Semcheddine

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Billet de blog 14 septembre 2025

Semcheddine

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La faute coloniale :   Imposer l’analphabétisme à l'Algérie

« J’écris en français, mieux que les Français, pour dire que je ne suis pas français ». Kateb Yacine

Semcheddine

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

« Après l’Indépendance, des hommes de vision ont montré le seul chemin, celui de la réconciliation, du développement, de l’avenir. Malgré les obstacles et les hésitations, la coopération entre nos deux pays est devenue petit à petit une réalité. Le temps de l’Indépendance ne fut jamais celui de la rupture »

Jacques Chirac,  discours devant le Parlement algérien   Alger le 3 mars 2003

Résumé

  Dans cette  nouvelle contribution , nous allons, en honnêtes courtiers, nous allons rapporter les manquements d’un pouvoir colonial à l’endroit des Algériens concernant, l’éducation. Tout à a été fait, pour laisser les Algériens plongés dans l’analphabétisme, par un entreprise délibérée et pleine d’imagination En effet,  le maréchal Clauzel a décidé en septembre 1830, de supprimer les enseignements des zaouias en rattachant les habous  ( biens de main morte, un peux come les biens de l’Eglise, ) l’administration ; Ce qui a fait dire à Alexis de Tocqueville  chargé d’une enquête parlementaire: « Autour de nous les lumières sont atteintes…  nous avons   laissé tomber les écoles et dispersé les séminaires »

 Nous ferons le point du système éducatif colonial imposé aux Algériens et nous montrerons qu’en 1962, l’Algérie  avec un retard abyssal : à peine 20 % d’une classe d’âge allait à l’Ecole ! Nous donnerons en suite une idée des efforts entrepris à l’indépendance , pour rattraper cette soif de savoir, en faisant appel à la coopération et là nous ne pouvons ne pas rendre hommage aux coopérants notamment  français qui sont venus dans le cadre VSNA aider l’Algérie. Nous terminerons, ensuite sur l’apport de l’Algérie après 1962 à la fois pour le rayonnement de la langue française ;  en maintenant le français  dans le système éducatif, mais aussi  dans le cadre d’une émigration choisie ( body shopping) continuer à apporter  par ses diplômés un rayonnement scientifique à la France. La reconnaissance   de la France de ses fautes, est le seul chemin pour l’apaisement des mémoires et à terme , la construction d’un avenir commun  dans cette région méditerranéenne  où l’Algérie est la nation indispensable.

 Les  fausses certitudes autoproclamées du pouvoir colonial

  Il est nécessaire  de ce fait, de faire un état des lieux  de l’éducation et de la culture de ce pays durant 132 ans  les  historiens occidentaux  « organiques » ont , à de rares exceptions, milité avec un zèle de bénédictin pour « l’utopie de la terre vierge  et le  mythe de la table rase.  ( tabula rasa) Ainsi  pour  Guernier qui proclamait: « A notre arrivée en Algérie , rien n’existait  sur le plan intellectuel , si ce n’est que quelques écoles coraniques ». (1)

  Bien plus tard   le pouvoir colonial , fut   à révisé leur jugement ; en effet plusieurs enquêtes sur le terrain ont montré que le peuple algérien était instruit dans la même proportion , au moins que,  celle du peuple français » (2)

   Ce n’était donc pas des barbares ! Il paraît établi, en effet,  que    la ville de Constantine   a eu  ses livres et manuscrits brûlés lors de la prise de la ville le 13 octobre 1837. :  « Nous mêmes , après la prise de Constantine , en 1837, nous brûlions comme de vrais barbares , les manuscrits arabes trouvés dans la ville ». (3)

  La froide barbarie n’était donc pas , du côté algérien , si on en juge,  par ces quelques phrases  relatives , à l’œuvre pacificatrice de l’armée française : « J’ai entendu raconter par un officier  des plus brillants de l’armée d’Afrique , qu’il avait souvent déjeuné avec son général , sans songer qu’on avait jeté dans un coin de sa tente  plusieurs sacs remplis de têtes coupées  .On s’habitue à tout et nous n’y pensions plus». (4)

   Le type d’enseignement qui existait donc avant 1830 était similaire  celui des écoles européennes, des couvents et autres universités théologiques européennes.   « L’instruction élémentaire   est pour le moins aussi répandu chez eux (les Algériens), que chez nous. Il y a des écoles de lecture et d’écriture dans la plus part des villages et des douars » (5) .

