Semcheddine

Professeur de Thermodynamique à l'Ecole Polytechnique Alger

Abonné·e de Mediapart

465 Billets

1 Éditions

Billet de blog 20 septembre 2025

Semcheddine

Professeur de Thermodynamique à l'Ecole Polytechnique Alger

Abonné·e de Mediapart

Révolution de Novembre : épopée de 2800 jours de combat héroïque

« Peuple français tu as tout vu. de tes propres yeux. Tu as vu la police assommer les manifestants et les jeter dans la Seine. Et maintenant vas-tu te taire ? »  Kateb Yacine   après le 17 octobre 1961

Semcheddine

Professeur de Thermodynamique à l'Ecole Polytechnique Alger

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

« Ben Mhidi  était impressionnant de calme, de sérénité et de conviction .  Si je reviens à l’impression qu’il m’a faite,   toutes les nuits où nous avons parlé ensemble, j’aurais aimé avoir un patron comme ça de mon côté (...). Parce que c’était un seigneur Ben M’hidi Bien que le règlement s'y oppose, je lui ai fait présenter les armes, parce qu'il faut reconnaître chez son adversaire la valeur et le courage».

Colonel Jacques Allaire Interview sur  l’arrestation de Larbi Ben M’hidi

 « Peuple français tu as tout vu. Oui, tout vu de tes propres yeux. Tu as vu la police assommer les manifestants et les jeter dans la Seine. La Seine rougissante n’a pas cessé les jours suivants de vomir à la face du peuple de la Commune ces corps martyrisés... Et maintenant vas-tu parler ? Et maintenant vas-tu te taire ? »  Kateb Yacine   après le 17 octobre 1961

Résumé

  Dans cette présente contribution, je veux tracer à grands traits 132 ans de calvaire d’un peuple, en faisant des haltes pour signaler les acmés de l’horreur des Bugeaud, Saint- Arnaud   Durant le calvaire de la colonisation, les jours funestes de mai 1945 furent marqués par un insoutenable massacre de masse, dont l’impunité totale ajoute à son horreur. 

 Nous expliquerons comment le pouvoir colonial a tout mis en oeuvre,  pour faire de l’Algérie un Etat d’apartheid qui devait déboucher sur des révoltes, chaque fois réprimées dans le sang. Le 8 mai, par son horreur, a été l’étincelle qui a déclenché, dix ans après, la Révolution de Novembre. Dans l’histoire tumultueuse de l’Algérie colonisée pendant 75 ans, de 1830 à 1907 jusqu’aux évènements de Aïn Turk  le peuple algérien n’a pas arrêté de se battre pour la liberté. Il aura subi toutes les avanies et outrages..

  Il vient qu’ayant cru avoir mâté le peuple, le pouvoir colonial pensait qu’il était installé pour 1000 ans. Le pouvoir colonial, sourd à toute émancipation, redoublait de sauvagerie. Tout fut pour terroriser le peuple, jusqu’à ce jour du 1e Novembre 54   500.000 soldats équipés de pied en cap par l’OTAN avaient en face d’eux six hommes   démunis de tout décidés à arracher  l’indépendance et pour la dignité. Ils furent du bon côté de l’histoire.

 Les massacres de masse de  mai   a novembre 1945  

« Veuillez transmettre aux familles des victimes de l’agression de Sétif la sympathie du général de Gaulle et du gouvernement tout entier. Veuillez affirmer publiquement la volonté de la France victorieuse de ne laisser porter aucune atteinte à la souveraineté française sur l’Algérie » –Télégramme du général de Gaulle 10 mai 1945.

