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Billet de blog 9 mars 2021

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Ma chronique #38

La balade aux bourgeons. Faire une balade aux bourgeons, est un concept à la fois, comment dire ? vieux comme la littérature et novateur, voire ultra-contemporain.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

S’agissant d’une déambulation en duo, en trio ou en solo, qui emprunte des itinéraires improvisés, en ville ou à la campagne, la balade aux bourgeons est une activité dont les caractéristiques principales sont le questionnement métaphysique, l’incertitude et le doute.

La marche, la plupart du temps à vive allure, pourrait avoir pour objet, selon certain.es un peu d’inclusif .ve à petites doses ne fait pas de mal, une sorte de fuite en avant. Une fuite de soi, en somme, comme une sortie par la porte de la rue, vers des ailleurs qu’on voudrait enchanteurs et qui déçoivent.

Au cours des balades aux bourgeons, on observe les maisons, les balcons et les terrasses perchés, les gens qui passent en-dessous, les magasins dont les façades ont changé de couleur depuis notre dernier passage ; on voit défiler, au long de nos vifs enjambements, petits sauts et brusques écarts, scandés par un aimable bavardage ou des remarques acerbes, toute sortes de curiosités, des inédits qui étaieront la mémoire du jour.

Les bourgeons, petites lucioles éteintes au bout de branches froncées par les effluves glaciales de l’hiver parisien, sont les essentiels de la balade. Ils émergent, tétons minuscules, dont le vert audacieux écarte les lèvres rigides, les pelures protectrices, manteaux de Saint Thomas qui couvrent à demi la renaissance végétale de la ville.

La balade aux bourgeons, c’est une histoire personnelle, une aventure intime, une traversée de soi avec l’autre, un slalom entre les âmes, un chemin sinueux à travers agacement et sentiment de plénitude.

La balade aux bourgeons, en temps de pandémie, c’est aussi une expérience de la verticalité, de l’errance physique et mentale, une tentative de fuite pour de vrai. C’est aussi toute une vie en 20, 30 000 pas, c’est selon, une traversée de Paris en ligne droite et en folles diagonales, des tours et détours, choses non vues, perceptions non encore éprouvées, impensés en floraisons extravagantes.

Les fenêtres basses, les hautes structures portant cariatides et atlantes, les ajouts disgracieux, les cours charmantes, les arborescences inattendues, les pentes sauvages, pavées de broc, montant à l’assaut d’improbables collines, ces beautés flagrantes dont nous sommes légataires, sont notre rassasiement.

La balade aux bourgeons, c’est une conversation interdite, une douce et fine transgression dont nous partageons les subtilités et les secrets.

La ballade aux bourgeons c’est une chanson sans musique et sans paroles, scansion de blanches et de noires, leurs pas et les miens, qui jouent dans une alternance composée de longue date, un rythme, une danse.

L’autre trottoir, ou brille le soleil, nous appelle. Nous quittons la sombra pour la luz et la fragile chaleur d’un début d’après-midi, filons vers le Sud, visage levé.

Après les chemins, les pauses, voilà la fatigue, le poids des jambes qui épongent l’enthousiasme de la fugue, nous force à apprécier le moment du retour, nous fait cheval qui sent l’écurie, émule en nous une joie neuve, ténue comme un parfum usé, tellement bon !

A la fin de la balade aux bourgeons, il y a la promesse d’un recommencement, demain, sûrement.

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