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Billet de blog 20 septembre 2024

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Le vote rural et le RN : la faute à Mélenchon ? Retour en 2012

Voilà le classique. C’est toujours la faute du « vieux ». La tribune de Rémi Branco dans Libération n’y fait pas exception. Pourtant, quand on regarde la carte des résultats de 2012, on ne peut que constater la lourde responsabilité de François Hollande dans le décrochage de la gauche dans la ruralité. Explication en quelques cartes. Retour vers le futur.

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L’histoire des comportements électoraux est davantage marquée par la constance des votes selon les régions que par une variabilité volatile. Ne souhaitant pas remonter à l’affaire Dreyfus, qui marqua durablement le clivage gauche/droite, ou à l’après-guerre, je vous propose de prendre comme point de départ l’élection de François Hollande en 2012 pour arriver à la carte des résultats par communes aux dernières législatives.

Illustration 1
résultats élections législatives 2024 par communes © BFM TV


**Le vote Hollande** 

La gauche réalise de très bons scores en Outre-Mer (51 % à La Réunion), en Île-de-France et en Bretagne. Elle gagne aussi les régions du Centre, avec l'Indre et le Cher, ainsi que les contreforts du Massif central avec l'Allier et la Nièvre, mais aussi le grand Ouest marqué par un vote catholique centriste. Le quinquennat a rendu insupportable le comportement de matamore de Nicolas Sarkozy, qui a été, avant Macron, le président des riches, stigmatisant les Français musulmans ou supposés l’être. Ce racisme à peine voilé a ramené cet électorat modéré, en partie rural, du côté de la gauche. 

Hollande, c’est aussi le candidat des métropoles et des banlieues : 35 % à Lille, Montpellier, Toulouse (15 % Mélenchon) – 28 % à Marseille (13 % JLM) – 45 % à Saint-Denis (21 % JLM) – Montreuil 40 % (24 % JLM) – Villeurbanne 34 % (13 % JLM), etc...

Illustration 2
vote Hollande 2012 © Radio France

**Le vote Mélenchon** 

Sous la bannière du Front de gauche unissant l’ancienne aile gauche du PS, le PC et le mouvement social, Jean-Luc Mélenchon obtient de très bons résultats dans les régions rurales acquises à la gauche depuis de longues années : le pourtour du Massif central et le Sud cévenol, les Pyrénées, les Alpes-de-Haute-Provence, les Hautes-Alpes et le centre de la Bretagne. Les banlieues rouges offrent aussi des scores plus élevés que la moyenne nationale, mais mettent Hollande en tête comme nous l'avons vu au-dessus.


Illustration 3
vote Mélenchon 2012 © Idees Université de Rouen

Cette tendance se confirmera en 2017, où Jean-Luc Mélenchon passe en tête dans les parties rurales de la gauche, les métropoles et les banlieues, remplaçant, sans y parvenir totalement, le PS dont le vote de l’Ouest modéré et rural a préféré Macron.


Illustration 4
vote Mélenchon 2017

**Le vote Bayrou** 

Le candidat du MoDem réalise de bons scores dans l'Ouest de l'hexagone, même s'il n'est plus en tête dans son département, les Pyrénées-Atlantiques. C’est ce vote qui fera gagner Hollande au second tour en 2012.

Bayrou prépare le vote Macron de 2017, auquel s’ajoutera le vote de la partie modérée de Hollande.


Illustration 5
vote Bayrou 2012 © Radio France

**Le vote Sarkozy** 

Le candidat-président sortant reste fort dans ses bastions de PACA, Alsace et Champagne-Ardenne, mais il commence à marquer un net recul, comme à Nice et Toulon. Tous les électeurs de ces régions, déçus par les mots forts de Sarkozy contre l’immigration, la sécurité et les musulmans, qui n’ont pas trouvé d’actes réels à leurs yeux, votent aujourd’hui très majoritairement pour le RN. Le RN a remplacé la droite.


Illustration 6
vote Sarkozy 2012 © Radio France

**Le vote FN** 

Marine Le Pen opère dès 2012 une poussée dans les régions rurales et consolide ses positions dans les terres populaires comme le Nord-Pas-de-Calais, où elle devance Nicolas Sarkozy. Sa présence est déjà très forte dans l’arc méditerranéen, la vallée du Rhône et augmente le long de l’autoroute Montpellier-Toulouse-Bordeaux. Le vote de 2012 prépare d’ores et déjà les scores actuels du RN.


Illustration 7
Vote FN 2012 © Radio France

De ces cartes, nous pouvons conclure que Jean-Luc Mélenchon a conservé et renforcé, par l’effacement du PS, le vote rural historique de la gauche dans les moyennes montagnes françaises. Il ne récupère pas le vote rural de l’Ouest et du Nord, qui est historiquement plus marqué au centre pour l’un et à droite pour l’autre. Capté par le centre macroniste, l’électorat rural modéré, très présent à l’Ouest de la France, fait le résultat du second tour en 2024. S’il vote à gauche, il lui donnera la victoire. S’il s’abstient, comme il l’a fait en partie lors des dernières élections législatives, suivant les consignes du « ni-ni » et cédant aux mensonges des médias des milliardaires qualifiant la FI « d’antisémite », il donne une victoire au RN. 

Le vote PS de 2012 se retrouve coupé en deux : une partie (ruralité à gauche, métropoles, banlieues, Outre-mer) a été réactivée par Jean-Luc Mélenchon et ne semble pas vouloir revenir auprès du parti qui les a trahis. L’autre partie est restée chez Emmanuel Macron. Avant 2012, du fait des « tendances » allant de Mélenchon à Rocard, le PS était une capacité inégalée à toucher un électorat large. Cette configuration peut être aujourd’hui à l’œuvre dans le Nouveau Front Populaire si chacun joue pleinement son rôle sans chercher à rompre avec une "tendance" de la gauche. Cela rend donc assez mortifère les mots sans retour.  

Illustration 8
résultats Hollande/Sarkozy 2012 © Géoclip 2012

Au final, le vote RN des ruralités est déjà fort au Nord en 2012. La bande urbaine de l’arc méditerranéen est déjà largement acquise. La récupération des thèmes de l’extrême droite par Sarkozy a préparé la bascule de l’électorat de droite vers le RN pour une raison assez simple : on ne tape jamais assez fort sur les faibles et on peut promettre de frapper toujours plus fort. Ce que fait le RN « qui n’a jamais été essayé ». Fillon sera le dernier sursaut de la droite.

Il faut donc être d’une sacrée mauvaise foi pour dire que c’est la faute de Jean-Luc Mélenchon si la ruralité vote RN, quand les ferments de ce vote sont en partie déjà là en 2012 et que celui qui a réellement abandonné les classes populaires ouvrières, c’est François Hollande. Au plus juste, on peut reprocher à Jean-Luc Mélenchon de ne pas faire mieux que ce qu'il a déjà fait. 

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