« ...Tous les Musulmans d’Alger  sont plus instruits qu’en aucune partie de la Barbarie . Il y avait 100 écoles publiques  et particulières dans  Alger avant notre entrée » (6) .

Le mythe des races supérieures en action

L’idéologie coloniale n’a cessé de marteler  sa vision de l’histoire de l’Algérie. Après avoir fait appel à la civilisation romaine latine chrétienne , le pouvoir colonial d’un trait de plume survolait un millénaire pour vilipender des pirates barbaresques ,  Il a en échange amené la civilisation  et le progrès à des indigènes incultes et barbares. Implicitement, dans cette théorie  les conquérants appartenaient à une « race supérieure » et les colons européens étaient des élus ; pour reprendre la phrase de S.Gsell : « les colons avaient reçu de l’histoire les devoirs inébranlables d’être les maîtres partout ». Cette histoire véhiculée par la faculté des lettres d’Alger , privilégiait l’influence européenne ,romaine chrétienne ,et française . Elle considérait comme décadent  ce qui n’avait pas de rapport avec l’Occident ».  (7)

Cette certitude auto-proclamée de dicter la norme au nom du mythe de l'appartenance à la race élue, Max Weber s'est inscrit en faux contre , en écrivant : "  « Une nation pardonne toujours les préjudices matériels qu’on lui fait subir , mais non une atteinte portée à son honneur , surtout lorsqu’on emploie la manière d’un prédicateur qui veut avoir raison à tout prix ». M.Weber : Le Savant et le Politique . Edts Enag .Alger . 1991  . 

La conception  de la culture et de l’éducation pour les Indigènes s’inspire  de celle prônée par   la politique du talon de fer. M. Lacheraf cite les propos tenus par  le colonel Charles Richard chef du bureau arabe  d’Orléanville en 1845 : « Il nous faut d’abord mettre ce peuple sous nos pieds  ,pour qu’il sente bien notre poids , mais diminuer ensuite peu à peu  la pression  , et lui permettre enfin , après des siècles,  de se dresser à notre hauteur   et de marcher avec nous  sur la grande voie du progrès humain » (8).   

 Bref survol du  système éducatif pendant la colonisation française :  (1830-1962).

     Dès les premières années, le pouvoir colonial ouvrit deux établissements, pour former les  intermédiaires , relais intermédiaires de gestion sociale des indigènes qui , dans leur immense majorité étaient interdits d’école,  ouvertes   aux enfants de   colons. Pour    Alfred Rambaud     : « La première conquête de l’Algérie   a été accomplie par les armes  La seconde conquête a consisté à faire accepté par  les indigènes notre administration  et notre justice. La troisième conquête  se fera par l’école. Elle devra assurer la prédominance de notre langue  sur les divers idiomes locaux, inculquer aux Musulmans l’idée que nous avons nous même de la France et de son rôle dans le monde » (9)  

 L’Etat colonial a pris en charge une partie de l’enseignement de l’arabe par la création des trois médersas  dès  1850. Ces médersas seront réorganisées en 1895 afin de produire les cadres nécessaires au fonctionnement des appareils judiciaires  et religieux restructurés par le pouvoir colonial et gardé sous son  . En  1950   ces écoles assimilées à des lycées   lycées franco-musulmans .