  Le 8 mai 1945 la victoire des Alliés sur le nazisme fut célébrée  Les Algériens  voulaient  en profiter pour revendiquer leur indépendance    Impensable ! pour la classe politique française d’alors, droite et gauche confondues.  La répression fut atroce.  Des armes furent distribuées aux milices européennes. « La chasse à l´Arabe » commença dès lors, avec une terrible férocité. On voyait des cadavres partout dans toutes les rues, la répression était aveugle ; ce fut un effroyable massacre. On ne peut pas comprendre la sauvagerie de ce qui s’est passé le 8 mai 45,   si on n’a pas en perspective le signal de base de la France qui  appartenir à une race supérieure. S’y ajoute, ensuite, la frustration de la défaite de juin 40 et le fait de se venger sur plus faible. De Gaulle  donna le signal de la curée au boucher du Constantinois, le général Duval. Ce furent, chaque jour du mois de mai, des centaines,   d’Algériens de toutes conditions qui furent assassinés Pire encore, les autorités coloniales mobilisèrent les milices ultras    les prisonniers allemands et italiens,   et leur octroyèrent un véritable permis de tuer. 

Combien de morts , de blessés, de condamnés, de guillotinés et de déportés ?

  Le calvaire dura des mois, et se termina par des centaines de condamnations, des déportés, des guillotinés. Naturellement, aucune enquête sérieuse ne fut menée. Comme rapporté par l’historien Charles Robert Ageron :  « À l’Assemblée Nationale, le ministre fournit en novembre 1945 les chiffres suivants: «4560 arrestations dont 3696 pour le département de Constantine, 505 pour le département d’Oran, 359 pour le département d’Alger. Au 21 novembre, il y a eu 557 non-lieu, 99 condamnations à mort dont 22 mises à exécution, 4 aux travaux forcés à perpétuité et 329 aux travaux forcés à temps». Les archives de la justice militaire enregistrèrent le total des condamnations relatives aux affaires de mai et juin 1945:3 630 prévenus furent jugés   1868 furent condamnés à des peines d’emprisonnement, 157 à la peine de mort, 33 exécutions capitales furent effectives, 119 commuées»  (1)

 Les Algériens affirment, pour leur part, avoir recensé 45 000 morts en un mois, sans compter les jugements, les emprisonnements et les condamnations à mort.    Il semble que les souvenirs douloureux se transmettent. : « La mémoire se traduit indirectement par des traumatismes inconscients des générations de parents ayant été exposées à cet ensauvagement. Des études ont montré que des évènements tragiques, enfouis dans le subconscient des individus, réapparaissent indirectement dans les comportements. Ainsi, une étude réalisée aux Etats Unis montre que : « Le traumatisme de l’Holocauste se transmet aux descendants ». Mutatis mutandis, les mêmes traumatismes vécus par les ancêtres sont toujours là »  (2)

 La bataille d’Alger

       La glorieuse Révolution de Novembre fit mûrir, dans la tête de ses concepteurs, l’impérieuse nécessité de prendre les armes. Le 8 mai 1945 a été , en effet, le premier épisode de la guerre d’indépendance de l’Algérie, qui éclatera en Novembre 1954. La guerre imposée au peuple algérien, est riche en « innovations  macabres » pour  maintenir le joug de la colonisation       Le gouvernement socialiste  a alors  donné les pleins pouvoirs à l’armée pour « rétablir l’ordre » à Alger. Dans l’impossibilité de décrire l’enfer des 2700 jours de calvaire, nous allons porter notre attention sur la torture devenue science exacte  au sein d’une large franche de l’armée française. La répression sauvage de l'armée coloniale fut  dirigée par Massu , le but étant de briser la grève de huit jours décrétée par le FLN   ; «  Les petits commerçants qui firent les frais de la rage qui s'était emparée des militaires de Massu. Vitrines éventrées, intérieurs saccagés, pillages». Les paras fracassaient les portes des domiciles pour embarquer en masse les Algériens qui étaient dirigés vers les camps de concentration..  Selon les chiffres militaires français, environ 1 200 “terroristes” tués et 24 000 arrestations. Les historiens jugent ces chiffres sous-estimés : beaucoup de personnes arrêtées ont disparu après interrogatoires (prison ou exécutions extrajudiciaires). Raphaëlle Branche et d’autres chercheurs estiment que des milliers de disparus peuvent être attribués à cette période Du côté des civils français   il y eut plusieurs   dizaines de morts dans les attentats à la bombe organisés par le FLN » (3)  (4)

