Pour les puristes de la langue, l’empire dit mieux ce qu’est cette influence, cette domination d’un autre, d’une notion, d’une croyance ou d’une drogue.
Une affaire honorablement pliée par une instruction dont on ne peut pas sérieusement penser qu’elle ait été bâclée, le cas Gégé, revient s’échouer sur les bords d’une actualité sous l’empire du Covid.
Ce protagonisme déjà ancien, n’oppose pas plainte pour viol et dénégations, mais empire et haussement d’épaules. Qu’en est-il en réalité de la pulsion d’un Gégé qui n’a pas le scrupule de résister à la tentation d’avoir des rapports sexuels avec une fille assez jeune pour être sa petite-fille et celle de la même, qui accepte les défaveurs de Gégé, puis se plaint d’avoir agi sous son empire ?
Dans une tribune publiée par Libération en février 2020 par Audrey Darsonville, professeure de droit pénal université Paris-Nanterre, il est question de cela. Comment et pourquoi légiférer sur un moyen, une disposition mentale, qui affecte le discernement, quelque chose qui est décrit par la psychanalyse, et Freud en tout premier lieu comme un appareil, en respectant la nécessaire voire l’essentielle clarté dans les termes ? Comment juger en équité un sujet qui questionne la psychanalyse depuis son invention ?
La Loi ne sait punir que les conséquences, les effets de l’empire. Faut-il qu’il en soit autrement ?
Dans une relation, conjugale, amoureuse, amicale, professionnelle, lequel des deux membres d’un binôme ou d’un couple est-il plus sous empire que l’autre ? Tel ou telle se dit être sous mon empire, mais je suis, moi-même sous l’empire de ceux ou celles que je suis censé dominer. Qu’y a-t-il de pervers, de justiciable dans ce concept d’empire quand il n’y a pas de passage à l’acte, pas de violence, pas de réfutation, pas de souffrance, pas de plainte ?
En d’autres termes, l’empire d’une personne sur une autre est parfaitement compatible avec une relation dans laquelle les parties se satisfont du rapport que chacun a consenti en pleine conscience et en pleine confiance ; dans l’acceptation explicite d’un lien de subordination de l’un sur l’autre, que ce soit dans le couple ou dans le rapport professionnel d’un supérieur hiérarchique avec un salarié placé sous sa coupe, d’autant plus que les renversements de situation ne sont pas rares. L’empriseur peut se muer en emprisé par un mouvement de la vie.
La casuistique sur le sujet de l’emprise abonde, dans la réalité, ainsi que dans la littérature, où l’on trouve des exemples comme, Poil de carotte, de Jules Renard, dans lequel honte et empire sont intimement liés. Vipère au poing de Hervé Bazin, où la déception amoureuse et la haine sont les caractéristiques d’un empire, intriqués. La littérature enfantine en fournit, comme Black et Mortimer, toujours en lutte contre le colonel Olrick dont la phrase essentielle et jubilatoire est vous êtes en mon pouvoir à laquelle répond celle de damned je suis fait comme un rat.
Pour finir avec cette évocation de l’empire, dans le contexte de mises en cause de plus en plus nombreuses de personnalités, dues à la libération de la parole initiée par le mouvement Me2, il faut mentionner le grand classique de couples dans lesquelles l’emprise règne en maitre.
C’est la rencontre entre un homme élégant, distingué, émouvant qui correspond de manière parfaite aux attentes de sa future compagne, ou proie. Cet homme ressemble davantage à Landru qu’à Dodo la Saumure.
La future compagne est souvent une rêveuse abandonnique ébahie d’avoir trouvé la perle.