Je vais me risquer à affirmer qu'on est nombreuxses à constater un réel "point de non retour" depuis octobre 2023 en France. Enfin, nombreuxses, autant que peuvent l'être les 0,6% de personnes juives qui habitent ce pays, qui visiblement, sont déjà 0,6% de trop pour certain·es.
Moi perso j'ai l'impression de pas être dans la même dimension que la plupart des gens depuis 1 an et demi. Je regarde, consterné et désespéré, le glissement continu qui s'accélère de plus en plus, et qui semble déranger vraiment très peu de monde.
Non mais sérieux, il se passe quoi là en fait ? C'est quoi ce bordel ?
Entre la sphère médiatique conservatrice (et néo-fascistes pour certains) qui font tout leur possible pour réhabiliter le vieux papi nazi cané, et cette chère gauche qui semble très vite être passée à autre chose concernant leur soit disant détermination à se tenir aux cotés des Juif·ves au moment des législatives où fallait gratter des voix...c'est pas beau à voir.
Je me souviens même avoir écrit début juillet dans un autre texte que c'était bien beau de monter sur ses grands chevaux pendant la campagne électorale, mais que ce serait encore mieux si c'était pas évacué le lendemain des résultats. Je me suis pas trompé là dessus malheureusement.
On apprend vite à le voir quand on est juste une variable d'ajustement pour des partis politiques qui n'en ont rien à cirer de nous. Les minorités discriminées voient très bien de quoi je parles je penses.
Plus d'un an que tout est devant nos yeux. L'antisémitisme se porte à merveille. Il existe des rapports qui le montrent, il y a des gens sérieux qui travaillent là dessus, et puis au delà de ça, je sais pas, ouvrez les yeux peut être. Je vous assure que ça ne nous amuse pas du tout de passer notre vie à essayer d'alerter des gens visiblement indifférents (ou carrément hostiles) à notre condition. Mais non, on continue de nous traiter de chouineurs, de manipulateurs, de privilégiés, simplement parce que l'on ose enfin dire clairement ce qui nous rend la vie putain de compliquée (euphémisme).
On a très clairement dépassé un point de non retour. Et on semble être très peu à s'en rendre compte. C'est irréel ce qui est permis désormais dans certains espaces de gauche aujourd'hui comme discours. Entre LFI qui s'acoquine ouvertement avec le service après vente des (ex-)dieudo-soraliens, le reste du NFP qui n'en a visiblement rien à foutre, l'extrême gauche qui organise des évènements autour de la présence d'une antisémite notoire, et des personnalités médiatiques "de gauche" qui balancent sur des plateaux de médias"de gauche" des trucs comme "l'antisémitisme c'est la faute des institutions qui prétendent représenter les Juifs comme le CRIF"... sans être repris par qui que ce soit d'ailleurs...oui ça commence à faire vraiment beaucoup.
Y'as besoin de vous rappeler que ce genre de thèses ridicules, à une époque c'était le fond de commerce de Dieudo et Soral ?
Y'as besoin de vous rappeler que les victimes de racisme (et d'antisémitisme) ne sont JAMAIS responsables du racisme (ou de l'antisémitisme) qu'iels subissent ?
Y'as besoin de vous expliquer ce qu'il y a d'infiniment problématique dans le fait que ce genre de propos soit devenu banal et acceptable ?
Et pour revenir sur quelque chose dont je me suis toujours pas remis personnellement.
Vous avez idée de ce que ça dit de vous quand vous faites des blagues sur "est ce que vous condamnez le Hamas ?" ? Et avant qu'on essaie de me faire la leçon sur le fait que les chaînes de télé réactionnaires ont abusé à outrance de ça, je vais vous donner un tips. C'était vraiment pas si compliqué au final de condamner le Hamas en fait. Pour le 7 octobre, et puis de manière générale, ça devrait être consensuel à gauche de condamner des fanatiques antisémites de ce genre. Ça n'aurait pas fait de vous un soutien de Netanyahu, ça aurait juste montré que cette milice et ses actions, ce n'est juste pas votre came. Tout simplement.
Et je parles pas des injonctions et assignations racistes faites envers des personnes arabes et musulmanes à qui ont demande de se “dissocier du terrorisme”. Je parle de représentants de partis politiques ou de groupes militants, pas du tout racisés, qui même lorsque c’était des personnes de gauche qui leur demandait de clarifier, refusaient de le faire ou le faisaient avec énormément de mal.