 « Paris a fermé les yeux sur les méthodes (torture, disparitions, exécutions) tant que les résultats militaires étaient visibles. Il y eut des français qui ont protesté, des hommes d’Eglise comme Monseigneur Duval,  et même  au sein même de l’armée avec la position admirable du  général  Jacques de Bollardière   qui  dénonce publiquement la torture en 1957. Il sera relevé de son commandement,    Il deviendra par la suite une figure morale, symbole d’une armée républicaine attachée aux droits de l’homme » (3). (5)

Les barrages  électrifiés et les mines tueuses d'innocents  la mort  en différé

 «Il a fallu cinquante ans  pour que les événements d’Algérie soient officiellement reconnus comme une guerre et non comme de simples opérations de maintien de l’ordre public ainsi que tous les gouvernements successifs »   

Maxime Gremetz, député français

  Plus de six décennies après l’indépendance de l’Algérie, les mines antipersonnel continuent de semer la mort parmi des civils innocents.     Avec tout cela la France nous a légué la mort en différé   Les barrages Challe et Morice, ont pour but empêcher la pénétration des combattants dans les zones contrôlées.  Le vent, la pluie et l'érosion ont déplacé ces mines, les dispersant loin des lignes initiales.  Ces mines ont causé plus de 7 000 victimes officiellement répertoriées, dont plus de 3 000 morts et 3 700 blessés ou mutilés, selon le collectif d'ONG pour l'interdiction des mines antipersonnel (ICBL).  (6)

Des campagnes de déminage, à la fois difficiles et coûteuses, ont été effectuées par l’Algérie depuis 1963.  Près de soixante après, elles tuent encore régulièrement, «en particulier des enfants et des bergers», souligne El Watan, pour qui le nombre de victimes, depuis l’indépendance, s’établirait entre 3000 et 4000 morts et 80.000 blessés. Les autorités algériennes estiment avoir désamorcé 8 millions de ces mines entre 1963 et 1988,  Mais 3 des 11 millions de mines antipersonnel dissimulées par l’armée française n’ont toujours pas été désamorcées. Quelque 3 millions de mines antipersonnel  auraient fait plusieurs milliers de victimes depuis l'indépendance du pays, et serviraient aujourd'hui de réserves de TNT aux terroristes Enfin en  2007 , la France transmet une cartographie pour  repérer les mines » (6)  .

Les bidons spéciaux :  le napalm de la honte 

Parler de l’usage du napalm par la France durant la guerre d’indépendance, c’est revenir sur un déni d’État. À l’instar d’autres armes chimiques, ce produit a été utilisé en dépit des conventions de Genève dont Paris était signataire. S’il est difficile de dresser un bilan complet aujourd’hui, les témoignages sont là pour rappeler l’étendue de cette violence.  : « Napalm rigoureusement proscrit et jamais employé opération militaire en Algérie ». Ce mensonge clairement affirmé par le ministre résidant Robert Lacoste en 1957 est répété sous la Ve République.    cette arme est proscrite par les conventions Son usage viendrait en outre contredire la fiction de simples opérations de maintien de l’ordre menées dans l’Algérie française depuis novembre 1954 » (7).

      Peu de temps auparavant, un caporal avait adressé une lettre au journal pour dévoiler la réalité cachée derrière une dépêche officielle parlant de « rebelles mis hors de combat avec l’aide de l’aviation » : « Ayant participé à l’encerclement et à la réduction de la ferme où [les « rebelles »] étaient retranchés, je puis vous indiquer qu’ils ont en réalité été brûlés vifs, avec une dizaine de civils dont deux femmes et une fillette d’une dizaine d’années, par trois bombes au napalm lancées par des appareils de l’aéronavale », non loin de Sétif, le 14 août 1959. Les pilotes savent parfaitement ce qu’ils larguent, et les militaires qui demandent leur appui au sol aussi. L’usage du napalm étant interdit, on opte pour un langage codé : « bidons spéciaux »  (7)   

