«La rentrée s'est bien déroulée», dira notre ministre. Cependant, il y a un léger hic. Non pas que les inspecteurs appellent à la désobéissance mais trois petits évènements viennent contredire cet optimiste constat où une conclusion s'impose : Luc Chatel est désormais un ministre sans administration.
D'abord, il y a eu la charte des Inspecteurs adhérents aux SNPI-FSU qui recommandait entre autres de ne pas « [...] se compromettre dans des liens de vassalité qui n'ont pas lieu d'exister dans la fonction publique, [et d'] affirmer et assumer une conception de la loyauté du fonctionnaire de l'État envers l'intérêt général d'une république démocratique et sociale », de « S'en tenir aux observations effectuées en refusant toute pression quels qu'en soient les demandeurs et quelles qu'en soient leurs motivations » et de « Distinguer la présentation des instructions officielles et l'expression éventuelle de points de vue, en toute honnêteté intellectuelle et sans déroger au principe de neutralité du service public ».
Puis, il y a eu les fuites dans la presse, organisées par des Inspecteurs d'Académies pour mettre à mal un ministre qui racle aux fonds des tiroirs des postes. Ces fuites ont été « confirmées » par un communiqué de presse quelques semaines après qui dénonçait « des instructions qui se succèdent [et] donnent une image brouillonne de la gouvernance du ministère et ne tracent pas les contours du grand dessein pour l'école dont le pays a besoin »
Enfin, il y a eu aujourd'hui, le SIEN-UNSA, principal syndicat des inspecteurs (1000 sur 1800) qui est prêt à dialoguer avec Alain Réfalo, le désobéisseur le plus sanctionné à ce jour (il faut dire, il avait eu la mauvaise idée de s'exprimer librement sur un blog très lu...). Le syndicat propose de rechercher des solutions, Inspecteurs-désobéisseurs, pour l'intérêt des élèves. Ceux qui ont donc eu la charge de frapper les désobéisseurs, aujourd'hui leur tendent la main. Cela ne manque pas de piquant quand on sait que le SE-Unsa, syndicat des enseignants du primaire, est toujours très reticent à la désobéissance des enseignants du primaire...

Quelles peuvent être les conclusions de cette suite d'évènements :
Luc Chatel, malgré « une rentrée qui se sera bien déroulée », est un capitaine sans bateau et resté à quai. Le bateau part donc à la dérive mais le prédécesseur, Xavier Darcos, a pris soin de faire de beaux trous dans la coque. Aucune personne qui connait un tant soit peu le monde de l'école ne peut plus défendre cette politique éducative comme « bonne » pour les élèves. On peut tenir un discours énonçant qu'il faut faire des économies et que l'Education nationale doit avoir sa part et qu'il y a donc des objectifs qui ne peuvent plus être tenus, du moins pendant un temps, mais défendre que l'on cherche la réussite de tous les élèves, plus personne ne peut le croire. On peut aussi dire que si le capitaine est resté à quai, c'est qu'il sait qu'il va bientôt prendre un autre bateau.
Les Inspecteurs sont des fonctionnaires. Ils agissent en tant que tel. D'ailleurs, ils ne peuvent pas être mis à la porte (tout au plus au placard) comme tout fonctionnaire. Ils resteront, après Luc Chatel, après 2012, après 2017 pour certains...De là, naît leur possible indépendance. Eux doivent continuer à être crédibles face aux parents d'élèves et aux enseignants, le ministère, lui, passera. S'ils seraient trop irrévérencieux vis-à-vis de leur indépendance d'affirmer qu'ils préparent les changements à venir, on peut tout de même dire que les cieux sont suffisamment dégagés pour renouer avec leurs convictions pédagogiques et l'intérêt de l'école et des élèves. Alors que, comme je l'ai toujours écrit, les sanctions envers les désobéisseurs avaient pour objectif principal de mettre la hiérarchie au garde à vous, on peut dire que Xavier Darcos n'aura pas mis les inspecteurs au pli...
...mais l'école souffre. Un dialogue renforcé entre enseignants et Inspecteurs est donc plus que jamais nécessaire. Peut-être qu'une réforme sans ministère est en cours, si ensemble, ces acteurs choisissent de redéfinir leurs relations. Une « petite révolution silencieuse » en quelque sorte !