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Billet de blog 16 mai 2015

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Ilan Pappé : "Si on résout la question palestinienne, le Moyen-Orient changera de visage"

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18.02.15 - Entretien avec l'historien israélien Ilan Pappe, "L'Isis pêche les adeptes parmi les marginalisés de l'Occident. Ce n'est pas une question religieuse, mais socio-économique. Et Tel-Aviv l'exploite pour avoir le soutien de l'Europe." 

NenaNews.it 

L'historien Ilan Pappé

par Chiara Cruciati - Il Manifesto

Rome, 18 Février 2015 Nena News - Ilan Pappe a enfin parlé. Tout en passant outre l'annulation de la conférence «L'Europe et le Moyen-Orient au-delà des identitarismes», qui aurait dû être accueillie par l'Université de Roma Tre, le professeur de l'Université d'Exeter, un des principaux historiens israéliens, a rencontré le public romain lundi au Palais des Congrès Frentani sur l'initiative de Assopace.

Nous l'avons rencontré et discuté avec lui sur le concept d'identité et son utilisation occidentale et israélienne.

L'avancée de l'État Islamique est exploitée en Occident pour donner un fondement au soi-disant choc des civilisations, en clé néo-colonialiste. Israël, en tant qu'Etat né comme bastion occidental au Moyen-Orient, obtiendra-t-il plus de soutien au détriment des aspirations des Palestiniens?

Oui absolument. L'État Islamique est la meilleure chose qui pourrait arriver à Israël. Avec le califat se lève à nouveau la voix de ceux pour lesquels il y a un seul état éclairé au Moyen-Orient, Israël, rempart contre l'avancée de l'extrémisme islamique. J'espère que en Occident les gens ne tombent pas dans un piège aussi mesquin : il ne s'agit pas du tout d'un choc des civilisations, mais de justice sociale et de modèles démocratiques d'intégration. Il suffit de regarder comment l'Isis attire les jeunes musulmans européens en allant pêcher parmi les groupes les plus opprimés et marginalisés. Nous ne sommes pas en train de parler d'une question culturelle et religieuse, mais sociale et économique: si en Europe on assistait à une transformation démocratique, si on empêchait à des idéologies racistes et à des pratiques capitalistes de déterminer l'existence des gens, des groupes comme l'Isis ne trouveraient pas d'espace. L'Isis n'a pas de terrain fertile là où les gens se sentent intégrés, où elle est égalitaire sur le plan social et économique.

Cela nécessite une analyse approfondie de l'impérialisme occidental et du mouvement sioniste pour combattre les sympathies que les musulmans européens accordent aux groupes radicaux. Si vous êtes un marginalisé ou un exclu vous trouvez dans l'identité musulmane l'instrument pour améliorer votre vie. La grande majorité des opprimés ne réagit pas ainsi, mais quelques individus optent pour la violence, cependant minime par rapport à celle de l'oppresseur. C'est ainsi que  l'Etat islamique s'agrandit, ce monstre que l'Occident a fabriqué, nouveau Frankenstein qui se rebelle contre son créateur.

L'occupation prolongée de la Palestine et d'un symbole religieux et identitaire comme Jérusalem représente-t-elle un moyen d'enracinement de groupes comme l'État Islamique ? Quel rôle joue la Palestine dans la propagande islamiste?

Si le conflit israélo-palestinien était résolu de manière juste, le Moyen-Orient changerait de visage. L'occupation de la Palestine est l'une des principales justifications pour ceux qui ont des sympathies islamistes, car il est le symbole du deux poids deux mesures que l'Occident applique à ceux qui violent les droits humains fondamentaux. Un changement de l'approche européenne envers le peuple palestinien aurait une incidence sur la puissance de la propagande islamiste. Sans la Palestine la justification de l'existence de l'Isis ne serait pas si forte.

Le Premier ministre israélien Netanyahu a mis sur la table 46 M $ pour pousser les Juifs de France, Danemark et Ukraine à immigrer en Israël, en tirant parti des récentes attaques et de la guerre à Kiev. Une nouvelle vidéo pour la campagne électorale du Likoud utilise la menace Isis pour s'accaparer des voix. Est-ce une claire utilisation de l'identité en contraste pour se renforcer de l'intérieur?

Netanyahu est un cynique, il utilise de tels événements en clé électorale pour contraindre son opinion publique à focaliser l'attention du public sur l'ennemi externe, plutôt que sur les questions économiques et sociales. Il est évident que le message n'est pas adressé aux Juifs européens, mais à l'intérieur, aux citoyens israéliens. Malheureusement ça peut marcher : Netanyahu a déçu une bonne partie de son électorat historique, mais il est probablement le seul capable de mener une coalition composée par autant de petits partis. Peut-être pas immédiatement, mais peu de temps après les élections il sera choisi à nouveau comme premier ministre.

Le sionisme, depuis avant la naissance d'Israël, mise sur l'identité juive pour effacer celle palestinienne, mais aussi pour tenir ensemble une société fragmentée. Quelles sont aujourd'hui les caractéristiques de la société israélienne?