 «   Quand l’aviation approche, la terreur s’empare de ceux qui sont au sol. Le napalm donne à la guerre ses couleurs infernales. Meriem Mokhtari l’évoque  avec précision en 2020 :    Le feu arrive, en brasier…  , des femmes qui portaient leurs courses…courent  les Il y avait une femme qui a été happée par le napalm elle a été grillée comme un aliment qu’on grille» Dans les années suivantes, la justification par le relief allait pouvoir se combiner avec le développement de la pratique des zones interdites.   C’est pourquoi, avec l’approfondissement systématique de la guerre, et en particulier le « plan Challe » à partir de 1959, le napalm a pu être utilisé à un stade qui n’avait plus rien d’expérimental.   le napalm a été considéré comme une arme efficace jusqu’à la fin du conflit.   Après 1962, les forêts calcinées et pétrifiées des massifs montagneux algériens ont porté, pendant des années, le témoignage de cette violence. Quant aux corps réduits à des blocs charbonneux par ces produits incendiaires, leurs images hantent toujours celles et ceux qui les ont vus » (7)

La guerre  des grottes

 « Je ne me suis pas endormi une fois en soixante ans sans y penser. Nous avons gazé les Algériens Aux gens qui ne m’ont rien fait, sur qui j’ai tiré. J’ai eu honte d’être français. » (8)

 On connaissait les enfumades  des années 1845 pendant la conquête coloniale Un siècle après on innove, au lieu de bruler des fagots de bois,  On utilisea du napalm  pour mater l’insurrection . Le général  Challes   mis en oeuvre une guerre  d’épouvante, notamment avec le Napalm et les camps de concentration de près de 2.5 millions d’individus parqués . Il a fallu attendre soixante-cinq ans pour que soit révélé l’usage de gaz toxiques   « Le chercheur et la journaliste ont recueilli des témoignages inédits d’appelés, membres des « sections des grottes », qui en gardent une mémoire traumatique. Ainsi, Jean Vidalenc, 85 ans, reconnaît : « On a gazé les Algériens. » Il raconte avoir allumé un pot de gaz dans un refuge souterrain où était cachée une unité de l’ALN lors d’une opération menée en 1959 à Tolga « Le lendemain, dix cadavres ont été découverts. »  (9)    

 « En réalité, recourir à ces gaz de combat « asphyxiants, toxiques ou similaires » est prohibé par le protocole de Genève, que la France a signé en 1925. Mais, le pays n’étant pas officiellement « en guerre », il a estimé ne pas avoir à le respecter. Dans un livre consacré à ses expériences en Algérie, la 75 e CGAP évoque l’emploi d’un gaz dit CN2D, soulignant « son caractère mortel en milieu clos si la concentration est trop forte et le volume trop réduit   « La décision de créer des sections spéciales, dites sections des grottes, a été prise, le 1 er décembre 1956.  Leur mission : mener la guerre dans les grottes servant de refuge tactique aux combattants de l’ALN et aux populations fuyant les représailles.     En 1959, le général Massu décide de l’intensifier et de la massifier. Les sections des grottes se développent de façon « exponentielle » : 95 opérations auraient été menées entre 1959 et 1961. On estime que 200 Algériens au moins ont été tués lors de ces opérations, dont des femmes et des enfants » (9)

Les camps de regroupement en Algérie (1954-1962) : une arme de guerre contre la population civile

Dans la longue liste  des punitions de l’armée visant à briser la révolution de novembre citons, la décision de  couper la population de l’armée Pour empêcher les combattants indépendantistes de bénéficier du soutien des villageois l’armée française procède au regroupement de la population pour isoler les maquis du FLN (Front de Libération Nationale) de la population civile. Ces méthodes incluaient  des  destructions ciblées de villages et parfois des incendies volontaires de forêts pour déloger les combattants     Des milliers de villages touchés et des dizaines de milliers d’hectares de forêts incendiées (10).