    Le passage à Alger de Napoléon III  en mai 1865, ont un moment donné l’illusion aux Algériens d’une revalorisation et d’une reconnaissance de leur statut. « La France n’est pas venu détruire la nationalité d’un peuple... » Mais le « Lobby » colon à Alger , relayé efficacement à Paris, par l’opposition à l’Empereur,   Cette politique de bras de fer des colons bloqua toute velléité de développement de l’instruction .  « D’après l’état d’esprit de l’époque, si l’instruction se généralisait le cri unanime serait l’Algérie aux arabes » ! .C’est ainsi qu’en 1890, seuls quelques 10.000 enfants musulmans étaient scolarisés, sur 500.000 enfants en âge d’être scolarisés, soit à peine 2% ! . Et ceci grâce aux effort du ministre de l’éducation de l’époque : Jules Ferry. L’acharnement fut à son comble, quand les écoles pour enfants indigènes se transformèrent en écoles auxiliaires dites « écoles gourbis »  Le ministre Jules Ferry a du financer à partir de Paris   le fonctionnement d’une dizaine d’écoles, du fait du refus des communes coloniales d’ouvrir des écoles pour les Indigènes  Le nombre des écoliers était, l’année du centenaire de la colonisation (1930), de 60.644 enfants sur un total de 900.000, soit un peu moins de 7% ! Cette proportion atteint   302.000 élèves en 1954, à la veille du déclenchement de la révolution soit moins de 15% des enfants scolarisables » (10).

L’écart est encore plus important, s’agissant du secondaire ; il n’y avait à cette époque que 6.260 élèves dans le secondaire et 589 dans le supérieur ! Principalement des enfants de colons. : «  En définitive à la vieille de l’indépendance, l’analphabétisme était effarant : plus de 90%, le nombre de cadres  formés principalement dans les sciences sociales, humaines, et médicales à l’exclusion des filières scientifiques et technologiques était dérisoire. La Société algérienne appauvrie , et laminée par les guerres qu’elle a eu à supporter les amendes  , les épidémies ,les exactions de tout ordre, est sortie profondément fragilisée  par la destruction comme l’écrit  A.Djeghloul de ses cadres de sociabilité ». (11)  

 La réaction des élites musulmanes  algériennes

L’implantation coloniale  a très vite visé les structures sociales par une politique de la terre brûlée et de l’expropriation  suivi d’un prosélytisme  chrétien militant. C’est ainsi   que  la déculturation s’est généralisée et elle est devenue même irréversible. Dès 1946-1848   le recul est qualifié de « considérable ». A cette date, c’est toute une génération qui échappe à l’instruction coranique... A Constantine, le nombre des effectifs des élèves tombe de 600 à 60 et celui des écoles de 86 à 30 .».(12)   

 Le pouvoir colonial propose   l’assimilation c’est-à-dire le candidat doit être en errance identitaire et religieuse. Ainsi ,  le Sénatus Consulte du 14 juillet 1865 stipule que :  « l’indigène peut sur sa demande, être admis à jouir des droits de citoyen français ; dans ce cas il est régi par les lois civiles et politiques de la  France » . Tout Algérien tenté par cette démarche s’expose à une dangereuse situation pratiquement irréversible, il doit renoncer à son identité culturelle et à sa foi  et tôt ou tard ses attaches sociales. Cependant cette entreprise d’enseignement dirigé recelait en elle les germes de la sédition , scolariser  , c’est renforcer  la colonisation , mais dans le même temps cette dernière est mise en péril par une intelligentsia naissante et revendicatrice .Comme l’écrit, d’ailleurs, le gouverneur Tirman : « l’hostilité de l’Indigène se mesure à son degré d’instruction ».  Cet état de chose amène graduellement une réaction des lettrés Algériens qu’ils soient francisés ou totalement arabophones

 On doit aux Oulémas ( Association des Oulémas d’Algérie)  sous la direction de  Abdelhamid Benbadis, cette tentative, de ne pas laisser le peuple dans l’ignorance, en mettant en œuvre  dans les années trente un système  éducatif parallèle qui a pu permettre de sauver près de 40.000 Algériens à la veille de l’indépendance, et ceci malgré tout les blocages   et relatives tolérances du pouvoir colonial.

 La déculturation généralisée   

  Tout naturellement, c’est dans une perspective d’assimilation  que le régime envisage l’instruction publique de certaines couches sociales.    Comme le reconnaissent les officiels de l’époque : « On offre à l’enfant indigène une instruction  française qui le tire en apparence de son milieu, mais le laisse ensuite désarmé, incapable de se faire entre une civilisation qui l’abandonne et une barbarie qui le reprend » (13).  

