Lutter contre l'antisémitisme, avec cohérence et consistance.

J'aurai préféré personnellement que cette campagne des législatives ne tourne pas autour de la question de l'antisémitisme, ou en tout cas pas de la manière dont c'est le cas là.

La lutte contre l'antisémitisme est absolument essentielle à prendre en compte. Mais pas n'importe comment.

Soyons clair deux minutes. L'antisémitisme est présent en France et en Europe depuis bien longtemps. Il est parti nulle part. Il est ancré profondément dans la société, dans la culture, dans certaines conceptions politiques. En tant que phénomène social, il est évidemment transpartisan. Certes à différents degrés, et à différents niveaux d'enracinement politique, mais c'est un phénomène diffus. De ce fait, la lutte contre l'antisémitisme ne peut se contenter d'un pointage de doigt politicien consistant à rejeter sur un Autre l’entièreté d'un problème qui concerne en réalité toute la société. Ce ping-pong rhétorique ne lutte non seulement pas contre l'antisémitisme, il le renforce en brouillant les repères, en vidant de toute substance la lutte en tant que telle, et il participe in fine à l'impunité croissante vis à vis d'expressions antisémites plus ou moins “ambigües”.

Si je dis ça, c'est simplement pour rappeler quelque chose de basique : la lutte contre l'antisémitisme ne se joue ni dans les élections, ni dans l'hémicycle. Il s'y joue en partie, mais la majorité de la lutte se fait avant tout dans le mouvement social, dans la société civile, par les collectifs militants, les associations, les ONG...etc.

Ceci étant dit, pour ce que vaut ma parole, j'aimerais que l'on arrête de faire de la lutte contre l'antisémitisme un badge auto-décerné de validation éthique et morale. Ça ne veut rien dire et au delà de l'inconsistance de cette posture, c'est un manque de respect envers les personnes juives, et une absence de considération pour l'importance de lutter effectivement contre l'antisémitisme.

Ce que je dis vaut pour tout le monde, politique, militant, citoyen.

La lutte contre l'antisémitisme, au même titre que toute lutte face à une discrimination systémique, doit se réaliser par un élan solidaire et social venant d'en bas. Pour cela, il faudrait déjà que les gens d'en haut écoutent les gens d'en bas...

À l'heure actuelle, je vais être très clair, la menace à laquelle nous faisons face, pas juste les Juif·ves, mais toute la société dans son ensemble, c'est le Rassemblement National. Point.

Ce n'est surement pas pas ici que je vais devoir convaincre les gens du fait que le RN est antisémite, raciste, sexiste, xénophobe, complotiste, queerphobe, anti-tzigane...etc.

Ce que je souhaite simplement rajouter vis à vis de ce sujet en particulier c'est ça : 

Pas une seule voix pour le RN.

Pas une seule voix manquante contre le RN. PEUT IMPORTE QUI C'EST EN FACE.

Ceci étant dit, venons en au nœud.

"Et si c'est un antisémite de la FI en face, comment on vote pour lui ?"

Eh bien je ne saurai répondre autre chose que : "on se pince le nez, on prend son sac à vomi, et on le fait quand même."

Pourquoi ?

Premièrement, parce que le risque du RN au pouvoir est bien trop important et bien trop grave selon moi pour se permettre ne serait-ce que de perdre une seule voix.

Je n'ai jamais fait la morale aux abstentionnistes, et je ne compte pas le faire. Le but n'est vraiment pas d'adopter une posture condescendante, mais de partager avec sincérité et honnêteté mon point de vue de français, socialiste, démocrate, et juif.

Je ne fais pas non plus la morale à mes camarades et compatriotes juif·ves. Je cherche plutôt à leur proposer mon avis sur la question. Libre à elleux de faire ce qu'iels veulent.

Je conçois vraiment le dégoût profond que peut inspirer de voter pour un·e député que l'on exècre. Tout particulièrement lorsque le ou la député a un historique quelque peu problématique vis à vis de l'antisémitisme.

La FI a décidé de se comporter d'une manière détestable depuis un moment, et encore plus depuis la dissolution. J'étais le premier à acquiescer au mot d'ordre "on en parlera le 8". Visiblement, le message n'est pas passé dans les petits salons mélenchonnistes de la FI, vu leurs actions et prises de parole majoritairement assez insupportables et leur déni systématique de toute critique notamment vis à vis de l'antisémitisme.

Cependant, plusieurs choses doivent être bien explicitées.

La FI ce n'est pas le NFP. Le NFP est une coalition de partis de gauche, dont la FI fait partie. Un scénario où la FI prendrait le contrôle total du NFP et gouvernerait le pays avec JLM en premier ministre est tout simplement IRRÉEL. Je ne dis pas ça pour minimiser le problème que constitue le mélenchonnisme chez les insoumis, je dis ça car il est incomparable avec le problème que constitue Bardella à Matignon. Et ce scénario là, du RN au pouvoir, lui il est TRÈS RÉEL.

Il nous convient de réfléchir sérieusement, et de voir ce que l'on a en face des yeux. Le risque fasciste. Le risque de voir la démocratie mourir. Le risque d'un rapprochement avec Poutine et d'une déstabilisation gravissime de l'Europe, sans compter le sort funeste des ukrainien·nes qui ne reçoivent déjà pas assez de soutien. Le risque de voir nos compatriotes racisés se faire traquer, tabassés, expulsés, tués. Le risque de voir les minorités de genre se faire assassiner en pleine rue. Et n'oublions pas non plus le risque antisémite. Ces gens sont complètement antisémites. C'est absolument indéniable pour quiconque n'a pas des clous dans les yeux.