 On décide de déplacer massivement les paysans vers des zones surveillées.  Entre 1954 et 1962, environ 2 à 2,5 millions d’Algériens (soit près du quart de la population rurale) furent déracinés de leurs villages, terres et activités. Au moins 2 392 camps sont, alors créés  Ces regroupements prenaient la forme de camps ou de hameaux surveillés. La promiscuité, la faim et la dépendance à l’armée entraînaient une déstructuration profonde. Michel Rocard  haut fonctionnaire rédigea un Rapport qui décrit une catastrophe humanitaire, une « misère physiologique », avec malnutrition, maladies, désespoir.  Ce déplacement massif est aujourd’hui reconnu comme une forme de déportation interne L’impact humain et environnemental est important avec la perte des villages ancestraux,  la rupture des liens communautaires et des modes de vie traditionnelle Destruction d’écosystèmes forestiers. Perte de biodiversité  et traumatismes collectifs » (10)

 Comme conséquence les  famines locales, et la malnutrition. Ainsi que l’absence quasi-totale de soins, épidémies, mortalité infantile élevée ; De plus  il y a absence d’écoles ou infrastructures précaires ;   baraques insalubres, sans eau courante ni hygiène. Cette politique a produit une clochardisation de masse : transformation d’une population rurale autosuffisante en masses misérables dépendantes.  Ce fut une véritable stratégie de destruction  d’un peuple pour le priver de toute autonomie et briser sa résistance ». (11)

 Le Sahara irradié : La mort et la désolation

Hourrah pour la France !”, Depuis ce matin elle est plus forte et plus fière. Du fond du cœur, merci à vous et à ceux qui ont, pour elle, remporté ce magnifique succès”,

Général de Gaulle    félicitant  les militaires  ayant lancé la bombe Gerboise bleue

 De 1960 à 1966, la France s’est livrée dans le Sahara algérien à des expérimentations nucléaires. Les expérimentations   eurent lieu entre 1960 et 1966 La France a procédé dans le Sahara algérien à 17 essais nucléaires.   Le 1er mai 1962,   l’essai Béryl a provoqué un énorme panache radioactif qui a contaminé des pâturages à de très grandes distances.». (12)

  Le premier essai nucléaire français, Gerboise bleue, est effectué le 13 février 1960, sous la présidence de Charles de Gaulle.  violant ainsi le moratoire concernant les essais nucléaire.       Non content de stériliser le Sahara, sur  de larges étendues  du Sahara en exposant  aussi pour des  centaines d’années les populations de la région à toutes les maladies possibles,   le pouvoir colonial fait plus fort, les prisonniers algériens furent utilisés comme cobayes.  Les tirs sont effectués à Hamoudia,   Le premier avril 1960 a lieu le second essai nucléaire français, sous le nom de code “Gerboise blanche”.Karl Gass, réalisateur documentariste à la D.E.FA. avait recueilli le témoignage d’un légionnaire français d’origine allemande   Le témoin affirmait avoir reçu , juste avant l’explosion, l’ordre de récupérer dans des prisons et des camps de concentration, 150 Algériens qui devaient être utilisés comme cobayes à proximité du point zéro . Il déclarait les avoir fait venir, les avoir remis à ses supérieurs  et ne les avoir jamais revus.. »  (13)

 La LADDH  ( Ligue des Droits de l'Homme) est persuadé que l'aspect criminel de ces essaies nucléaires par le colonisateur, constituent une violation des droits de l'homme et des exigences de la préservations de la nature et les dangers qu'ils représentent, se manifestant aujourd'hui sous forme de malformations congénitales visibles sur les visages et les corps de nos citoyens habitants dans ces zones (…) » (14)   La France effectuera au total 57 expérimentations et essais nucléaires entre 1960 et 1966 en Algérie.    