Ce qui a changé par rapport au passé est que les caractéristiques les plus profondes de la société israélienne, qui étaient auparavant moins manifestes, aujourd'hui sont sorties à découvert : le racisme et la polarisation économique et sociale ont augmenté comme jamais auparavant. L'écart socio-économique est le meilleur sol pour les idéologies extrémistes. Les groupes les plus marginalisés, en particulier les Juifs originaires du Moyen-Orient et de l'Afrique, sont plus facilement recrutables par la droite. Et en fait, le cœur du débat électoral n'est pas la question sociale et économique, mais le choc des identités. La société est plus raciste, plus extrême, dépourvue de solidarité interne même envers d'autres Juifs, fondée sur la haine envers le différent. C'est un poison pour les générations futures.

Vous avez défini le dernier assaut sur Gaza "génocide incrémental". Pourquoi Israël frappe Gaza, enclave appauvrie, terre qu'Israël ne veut pas annexer? Par une volonté de briser la résistance ou comme simple instrument de chasse au consensus par la peur?

Si les gens de Gaza acceptaient de vivre dans un ghetto, Israël l'oublierait. Mais Gaza résiste et lorsqu'Israël décide qu'il est temps de réagir à une telle résistance il a mis en place la force militaire, qui dans une enclave comme la Bande de Gaza signifie le génocide. Deuxièmement, il y a l'immense business de l'industrie militaire, avec Gaza qui sert de laboratoire pour les armes à vendre à l'étranger. Troisièmement, la conviction de l'armée israélienne que le monde arabe ne prend pas au sérieux la machine de guerre de Tel-Aviv : en attaquant Gaza Israël envoie un message à l'Iran, la Syrie, le Hezbollah.

Quel était l'objectif de l'attaque israélienne contre le Hezbollah dans le sud de la Syrie le 18 janvier? Ouvrir un nouveau front ou envoyer, justement, un message à l'axe chiite, qui est - avec l'armée de Damas, les Pasdaran et le Hezbollah - en train d'avancer dans le sud et avec l'Iran qui tisse de nouvelles relations avec le Hamas?

Le gouvernement a marché le long de cette ligne rouge, très mince, qui sépare la guerre de la non guerre. Il a fait semblant de vouloir attaquer, tout en sachant très bien de ne pas vouloir le faire. Netanyahu mise sur la peur de la guerre, pas sur la guerre: la première fait gagner des voix, la deuxième pas. Israël n'a pas le pouvoir de déraciner le Hezbollah du Liban, il compte seulement faire augmenter la tension, détourner l'attention du prix des maisons, du lait, de la vie.

Il semble que l'Université de Roma Tre ait annulé la réunion de lundi derrière une prétendue pression de la communauté juive. La censure est l'outil de ceux qui craignent la confrontation : pourquoi a-t-on peur de parler de la question israélo-palestinienne?

Nous soupçonnons qu'il y ait eu une pression, bien que nous n'ayons pas de preuves directes. En Europe, on se sent toujours responsable de l'Holocauste et les Palestiniens en paient le prix. Le sionisme a offert à l'Europe la meilleure solution : au lieu d'ouvrir une discussion sincère sur la question juive, il a préféré miser sur le projet sioniste et la colonisation de la Palestine. En outre, le lobby juif est puissant: on ne parle pas de la Palestine, de peur de perdre des aides économiques ou politiques.

Mais il y a un élément positif: la société civile italienne et européenne a changé l'approche de la question, en se distanciant des élites politiques. La plupart des gens savent ce qui se passe en Palestine et soutient sa cause parce que c'est une cause simple: la lutte contre le colonialisme et la défense des droits humains.

Une approche qui toutefois fait défaut dans une bonne partie de la gauche italienne et européenne.  

La gauche en France, en Italie et en Allemagne est sioniste parce qu'elle n'entend pas affronter - bien qu'elle en ait le devoir - la question juive. Comme elle a peur de le faire, elle préfère se cacher sous l'aile confortable du sionisme, tout en l'érigeant comme solution et en niant les droits du peuple palestinien, sacrifiables selon elles (les gauches sionistes). Il est également vrai que la gauche se découvre raciste lorsqu'elle affronte des cultures non-européennes, par conséquent le judaïsme vaut mieux que le monde arabe ou l'islam. Pourtant, aujourd'hui, ce n'est pas le judaïsme qui est central mais l'islamophobie, c'est-à-dire la peur de gens que l'Europe a opprimé et colonisé pendant des siècles. Affronter un tel débat, dans un contexte de sain multiculturalisme, n'est pas un processus facile, mais doit être fait. Et au lieu de ça non, on persiste sur le chemin du colonialisme. Par d'autres moyens.

http://nena-news.it/pappe-se-si-risolve-la-questione-palestinese-il-medio-oriente-cambiera-faccia/

Ilan Pappé : "Entre Juifs et Palestiniens un seul Etat" 

par Michele Giorgio - Il Manifesto

15.05.15 - Le 67e anniversaire de la Nakba coïncide avec une renaissance intéressante du débat sur l'Etat démocratique et laïque unique pour les Juifs et les Palestiniens. A laquelle a contribué la récente publication du livre "The Re-emergence of the Single State Solution in Palestine/Israel", de la chercheuse  Shirin Hussein, présenté hier soir à Jérusalem par l'historien israélien Ilan Pappé. Après la réunion, nous avons posé quelques questions à Pappé.

