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Billet de blog 31 juillet 2023

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Jaurès et la Violence

Jean Jaurès, 109 après son assassinat, a laissé de si nombreux textes que nous pouvons sans crainte en trouver toujours un qui nous soit présent. Pour cette année, il me semblait évident de revenir sur la question de la violence, bien moindre aujourd'hui qu'à son époque. Pourtant, on sent dans notre société comme un désir montant de la faire éclater plus fortement. Quel chemin prenons-nous ?

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Mesdames et Messieurs, chers et chères ami.es, camarades,

Aujourd'hui, si nous sommes rassemblés pour rendre hommage à Jean Jaurès, cette figure marquante de l'histoire politique et sociale de la gauche, c’est parce que cette gauche faisait du bruit, tellement de bruit, que son écho raisonne encore aujourd’hui. Homme de conviction et défenseur infatigable de la justice sociale, il a laissé une empreinte indélébile dans notre mémoire collective. En cette occasion, permettez-moi de le laisser un peu vous parler des violences ouvrières.

Mais avant, il nous faut nous remettre en mémoire le contexte. 
D’une part, à Fressenneville, en avril 1906, le château du plus important patron de la commune fut incendié lors d’un mouvement de grève des ouvriers de la serrurerie. Clémenceau s’insurge contre cette violence ouvrière et veut la réprimer. D’autre part, une catastrophe à Courrières, la plus importante catastrophe minière d’Europe, fait plus de 1200 morts où les responsables de la mine sauvèrent les installations en sacrifiant des mineurs.


Que nous dit Jaurès ? 
« Ce que les classes dirigeantes entendent par le maintien de l’ordre, ce qu’elles entendent par la répression de la violence, c’est la répression de tous les écarts, de tous les excès de la force ouvrière ; c’est aussi, sous prétexte d’en réprimer les écarts, de réprimer la force ouvrière elle-même et laisser le champ libre à la seule violence patronale.
Ah ! Messieurs, quand on fait le bilan des grèves, quand on fait le bilan des conflits sociaux on oublie étrangement l’opposition de sens qui est dans les mêmes mots pour la classe patronale et pour la classe ouvrière. Ah ! les conditions de la lutte sont terriblement difficiles pour les ouvriers ! La violence, pour eux, c’est chose visible palpable, saisissable chez les ouvriers : un geste de menace, il est vu, il est retenu. Une démarche d’intimidation est saisie, constatée, traînée devant les juges. 
Ah ! Le patronat n’a pas besoin, lui, pour exercer une action violente, de gestes désordonnés et de paroles tumultueuses ! Quelques hommes se rassemblent, à huis clos, dans la sécurité, dans l’intimité d’un conseil d’administration, et à quelques-uns, sans violence, sans gestes désordonnés, sans éclat de voix, comme des diplomates causant autour du tapis vert, ils décident que le salaire raisonnable sera refusé aux ouvriers ; ils décident que les ouvriers qui continueront la lutte seront exclus, seront chassés. Cela ne fait pas de bruit ; c’est le travail meurtrier de la machine qui, dans son engrenage, dans ses laminoirs, dans ses courroies, a pris l’homme palpitant et criant ; la machine ne grince même pas et c’est en silence qu’elle le broie. »

Illustration 1
Carricature de Clémenceau utilisant l’armée pour réduire dans le sang tous les mouvements ouvriers.

«Ainsi, poursuit-il, tandis que l’acte de violence de l’ouvrier apparaît toujours, est toujours défini, toujours aisément frappé par la Justice, la responsabilité profonde et meurtrière des grands patrons, des grands capitalistes, elle se dérobe, elle s’évanouit dans une sorte d’obscurité. »

De la violence ouvrière, il tire la conclusion quelques années plus tard après ce texte, qu'elle résulte d'un défaut d'organisation. Des syndicats et des partis puissants et unis rendront inutiles toutes les violences. Sa position est donc loin de justifier la violence ouvrière. Elle décrit plutôt un mouvement social inabouti à qui il faut donner une forme unie. Ce choix de l'action unificatrice qui passe par la compréhension des inégalités sociales et des maux qui frappent le peuple est un appel à la Justice. Cette Justice passe d’abord par les tribunaux qui implique que nul ne peut se mettre au-dessus des lois pour avoir pris la vie d’une femme, d’un homme, d’un enfant. Les privilèges des uns sur les autres ont été abolis par la Révolution. Nul noble, nul paysan, nul patron, nul ouvrier, nul policier, nul délinquant, n'est au-dessus des lois. Mais cette Justice est incomplète, si elle n’est pas sociale, c’est-à-dire si elle ne permet pas à la classe dominée de devenir maître et possesseur de son propre travail, de son outil de production, de sa terre, bref de sa vie. C’est cette appropriation des moyens d’existence qui fera d’un humain un citoyen. 

Chers amis, la violence est un signe. Le signe des âmes brisées, qui cherchant la Justice et leurs unités, se sont perdus en chemin. Depuis Jaurès, nous savons qu’avec lui nous devons alors « chercher cette étincelle de Justice qui rallumera tous les soleils, sur les hauteurs des sphères ». 

Je vous remercie.

Illustration 2
Les ouvriers de Graulhet en Grève avec Jaurès au centre

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