Les essais chimiques  et biochimiques au Sahara

 Une autre tâche au visage de la patrie  qui s’intronise des droits de l’homme  de  1958 à 1978, la base de « B2 Namous », dans l’ouest du Sahara algérien, a servi de terrain d’essai d’armes chimiques, notamment du gaz sarin. Plusieurs milliers de kilomètres carrés ont  été le terrain des armes chimiques nouvelles, des bombes et des gaz toxiques  des grenades, des mines, des obus, des bombes et même des missiles, tous porteurs de munitions chimiques ont été testés. En Algérie, selon John Hart, directeur  au   (SIPRI), « le gaz sarin a fait l’objet d’« essais sur le terrain »   au mépris des engagements internationaux de la France.  Quelques témoignages confirment cette accusation : « J’étais chef de pièce dans l’artillerie, de février 1958 à avril 1960, en Algérie.  j’ai été appelé à la base secrète de Beni Ounif  Chaque matin, les officiers nous donnaient l’ordre de tirer à 6 ou 8 kilomètres, au canon, durant deux heures. Nous avons expérimenté le gaz sarin ». (13)   

L'usage "industriel" de la  guillotine

   Une autre méthode sauvage de l’armée est d’utiliser la guillotine «  al fingua »   , dont seule le nom est évoquée avec effroi La première exécution en Algérie d’un condamné à mort par la guillotine date du 16 février 1843  Dans leur stratégie militaire, les autorités coloniales usèrent de cette arme sauvage : la guillotine. Les archives judiciaires françaises et les travaux d’historiens (Gilbert Meynier, Benjamin Stora, Emmanuel Blanchard) montrent qu’environ 1 500 personnes ont été guillotinées en Algérie pendant toute la période coloniale.   Par comparaison en France entre 1830 et 1962, on estime environ 2 500 à 3 000 exécutions par guillotine. La majorité concernait des criminels de droit commun » (15).

 « La guillotine sera utilisée de façon massive contre les combattants  de l’ALN   Hamida Zabana et Abdelkader Ferradj, furent les premiers  guillotinés.   Avec  François Mitterrand ministre de la Justice, une quarantaine d’exécutions eurent lieu . Le même Mitterrand qui déclare en 1981 qu’il est contre la peine de mort. Une machine de guerre infernale : deux cent vingt-deux guillotinés. De 1956 à 1958, il y a eu 16 exécutions doubles, 15 multiples, 8 quadruples, une quintuple. Pour la seule année 1957, 82 condamnés à mort ont été guillotinés, 41 à Alger, 7 à Oran et 34 à Constantine. Fernand Iveton  étant le seul Européen à avoir été guillotiné  . Benmeliek Abderrahmane   exécuté le jour de son 24ème anniversaire, le 4 mars 1958. En France   dans les années 1950  on exécutait à peine quelques criminels par an » (15)

 Les massacres de masse du 17 octobre 1961   

     Le 17 octobre 1961, une manifestation d'Algériens à Paris a été violemment réprimée par la police française sous le préfet Maurice Papon, entraînant un nombre important de morts, de blessés et de disparus sans compter les arrestations arbitraires et les expulsions vers l’Algérie. La police qui se sentait impunie du fait de la couverture de Papon ancien préfet de Constantine, où il s’était illustré par ses méthodes violentes , ne fait pas dans le détail. Les Algériens étaient jetés dans la Seine. Fatima Bedar  collégienne n'avait que quinze ans lorsqu'elle avait été noyée  .   Fatima était dans les cortèges et a dû payer de sa vie sa "bravade". Ni son jeune âge, ni son cartable de collégienne, ni ses tresses enfantines n'ont réussi à gagner la sympathie de ses bourreaux ou susciter leur pitié.  

