Après une convocation à la direction académique, une lettre d'admonestation, une grande indignation à la découverte de cette sanction, une large couverte médiatique, l’administration de l’Éducation nationale vient de répondre à mon avocat Me Luc Moreau.Le Directeur académique de l'Hérault a « décidé [suite au recours] de donner une suite favorable à [la] demande de retirer ma lettre d'admonestation du dossier administratif de M. Rome ».
Me Luc Moreau réagit à ce courrier ainsi :
« Suite à la lettre d’avertissement dite « lettre d’admonestation » qui fut porté au dossier administratif de Sébastien Rome, accusé à tort d’avoir manqué à son devoir de neutralité, celui-ci a souhaité saisir le ministre de l’Éducation nationale par voie d’un recours hiérarchique.
Le directeur académique de l’Éducation nationale de l'Hérault a, par courrier, déclaré retirer la lettre d'admonestation du dossier administratif de Sébastien Rome.
Mon client est bien évidement satisfait de cette issue qui lui est favorable.
Toutefois, toutes nos questions n'ont pas trouvé de réponses, et ce n'est pas le ministre interpellé qui a répondu. Il eut été appréciable que celui-ci confirme l’existence de la liberté d'expression des enseignants.
Bien qu’elle soit retirée du dossier de Monsieur Rome, l'admonestation et les raisons de cet avertissement sont maintenues. Nous déplorons que demeure l'idée qu'un enseignant puisse subir une sanction pour avoir exprimé de manière mesurée ses convictions de citoyen.
Contrairement aux propos du ministre lors du débat sur l'article 1er du projet de loi sur l'école de la confiance examiné au Sénat, on ne peut invoquer le devoir de neutralité, qui n’a de sens que dans l’exercice des fonctions, pour imposer le silence à un agent public en dehors du service. Aucun enseignant ne peut être inquiété parce qu'il exprime, en dehors de son service, ses opinions et participe, comme quiconque, au débat public. Dans ce cadre, Sébastien Rome s'est parfaitement conformé à son devoir de réserve, comme en témoigne la nature de ses propos.
Cette interprétation excessive de la déontologie des fonctionnaires contribue à faire peser sur les fonctionnaires, et les enseignants plus particulièrement, une menace qui les conduit hors du champ de la citoyenneté ou les réduit à ne témoigner que sous couvert d’anonymat.
C'est également la liberté de la presse qui est impactée, puisque l’on rend plus difficile les possibilités d’informer.
Sans garantie donnée par le ministre, nous ne pourrons être pleinement rassurés sur les droits des enseignants à être des citoyens comme les autres. »
Maître Luc MOREAU
Cabinet VPNG et Associés
Spécialisé en droit public
Cette réprimande de l'expression publique d'un enseignant est aujourd'hui d'autant moins compréhensible après l'examen de la loi de l'école dite « de la confiance » que Jean-Michel Blanquer a fait sienne les principales critiques que nous portions avec Sylvie Plane dans la tribune du Monde.
Le Ministre a affirmé « On a besoin encore de temps, c'est un sujet des prochains mois pour avoir la plus large concertation » quand nous écrivions « Cette mesure est apparue sous la forme d’un simple amendement, adopté sans la moindre concertation. Son statut d’amendement lui a permis d’échapper à la fois à l’avis du Conseil d’état, à la discussion en commission parlementaire et à l’étude d’impact qui aurait permis aux députés de se prononcer en connaissance de cause. Ni le monde enseignant, ni les syndicats, ni les maires n’ont été associés à la réflexion. Or, cette mesure s’inscrit en rupture avec la tradition républicaine qui a structuré nos territoires et nos communes en confiant à ces dernières la responsabilité des écoles ».
Nous déplorions que le projet adopté par l'assemblée nationale rejette l'idée que les parents d'élèves et les enseignants soient autant décisionnaires que l’académie dans le choix d'un regroupement écoles-collège. L'idée générale n'est-elle pas de faire « confiance » au terrain ? Ainsi, nous écrivions : « Autre preuve de l’absence de considération envers l’échelon local : l’article n’envisage même pas que soient consultés les conseils d’école et conseils d’administration, où siègent pourtant les représentants des personnels et des familles. »
La député Anne-Christine Lang LREM, co-rapporteuse de la fameuse loi, a reconnu le 11 mai dans Ouest-France qu'elle avait « entendu la forte volonté des enseignants d’être associés. Dans le cadre de la navette parlementaire, nous allons faire en sorte d’apporter des garanties, notamment l’accord des conseils d’écoles et du conseil d’administration du collège. Quand le ministre dit qu’il inscrira l’accord des communautés éducatives, il donne sa parole. »
Max Brisson, rapporteur Les Républicains de la loi au Sénat déclarait : « Nous avons ressenti beaucoup de défiance lors des très nombreuses auditions, une défiance largement dûe à une méthode un peu cavalière [du ministre]. Il ajoutait : « Le Sénat a plus consulté, sur ce texte, que le gouvernement et l'Assemblée nationale réunis... et « il a manqué de la consultation, du dialogue, de la pédagogie et finalement de la considération à l'égard des territoires, des élus, des enseignants, des parents. (...) Les personnes auditionnées nous disaient : " Au moins vous, vous nous avez reçus, entendus." »
La loi, non encore définitivement adoptée, ne reste pas sans poser problème. La suppression du CNESCO pose en soi une question qui doit interroger chaque citoyen. Quel intérêt y a t'il de supprimer une commission indépendante du pouvoir qui fonde ses avis sur des travaux de recherches scientifiques reconnus et qui font consensus pour le remplacer par une commission dépendante du Ministre ? Y a t'il une volonté du Ministre de contrôler le discours produit sur l'école ? Faut-il voir un lien entre les pressions sur les enseignants, la manière de traiter les évaluations de CP et cette loi de confiance ? Est-ce que le Ministre a réussi a faire de sa loi, une « grande loi sociale » par l'instruction obligatoire à 3 ans alors que presque 100% des enfants de 3 ans sont scolarisés ?
Le très conservateur Sénat n'a pas pu s'empêcher d'aggraver cette loi par deux dispositions dont les effets discriminatoires sont connus et leur inefficacités éducatives reconnues : la suppression les allocations familiales et l'interdiction faite aux femmes voilées d'accompagner les sorties scolaires.
Ce mardi 21 mai l'appel à la grève lancé par les syndicats peut à la fois s'affermir par ses premières victoires mais aussi redoubler de détermination face aux questions qui sont devant nous.