Combien est-elle vivante l'idée d'un seul Etat comme solution à la question palestinienne? 

Je voudrais dire beaucoup, du moins si nous parlons du monde académique et des militants. Dans de nombreuses universités aux États-Unis mais aussi en Europe et dans d'autres parties du monde, entre les enseignants et les étudiants qui s'intéressent à Israël et à la Palestine, le débat sur l'Etat unique pour les Juifs et les Palestiniens croit proportionnellement au scepticisme à l'égard de la solution de Deux Etats, qui a été le pivot des Accords d'Oslo (1993), mais qui aujourd'hui semble de plus en plus irréalisable, en face de la colonisation israélienne des Territoires occupés, la confiscation des terres et toutes les politiques d'oppression et de privation des droits mises en œuvre par les gouvernements israéliens. Beaucoup disent que l'Etat unique est seulement une hypothèse d'école, l'objet d'une confrontation entre quelques intellectuels et militants de la cause palestinienne, déconnecté d'une réalité qui voit surtout les Israéliens  exclure catégoriquement cette possibilité. Ils rappellent aussi qu'il y a des politiciens israéliens qui définissent l'Etat unique comme une idée d'ennemis de l'Etat juif beaucoup plus dangereuse que la bombe atomique iranienne. Mais les choses ne sont pas ainsi. Bien sûr, ceux qui présentent cette résolution du conflit ne peuvent pas affirmer représenter quelqu'un. Mais le point est un autre. Nous devons parler, aller à contre-courant, contre le flux des politiques qui sont en train de créer l'apartheid dans ce pays. Et dans le long terme, devant la gravité de la situation et le cadre démographique des Israéliens et des Palestiniens, l'Etat unique ne pourra que conquérir un consensus croissant.

Mais il y a d'autres idées très différentes d'un État unique pour la Palestine. La droite israélienne la plus radicale a sa proposition : un état où les Arabes n'auront pas les mêmes droits que les Juifs. Parmi les Palestiniens par contre, monte le consensus vers un Etat islamique dans lequel les droits des non-musulmans seraient garantis sur la base des principes de l'Islam. Le débat entre les universitaires et parmi les militants tient-il compte de ces tendances?

Bien sûr. En fait, il y a trois idées d'Etat unique qui sont discutées. La première est celle d'un État laïque et démocratique, la seconde d'un Etat islamique et le troisième d'un Etat binational. Nul doute que la diaspora palestinienne, les universitaires vivant à l'étranger et les Israéliens non sionistes préfèrent l'Etat démocratique et laïque pour les deux peuples. Mais dans le même temps, ils savent qu'ils ne représentent personne et explorent toutes les solutions possibles. Il faut dire que l'effort principal en ce moment n'est pas consacré à la propagation de l'idée d'un seul Etat mais bien plutôt à démontrer l'impossibilité de réaliser celle des Deux Etats. Lorsque la majorité des parties concernées sera convaincue de l'impossibilité de deux Etats, alors il sera plus simple de démarrer une discussion sérieuse et ample sur l'Etat unique et décider d'un compromis, notamment entre laïques et religieux. Ce ne sera pas facile, mais c'est beaucoup mieux que de continuer à parler de quelque chose d'irréalisable comme les Deux États. Quant à l'idée d'un Etat unique dans la tête des leaders de la droite israélienne, je peux dire qu'elle est de plus en plus populaire, qu'elle ne conquiert pas les moindres chemins du Pays, mais qu'elle est destinée à être mise de côté par ses théoriciens mêmes. Pour la simple raison que la croissance démographique palestinienne, nettement supérieure à celle des Juifs israéliens, contraindra très bientôt les partisans de l'oppression définitive des Palestiniens à revenir sur leurs pas.

Cela pourrait ne pas être si automatique. Ces forces, de plus en plus populaires, recueillieront peut-être de tels soutiens qu'ils demanderont et obtiendront l'expulsion d'une partie de la population palestinienne, en mettant en œuvre une seconde Nakba.

Il n'est pas simple de le savoir. Toutefois étant donné qu'une autre attaque militaire (israélienne) contre la bande de Gaza est très probable, je prévois un nouveau soulèvement palestinien, la Troisième Intifada. Les Palestiniens ne tarderont pas à se lever en masse contre l'oppression, comme ils l'ont déjà fait dans le passé. Si la réponse des occupants sera celle de la Nakba de 1948, je ne suis pas en mesure de le dire. Mais une chose est certaine. Elle sera très dure, lourde, catastrophique. Voilà pourquoi nous avons le devoir de ne pas rester silencieux, indifférents au destin de cette terre, et de proposer l'unique solution raisonnable, l'Etat unique.

source : 

http://nena-news.it/ilan-pappe-tra-ebrei-e-palestinesi-uno-stato-unico-2/#sthash.ELJpvyjy.dpuf

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