Quel est alors le risque réel d'un vote LFI ?

Honnêtement, je ne le vois pas. Tout risque potentiel émanant d'une partie de LFI est incomparable au péril fasciste venant du RN.

Cela ne veut pas dire que LFI ne constitue aucun souci. Ça veut dire que ces risques potentiels, on pourra tout à fait les adresser avec force et détermination une fois le RN écarté du pouvoir.

Je ne défends pas la FI, et pour être franc, je ne défends pas non plus la gauche. Je défends la société civile en disant ça. Je défends les forces vives qui participent au sursaut antifasciste actuel et qui forment ensemble la base sociale qui donne vie à ce NFP. Je le redis, c'est à nous d'investir la gauche pour lui forcer la main et faire avancer nos luttes. Ce n'est pas à la gauche de nous l'offrir sur un plateau. Ça n'arrivera pas.

Nous sommes ici en face de deux temporalités différentes.

La première, la plus urgente, c'est de barrer la route au RN et de sauver en tout cas temporairement la démocratie.

La deuxième justement est de s'investir dans la vie politique, de se mobiliser de toutes les manières possibles pour pousser la coalition (NFP ou NFP+centre) qui pourra être au gouvernement dans la direction que nous on veut. Cette deuxième temporalité, c’est celle de la lutte sociale, et malheureusement, elle ne pourra redémarrer effectivement que le 8 juillet.

Car avant ça, l'urgence reste le barrage.

Nous n'avons pas le choix. C'est comme ça.

Ce n'est pas à moi que l'on fera le reproche d'invisibiliser ou de minorer l'antisémitisme à gauche. Cela fait plus de deux ans maintenant que je consacre une partie très conséquente de mon temps à cette lutte, et principalement au sein de la gauche. Je me permet de dire que ce sujet, je le connais plutôt bien. Je l'observe, je l'analyse et j'essaie de le combattre depuis bien avant les élections européennes.

Et je peux vous dire que ce n'est pas en boycottant le NFP, où même la FI, qu'on lutte contre l'antisémitisme.

Ce n'est pas non plus en faisant ami-ami avec des fascistes de merde, qui se présentent hypocritement et stratégiquement en "défenseurs des Juifs", qu'on lutte contre l'antisémitisme (sans blague...).

Je souhaiterai que le sujet de la lutte contre l'antisémitisme soit respecté, et soit considéré réellement à la hauteur de son importance.

Les actes antisémitisme augmentent en nombre, côte à côte d'ailleurs avec les actes racistes et xénophobes de manière globale. Un RN au pouvoir ne ferait que faire exploser des chiffres déjà alarmants.

Alors, tout cela étant dit, où voudrais-je en venir ?

J'essaierai de conclure en résumant au maximum.

L'antisémitisme ne se combat pas principalement par les urnes. Il se combat tous les jours partout dans la société. Il se combat par un engagement sincère, réfléchi, et pragmatique. Un mélange de stratégie circonstancielle et d'intransigeance éthique et politique. Toute personnalité politique qui promet de régler d’un coup l’antisémitisme une fois élu·e, soit ment, soit n’a aucune conception réelle et effective de la lutte contre l’antisémitisme.

Faire barrage au RN est nécessaire et pas uniquement parce qu'il est antisémite, mais parce qu'il est aussi raciste, xénophobe, sexiste, queerphobe, anti-tzigane, anti-démocratique, antirépublicain...etc. Aucune lutte ne peut se voir constituer une pierre angulaire décisionnelle qui définit le reste. Le seul engagement antiraciste conséquent est celui qui ne fait aucune hiérarchie entre ces luttes.

La FI n'est pas tout le NFP. Voter pour un candidat LFI, même un détestable, ce n'est pas leur donner le pouvoir, c'est les utiliser pour empêcher le RN d'avoir le pouvoir. Si ça peut rassurer du monde, voyez les comme des outils électoraux qui servent NOS intérêts. Pas l'inverse.

Voilà la ligne que personnellement je tiens :

Voter pour toute personne qui n'est pas le RN, que ce soit la FI ou la majorité présidentielle. Le seul objectif valable d'ici le 8 c'est celui-là : pas de majorité, ni absolue ni relative, pour le RN.

Et voilà un autre aspect de cette ligne, qui n'est pas contradictoire comme certain·es veulent le faire croire :

Je n'ai rien oublié de tous lesdits "dérapages" tout à fait antisémites de certain·es chez la FI. Vous pouvez compter sur toutes les personnes comme moi qui se mordent les lèvres, depuis un bon moment déjà, pour vous rentrer dedans et vous mettre face à vos responsabilités. Ne croyez pas que ce vote vous valide. Il vous oblige. Et on va bien vous le faire comprendre après ce deuxième tour.

Lorsque l'on dit qu'on "lavera le linge sale en famille le 8", ça n'implique pas uniquement de taire les critiques d'ici le 8. Ça veut aussi dire tout simplement que le linge sale c'est une partie d'entre vous (la FI) et qu'on arrive avec tout plein de lessive prête à l'emploi...

A celleux qui lisent ce texte, si vous voulez luttez contre l’antisémitisme, alors on dégage le RN. Elle est là avant tout l’urgence. Et si après le 8 cette envie ne vous est pas passée d’un coup, alors rejoignez les assos, les collectifs, et les groupes qui luttent le reste de l’année contre ce poison.

PAS UNE VOIX POUR LE RN.

PAS UNE VOIX MANQUANTE CONTRE LE RN. QUE CE SOIT UN LFISTE ON UN MACRONISTE OU QUI QUE CE SOIT.