   Le sociologue  Pierre Bourdieu  a eu raison  d’écrire : « J'ai maintes fois souhaité que la honte d'avoir été le témoin impuissant d'une violence d'État haineuse et organisée puisse se transformer en honte collective. Je voudrais aujourd'hui que le souvenir des crimes monstrueux du 17 octobre 1961, sorte de concentré de toutes les horreurs de la guerre d'Algérie, soit inscrit sur une stèle, en un haut lieu de toutes les villes de France, et aussi, à côté du portrait du Président de la République, dans tous les édifices publics, Mairies, Commissariats, Palais de justice, Écoles, à titre de mise en garde solennelle contre toute rechute dans la barbarie raciste » (16)

Une piraterie en violation du droit international

A toutes les turpitudes et méthodes indignes d'une nation civilisée et qui se dit protectrice des Droits de l'homme, le pouvoir de l'époque ajoute la piraerie . Ainsi, Le 22 octobre 1956, un avion civil de la compagnie marocaine  Air Maroc, en route de Rabat à Tunis, transportait cinq dirigeants historiques du FLN : L’avion a été intercepté par l’armée de l’air française et forcé d’atterrir à Alger, où les dirigeants ont été   emprisonnés. Du point de vue du  droit international : Il s’agit d’un  détournement d’avion organisé par un État, en violation du droit aérien civil. Cela peut être assimilé à un acte de piraterie aérienne d’État. L’opération a provoqué un scandale diplomatique   avec le Maroc et la Tunisie. Elle est perçue comme un tournant qui a brisé l’espoir d’une résolution politique rapide du conflit. Sur le plan symbolique : l’affaire a renforcé la légitimité du FLN auprès de l’opinion internationale, en présentant la France comme bafouant le droit international

Conclusion

Tout au long de ces 132 ans, « l’œuvre coloniale » fut  un système d’apartheid, avec comme fondement le mythe de la race supérieure  qui autorise toutes les outrances. L'Algérien  c'est le bougnoul,  le raton,  taillable et corvéable sans espoir d’évolution puisque l’Ecole était interdite, sauf à quelques uns qui profitant d’interstices de tolérances permit avec l’aide  admirable des instituteurs furent des « voleurs de feu »   Ce fut une intégrale de l’abjection une sorte de condensé sur huit ans des horreurs    Pendant les 2800 jours  de terreur soit une moyenne de 300 morts/jour ,  la France a bafoué toutes les  conventions internationales sur les interdictions des armes prohibées . Elle a même, piraté un avion sans rendre de compte Le peuple de France doit savoir qu’au sortir de la guerre , l’Algérie était profondément meurtrie.

Cependant  dans sa lutte l’Algérie s’honore de l’aide des justes français à l’instar de Francis Johnson, Sartre qui refusa le Prix Nobel  en signe de solidarité avec l'Algérie , contrairement à Camus  "l'étranger au calvaire algérien" ,   C'est aussi, Germaine  Tillion  qui supplia en vain le pouvoir pour ne pas procéder à la guillotine, et toutes les femmes et comme  qui au nom de leur religion ont porté secours et montré leur proximité, dans les faits, avec la cause de la liberté.  C'est le cas à titre d'exemple,de Raymonde Pescharde  dont un boulevard à Constantine porte son nom et  Maurice Leban   natifs de Biskra . ILs  sont  morts les armes à la main   C’est aussi le  cas des Européens d’Algérie,  qui ont compris la noblesse du combat  et  qui ont osé bravé  les interdits et venu à la  rencontre du peuple algérien.   Ces Français   à juste sont l’autre face de la France, l’honneur de la France comme l’écrit  le philosophe Francis Jeanson responsable du réseau de soutien au FLN,  le fameux porteur de valises  selon le mot du philosophe Jean Paul Sartre,  