Pour  pouvoir mesurer cette  soif d’apprendre, il est important d’avoir en tête les chiffres tout au long de la colonisation, des élèves admis dans le système éducatif français . Pour l’année 1952, nous disposons du parc d’établissements scolaires;    les chiffres consolidés  pour les trois départements français  donnent  au total 1697 écoles primaires  principalement pour les enfants européens, 188 cours complémentaires et lycées » (14)  

 Bien entendu, ces écoles, et lycées étaient en priorité réservés aux enfants des colons européens,  des Juifs émancipés depuis les décrets d’Adolphe Isaac Crémieux  et en dernier lieu aux indigènes. Nous donnons  quelques éléments de repère concernant la répartition des enfants par sexe et entre européens et indigènes » (15)

En 1962   le nombre d'enfant scolarisés soit  513911 élèves  ne représentent en fait qu’un seizième soit 6.2 % de la population totale  et environ 20% de la population en âge d’être scolarisée.  L’enseignement public destiné aux populations autochtones est très limité, tandis qu’un réseau scolaire séparé (et largement mieux équipé) existe pour les enfants européens et les colons Avant 1962, très peu d’Algériens atteignent le lycée : souvent moins de 1 % de la jeunesse algérienne atteint ce niveau, tandis que la majorité des lycéens sont d’origine européenne, si l’on rapporte le nombre d’élèves aux populations respectives, l’écart en termes de proportion d’enfants scolarisés reste massif en faveur de la métropole (France) et des enfants européens en Algérie.

 Les  causes des inégalités éducatives sont connues : La politique coloniale de priorisation d’un enseignement pour les colons et d’un accès sélectif pour les autochtones. Les ressources : infrastructures scolaires, enseignants formés, matériels et financement sont  concentrés sur l’enseignement réservé aux Européens.  La brusque montée des effectifs à la fin de la guerre  de libération est due à la politique du général de Gaulle avec le lancement du plan, de Constantine. Ce faible taux d’alphabétisation  pèsera lourdement   à l’indépendance (1962). Pénurie de cadres techniques et administratifs formés parmi la population autochtone au moment de la transition.   il y eut un besoin massif de développement éducatif après l’indépendance pour rattraper le retard (création d’écoles, formation d’enseignants, alphabétisation, expansion du secondaire et du supérieur).  . 

 Comparaison du système éducatif : France et Algérie (1830–1962)

    Pour avoir une idée de l’offre de savoir en Algérie et en France, nous avons recueilli  des données qui montrent  le gouffre abyssal  entre des « citoyens à part entière »   et des « indigènes » taillables, corvéables, chair à canon, pour défendre la France dans 9 guerres, tirailleurs bétons pour reconstruire la France  mais qui doivent cependant rester analphabètes.  . Entre 1830 et 1962, les trajectoires éducatives de la France et de l’Algérie divergent profondément : la métropole construit, progressivement une école de masse tandis que l’Algérie coloniale se caractérise par une scolarisation marginale pour les populations autochtones et par une séparation nette entre écoles pour Européens et autochtones » (16)  

     En effet,  En France  les lois   Jules Ferry, 1881–1882) établissent l’école primaire gratuite, laïque et obligatoire. Jules Ferry a essayé vainement de mettre l’école  obligatoire ,en vain En France en 1954, la population scolarisée (toutes filières confondues) était de 7,715 millions, dépassant les 12 millions en   86 % des garçons et 93 % des filles de 14 ans.      S’agissant de l’université En 1900 ≈ 29 900 étudiants dans l’université française   ≈ 78 000 étudiants  . En 1950 1960 : environ 310 000 étudiants   En 2006, la France formait environ 30 000 ingénieurs par an via écoles d’ingénieurs, tous cycles confondus.

