui s'en trouve malmenée. La France, dans l'erreur et dans l'impasse, isolée diplomatiquement, n'a pas voulu faire marche arrière et corriger sa méthode et ses manières, bien mauvaises. A l'heure des conflits brulants Ukraine - Russie, Palestine - Israël, ce discours prononcé à l'Assemblée nationale en 2022 prend encore davantage de sens.

Le Député Sébastien Nadot s'adressant au Gouvernement © Culture, sport, musique et géopolitique

S’inquiétant de la volonté manifeste du pouvoir central parisien de – déjà – « balkaniser » l’Afrique noire et de régler assez mal « la nature des liens » qui devaient « unir les peuples d’Afrique au peuple de France », Léopold Sédar Senghor terminait néanmoins son discours par une note d’espoir : « Je vous dis que la France est un arbre vivant ; ce n’est pas du bois mort promis à la cognée ».

La gifle infligée par le Mali au Gouvernement français nous dit autre chose.

Le Mali, pays souverain, a demandé à la France bardée de ses militaires de partir. La seule solution fut donc d’obtempérer. Mais le mal était fait.

La gifle du Mali, c’est le joli discours du président Macron à Ouagadougou, en 2018, qui se fracasse sur les réalités. Comment peut-on disserter une heure durant sur la relation entre la France et l’Afrique en feignant d’ignorer que la France en Afrique, c’est d’abord et avant tout des militaires, des fusils, des drones et des bombes ?

La gifle du Mali, c’est la réponse au cynisme, à l’arrogance et à l’exploitation rapace made in France : voilà les valeurs françaises que l’on mesure au quotidien quand on vit au Sahel. Et que réserve-t-on aux migrants qui viennent en France ? La maltraitance d’État, car ils ne sont pas assez riches ou trop noirs. Nous affirmons combattre chez eux le terrorisme, mais nous leur refusons des titres de séjour au motif qu’ils viennent d’un pays sûr : c’est incroyable !

La gifle du Mali s’adresse à la pensée libérale interventionniste, teigneuse et belliqueuse de la France ; celle qui ne drague que le dictateur africain et son potentiel militaire.

La gifle du Mali s’adresse à l’État français, qui a privatisé sa politique étrangère pour l’intérêt de quelques capitaines d’industrie arrogants, alors que le peuple de France, lui, n’en bénéficie plus.

La gifle du Mali est également destinée à notre système médiatico-politique. Ministres et parlementaires godillots célèbrent leurs mensonges sur les plateaux de France 24, de RFI ou de La Chaîne parlementaire dans une connivence coupable et nous expliquent que certains troisièmes mandats sont bons et d’autres pas, et que certains putschistes défendent la liberté aux côtés de la France, mais d’autres pas. Ils ont la com’ pour seule boussole. Les réseaux sociaux ont balayé la propagande française cachée derrière ce marketing ridicule de pays des droits de l’homme et de la démocratie : nous sommes en réalité le troisième vendeur mondial d’engins de la mort.

La gifle du Mali, c’est le réveil d’une conscience nationale malheureusement cimentée sur un sentiment anti-Français que vous avez continué de laisser prospérer. Être continuateur de l’erreur, c’est la commettre en l’aggravant.

La gifle du Mali, c’est le signal donné à tous les autres pays pour faire de même. Tchad, Niger, Burkina Faso, Mauritanie, Sénégal, Cameroun, Côte d’Ivoire, Gabon, ou encore République du Congo se détourneront à leur tour de la France. Mais pourra-t-on leur donner tort ? Notre mauvaise malice en Afrique a une histoire, coloniale, prédatrice et clientéliste. En voici un seul exemple : en 1963, le président du Togo, Sylvanus Olympio, avait eu l’audace de déclarer à l’AFP « Je vais faire mon possible pour que mon pays se passe de la France » ; peu de temps après, il était assassiné. Depuis, la France exerce une pression très violente et constante sur le Togo ; elle se place toujours dans le camp du dictateur, toujours avec l’oppresseur, toujours contre le peuple togolais. Rien d’étonnant à cela : plus la France s’adresse à un petit pays, plus sa prédation est immense.

La gifle du Mali, c’est aussi la seule réponse possible d’un pays digne face à la tragique erreur française du 3 janvier 2021, cette frappe aérienne conduite par l’armée française qui a tué dix-neuf civils réunis pour un mariage à Bounti. Ce sont les enquêteurs de la MINUSMA et de la police scientifique des Nations unies, après de minutieuses investigations, qui l’affirment (...).

Conclusion provisoire...

On aurait tort de penser que la méthode française au Mali est une simple erreur de parcours. On aurait tort de croire qu'il s'agit d'un mauvais coup à imputer à la Russie dévastatrice du Président à vie Poutine. La gifle du Mali est annonciatrice du délitement de la diplomatie de la France, de l'amoindrissement de la place de ce petit pays dans le monde.

Faute d'avoir su se réinventer à l'étranger, à force de mal se comporter vis-à-vis des ressortissants étrangers, ceux qu'on appelle communément les migrants, la France est en passe de perdre sa voix universelle.

Cette défaite dans la relation de notre beau pays aux autres, étrangers, différents, c'est la victoire de l'extrême droite française. L'extrême droite est une acceptation et une abdication de notre place et notre message au monde, nous enfants des Lumières. 

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