Sans faire dans la concurrence victimaire , on n’est pas loin de la vérité du million  de morts tout sévices confondus et de centaines de milliers de traumatisés handicapés.  Il serait moral que la France,  reconnaisse  sa responsabilité et aide a réparer sa faute notamment pour les 13 super hiroshima qu’elle a déclenchée pour affirmer son hubris  car des milliers de personnes furent irradiées et des autres milliers sont potentiellement sont malades à venir. Le goutte à goutte mémoriel   ne fait que différer une reconnaissance franche et loyale     L’Algérie n’est pas une pompe à finance au sens shoah  Soixante trois ans  après , en partant de zéro, elle se reconstruit. Nous avons   en commun avec la France, une diaspora algéro-française de plus en  plus bien  éduquée, dont les ancêtres, les fameux Régiments de Tirailleurs Algériens  ont   défendu la France dans neuf guerres  et notamment qui ont réussi le deuxième débarquement pour libérer la France à partir de Marseille .. Ces mêmes ancêtres devinrent  les Tirailleurs Bétons   et ont aidé à la reconstruction  de la France Leurs enfants petits enfants  sont constitutifs de élite   française à part entière . Ils  peuvent ce faisant, servir de ponts  pour de nouvelles relations basées sur la compréhension mutuelle et le faire ensemble   car  l'Algérie est aussi leur mère nourricière  identitaire  voire spirituelle 

Notre  récit national tiendra compte de cette parenthèse douloureuse , même si nous avons   vécu des épisodes équivalents et nous nous sommes toujours là    nous devons   assumer toute notre histoire  avec ses heurs et ses malheurs .  L’invasion abjecte des colonnes infernales françaises n’est qu’un épisode  d’une histoire trois fois millénaire Un « apaisement des mémoires » requiert que la mémoire soit d’abord retrouvée, alors que les  faits historiques qui la sous tendent  soient acceptés parce que référencées par des sources académiques françaises ;  C’est sûrs de nous même que nous pourrons  convaincre   pour la  vérité et la justice  d’une façon civilisée dan l’égale dignité  des deux peuples  (16)

1.Charles Robert Ageron Mai 1945 en Algérie :Enjeu de mémoire et histoire  https://www.cairn.info/revue-materiaux-pour-l-histoire-de-notre-temps-2012-4-page-68.htm

2.https://www.lemonde.fr/sciences/article/2014/06/23/la-shoah-un-traumatisme-hereditaire_4443865_1650684.html

3.Raphaëlle Branche, La torture et l’armée pendant la guerre d’Algérie (2001).

4.https://chatgpt.com/g/g-d41ZDvIuw-connexion-pro/c/68c6fbd2-5050-8330-8855-897e7b5308aa

5.Jacques de Bollardière, Bataille d’Alger, bataille de l’homme (1972).

6.Jean Marc Manach: Algérie: la France révèle l’implantation des mines antipersonnel Le Monde 22.10.2007 

7.Raphaëlle Branche https://orientxxi.info/magazine/quand-l-armee-francaise-pacifiait-au-napalm,5638  25 05 2022

8.Jean   Vidalenc https://revue21.fr/article/la-guerre-des-grottes-en-algerie/?uid=MTIyNzY4Ng  :

9.https://www.humanite.fr/en-debat/algerie/guerre-dalgerie-limpense-de-la-guerre-des-grottes-754592

10.Institut tribune socialiste+2fayard.fr+2

11.Michel Rocard, Rapport sur les camps de regroupement (février 1959) (2003), Fayard

12..https://histoirecoloniale.net/Au-Sahara-le-lourd-passe-nucleaire-et-chimique.html

13.Nicolas Pluet  http://www.legrandsoir.info/les-cobayes-humains-de-l-armee-francaise.html

14 LADH http://www.lematindz.net/news/15070-essais-nucleaires-en-algerie-la-la...

15.https://chatgpt.com/g/g-d41ZDvIuw-connexion-pro/c/68c55aac-6998-8330-9039-362b59261505

16.Pierre Bourdieu colloque , massacres d'Algériens sur ordonnance  octobre 2000

17.Pr Chems Eddine Chitourhttps://www.lesoirdalgerie.com/contribution/loeuvre-positive-de-la-venerable-nation-algerienne-pour-la-france-68767

Professeur Chems Eddine Chitour

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.