    En Algérie, l’enseignement  supérieur était une vue de l’esprit. L’Université d’Alger, créé en 1909 pour  la formation de ses cadres accueillait à dose homéopathique les Algériens. En 1900: environ 29 étudiants indigènes à l’Université d’Alger  En  1930–1939 : ≈ 100 étudiants indigènes/an  En 1938, seuls 991 élèves musulmans étaient scolarisés au secondaire, contre 13 229 Européens.   En 1938, 94 étudiants musulmans contre 2 138 Européens  On note que, vers 1954–55, parmi les inscrits à l’Université d’Alger, moins de 10 % étaient musulmans.   En  1955-56 : ≈ 500 étudiants musulmans à l’Université d’Alger (≈ 11,4 % du total d’environ 5000 étudiants » (16)   

 Dans le domaine des sciences , citons les deux établissements, De 1880–1962 : l’Ecole d’agronomie avait formé 1 600 élèves dont 5 ingénieurs d’origine algérienne  . En 1925 était créé l’Institut Industriel d’Algérie, qui deviendrait Ecole d’Ingénieurs en1958. Le nombre de diplomés algériens était insignifiant. En septembre 1962  l’Ecole devient l’ENIA et ensuite l’Ecole Nationale Polytechnique en 1966 ; La rareté des cadres   ingénieurs a été un grand problème à l’indépendance. Algérie fera appel à l’Unesco , ce qui  permit d’avoir des enseignants de qualités qui ont enseigné à l’Ecole Polytechnique d’Alger.  Il y eut aussi des enseignants  français  (VSNA volontaire du Service Actif) et des enseignants des pays de l’Est très compétents  ( Russie, Roumanie, Bulgarie.)  L’Algérie a fait appel à la coopération des pays arabes (  Egyptiens,  Syriens, Irakiens)       D’une manière plus générale, l’Université d’Alger accueillait environ 500 étudiants algériens à la veille de l’indépendance (1962), dont seulement une minorité dans les filières scientifiques ou techniques   En Algérie  le nombre de diplômés en sciences/ingénierie était très faible avant 1962  Le pouvoir colonial encourageait les filières de sciences sociales  ( droit, administration, et médecine)     500 étudiants indigènes à l’Université, avec peu d’ingénieurs.   

Productivité du système éducatif colonial

   Le pouvoir colonial avait bien compris que la seule façon d’asservir le peuple algérien était de le rendre analphabète C’est un fait que la déstructuration de la société algérienne a eu de multiples conséquences , toutes plus dramatiques les unes que les autres. La période coloniale s’est terminée sur une longue guerre atroce qui s’est terminée dans la douleur pour le peuple algérien. Comme conséquence de la production du système éducatif français pour les Algériens, pendant la période coloniale. Les résultats sont dérisoires , comme le montre les données suivantes: (17)  Diplômés totaux jusqu’en 1962 : 354 avocats, 185 P.E.S. 28 techniciens, 4 ingénieurs, ~350 médecins , pharmaciens, chirurgiens- dentistes.

Le miracle du système éducatif algérien    .  

  Si nous devons comparer les efforts surhumains de l’Algérie quelques chiffres en deux fois moins de temps, 1000 fois plus de diplômés   : Education Nationale 12 millions d’élèves, dans 30.000 Ecoles  CEM et 3000 lycées  Formations professionnelles 600.000 élèves  dans 100 établissements,  1.8 million d’étudiants et d’étudiantes ( 55%) dans 100 Etablissements d’Enseignements supérieurs (50 universités , 30 Centres universitaires et Instituts , 20 grandes Ecoles. 100 centre de recherches. 450 cités Universitaires.   Plus de quatre millions de diplômés  Sur la plan quantitatif , la force de l’Algérie est d’avoir investit près de 20% de son budget dans le savoir. Il reste que sur le plan qualitatif des choses doivent être revus pour améliorer le niveau global  en insistant particulièrement sur la formation d’ingénieurs, pour former d’ici 2030 50.000 ingénieurs par an . Ce sera le vrai ticket d’entrée dans les BRIC’S

