D’abord, il y a la question de l’organisation des entreprises. Le silo et sa verticalité, comme base du concept de management. Que faire de tous ces managers, qui occupent les paliers des silos ? Le management intermédiaire occupe une masse non négligeable de personnels, qui ne servent qu’à entretenir ce qu’on n’ose plus appeler la culture d’entreprise. Ces petits chefs s’assurent de la ponctualité des salariés, organisent des réunions, dont l’utilité n’est pas prouvée malgré une pratique très ancienne, évaluent leurs subordonnés et rassurent les niveaux de management supérieurs, et la DRH.
Le télétravail remet en question la structure même de l’entreprise classique, son squelette. Pour beaucoup de patrons, le télétravail est un plan B, rien de plus. On ne gère pas une entreprise, on n’envisage pas le développement ou la croissance d’une structure de production, sur la base d’un plan B.
Il y a longtemps que le télétravail aurait pu être considéré comme une solution, une alternative, et aussi, bien entendu comme un projet d’action écologique, écoresponsable. N’empêche, il a fallu une pandémie et des mesures de confinement drastiques pour révéler cette modalité. Ce n’est pas sans raison.
En dehors des questions liées à la nécessaire adaptation des entreprises à une nouvelle donne en matière de management, il est pertinent de réfléchir aux économies de carbone réalisées par les nouvelles immobilités. Le télétravail est écolo : shunter les trajets domicile-travail, dont beaucoup s’effectuent en voiture ou en deux-roues motorisé, diminuer la consommation des produits utiles à l’apparence physique, vêtements, chaussures, cosmétiques, c’est bon pour le climat et pour la planète.
Une autre composante de la problématique, est l’incroyable surface de bureaux, en Ile de France 54,25 millions de m² de surface utile, disponible. Cette abondance, qui fait que l’Ile de France possède un des parcs de bureaux le plus grand du monde, n’est pas liée au dynamisme des entreprises, mais à des opérations immobilières rentables. Les travaux de réhabilitation, de transformation, sont des niches fiscales. Les grandes entreprises ont toutes des filiales spécialisées dans la gestion immobilière.
Le télétravail viderait une partie non neutre des bureaux partout en France, ce qui n’est pas une option pour les entreprises concernées.
Pour les salariés, le télétravail n’est pas plus une évidence que pour les entreprises. Beaucoup en ont fait une expérience désespérante, pendant les confinements, à cause de la rupture d’un lien social nécessaire à leur bien-être et à leur équilibre mental.
Imaginez les célibataires, femmes et hommes, qui n’ont pour vie sociale que la fréquentation quotidienne de leurs collègues, celles et ceux qui vivent dans un foyer toxique, dans un logement exigu, ou la place nécessaire à l’exercice de leur métier manque.
Il est impossible de réfléchir à la question du télétravail sans prendre en compte ces réalités. A travers cette pratique, on perçoit que le monde des buroliers, est complexe. De grandes différences existent entre ceux qui ont les moyens de vivre à Orléans, dans une vaste maison ouverte sur un jardin, et ceux qui n’ont d’autre choix que partager avec leur conjoint et leurs deux enfants un appartement de 3 pièces à Asnières.
Le télétravail, une contribution écoresponsable à la préservation du climat, un progrès social, une contrainte ? Il faudra un peu de temps pour déterminer quels sont les avantages et les inconvénients réels de cette nouvelle manière de penser l’activité burolière.
A part de ça, la rentrée est assez poussive. Tous les jours, on se regarde, en descendant la rue de Maubeuge et on se dit y’a personne ! Chaque année, à la fin des vacances, on décrète que l’activité reprendra certainement dès le début de la dernière semaine du mois d’août. Cette année, on a l’impression que les vacanciers ont décidé de rentrer le plus tard possible. Bon, mais ça c’est dans mon quartier.
Hier soir, nous sommes allés à la Maison de la Poésie, dans la rue Saint Martin dont les bars étaient bondés, assister à la remise du Prix Pierre Giquel, créé par Fabrice Hyber et Pierre-Jean Galdin en hommage au poète, écrivain, critique d’art.
La voix de celui qui disait je ne m’adresse pas à ceux que l’enthousiasme étrangle, à travers ses textes, lus par Anna Mouglalis, résonnait dans celle de la talentueuse actrice, membre du jury du prix.
Les interventions des lauréats, aussi émus que s’ils avaient reçu une palme d’or, Paul B Préciado, honorant le prix qu’il venait de recevoir d’un discours subversif et brillant, le collectif Duuu Radio recevant le sien avec reconnaissance et modestie, ont conclu cet événement conçu avec une simplicité et une élégance que n’aurait pas reniées Pierre Giquel.
Ce matin, en descendant la rue de Maubeuge, je me suis dit, regardant les rares passants et le trafic automobile quasi inexistant, y’ a personne !