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Billet de blog 4 juillet 2024

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Antisémite ?

Au détour de la présentation d’une émission vespérale de France Culture, sur le thème de la guerre entre le Hamas et Israël, c’est à dire entre un Etat, succursale des USA, et un parti politique islamiste palestinien, ainsi formulée ...

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

... après les massacres du Hamas et la riposte israélienne, tout est dit sur la manière dont est traité ce dossier par les media français et, consolation ? quelques autres d’ailleurs.

Discuter du statut du Hamas, systématiquement affublé des épithètes, islamiste et terroriste, autrement qu’en invoquant le caractère abominable, inhumain puisque les militants du Hamas seraient des animaux humains, en intégrant la notion de résistance, c’est de l’antisémitisme.

Personne, sauf quelques possibles provocateurs, n’irait prétendre ne pas être offusqué, écœuré par la brutalité de l’attaque du 7 octobre 2023. Mais, toutes choses égales, comment ne pas l’être autant par l’indifférence générale à l’égard des massacres, la tentative génocidaire perpétrés par l’armée de l’Etat d’Israël, dont le peuple palestinien, tout entier, est la victime ?

Est-ce être antisémite de déclarer qu’Israël va trop loin en tuant méthodiquement des dizaines de milliers de civils palestiniens, vouant les survivants à la famine, au prétexte, sans fondement, que le Hamas se cacherait derrière ce bouclier humain ?

Est-ce de l’antisémitisme de constater que la guerre menée sur la promesse, non tenue par Tsahal, d’en finir avec le Hamas et de libérer les otages est un échec ?

Est-ce antisémite de critiquer la méthode de Netanyahu, dire qu’elle n’est pas bonne, et qu’Israël ferait bien de cesser le feu à Gaza, de calmer les hordes de colons fascistes en Cisjordanie et de négocier ?

On peut voir dans les méthodes du Hamas, et son idéologie, la radicalité d’un islamisme totalitaire assumé, comme mode de gouvernement ; dénoncer un antisionisme et un antisémitisme revendiqués, mais le Hamas, aussi critiquable soit-il, comme parti politique élu, n’en incarne pas moins la résistance des palestiniens, au contrôle de Gaza et à la colonisation armée de la Cisjordanie occupée, par Israël. Ce n’est pas le Fatah qui fait le boulot, c’est le Hamas.

Israël serait engagé dans une guerre existentielle, tandis que le Hamas, serait simplement en quête d’une éradication d’Israël, mû par un antisémitisme sans concession. C’est la thèse qui rend sourd et aveugle les relais de la propagande de Netanyahu et sa bande d’extrême droite fasciste.

A y regarder de plus près, de quoi parle-t-on ? Israël, sous perfusion économique et militaire des Etats-Unis, occupe les territoires palestiniens, ce n’est pas le contraire. Si un peuple est dans une guerre existentielle, c’est bien le peuple palestinien, soumis au terrorisme d’Etat, d’Israël depuis 1967 ; soumis à une occupation, à une colonisation, visant la disparition des palestiniens, sans que cela provoque, dans le reste du monde, une indignation telle que ce pays qui pratique en continu, une violence inouïe sur un peuple pacifique, depuis 70 ans, un commencement de recherche d’une solution.

Rendre à ceux à qui ils appartiennent les territoires pris par la force. C’est la solution que prônait le général De Gaulle.

La haine de l’Islam, des musulmans, l’emporte sur l’antisémitisme viscéral des français parmi lesquels ceux qui écrivent dans les journaux et parlent à la radio quand ils ne s’expriment pas en éructant des imbécilités sur les chaînes de Bolloré.

Ainsi il est convenu que le Hamas est le parti de l’horreur absolu. On oublie les chiffres, qui sont pourtant, l’alpha et l’oméga de l’argument journalistique, la jauge sur laquelle on juge l’intensité de l’horreur. 1100 morts israéliens dont 300 soldats, c’est le bilan de l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023. Les sornettes à propos des bébés découpés et des femmes enceintes éventrées ont fait long feu, et disent ce dont est capable la propagande israélienne, à laquelle souscrivent comme un seul homme les media français.

30 000, c’est le nombre, certainement sous-estimé, des morts palestiniens à Gaza depuis ce 7 octobre 2023. Pourtant, pas un journal, à une ou deux exceptions près, ne considère la guerre existentielle d’Israël d’un point de vue statistique. Pourquoi ? parce qu’il leur faudrait changer de logiciel, de mode de pensée, traiter l’actualité d’un génocide en cours, avec le courage de la vérité, cesser de suivre à la trace, le modèle impérialiste américain auquel les européens et les français, en premier lieu, sont soumis depuis le plan Marshall.

L’antisémitisme n’est plus le mot qui désigne la haine des juifs, non, désormais est antisémite toute personne qui s’aventure à parler du Hamas, sans mentionner les massacres du 7 octobre lesquels ont été suivis d’une riposte israélienne autorisée par le droit de se défendre.

Désormais cet antisémitisme-là, est sans équivalent en termes de perversion de la pensée, le mal, qu’il faut combattre. Pas une opinion, s’agissant des événements tragiques qui se déroulent en Palestine, qui ne soit passée au filtre de l’antisémitisme.

Être ou ne pas être antisémite, là est la question. Tu ne parleras pas du Hamas et même des palestiniens qui sont systématiquement identifiés au Hamas sans que plane sur toi la menace d’un opprobre, le rejet automatique de ton opinion pour cause d’antisémitisme. 

La totémisation de ce concept tordu régit, ordonnance, commande, depuis plusieurs mois le contenu des journaux, et d’une manière générale de tous les canaux d’information.

La liberté d’expression en prend un coup. Les français ont toujours haï les juifs. Ce sont des étrangers, arméniens, espagnols, métèques, juifs et non juifs, communistes, qui ont fait l’essentiel de la guerre existentielle et résisté au nazisme, pendant que les Papon, Bousquet et autres salopards pro nazi, formaient les convois de trains pour transporter des juifs à Auschwitz.

Quelle ironie, d’assister à la panthéonisation, tardive, de Manouchian et sa femme ; un aveu de ce qu’a été la France et ce qu’elle est encore, comme peuple antisémite, c’est à dire qui hait les juifs, et qui, à front renversé, voue, par voie d’une presse malade et dangereuse, comme le titre le Monde Diplomatique de février 2024, ceux qui ont une opinion contraire à un dogme opportuniste et caricatural, aux gémonies.

Quel aveuglement de voir en Yuval Abraham, un juif israélien, documentariste récompensé à la Berlinale, un antisémite, lui, qui raconte l’apartheid vécue, les injustices et la violence de l’occupation et de la colonisation dont est victime, comme palestinien son coréalisateur de no other land, le documentaire récompensé à Berlin.

La trouille et la culpabilité abjectes de Kai Wegner, le directeur de l’événement, l’inconséquence de la déclaration de Olaf Scholtz qui parle d’une position unilatérale quant aux propos de Abraham le bien nommé, qui ne mentionne jamais le 7 octobre comme justification aux actes génocidaires d’Israël, sont les marqueurs du déni d’une réalité insupportable. La voix de Yuval Abraham est utile parce qu’elle n'est pas isolée en Israël, et c’est peut-être là, une toute petite ouverture, vers un autre avenir que celui promis par l’entêtement bestial de Netanyahu.

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