 L’Algérie et le rayonnement de la langue   française

   C’est donc un fait , 132 ans de retard culturel et technologique ne peuvent être épongés du jour au lendemain.   Notre retard actuel dans tous les domaines est imputable à notre longue nuit coloniale. Qui sait si nous n’aurions pas pu évoluer différemment ?   Plusieurs dizaines de milliers des meilleurs fils de l’Algérie sont morts pour la France, dans  les 9 guerres où l’Algérien s’est battu pour un pays qui lui reconnait pas le droit du sang versé . Il y a là matière à méditation pour un véritable mea culpa qui ne peut-être absous par la vision actuelle réductrice et surtout encore nostalgique du bon temps des colonies

 En 1962, à l’indépendance, le taux d’analphabétisme dépassait 85 %. Après l’indépendance L’Algérie a  fait beaucoup pour le français, souvent plus que d’autres pays francophones, puisqu’elle a formé plusieurs générations dans cette langue.  :  En clair : l’Algérie a   participé au rayonnement du  Français. Une estimation rapide montre que  l’Algérie  a formé près  de 65 millions de locuteurs de la langue française, imprégnés culturellement, consommant « français »   allant en tourisme   en France , notamment au Louvres pour aller contempler  les pièces archéologiques et anthropologiques spoliés à l’Algérie et ceci  dépensant des centaines millions de dollars. Tout cet apport invisible de l’Algérie pour la France,  est sans aucune compensation  En fait cela ressemble à une post-colonisation qu’il faudra bien inventorier !   

Par ailleurs, l’extrême droite française fait de la fixation sur l’émigration et les OQTF, mais nous n’avons pas vu ou entendu d’émissions sur l’apport des diplômés algériens dans le rayonnement de la France. Il n’y a pas que les OQTF, il y aussi les diplômés qui reviennent à l’Algérie à 100.000 dollars  par diplôme selon les normes Unesco  C’est un fait que la France continue a largement bénéficié de cet apport  Cela a vidé  l’Algérie de  son capital humain formé à grands sacrifices. Il serait éminemment juste  que pour chaque diplômé algérien recruté en France une compensation financière  soit prévue si on veut aller dans le sens de l’histoire et réparer , dans une certaine mesure, la faute le plus criarde de la colonisation  

 Enfin, Le  parachèvement du crime  absolu contre le savoir  fut la destruction   systématique des lieux de connaissance en Algérie . Parmi eux le crime ultime : le 5 juillet 1962 600000   volumes  sont partis  à l’université d’Alger . On sait que La France a participé à la renaissance de la Bibliothèque d’Alexandrie  dans les années 1980-90, en Égypte, pays majoritairement anglophone. Le listing de toutes les dettes, notamment les dettes morales, permettra l faut l’espérer de tracer un chemin. La  dette morale de la France pourrait se payer en savoir, en institutions, en financements éducatifs et en circulation équitable des compétences La construction par la France d’un grand temple du savoir en Algérie serait un premier pas  : vers l’apaisement des   mémoires  voire un prélude à la réconciliation  Cette réparation symbolique ce n’est  pas   un solde de tout compte mais une contribution à bâtir l’avenir.

Conclusion

   Si on devait, objectivement trouver quelque attrait à la présence française en Algérie, nous ne sommes pas ingrats, nous sommes reconnaissants aux  hommes  et aux femmes ces hussards noires  de la République    géants de l'empathie, du juste combat. Ils ont transcendé les interdits pour venir  enseigner inlassablement la paix, la tolérance, le respect de la dignité humaine. Assurément, ces hommes et ces femmes qui ont risqué leur vie, tournant le dos à une vie de confort et de compromission, ils et elles ont largement leur place parmi les «Justes» car  ils ont  aidé l'Algérie dans sa détresse séculaire. La présence française, malgré ses aspects sanguinaires et de déni de la dignité, a laissé, par le dévouement de ses instituteurs, de ses médecins et Européens et aussi Français de souche qui ont, à titre individuel, aimé l'Algérie.