Mais c'était impossible pour tellement de gens, ce qui est proprement ahurissant.
C'était (et c'est encore) pareil lorsque l'on parle des otages israélien·nes. Pour une partie bien trop conséquente de la "gauche", c'était tellement évident que ça leur faisait mal de parler des otages, que c'était forcé. Encore une fois, ça devrait être putain de consensuel de vouloir que des civils innocents ne soient pas retenus en otages et tués.
Mais on est là, 1 an et demi plus tard, et in fine, rien ne s'est amélioré dans ce pays à cet égard. Les antisémites trottinent dans l'espace public, les thèses de Soral sont évoquées dans des médias "de gauche" sans que personne n'y voit le moindre problème, l'extrême droite fait son incroyable numéro de contorsionnisme en refusant la présence de Dieudonné à l'enterrement du vieux papi nazi tout en rendant hommage à ce même vieux papi NAZI...
Et en attendant, bah nous on est forcé de regarder depuis le banc de touche, puisque personne ne nous demande vraiment l'heure. Enfin, c'est pas tout à fait vrai. Parfois ça arrive. Le récent article de Mediapart sur la solitude des Juifs de France et l'Hypercacher était très intéressant. C'est juste dommage de voir comment cet article est reçu par nombre de lecteurices...
Je vous la fait très court : "comment osent-ils se plaindre ses Juifs alors que les palestiniens...etc etc".
On en est là visiblement. Les Juifs de France n'ont plus le droit à la parole parce que c'est visiblement trop compliqué de ne pas nous tenir collectivement responsables de la guerre au proche-orient. Comme quoi, personne n'a rien appris depuis Ozar Hatorah ou l'Hypercacher visiblement. Comme ce cher monsieur qui lors d'une émission sur les attentats de 2015, dont l'Hypercacher, ose balancer que l'antisémitisme c'est la faute du CRIF.
J'ai même pu lire à de bien trop multiples reprises des discours qui se pensent contre l'antisémitisme et qui sont en soi teeeeellement antisémites, comme le fameux "il faut combattre l'antisémitisme parce que sinon les Juifs vont aller en Israël et ça va renforcer le sionisme".
Donc MÊME quand certain·es veulent "lutter contre l'antisémitisme", c'est même pas par principe, c'est même pas par solidarité avec les juifves, c'est par haine du "sionisme".
Je vais juste mettre quelque chose au clair pour les gens comme ça :
On est pas votre propriété, ce n'est pas et ce ne sera jamais à vous de décider où l'on doit aller, comment l'on doit vivre, qui l'on doit être, et pourquoi l'on devrait faire ci ou ca.
Vous n'êtes, pour une grande partie d'entre vous, qu'une bande de petits européens non-juifs (parce que dire goy ça vous fait bobo à votre petit coeur askip) qui se croient permis de nous dicter comment l'on doit exister du haut de votre supposée supériorité morale. Vous vous pensez "déconstruits" et "antiracistes" mais vous avez aucun problème à considérer une minorité comme redevable envers vous par son comportement et ses actions. Vous êtes pour tout dire dans la parfaite lignée de votre héritage politique, social et culturel en tant que français·es.
Je vais même plus perdre mon temps à vous demander de vous remettre en question.
Je vais plutôt m'adresser à mes camarades juifves pour leur dire que non, rien de ceci n'est ni normal, ni acceptable. Vous avez l'impression de vivre un cauchemar ? C'est parce que c'est le cas. Vous avez l'impression d'être déshumanisés ? C'est parce que c'est le cas. Vous vous sentez en danger et vous avez peur ? C'est compréhensible et légitime. Vous êtes infiniment en colère contre la vaste majorité de ce pays ? Vous avez de très bonnes raisons de l'être.
Vous avez l'impression que personne, mis à part nous mêmes, ne comprend ce que l'on dit depuis si longtemps ? Et bien moi aussi.
Au moins, on a nous pour se soutenir. Et si on doit être douze en tout à lutter pour notre dignité, notre humanité, et notre avenir, alors on sera douze et on lâchera rien.
Pourquoi ?
Parce qu'on a pas le choix.
Réfléchissez un peu à ça tous les autres.