 Les vrais combats sont donc ceux du contenu du savoir. Nous devons   aller résolument vers l’anglais . Ce n'est pas un coup de tête, la vulgate planétaire  selon le mot de Bourdieu, envahit le monde.  Il n'est que de se rappeler le"drame" quand les Annales de l'Institut  Pasteur sont publiées en  anglais. Cependant  il n'y a pas d'amateurisme en l'occurence : il ne faut pas espérer d’un coup de baguette magique se réveiller un beau matin maitrisant la langue de Shakespeare. Il nous faut y aller  à pas mesurés en priorités pour les sciences et la technologie. Sans se faire d’illusion sur les offres « gratuites » des pays anglophones, nous ne devons pas abandonner la proie ou le butin pour l’ombre. Ce serait une erreur d’abdiquer une langue même issue d’un compagnonnage douloureux, pour aller pointer en dernière position d’une métropole moyen-orientale avec laquelle nous n’avons pas d’atomes crochus pour apprendre l’anglais, qui est somme toute, un « contenant » alors que nous devons maitriser  plus que jamais , c'est à dire les « contenus » indépendemment des véhicules de la connaissance 

 La citation de Mandela : « Si vous parlez à un homme dans une langue qu’il comprend, vous parlez à sa tête. Si vous lui parlez dans sa langue, vous parlez à son cœur » nous offre de parler au cœur si chacun fait l’effort de parler la langue de l’Autre. Beaucoup de réalisations par l'Algérie à son coprs défendant , sans  rien demander en échange. Le jour ou nous verrons des lycées algériens où on apprend aux Franco-algériens  qu'ils ont une autre patrie de coeur qui s'adresse à leur âme   et ceci en parfaits citoyens à l'ombre des lois de la Répuplique équidistante au nom de la laïcité des espérances religieuses de chacun,    ce jour là  des   ponts   permettront à la diaspora de jouer leur rôle de carburant  positif du moteur algéro-français comme il y eut le moteur franco allemand .  Ce jour-là, on comprendra que la France reconnait ses fautes  et veut tracer  avec l’Algérie un chemin vers le futur dans l’égale dignité de nos deux  peuples.  

1.E. Guernier .La Berbèrie , l’Islam et la France . Editions de l’Union Française . p.97 (1953).

2.G.Perville .Les étudiants algériens de l’université française, 1880-1962, Ed. Casbah (1997)

3.Sédillot : Histoire générale des Arabes.2ième édition ,tome 1,p.156.(1877).

4.Comte d’Herisson : La chasse à l’homme , pp 10-11.Edit. P. Ollendorf . Paris .

5.Pélissier de Reynaud . Annales Algériennes .(1856).

6.M. Egreteau : Réalités de la nation algérienne . Editions sociales . Paris. (1961).

7.S.Gsell : Histoire et Historiens du centenaire .Collections du Centenaire. Alger. (1930).

8.M.Lacheraf . L’Algérie  , Nation et Société. Editions Maspero .p.245 .Paris. (1965).

9.A.Rambaud dans Fanny Colonna  in Instituteurs Algériens  1883-1939 . Eds O.P.U. (1975).

10.Ch. Robert Ageron : Histoire de l’Algérie contemporaine Ed.   Que sais-je ? (1966)

11.A;Djeghloul :  Lettrés intellectuels   en Algérie :1880-1950. Edts  O.P.U. p. 4.   (1988)   

12.Ch. R. Ageron. Les Algériens Musulmans et la France (1)  p.318. Edts  O.P.U.   (1968).

13.D. Sari, M. Kaddache : L’Algérie dans l’histoire, vol.5. Editions OPU. p.240. (1989). 

14.Annuaire de l’Eduction Nationale Française. (1952).

15 Dj.Sari., M.Kaddache. Annuaire statistique de l’Algérie .p.67. (1960),   Edts OPU.(1989).

16.https://chatgpt.com/share/68b5d100-6b5c-800c-8c22-d88eb4ffac56

17.C.E. Chitour : Le passé revisité. Editions Casbah. Alger (1998).            

 Article de référence: https://www.elmoudjahid.com/fr/dossier/la-strategie-coloniale-de-l-ignorance-l-ecole-comme-champ-de-bataille-240179 

Professeur Chems Eddine Chitour

Ecole   Polytechnique Alger 

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